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14/02/2008 | FRANCE | N°05/02135

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 février 2008, 05/02135


COUR D' APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80AH. L. / C. R. F.
5ème chambre B ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 FEVRIER 2008

R. G. No 06 / 04738

AFFAIRE :

Florence X... épouse Y...


C /
S. A. S. SYNERFIL en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Octobre 2006 par le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 05 / 02135

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

RÉPUBLIQUE FRAN

ÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE HUIT,
La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affaire ...

COUR D' APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80AH. L. / C. R. F.
5ème chambre B ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 FEVRIER 2008

R. G. No 06 / 04738

AFFAIRE :

Florence X... épouse Y...

C /
S. A. S. SYNERFIL en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Octobre 2006 par le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 05 / 02135

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE HUIT,
La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affaire entre :

Madame Florence X... épouse Y...

...

77163 TIGEAUX
représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T 06

APPELANTE
****************
S. A. S. SYNERFIL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :

...

75015 PARIS
représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 873

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l' article 945- 1 du code de procédure civile, l' affaire a été débattue le 11 Janvier 2008, en audience publique, les parties ne s' y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD- FOLLIARD, Conseiller chargé (e) d' instruire l' affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Madame Jeanne MININI, président,
Madame Catherine ROUAUD- FOLLIARD, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE,

Madame Y... a été engagée en qualité d' assistante administrative et comptable par la société SYNERFIL selon contrat de travail à durée indéterminée du 15 octobre 1992.

Promue aux fonctions de responsable comptabilité paie puis de directrice administrative et financière et ressources humaines en 2001, Madame Y... percevait un salaire brut mensuel de 4 230, 77 € majoré de l' avantage en nature d' une voiture de fonction (216 €).

A l' été 2005, la société TELE PERFOMMANCE FRANCE, est devenue l' actionnaire majoritaire de la société SYNERFIL qui a intègré un groupe coté en bourse.

Le 15 décembre 2005, Madame Y... a saisi le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT de demandes tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail au fondement de la modification de ses fonctions.

Convoquée le 4 janvier 2006 à un entretien préalable fixé le 16 suivant, Madame Y... a été licenciée pour faute grave par lettre du 28 janvier 2006 aux motifs suivants :

- en juillet 2005, Messieurs Z... et A..., nouveau président de SYNERFIL et DRH ont noté l' absence de fiabilité et les retards des reporting financiers ; la directrice administrative et financière et le DRH de la société TELEPERFOMMANCE sont intervenus pour auditer et de nombreuses irrégularités ont été relevées dans la gestion du personnel (représentation du personnel, hygiène et sécurité, durée du travail...) ; il a été demandé à la salariée de se recentrer sur la partie comptable et financière, " Monsieur A... directeur des ressources humaines de Synerfil " mettant en place un plan d' actions pour remettre la société en accord avec des obligations et Madame Y... continuant à être en charge de l' administration du personnel et de la paie ;
- malgré ce soutien, Madame Y... n' a pas amélioré son travail : les résultats comptables ne sont pas fiables, les reporting ne sont pas complets, les dossiers ne sont pas classés et archivés ; les comptes de juin 2005 comportent des erreurs, les numéros verts n' ont été refacturés aux clients qu' avec retard d' où un préjudice pour la société lorsque les clients refusent de les payer,
- un contrôleur de gestion, nommé pour assister Madame Y... ne reçoit pas des informations nécessaires et Madame Y... met une ambiance délétère dans le service ;
- Madame Y... n' a pas fait le nécessaire pour le transfert du système de paie vers un prestataire extérieur ; elle a couvert les irrégularités des contrats de travail à durée déterminée avec le directeur de production qui a été licencié.

Par jugement du 12 octobre 2006, le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT a dit le licenciement de Madame Y... fondé sur une faute grave et n' y avoir lieu à appliquer des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame Y... a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l' audience du 11 janvier 2008 par lesquelles Madame Y... conclut à l' infirmation du jugement en faisant valoir qu'en juillet 2005, les sociétés SVP et TÉLÉPERFORMANCE ont repris la société SYNERFIL qu' elles ont réorganisée pour bénéficier des services du groupe et économiser du personnel ; que ses fonctions cumulant la DAF et la DRH ont été vidées de leur contenu suite à la perte de l' organisation des élections du personnel, du suivi du contentieux prud' homal et des accords d' entreprise confiés à Monsieur A..., DRH, des contrats fournisseurs et clients repris par la direction générale ; qu' un poste de contrôleur financier a été créé ; que lui restaient les seuls bilan et compte de résultat ; que cette modification unilatérale de son contrat de travail fonde sa résiliation aux torts de l' employeur ; que les griefs du licenciement sont imprécis ; que la nouvelle direction connaissait les usages de l' ancienne auxquels elle même se soumettait ; que ses manquements éventuels ne pouvaient intéresser que la période antérieure à septembre 2005 et étaient prescrits en janvier 2006 ; que le reporting de juillet 2005 était estimatif parce qu' elle possédait pas les chiffres définitifs mais que tous les autres reporting avaient été ponctuels ; que l' onglet " receivables " n' était jamais rempli auparavant et l' a été dès la demande de la nouvelle direction ; que les factures étaient archivées hormis celles de l' année en cours et de l'année précédente ; qu' elle a ajusté le projet de l' arrêté de compte du 30 juin 2005 dès son retour de congés payés ; que le retard de refacturation ne concernait que 10 clients dont un seul a réagi ; que les erreurs du prestataire AVEC chargé de créer un nouveau fichier sont à l' origine du retard de la migration entre systèmes comptables et de l' envoi de la DADS U ; que le contrôleur de gestion aurait pu demander au groupe sa propre clé d' accès aux éléments comptables ; que le transfert du système de paie à un prestataire extérieur a attendu la mise en place de la nouvelle convention collective en remplacement de la Syntec ; qu' elle ne signait pas les contrats de travail à durée déterminée et n' en a plus conclu à partir de juillet 2005 ; que la vrai raison de son licenciement est la volonté de la nouvelle société de fusionner les directions et l' absorption de ses fonctions ; qu' elle a respecté la clause de non- concurrence sans contrepartie de son contrat de travail.

Fixant la moyenne de ses salaires à 4 896 €, Madame Y... demande à la cour :

* principalement de :
- prononcer la résiliation du contrat de travail au 15 décembre 2005 (date de saisine du Conseil de Prud' hommes) aux torts exclusifs de l' employeur,
- condamner la société au paiement des sommes de :
. 14 688 € et 1 468, 80 € à titre de préavis et de congés payés afférents,
. 24 896 € à titre d' indemnité conventionnelle de licenciement,
. 84 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
. 11 750 € à titre d' indemnité de la clause de non- concurrence,

* subsidiairement de :
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société au paiement des mêmes sommes y ajoutant :
. 1 224 € au titre du 13ème mois,
et en portant l' indemnité de licenciement à 25 508 €,

* infiniment subsidiairement de :
- dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la société au règlement des indemnités inhérentes,

* en tout état de cause, de condamner la société à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société répond qu' elle n' a pas été réorganisée, l' actionnaire minoritaire étant simplement devenu majoritaire ; qu' ayant constaté de nombreuses irrégularités dans les services comptable et du personnel, elle a adjoint à la salariée l' aide du DRH du groupe et de la DAF de la société Téléperformance sans amputer ses fonctions ; que Madame Y... n' a pas réussi à redresser la situation allant même jusqu' à couvrir un système irrégulier de renouvellement des contrats de travail à durée déterminée ayant généré une condamnation judiciaire de la société ; que le contrôleur de gestion répondant aux besoins analytiques d' une société dépendant d' un groupe coté en bourse avait des fonctions indépendantes de celles de la salariée ; que Madame Y... a participé aux négociations entreprises avec les syndicats à l' automne 2005 et a eu la charge des calculs de l' effectif de l' entreprise ; qu' elle a continué à gérer les contrats de travail dont elle établissait la liste, les licenciements, les congés payés ; que la DAF de la société TÉLÉPERFORMANCE s' est limitée aux aspects de consolidation au niveau du groupe et n' a pas empiété sur les aspects comptables de la société ; que l' appelante connaissait la nullité de la clause de non- concurrence qu' elle n' a pas respectée.

Fixant le salaire mensuel de Madame Y... à 4 611, 54 €, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l' appelante à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l' article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l' exposé des moyens des parties, aux conclusions qu' elles ont déposées et soutenues oralement à l' audience du 11 janvier 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Considérant qu' il appartient au juge d' examiner en premier lieu la demande de résiliation du contrat de travail antérieure au licenciement ; que l' accord de volontés constituant le contrat de travail celui- ci ne peut être modifié unilatéralement sauf à fonder une rupture du contrat imputable à l' employeur ; que la seule variation des tâches traduisant un simple aménagement des fonctions ne constitue pas une modification du contrat de travail ; que le changement de structures de l' entreprise- par la création d' un rattachement hiérarchique nouveau justifié par l' expansion de celle-ci ne constitue pas un déclassement dès lors que le salarié conserve sa qualification professionnelle, ses responsabilités antérieures et sa position hiérarchique ; qu' à l' opposé, le retrait de responsabilités, le confinement systématique d' un salarié dans les attributions secondaires de son emploi constituent une modification de son contrat de travail ; que la résiliation judiciaire produit les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu' au cas d' espèce, Madame Y... exerçait les fonctions- reconnues par son bulletin de paie et la société elle- même- de directrice administrative et financière et des ressources humaines ; qu' aucun " superviseur des ressources humaines " n' intervenait ; qu' à la suite de la modification du capital social et du départ de la directrice de la société, un contrôleur de gestion a été nommé, Monsieur B... ; que Madame Y... n' établit pas qu' il ait exécuté partie de ses tâches ; que l' organigramme suivant ne le mentionne pas en situation de supérieur hiérarchique de l' appelante, que par ailleurs, Monsieur A...- directeur des ressources humaines d' une autre société du groupe- est intervenu dans le périmètre des ressources humaines auparavant dévolu à Madame Y... ; que le nouvel organigramme ne l' inclut pas dans la société SYNERFIL mais l' indique en " support DRH " ; qu' au cours d' une réunion avec les délégués du personnel, la direction a toutefois déclaré que " il n' y a pas à proprement parler de nouvelle organisation mais un changement de direction Madame C... PDG est partie et a été remplacée par P. D... PDG et C. E... DG opérationnel ; Philippe A... a été nommé DRH " ; que les mails produits marquent la prééminence de ce dernier dans les domaines les plus marquants de la gestion du personnel (élections, accord sur la convention collective) et son ascendant hiérarchique sur Madame Y..., la reléguant dans un rôle d' exécutante de tâches secondaires (vérification de liste, renseignement de tableau) malgré le maintien des autres tâches (paie, congés payés...) ; que les termes de la lettre de licenciement sont explicites en ce qu' ils révèlent que Madame Y... a été priée de " se recentrer sur la partie comptable et financière " ; que cette modification portant sur un élément essentiel du contrat de travail a été imposée à la salariée sans que son accord ait été sollicité ; que ce déclassement fonde la résiliation du contrat de travail ; que la date de celui ci sera fixée au jour de la rupture effective du contrat de travail, soit le 28 janvier 2006 ;

Considérant que la résiliation du contrat de travail aux torts de l' employeur emporte les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Madame Y... doit être indemnisée en application de l' article L122- 14- 4 du Code du travail ; qu' au regard de son ancienneté (13 ans), de son âge, de ses charges de famille (2 enfants) et de la durée de sa période de chômage (8 mois), la société sera condamnée à lui verser la somme de 46 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant que Madame Y... sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral en l' absence de preuve de la réalité d' un préjudice distinct de celui résultant d' un licenciement sans cause ;

Considérant que Madame Y... doit percevoir des indemnités de rupture sur la base de la convention collective des prestataires de service appliquée à compter de janvier 2006 après dénonciation de la convention collective Syntec- et d' un salaire moyen de 4 611, 54 € retenu par l' employeur (salaire moyen des trois mois ayant précédé la rupture effective) ; que la société devra lui verser les sommes de 13 834, 62 € et 1383, 46 € au titre de l' indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et de 23 449, 68 € au titre de l' indemnité conventionnelle de licenciement ;

Considérant que la clause de non- concurrence incluse au contrat de travail de Madame Y..., d' une durée de douze mois, ne comportait pas de contrepartie financière ; qu' à ce titre, elle est nulle ; que le respect par le salarié d' une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice ; que Madame Y... recevra à ce titre la somme de 10 000 € ;

Considérant que la société sera condamnée à payer à Madame Y... la somme globale de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile (1ère instance et appel confondus) ;

Considérant que la société qui succombe supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La COUR, statuant publiquement et par décision CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT du 12 octobre 2006 ;

Et statuant à nouveau :

Prononce la résiliation du contrat de travail de Madame Y... aux torts de la société SYNERFIL à la date du 28 janvier 2006 ;

Condamne la société SYNERFIL à payer à Madame Y... les sommes de :

* 46 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 13 834, 62 € et 1383, 46 € à titre d' indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
* 23 449, 68 € à titre d' indemnité conventionnelle de licenciement,
* 10 000 € à titre de la clause de non- concurrence,

Déboute les parties des autres demandes ;

Condamne la société SYNERFIL à payer à Madame Y... la somme globale de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société aux dépens.

prononcé publiquement par Madame MININI, président

Et ont signé le présent arrêt, madame MININI, Président et madame PINOT, Greffier

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 05/02135
Date de la décision : 14/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-14;05.02135 ?
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