COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70Z
19ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 23 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/08122
AFFAIRE :
Cécile Marie Charlotte Y...
C/
SAFER de l'Ile de France
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Octobre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
No chambre : 2
No Section :
No RG : 05/01485
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP TUSET
SCP DEBRAY
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Mademoiselle Cécile Marie Charlotte Y...
née le 10 Juin 1970 à MONTMORENCY (95)
... SUR OISE
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU Avoués - No du dossier 20060584
Rep/assistant : Me Marc Z... (avocat au barreau de VERSAILLES)
APPELANT
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SAFER de l'Ile de France
Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France inscrite au RCS de Commerce de Paris sous le numéro B 642 054 522 ayant son siège social ... prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN Avoués - No du dossier 07000752
Rep/assistant : Me Thierry A... (avocat au barreau de CRETEIL)
INTIMEE
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Octobre 2007, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, Président,
Madame Nicole BOUCLY-GIRERD, conseiller,
Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nyembo B... ET PROCEDURE
Mademoiselle Cécile Y... est propriétaire d'une parcelle située à AMENUCOURT lieudit "le Pont aux Vaches", acquise en Février 2002. Elle a consenti une promesse de vente de cette parcelle à un acquéreur pour le prix de 27 500 €, et la SAFER DE L'ILE DE FRANCE, par lettre du 1er Juillet 2004, a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption, pour le prix de 5 890 €.
Mademoiselle Cécile Y..., par assignation en date du 30 Décembre 2004, a saisi le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE d'une demande de nullité de ce droit de préemption, arguant de l'inexistence d'un tel droit compte tenu de la nature de la parcelle, de l'insuffisance et l'inexactitude des motivations avancées par la SAFER; en cours de procédure elle a également contesté le prix proposé par cette dernière.
Le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE, par jugement en date du 2 Octobre 2006, a déclaré Mademoiselle Cécile Y... irrecevable en sa demande tendant à contester le prix proposé par la SAFER DE L'ILE DE FRANCE, débouté Mademoiselle Cécile Y... de l'ensemble de ses demandes, et la SAFER DE L'ILE DE FRANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, laissé les dépens à la charge de Mademoiselle Cécile Y....
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Mademoiselle Cécile Y... a interjeté appel, et, aux termes de ses dernières écritures en date du 20 Septembre 2007, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la Cour, sous le visa des articles L 143-1 à L 143-6 et R 143-2 du code rural, de :
- déclarer la SAFER DE L'ILE DE FRANCE irrecevable et subsidiairement mal fondée à faire valoir son droit de préemption, en conséquence déclarer nul et de nul effet le droit de préemption mis en oeuvre sur la parcelle lieudit "Le Pont aux Vaches" cadastrée section No 190,
- a titre subsidiaire, si la Cour déclarait le droit de préemption de la SAFER DE L'ILE DE FRANCE recevable et bien fondé, déclarer Mademoiselle Cécile Y... recevable et bien fondée en sa contestation du prix proposé par la SAFER DE L'ILE DE FRANCE, et fixer le prix de vente de la parcelle concernée à la somme minimale de 33 000 €,et, en tant que de besoin, condamner la SAFER DE L'ILE DE FRANCE au paiement de cette somme,
- condamner la SAFER DE L'ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SAFER DE L'ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
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La SAFER DE L'ILE DE FRANCE, aux termes de ses dernières écritures en date du 5 Septembre 2007, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles exposés par la SAFER DE L'ILE DE FRANCE, en conséquence déclarer Mademoiselle Cécile Y... irrecevable en sa contestation du prix et mal fondée en ses autres demandes et l'en débouter,
- constater que la vente par Mademoiselle Cécile Y... de la parcelle située commune d'AMENUCOURT (95) lieudit "Le Pont aux Vaches" cadastrée section DO No 190 d'une superficie de 6 570 M² moyennant le prix de 5 890 € est parfaite au profit de la SAFER DE L'ILE DE FRANCE,
- dire que l'arrêt à intervenir vaudra, à compter de sa signification, acte de vente des droits des biens immobiliers ci-dessus spécifiés et pourra être publié selon les formes prescrites par la publicité foncière,
- condamner Mademoiselle Cécile Y... au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
DISCUSSION
Pour s'opposer à l'exercice par la SAFER DE L'ILE DE FRANCE d'un droit de préemption sur la parcelle, Mademoiselle Cécile Y... fait en premier lieu valoir que celle-ci n'est pas soumise au droit de préemption tel que défini par les articles L 143-1 et R 143-2 du code rural, au motif qu'elle n'a pas un usage agricole ou forestier, et est exclue du droit de préemption par l'article L 143-4 6o du même code, s'agissant d'une surface boisée.
Elle discute par ailleurs la motivation telle qu'exposée par la SAFER se référant à la lutte contre la spéculation foncière et à la réalisation de projets de mise en valeur du paysage et de protection de l'environnement.
Elle conteste enfin le prix proposé par la SAFER DE L'ILE DE FRANCE.
Sur l'existence du droit de préemption
L'article L 143-1 du Code Rural institue au profit des SAFER un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole .ou de terrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 143-7.
L'article R143-2 prévoit que pour l'application de l'article L. 143-1, sont considérés comme fonds agricoles ou terrains à vocation agricole, notamment, les immeubles non bâtis susceptibles de faire l'objet d'une opération d'aménagement foncier prévue par l'article L. 121-1 ou compris dans un espace naturel et rural, à l'exception : de ceux qui, avant la date prévue pour leur aliénation, sont le support d'un équipement permanent en usage ou d'une activité, sans rapport avec une destination agricole ou forestière...des surfaces boisées qui ne peuvent pas faire l'objet d'un droit de préemption en application du 6º de l'article L. 143-4.
L'article L 143-4 6o du même code dispose que ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption... les acquisitions de surfaces boisées, sauf .... si elles ont fait l'objet d'une autorisation de défrichement ou si elles sont dispensées d'une déclaration de défrichement en application de l'article L. 311-2, 3º, du code forestier...
La parcelle située à AMENUCOURT lieudit "le Pont aux Vaches" cadastrée section D no 190 pour une superficie de 65 a 70 ca, située en zone ND, est classée en nature de terre ainsi qu'il est mentionné sur la matrice cadastrale.
Si cette parcelle ne peut recevoir la qualification de parcelle boisée au sens des textes ci-dessus rappelés, elle est néanmoins plantée d'arbres divers tels que peupliers en bordure de ru, sapins, noisetiers, acacias, autres conifères, pommiers, bouleaux et diverses autres essences d'arbres ; la présence de tels arbres, qui exclut une exploitation agricole de la parcelle, ne peut être imputée au seul fait qu'elle aurait été laissée à l'état de friche.
Sur cette parcelle est édifié un bungalow construit en dalle de béton et parpaings de béton couvert en tôle ondulée" . La SAFER DE L'ILE DE FRANCE a elle même indiqué dans sa décision d'exercer son droit de préemption que cette parcelle, à la date de la déclaration d'intention d'aliéner, était en nature réelle de terrain d'agrément ; elle avait été acquise par Mademoiselle Cécile Y... en 2002, d'une association de pêche, qui n'avait pas vocation à en faire un usage agricole ou forestier.
L'ensemble de ces éléments suffit à démontrer qu'avant son aliénation et à tout le moins depuis plus de 2 ans cette parcelle était le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ; comme telle, elle n'est pas soumise au droit de préemption de la SAFER.
Dans ces conditions, le jugement entrepris doit être infirmé, et la décision de la SAFER DE L'ILE DE FRANCE d'exercer son droit de préemption sur la parcelle lieudit "Le Pont aux Vaches" cadastrée section No 190, sera déclarée nulle.
Sur les demandes accessoires
Mademoiselle Cécile Y... ne démontre pas que le comportement de la SAFER DE L'ILE DE FRANCE puisse être considéré comme fautif, et sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
La SAFER DE L'ILE DE FRANCE supportera les dépens de première instance et d'appel, et devra verser à Mademoiselle Cécile Y... une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 2 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
STATUANT À NOUVEAU,
ET Y AJOUTANT,
DÉCLARE nulle la décision de la SAFER DE L'ILE DE FRANCE d'exercer son droit de préemption sur la parcelle située à AMENUCOURT lieudit "Le Pont aux Vaches" cadastrée section No 190, appartenant à Mademoiselle Cécile Y...,
DÉBOUTE Mademoiselle Cécile Y... de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
CONDAMNE la SAFER DE L'ILE DE FRANCE à payer à Mademoiselle Cécile Y... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE la SAFER DE L'ILE DE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,