COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE
CODE NAC : 22A
DU 13 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/08056
AFFAIRE :
Eric, Sydney, Pierre, Ely Y...
C/
Bernadette Louise Z... épouse Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 octobre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 3
No cabinet : 2 JAF.
No RG : 05/13793
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me RICARD
SCP LEFÈVRERÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Eric, Sydney, Pierre, Ely Y...
né le 20 novembre 1959 à TLEMCEN (ALGÉRIE)
...
92500 RUEIL MALMAISON
représenté par Me Claire RICARD, avoué - No du dossier 260693
assisté de Me Pascaline SAINT ARROMAN PETROFF (avocat au barreau de PARIS)
APPELANT
****************
Madame Bernadette Louise Z... épouse Y...
...
92500 RUEIL-MALMAISON
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU, avoué - No du dossier 260219
assistée de Me Florence B... (avocat au barreau de NANTERRE)
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2007, en chambre du conseil, Sylvaine COURCELLE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, président,
Madame Martine C... DE LA MOTTE COLLAS, conseiller,
Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Denise D... ET PROCÉDURE
Du mariage de Eric Y... et de Bernadette Z... sont issus trois enfants :
-Aurélie, née le 9 janvier 1991,
-Adrien, né le 27 janvier 1993,
etSophie, née le 28 mars 1995.
Le divorce des époux a été prononcé à leurs torts partagés le 16 octobre 2003 par jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE.
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Saisie de l'appel de cette décision, la cour de céans a rendu un arrêt le 6 janvier 2005 qui a notamment :
-prononcé le divorce aux torts exclusifs d'Eric Y... ;
-dit qu'Eric Y... devait verser à Bernadette Z... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues ;
-dit qu'à défaut de meilleur accord, le droit de visite et d'hébergement du père s'exercerait :
- en dehors des périodes de vacances scolaires : les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois, dès la fin des classes le vendredi soir au lundi matin rentrée des classes,
- la première moitié des vacances scolaires les années impaires et la seconde moitié les années paires ;
-rejeté les autres demandes des parties ;
-confirmé le jugement pour le surplus ;
-condamné Eric Y... aux entiers dépens.
Cet arrêt a été cassé le 20 juin 2006 par arrêt de la Cour de cassation qui a renvoyé l'affaire devant la cour de céans, autrement composée (rg 06/6183).
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Saisi par Bernadette Z..., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE a rendu le 8 décembre 2005 un jugement avant-dire-droit qui a notamment :
-confié à Bernadette Z... l'exercice exclusif de l'autorité parentale ;
-organisé le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... ;
-ordonné une expertise psychologique.
Monsieur E... a déposé son rapport le 13 juin 2006.
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Parallèlement, le 5 juillet 2006, le juge des enfants a ordonné le maintien de la mesure d'AEMO, pour les trois enfants, pour une durée d'un an. Le 20 juillet 2006, il a ordonné le placement d'Adrien au centre de rattrapage scolaire de MAISON-LAFFITTE, pour une durée d'un an.
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Par jugement contradictoire du 27 octobre 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE, a notamment, vu le rapport de monsieur E... :
-rejeté la demande de contre-expertise présentée par Eric Y... ;
-confié à Bernadette Z... l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard de ses enfants mineurs dont la résidence habituelle était fixée à son domicile, sous réserve des décisions du juge des enfants ;
-dit qu'à défaut d'accord, le droit de visite et d'hébergement de Eric Y... s'exercerait, à l'égard d'Adrien et de Sophie :
-en dehors des vacances, les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois, du vendredi ou samedi fin des classes au dimanche 19 heures ;
-ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, en alternance : la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires ;
-dit qu'à l'égard d'Aurélie, le droit de visite et d'hébergement de Eric Y... s'exercerait en accord avec sa fille, compte tenu de l'âge de cette dernière ;
à charge pour Eric Y... d'aller chercher ou faire chercher et reconduire ou faire reconduire les enfants au domicile de leur mère ;
-fait masse des dépens.
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Eric Y... a interjeté appel de cette décision le 14 novembre 2006, dans ses dernières conclusions au fond du 22 mai 2007, il a demandé à la Cour d'infirmer la décision entreprise et de :
-ordonner une contre-expertise :
et dans l'attente du dépôt du rapport :
-fixer la résidence d'Adrien à son domicile ;
-dire que les parents exerceront conjointement l'autorité parentale à l'égard des enfants mineurs ;
-dire que les droits de visite et d'hébergement respectifs de chacun des parents s'exerceront librement, avec une mesure de médiation ;
-condamner Bernadette Z... à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-la condamner aux dépens.
Il rappelle qu'il n'a pas été cité régulièrement en raison de l'absence de diligences de l'huissier et du refus du juge de rouvrir les débats.
Eric Y... relève la fragilité et la dangerosité de Bernadette Z..., la souffrance d'Adrien qui vit son placement comme une punition.
Le 22 mai 2007, Eric Y... a également introduit un incident de sursis à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale. Bernadette Z... s'est opposée à la demande. L'incident a été joint au fond.
Dans ses dernières conclusions au fond du 4 septembre 2007, Bernadette Z... a demandé à la Cour de débouter Eric Y... de son appel, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de :
-constater le placement d'Adrien et de Sophie ;
-dire qu'à l'issue de ce placement :
-la résidence des trois enfants mineurs sera fixée à son domicile ;
-elle exercera seule l'autorité parentale à l'égard des enfants mineurs ;
-Eric Y... bénéficiera à l'égard d'Aurélie et de Sophie d'un droit de visite et d'hébergement qui sera soumis à l'accord des enfants ;
-Eric Y... bénéficiera à l'égard d'Adrien d'un droit de visite et d'hébergement qui s'exercera une fin de semaine sur deux et durant systématiquement, la seconde moitié des vacances scolaires ;
-subsidiairement, ordonner l'audition de Sophie ;
-condamner Eric Y... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-condamner Eric Y... aux entiers dépens.
Bernadette Z... fait valoir :
-qu'elle est la plus à même de respecter les enfants, de les libérer du conflit et de respecter l'image du père ;
-qu'Eric Y... est animé par la volonté de reprendre la vie commun ; qu'il envahit la vie des enfants avec des problématiques familiales occultant les souffrances des mineurs ;
-que le comportement harcelant d'Eric Y... est contraire à leur intérêt, ce qui a conduit le juge des enfants à placer Adrien.
*
La clôture du dossier a été prononcée le 4 septembre 2007, l'affaire devant être plaidée le 9 octobre 2007.
Le 26 septembre 2007, Eric Y... a demandé la révocation de la clôture. Cette demande a également été jointe au fond.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les dispositions non critiquées de la décision seront confirmées ;
Sur la demande de révocation de clôture
Considérant que, selon l'article 15 du nouveau code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître, mutuellement et en temps utile, les moyens de faits sur lesquels elles fondent leur prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune d'elles soit à même d'organiser sa défense ;
Que, selon l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Considérant que le conseil d'Eric Y... a demande la révocation de la clôture prononcée le 4 septembre 2007 afin de produire un rapport d'expertise médico-psychologique rédigé par le docteur F... et daté du 28 août 2007 ;
Considérant qu'en application de l'article 784 du nouveau code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il existe une cause grave ;
Considérant qu'en l'espèce, l'expertise du docteur F... a pour objet de contredire les conclusions du rapport d'expertise déposé le 13 juin 2006 ;
Considérant que le rapport n'est ni contradictoire ni probant pour les décisions à prendre dans le cadre du présent arrêt ;
Considérant qu'il en résulte qu'Eric Y..., qui avait la maîtrise de sa preuve et qui connaissait depuis plus d'un an la teneur du rapport qu'il conteste, ne poursuit qu'un but dilatoire pour retarder l'issue des procédures, d'autres incidents qu'il a introduits ayant été joints au fond ;
Considérant qu'à défaut de motifs graves et eu égard au caractère dilatoire de la demande, il convient de rejeter cette prétention ;
Sur la demande de sursis à statuer
Considérant qu'Eric Y... a demandé le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale qu'il a déposée contre son épouse devant le tribunal correctionnel pour dénonciations calomnieuses ;
Considérant que le juge peut suspendre la procédure s'il estime que la décision pénale à intervenir a une conséquence sur la solution du procès civil ;
Considérant que la citation délivrée le 5 mars 2007 vise des faits du 13 mai 2004 ;
Considérant que le délai passé entre les faits invoqués et le dépôt de la plainte démontre que la demande d'Eric Y... a pour objet de retarder l'issue de la procédure en cours ; que la décision à intervenir - bien postérieure à l'action en divorce - n'a aucune influence sur la décision qui sera prise quand aux griefs invoqués par les époux à l'appui de leurs demandes en divorce, aux mesures à prendre pour les enfants ou aux modalités financières ;
Considérant qu'il en résulte qu'Eric Y... sera débouté de cette prétention ;
Sur la demande de contre-expertise et sur la demande d'audition de Sophie
Considérant qu'Eric Y... ne démontre pas que les conclusions du rapport de monsieur E... soient partiales ou superficielles ;
Considérant que les conclusions de ce rapport rejoignent celles de madame G... l'ETIENNE ainsi que celles des éducateurs et psychologues désignés par le juge des enfants ;
Considérant que les enfants ont été soumis à de multiples examens ;
Considérant que la demande de contre-expertise est sans intérêt, en l'état, alors que les enfants ont besoin d'être éloignés de cette problématique familiale ;
Considérant que, Sophie a déjà été entendue par les différentes intervenants - et notamment par les services du juge des enfants à qui elle a rapporté son désir de ne plus voir son père et d'être placée dans un internat dont l'adresse ne devait pas être communiquée ;
Considérant qu'une nouvelle audition de l'enfant ne parait pas nécessaire ;
Sur la médiation
Considérant qu'en l'état des rapports conflictuels entre les parties, il n'y a pas lieur d'ordonner une médiation ;
Sur les mesures relatives aux enfants
Considérant que la rupture du couple parental a été traumatisante, tant pour les enfants que pour chacun des époux ;
Considérant qu'Eric Y... est animé par la volonté constante de reprendre la vie commune et qu'il envahit la sphère intime de Bernadette Z... et de ses enfants de ses problèmes personnels ;
Considérant que sa souffrance ne lui permet pas de percevoir celle de ses enfants ;
Considérant que si les premiers experts n'avaient pas relevé de troubles chez Eric Y... et avaient reconnu la fragilité psychologique de Bernadette Z..., l'expertise de monsieur E... ainsi que les rapports des psychologues et de madame H... l'ETIENNE - effectués à la demande du juge des enfants - ont démontré qu'Eric Y... souffrait d'une pathologie de type paranoïaque et qu'il refusait d'accepter la séparation ;
Considérant que son mode de relations harcelant - tant à l'égard des enfants que de Bernadette Z... - met en danger leur équilibre psychique ;
Considérant que le juge des enfants a placé Adrien dont l'équilibre psychique était menacé par les intrusions d'Eric Y... ; que Sophie a également été placée à sa demande, afin de fuir l'oppression paternelle ;
Considérant que si Aurélie et Sophie se défendent par un refus de voir leur père, Adrien a du mal à se sortir de cette problématique qui le détruit ;
Considérant que le placement provisoire d'Adrien a été reconduit par le juge des enfants, afin de préserver son équilibre face aux intrusions de son père qui ne respecte pas les décisions de ce magistrat ;
Considérant qu'en effet, Eric Y... ne respecte pas les décisions de justice ; qu'il utilise Adrien pour réaliser son obsession de voir revenir Bernadette Z... au domicile conjugal ; qu'il est dans l'incapacité de se remettre en cause et de sortir de cette problématique "déréelle" ;
Considérant que Bernadette Z... ne souffre d'aucun aspect psycho-pathologique qui serait de nature à altérer ses facultés maternelles ;
Considérant qu'Eric Y... étant dangereux pour l'équilibre des enfants, il convient - dans l'intérêt supérieur de ces derniers qui prime sur les droits habituellement accordés au père - de dire que Bernadette Z... exercera seule l'autorité parentale, à charge pour elle de suivre les décisions prises par le juge des enfants et de respecter la décision de placement en cours d'exécution ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que les experts ont relevé les difficultés de chacun des enfants, qui nécessitent un aménagement du droit de visite d'Eric Y... ;
Considérant que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être soumis à la seule volonté des enfants ;
Considérant que, pour Adrien et Sophie le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... s'exercera selon les conditions prévues par le juge des enfants pendant la durée du placement, étant toutefois précisé que, pour les vacances, le droit d'Eric Y... s'exercera tous les ans durant la seconde moitié de celles-ci ;
Considérant qu'à l'issue du placement, le droit de visite et d'hébergement de Eric Y... s'exercera dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt, pour tenir compte du fait qu'il n'a pas respecté les droits de Bernadette Z... en gardant Adrien en dehors des dates fixées ;
Considérant que le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... à l'égard d'Aurélie s'exercera, à compter du présent arrêt, comme il sera précisé au dispositif ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Bernadette Z... les frais irrépétibles du procès, évalués à la somme de 3 000 euros ;
Considérant qu'Eric Y... ayant succombé en ses prétentions, gardera la charge de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,
CONFIRME le jugement rendu le 27 octobre 2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE sauf sur l'organisation du droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... ;
LE RÉFORME sur ces points et, statuant à nouveau :
-DIT que durant le temps du placement d'Adrien et de Sophie, le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... à leur égard s'exercera selon les décisions rendues par le juge des enfants - étant toutefois précisé que, pour les vacances, le droit d'Eric Y... s'exercera tous les ans durant la seconde moitié de celles-ci ;
-DIT que pour Sophie, à l'issue de son placement, et pour Aurélie, à compter du présent arrêt, le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... s'exercera :
-hors vacances scolaires, le premier week-end de chaque mois, du vendredi (ou samedi si les enfants ont cours ce jour-là) fin des classes au lundi rentrée des classes ;
-DIT qu'à l'égard d'Adrien, le droit de visite et d'hébergement d'Eric Y... s'exercera, à l'issue du placement :
-hors vacances scolaires, les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois, du vendredi (ou samedi si Adrien a cours ce jour-là) fin des classes au lundi rentrée des classes ;
-la deuxième moitié de toutes les périodes de vacances ;
à charge pour lui de venir chercher ou faire chercher les enfants et de les raccompagner ou faire raccompagner au domicile de leur mère ;
CONDAMNE Eric Y... à payer à Bernadette Z... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Eric Y... aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement, pour ces derniers, par la SCP LEFÈVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT
Madame Sylvaine COURCELLE, Président, qui l'a prononcé
Madame Denise VAILLANT, Greffier présente lors du prononcé
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT