COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
12ème chambre section 2
F. D. / P. G.
ARRET No Code nac : 59C
contradictoire
DU 08 NOVEMBRE 2007
R. G. No 06 / 04516
AFFAIRE :
S. A. GARAGE GREMEAU
C /
SAS DAIMLER CHRYSLER FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juin 2006 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
No Chambre : 3
No Section :
No RG : 2003F3132 jonction No 2004F02586
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP JUPIN et ALGRIN
SCP DEBRAY-CHEMIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S. A. GARAGE GREMEAU (et SAS selon extrait Kbis) Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 015 752 405 RCS DIJON, ayant son siège 107 Avenue Roland Carraz 21300 CHENOVE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués-No du dossier 022608
Rep / assistant : Me Thibault DE MONTBRIAL, avocat au barreau de PARIS.
APPELANTE
****************
SAS DAIMLER CHRYSLER FRANCE Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 622 044 287 RCS VERSAILLES, ayant son siège Parc de Rocquencourt 78150 ROCQUENCOURT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués-No du dossier 06000578
Rep / assistant : la SCP LOUIS ET JOSEPH VOGEL, avocats au barreau de PARIS.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2007 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François DUCLAUD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Monsieur François DUCLAUD, Conseiller, (rédacteur)
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La société DAIMLER CHRYSLER FRANCE est l'importateur en France des véhicules neufs de la marque MERCEDES-BENZ qu'elle distribue par un réseau de distributeurs indépendants.
La société GARAGE GREMEAU, sis à CHENOVE (Côte d'Or) était concessionnaire exclusif pour les ventes de voitures particulières neuves Mercédes par contrat conclu le 17 octobre 1996 pour une durée indéterminée et ce, sur le territoire dit " de la concession de Dijon ".
Courant 2000, DAIMLER CHRYSLER FRANCE a décidé de restructurer son réseau en supprimant un certain nombre de distributeurs pour constituer de grandes " plaques " régionales de distribution de véhicules neufs de marque Mercedes-Benz.
Le 08 janvier 2001, la société DAIMLER a informé la société GARAGE GREMEAU que la " plaque Bourgogne Nord " serait attribuée à Messieurs Y... et K... Il résulte du compte-rendu de l'entretien du 08 janvier 2001 que les dirigeants de la société GREMEAU ont indiqué à la société DAIMLER ne pas être vendeurs du fonds détenu par leur société, mais accepter cependant d'étudier l'offre de reprise de Messieurs Y... et CHWATACZ pour la totalité de leur activité Mercedes et Smart (société d'exploitation et immobilier).
Ayant fait estimer son fonds par le Cabinet Price Waterhouse Coopers, et contestant cette estimation dans une lettre à ce cabinet en date du 11 juin 2001, la société GARAGE GREMEAU a fait connaitre, début juin 2001, à la société DAIMLER qu'elle refusait de vendre son fonds ou de s'associer avec Messieurs Y... et K...
Le 25 juin 2001, DAIMLER a notifié à GARAGE GREMEAU qu'elle résiliait le contrat de concession pour le 30 juin 2003, donc en respectant un préavis de deux ans.
Deux contentieux entre les parties s'en sont suivi :
-le contentieux né du refus d'agrément de GREMEAU en qualité de distributeur agréé à compter de juillet 2003, en principe étranger au litige,
-le contentieux né de la résiliation du contrat de concession avec un préavis de deux ans, qui est l'objet du présent litige.
Pour apprécier les chefs du jugement déféré relatifs au sursis à statuer et les échanges de conclusions entre les parties sur ce point, il est nécessaire d'analyser le contentieux né du refus d'agrément de distributeur agréé à compter de juillet 2003.
I-Sur le contentieux né du refus d'agrément du Garage GREMEAU par DAIMLER
1) Concernant le refus d'agrément du GARAGE GREMEAU en qualité de réparateur agréé :
La société DAIMLER a été condamnée par jugement du tribunal de commerce de DIJON du 25 septembre 2003 à agréer le GARAGE GREMEAU en cette qualité. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de DIJON du 29 janvier 2004. Le pourvoi en cassation formé contre cette décision par DAIMLER a été rejeté par arrêt du 07 mars 2006.
2) Le même jugement du tribunal de commerce de DIJON du 25 septembre 2003 a dit que la société DAIMLER n'avait pas commis de faute en refusant à la société GARAGE GREMEAU la qualité de distributeur de véhicules neufs de marque Mercedes, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de DIJON du 1er avril 2004. Saisie sur pourvoi de la société GARAGE GREMEAU, la Cour de Cassation, par arrêt du 28 juin 2005 et arrêt rectificatif du 12 juillet 2005, a cassé l'arrêt rendu le 1er avril 2004 mais seulement en ce qu'il a dit que DAIMLER avait pu sans faute refuser l'agrément de la société GARAGE GREMEAU en qualité de distributeur de véhicules neufs, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de PARIS.
II-Sur le contentieux né de la résiliation du contrat
Par acte du 09 juillet 2003, la société DAIMLER a assigné le GARAGE GREMEAU devant le tribunal de commerce de VERSAILLES en paiement de 100. 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que ledit GARAGE GREMEAU aurait violé une disposition du contrat de concession en vendant des véhicules neufs de marque Mercedes à un revendeur hors réseau.
En réplique, la société GARAGE GREMEAU a sollicité la condamnation de DAIMLER FRANCE à lui payer 100. 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
De son côté, la société GARAGE GREMEAU, par acte du 23 avril 2004, a assigné DAIMLER CHRYSLER FRANCE devant le tribunal de commerce de VERSAILLES en indemnisation à raison des manquements suivants à ses obligations contractuelles ainsi qu'à son obligation de bonne foi et de loyauté contractuelle sur le fondement de l'article 1134 alinéa 1 et 3 du code civil :
-DAIMLER a fait obstacle à la cession du fonds de commerce du GARAGE GREMEAU tout en permettant à son successeur ETOILE 21 de s'approprier sans bourse délier une partie importante de ses actifs,
-DAIMLER a perturbé la bonne exécution du préavis (incitation faite à une partie du personnel du GARAGE GREMEAU de travailler chez ETOILE 21 et détournement du fichier " clients " de GREMEAU),
-DAIMLER a refusé de verser la prime sur objectif au titre de l'exercice 2003,
-DAIMLER a manqué à son obligation de bonne foi à l'occasion de la fixation du taux de financement du crédit fournisseur qu'elle a consenti depuis des années à la société GARAGE GREMEAU.
GARAGE GREMEAU réclamait, en conséquence, la condamnation de DAIMLER au paiement de 1. 998. 695 euros, équivalent d'une année de marge brute sur la moyenne des trois derniers exercices non perturbés.
A titre subsidiaire et en réparation de la même faute, le GARAGE GREMEAU réclamait une somme de 903. 412 euros correspondant aux pertes subies pour la première fois de son histoire sociale au terme de l'exercice 2003.
Enfin, la société GARAGE GREMEAU demandait en tout état de cause à la société DAIMLER de lui verser " pour les raisons sus-énoncées " les sommes de 259. 393,06 euros et 63. 325,08 euros.
Par jugement du 12 novembre 2004, le tribunal de commerce de VERSAILLES a joint les deux instances et tenant compte de ce qu'une plainte pour faux en écriture avait été déposée au Parquet de Versailles le 24 mars 2004 par DAIMLER, il a sursis à statuer jusqu'à ce que soit connu le sort de l'action pénale engagée par la société DAIMLER.
Par arrêt du 18 mai 2005, la cour d'appel de VERSAILLES a notamment confirmé le jugement en ce qu'il a décidé de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale sauf à préciser que ce sursis était limité à la demande formée par la société DAIMLER CHRYSLER FRANCE à l'encontre de la société GREMEAU au titre de la violation prétendue du contrat de concession, et à celle formée par la société GREMEAU au titre de la prime d'objectif 2003 non versée.
Compte tenu du classement sans suite de la plainte déposée par DAIMLER auprès du Parquet de Versailles, la société GARAGE GREMEAU a saisi de nouveau le tribunal de commerce de VERSAILLES en demandant, dans des conclusions du 23 septembre 2005, de dire que la résiliation du contrat de concession en date du 25 juin 2001 est abusive et déloyale, et de condamner la société DAIMLER à lui verser 22. 425. 573,75 euros au titre des préjudices subis.
Le 13 octobre 2005, la société DAIMLER a déposé une plainte contre x pour faux, usage de faux, tentative d'escroquerie et escroquerie devant le Doyen des juges d'instructions de Dijon.
Le tribunal de commerce de VERSAILLES a, par jugement du 09 juin 2006, décision déférée :
-sursis à statuer sur la demande en paiement d'une prime formée par la société GARAGE GREMEAU dans l'attente du sort réservé à la plainte pénale,
-sursis à statuer sur la demande de la société DAIMLER en violation alléguée du contrat de concession, également dans l'attente du sort réservé à la plainte pénale,
-constaté qu'il est dessaisi au profit de la cour d'appel de PARIS de la demande relative au refus d'agrément du GARAGE GREMEAU en qualité de distributeur agréé,
-débouté la société GARAGE GREMEAU de sa demande en dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat de concession.
Appelante de ce jugement, la société GARAGE GREMEAU demande son infirmation en toutes ses dispositions.
Elle soutient que l'issue de la nouvelle plainte pénale est sans incidence sur le présent litige au motif notamment que la recherche des auteurs des éventuels faux documents émis est sans influence sur la détermination du versement ou non de la prime en cause. Elle prétend également le caractère abusif de la résiliation du contrat de concession à raison du non respect par DAIMLER des critères qualitatifs dès lors que DAIMLER confiait le secteur à un partenaire moins performant, et à raison de l'absence d'examen préalable des résultats du GARAGE GREMEAU concessionnaire exclusif sur le secteur depuis vingt deux ans. Elle estime aussi la rupture abusive parce que DAIMLER a facilité le transfert automatique de la clientèle GREMEAU vers le concessionnaire repreneur sans que celui-ci ait eu besoin de procéder à une quelconque offre d'achat.
La société GARAGE GREMEAU demande l'allocation de 18. 660. 767,75 euros au titre des préjudices subis, soit 18. 360. 767,75 euros pour préjudice financier et 300. 000 euros pour préjudice moral.
Elle demande à la Cour de dire que la société DAIMLER doit lui verser la prime d'objectif 2003, soit 279. 625,06 euros sous astreinte de 10. 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2003.
Elle sollicite enfin l'allocation de 50. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que la condamnation de la société DAIMLER aux dépens.
La société DAIMLER CHRYSLER FRANCE, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour d'appel de VERSAILLES infirmerait le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de sursis à statuer et à l'exception de litispendance au profit de la cour d'appel de PARIS, la société DAIMLER conclut au débouté de toutes les demandes de la société GARAGE GREMEAU. Elle fait observer qu'aucun critère qualitatif n'entrait en considération au moment de la résiliation du contrat de concession exclusive qui liait les parties, et que la société GARAGE GREMEAU fait une grave confusion entre la résiliation ordinaire de son contrat de concession avec un préavis de deux ans, intervenue le 25 juin 2001 et le non agrément en sa qualité de distributeur agréé à compter de juillet 2003.
Par ailleurs, alors qu'elle n'y était pas obligée, la société DAIMLER a proposé à la société GARAGE GREMEAU d'envisager la possibilité de s'associer avec Messieurs Y... et CHWATACZ désignés comme " leaders de la plaque " Bourgogne Nord. La société DAIMLER a attendu que la société GARAGE GREMEAU se positionne par rapport à une éventuelle cession pour mettre fin à son contrat de concession.
La société DAIMLER rappelle qu'elle demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'exception de litispendance de sorte que, selon elle, la cour n'a pas à examiner la circonstance si il y aurait résiliation abusive à raison d'absence d'information de la société GARAGE GREMEAU qu'elle pouvait se porter candidat pour être distributeur agréé et réparateur agréé Mercedes-Benz.
Quant au refus d'attribuer la prime sur objectif 2003, la société DAIMLER fait valoir qu'elle sollicite la confirmation du sursis à statuer en raison de la plainte pénale déposée par elle.
Sur les deux derniers points, elle développe à titre subsidiaire, des arguments tendant à voir débouter la société GARAGE GREMEAU de sa demande de prononcé de rupture abusive.
Elle conclut qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société GARAGE GREMEAU et dit qu'en tout état de cause, la société GARAGE GREMEAU ne démontre pas le préjudice qu'elle allègue, ni le lien de causalité entre les fautes qu'elle lui reproche et le préjudice allégué.
Elle sollicite l'allocation de 20. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamnation de la société GARAGE GREMEAU aux dépens.
MOTIFS :
I-Sur les demandes de sursis à statuer
Considérant que DAIMLER CHRYSLER FRANCE prie la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a décidé de surseoir à statuer sur la demande de paiement de la prime d'objectif 2003 de 279. 625,06 euros ainsi que sur la demande formée par DAIMLER, elle-même, sur la violation prétendue du contrat de concession par la société GARAGE GREMEAU, et ce, dans les deux cas, jusqu'à ce que soit connu le sort réservé à la plainte pénale déposée le 13 octobre 2005 auprès du doyen des juges d'instruction de Dijon par la société DAIMLER ;
considérant que la société GARAGE GREMEAU soutient que la plainte pénale du 13 octobre 2005 a été déposée six mois après la notification du classement sans suite d'une première plainte au vu de laquelle le Parquet avait diligenté des investigations et qui a été classée sans suite après perquisition dans les locaux de la société GARAGE GREMEAU et mise en garde à vue des dirigeants de cette société ; que, selon l'appelante, la société DAIMLER ne saurait sérieusement prétendre que l'objet de la nouvelle plainte pénale est de déterminer " si les éléments produits par les ventes litigieuses (factures, attestations...) sont des faux destinés à " masquer " des ventes hors réseaux " ; qu'en conséquence, la société GARAGE GREMEAU conclut à l'absence d'incidence de la plainte pénale sur le présent litige ;
considérant que DAIMLER se voit demander par la société GARAGE GREMEAU le paiement de la prime objectif 2003 au motif que celle-ci a rempli les quotas de vente assignés par catégorie de véhicules ; que notamment l'objectif de vente de véhicules classe A était fixé à 38 ventes alors que la société GARAGE GREMEAU a réalisé 43 ventes mais dont 37 seulement ont été admises par la société DAIMLER ; que si cette dernière a pris une telle position, c'est qu'elle dit avoir des indices pouvant démontrer que la société GARAGE GREMEAU a vendu un certain nombre de véhicules à des revendeurs hors réseau ;
qu'il apparaît ainsi que le sort de la demande relative au paiement de la prime dépend du résultat de la plainte pénale dont il s'agit ; qu'il y a donc lieu de confirmer le prononcé du sursis à statuer ;
que, quant au sursis à statuer sur la demande de DAIMLER au titre de la violation alléguée du contrat de concession, formée par assignation du 09 juillet 2003 (procédure jointe à l'assignation du 23 avril 2004 du GARAGE GREMEAU), il est justifié la violation par la société GARAGE GREMEAU des dispositions du contrat de concession en vendant des véhicules neufs hors réseau ; que la société DAIMLER a demandé la condamnation de la société GARAGE GREMEAU à lui verser 100. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
considérant que la solution de ce litige dépend elle aussi de l'issue de la procédure pénale en cours ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur cette demande pour ce motif.
II-Sur l'exception de litispendance
Considérant que GARAGE GREMEAU, parmi les arguments qu'elle invoque pour voir déclarer abusive la résiliation du contrat de concession, soutient que DAIMLER aurait manqué à son devoir de loyauté en ne l'informant pas en temps utile des conditions à remplir pour devenir distributeur agréé et réparateur des voitures particulières Mercedès-Benz, selon les précisions du règlement CE No 1400-2002 du 31 juillet 2002 ;
considérant que ce contentieux avait donné lieu à un jugement du tribunal de commerce de DIJON du 25 septembre 2003, lequel a notamment dit que DAIMLER n'avait pas commis de faute en refusant l'agrément de la société GARAGE GREMEAU en qualité de distributeur de véhicules neufs ; que, par arrêt de la cour d'appel de DIJON du 1er avril 2004, cette décision a été confirmée ; qu'il résulte de l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 25 juin 2005 et de l'arrêt rectificatif du 12 juillet 2005, que l'arrêt de la cour d'appel de DIJON a été cassé, mais seulement en ce qu'il a dit que la société DAIMLER avait pu sans faute refuser l'agrément de la société GARAGE GREMEAU en qualité de distributeur de véhicules neufs ; que la cause était renvoyée devant la cour d'appel de PARIS ;
que le tribunal, qui a constaté que l'exception de litispendance était soulevée devant lui, juridiction inférieure à la cour de Paris devant laquelle la Cour de Cassation avait renvoyé l'affaire, était valablement saisi de cette exception ; que la décision qu'il a prise en admettant la litispendance ne peut qu'être approuvée, étant observé que GARAGE GREMEAU ne remet pas en cause le jugement déféré y afférent ; que dès lors la cour confirmera l'exception de litispendance retenue ;
III-sur la résiliation abusive du contrat de concession
Sur l'absence d'examen préalable des critères qualitatifs de restructuration avant la résiliation
Considérant que la société GARAGE GREMEAU expose d'abord que la résiliation de son contrat de concession s'inscrit dans un plan de restructuration et d'optimisation des coûts de la société DAIMLER qui avait décidé de confier les zones Bourgogne-Nord et France Z...Nord à un autre concessionnaire ;
considérant que selon l'appelante, la résiliation du contrat de concession du GARAGE GREMEAU n'a fait l'objet d'aucune appréciation qualitative, voire comparative avec l'éventuel concessionnaire pressenti pour reprendre le secteur en ses lieu et place ; que ce manquement au devoir de loyauté dans la rupture est renforcée dès lors que la société GARAGE GREMEAU avait toutes les chances d'être sélectionnée car elle apparaissait pour la période 2000-2001 comme l'une des meilleurs concessionnaires du réseau français en terme de recherche des objectifs ; qu'il ressort d'un tableau du Conseil National des Professions automobiles que pour 1998 à 2002, le pourcentage des ventes en Côte d'Or (GREMEAU) était nettement supérieur à ceux des secteurs du Doubs et du Territoire de Belfort correspondant aux secteurs, à l'époque, de Messieurs Y... et CHWATACZ ; que la société GARAGE GREMEAU avait été convoquée à une réunion des concessions pilotes (20 sur 150) le 11 octobre 2000, soit quelques mois avant la résiliation de son contrat de concession ; qu'il apparaît manifestement, selon la société GARAGE GREMEAU, que DAIMLER n'a pas pris en compte ses résultats exceptionnels, et à tout le moins n'a pas pris le soin d'examiner préalablement à la résiliation si elle remplissait ou non les critères de sélection annoncés publiquement ; que l'appelante fait valoir en effet que dans un article publié dans VN Distribution dont le titre était " Mercedès va réduire le nombre de ses investisseurs ", Monsieur A..., directeur du réseau et de la qualité DAIMLER, indiquait que pour choisir les " élus " du nouveau système mis en place par DAIMLER, cette société s'intéresserait d'abord à la réalisation des objectifs commerciaux, puis vérifierait que les candidats respectent un ratio " fonds propres " sur un " total-bilan " de 25 % minimum ; que compte tenu de la date de résiliation du contrat, juin 2001, le ratio de GREMEAU pour l'année 2000 était de 28 %, donc dépassait la performance exigée ;
mais considérant qu'au cours du préavis est intervenu le règlement CE No 1400-2002 du 31 juillet 2002, entré en application le 1er octobre 2002 ; que le choix de Messieurs Y... et CHWATACZ par DAIMLER, qui était connu dès le 08 janvier 2001, n'a pu se porter sur eux qu'en tant que concessionnaires exclusifs compte tenu des textes applicables alors ; que la société DAIMLER n'était nullement tenue avant 2002 de mettre en oeuvre des critères qualitatifs ou quantitatifs ; que les propos de Monsieur A...exposent la politique de DAIMLER dans la perspective de l'entrée en application de l'ordonnance CE No 1400-2002 du 31 juillet 2002 ; que les faits antérieurs à la résiliation du contrat de concession intervenue le 25 juin 2001 ne peuvent être régis par les dispositions postérieures du règlement communautaire.
Sur les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture
Considérant que la société GARAGE GREMEAU prétend que la société DAIMLER a voulu l'évincer au profit de Messieurs Y... et CHWATACZ, afin de leur permettre de récupérer sans frais sa clientèle ; que les propositions d'association ou de cession faites par DAIMLER avaient pour unique finalité de donner une apparence de respect des règles de loyauté dans la résiliation ; que la société GARAGE GREMEAU, face à une proposition d'association à 49 % pour elle et 51 % pour Messieurs Y... et CHWATACZ, a fait une contre-proposition d'association à 50 % que DAIMLER a refusée ;
Que la preuve de la volonté de DAIMLER de faire obstacle à la cession de son fonds ou à son association avec Messieurs Y... et CHWATACZ résulterait, selon la société GARAGE GREMEAU, du fait que DAIMLER lui a conseillé de faire appel au cabinet Price Waterhouse Coopers pour évaluer son fonds ; que ce cabinet a, en mai 2001, estimé son fonds à un prix dérisoire : 7,9 millions de francs pour la partie Mercedès, et 2,6 millions de francs pour la partie Smart, alors que ses fonds propres s'élevaient à 11 millions de francs ; que l'appelante explique le chiffrage défavorable de Price Waterhouse Coopers par son mode de rémunération : 50 % par le concédant,25 % par le concessionnaire vendeur et 25 % par le groupement des concessionnaires ;
que la société GARAGE GREMEAU explique l'attitude de DAIMLER par le fait que, bien que n'étant pas partie à un éventuel contrat, celle-ci y avait un intérêt puisqu'elle souhaitait que la cession aboutisse aux fins d'avantager Messieurs Y... et CHWATACZen leur permettant la récupération de la clientèle développée par elle, GREMEAU ;
mais considérant que DAIMLER n'a jamais pris l'engagement de subordonner la résiliation du contrat de concession à un accord préalable entre la société GARAGE GREMEAU et Messieurs Y... et CHWATACZ ; qu'elle a seulement proposé une association logique de nature à constituer une " plaque " solide entre ceux qui étaient déjà implantés dans la région et les nouveaux distributeurs ; qu'elle demeurait extérieure aux négociations entre ces parties puisqu'elle se bornait à suggérer, si ces parties le souhaitaient, de recourir à un arbitrage spécifique dans lequel elle n'intervenait pas ; que la société GARAGE GREMEAU n'a fait aucune proposition à Messieurs Y... et CHWATACZ même au vu d'une évaluation autre que celle du Cabinet Price Waterhouse Coopers, se bornant à faire connaître à DAIMLER qu'elle accepterait à la rigueur une association à 50 % avec ces messieurs, ce à quoi DAIMLER s'est opposée car elle aurait eu alors deux " investisseurs " pour la plaque Bourgogne Nord alors que l'économie de sa restructuration était de diminuer le nombre d'" investisseurs " ; que la société GARAGE GREMEAU qui n'a en définitive pas voulu s'associer, de quelque manière que ce soit, à Messieurs Y... et CHWATACZ, ce qui était son droit, ne peut reprocher à DAIMLER d'avoir fait obstacle à la cession de son fonds dont l'initiative appartenait aux parties, ni dire que DAIMLER a rendu inévitable le transfert automatique de la clientèle GREMEAU vers la société ETOILE 21 de Messieurs Y... et CHWATACZ sans que ceux-ci aient eu à faire une quelconque offre d'achat ;
considérant que la société GARAGE GREMEAU fait grief à la société DAIMLER d'être de mauvaise foi car elle a incité les nouveaux distributeurs à construire leurs locaux à 850 mètres de ses installations, alors qu'ils auraient pu s'installer dans n'importe quel secteur ;
Mais considérant que cette implantation qui ne se heurtait à aucun engagement contractuel, n'est pas critiquable.
Sur les investissements effectués en pure perte par la société GARAGE GREMEAU
Considérant que la société GARAGE GREMEAU estime que la société DAIMLER l'aurait entretenue dans l'illusion que le contrat de concession serait renouvelé de sorte qu'elle, société GREMEAU ayant fait des investissements dans cette croyance, il s'ensuivrait que la rupture serait abusive ;
que la société GARAGE GREMEAU a renouvelé son matériel informatique en juillet 1999 pour un montant de 458. 433,16 francs soit 69. 887,68 euros ; qu'un tel investissement n'a pu être amorti avant le 1er juillet 2003 ;
que, compte tenu de ce qu'elle avait été sélectionnée pour être une des 20 concessions pilotes, la société GARAGE GREMEAU a été contrainte d'effectuer certains investissements pour satisfaire aux normes ISO 9001, le projet de certificat ISO 9001 devant être mis en place courant 2001 ;
mais considérant que ces investissements peu importants, sans rien d'exceptionnel, n'engageaient pas l'avenir du contrat de concession, et ne suffisent pas à donner à la résiliation intervenue le 25 juin 2001 un caractère abusif.
***
considérant que la cour constate que la société DAIMLER CHRYSLER FRANCE, qui a respecté le préavis contractuel et qui n'était pas tenue de subordonner sa résiliation à un accord financier entre la société GARAGE GREMEAU et les distributeurs choisis Messieurs Y... et CHWATACZ, a mis fin au contrat de concession le 30 juin 2003 sans qu'aucune faute puisse lui être reprochée.
IV-les préjudices invoqués par la société GARAGE GREMEAU
Considérant que la société GARAGE GREMEAU soutient qu'elle a perdu l'un de ses actifs essentiels en l'espèce la clientèle de la marque Mercedès qu'elle avait développée sur le secteur de Dijon pendant près de vingt deux ans, et ce sans la moindre contrepartie financière ; que son chiffre d'affaires a chuté de 29. 000. 000 euros environ en 2002 à 17. 000. 000 euros en 2004 ; qu'elle demande la condamnation de DAIMLER à lui verser 12. 324. 356 euros au titre de la perte sèche de chiffre d'affaires sur la base du résultat 2004 et 6. 036. 411,75 euros au titre de la perte de chance d'augmenter son chiffre d'affaires ;
mais considérant que la cour vient de dire que la société DAIMLER n'a pas commis de faute de nature à faire déclarer abusive la résiliation du contrat de concession intervenue le 25 juin 2001 ; que les préjudices allégués par la société GARAGE GREMEAU sont calculés comme résultant de faits constitutifs de la faute qu'aurait commise la société DAIMLER ; que dès lors en l'absence de faute de DAIMLER, la société GARAGE GREMEAU ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnisation ;
considérant que la société GARAGE GREMEAU soutient que le départ de certains de ses salariés passés chez Messieurs Y... et CHWATACZ, société ETOILE 21 a entraîné pour elle de nombreux dysfonctionnements et a fait fuir ses clients attachés de longue date à ces salariés ; qu'elle ne chiffre pas le montant de ce préjudice ;
mais considérant que cette critique concerne la société ETOILE 21 qui n'est pas partie à l'instance, et non la société DAIMLER dont il n'est pas démontré qu'elle ait joué un rôle quelconque dans le débauchage d'une partie du personnel de GREMEAU ;
***
considérant que l'équité commande de condamner la société GARAGE GREMEAU à verser à la société DAIMLER la somme de 8. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
considérant que la société GARAGE GREMEAU qui succombe en ses prétentions, ne saurait se voir allouer une indemnité sur ce fondement ;
considérant qu'elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société GARAGE GREMEAU à verser à la SAS DAIMLER CHRYSLER FRANCE 8. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Déboute la société GARAGE GREMEAU de sa demande fondée sur ce texte,
La condamne aux dépens d'appel, autorise la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués, à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,