COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE
CODE NAC : 21E
DU 06 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/06580
AFFAIRE :
Véronique, Anne, Yves X... épouse Y...
C/
Frédéric, Charles, Louis Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : JAF.
No cabinet : 1
No RG : 03/09572
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me RICARD
SCP KEIMERÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Véronique, Anne, Yves X... épouse Y...
née le 16 juillet 1969 à PARIS 14èME, de nationalité française
...
Bât. E4
78000 VERSAILLES
représentée par Me Claire RICARD, avoué - No du dossier 260580
assistée de Me Laurence COULON-PETITFRERE (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
Monsieur Frédéric, Charles, Louis Y...
né le 18 janvier 1968 à PARIS 14èME
...
7379 MULLHEIM (ALLEMAGNE)
représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoué - No du dossier 06000995
assisté de Me Etienne WEDRYCHOWSKI (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2007, en chambre du conseil, Sylvaine COURCELLE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, président,
Madame Martine B... DE LA MOTTE COLLAS, conseiller,
Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Denise C... ET PROCÉDURE
Véronique X... et Frédéric Y... se sont mariés le 23 octobre 1993 devant l'officier d'état civil de GUYANCOURT (Yvelines), sans contrat de mariage. Deux enfants sont issus de cette union :
-Elisabeth, née le 17 octobre 1996,
etJean-Charles, né le 6 avril 1998.
Suite à la requête en séparation de corps déposée par Véronique X..., une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 23 décembre 2003.
Suivant exploit du 8 mars 2004, Véronique X... a assigné son conjoint en séparation de corps. Frédéric Y... a formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute.
Par jugement en date du 30 juin 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de VERSAILLES a notamment :
-prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés ;
-constaté que Véronique X... perdait l'usage du nom marital ;
-constaté que les deux parents exerçaient en commun l'autorité parentale à l'égard de leurs enfants mineurs ;
-fixé la résidence habituelle de ceux-ci au domicile de leur mère ;
-dit que le droit de visite et d'hébergement de Frédéric Y... s'exercerait, à défaut de meilleurs accord, hors vacances scolaires :
-les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois, du vendredi soir ou samedi matin au dimanche 19 heures ;
-les deuxième et quatrième fins de semaine les années paires ;
-ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, en alternance : la première moitié les années impaires et la seconde moitié les années paires ;
à charge pour lui d'organiser les trajets des enfants ;
-dit que si Frédéric Y... n'a pas exercé son droit dans l'heure pour les fins de semaine ou dans les 24 heures pour les vacances, il sera réputé avoir renoncer à exercer son droit pour la totalité de la période concernée, sauf accord différent ;
-fixé la contribution de Frédéric Y... à l'éducation et à l'entretien de chacun de ses enfants à la somme mensuelle de 400 euros, soit à 800 euros au total, avec indexation ;
-rejeté les demandes formée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-partagé les dépens par moitié.
*
Véronique X... a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 septembre 2006. Dans ses dernières conclusions du 1er octobre 2007, elle a demandé à la Cour de :
-annuler la décision entreprise et renvoyer les parties devant le tribunal afin de lui permettre de conclure subsidiairement sur le principe et le montant d'une prestation compensatoire ;
subsidiairement, si la Cour évoquait l'affaire au fond :
-prononcer la séparation de corps aux torts exclusifs de Frédéric Y... ;
-débouter Frédéric Y... de sa demande reconventionnelle en divorce ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
-confirmer l'ordonnance de non-conciliation sur l'exercice de l'autorité parentale, la fixation de la résidence des mineurs, l'organisation du droit de visite et d'hébergement, le montant de la contribution de Frédéric Y... à l'éducation et à l'entretien de ses enfants :
subsidiairement, si la Cour confirmait le prononcé du divorce aux torts partagés :
-condamner Frédéric Y... à lui verser une prestation compensatoire sous la forme d'une rente mensuelle et viagère d'un montant de 1 800 euros, avec indexation ;
-subsidiairement, condamner Frédéric Y... à lui verser à ce titre un capital de 292 000 euros, sous forme de versements mensuels de 2 000 euros pendant huit ans, avec indexation ;
en tout état de cause :
-condamner Frédéric Y... à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-le condamner aux entiers dépens.
Véronique X... fait valoir le défaut d'assistance de Frédéric Y... lors de ses accidents vasculaires cérébraux, son refus de prendre en charge son état de santé et le fait qu'il la dénigre dans son rôle de mère et d'épouse.
Elle rappelle la situation financière des époux et justifie ses demandes financières par la disparité existant entre les ressources respectives des parties ainsi que par ses problèmes médicaux.
Elle conteste les griefs invoqués par Frédéric Y....
Dans ses dernières conclusions du 2 octobre 2007, Frédéric Y... a demandé à la Cour de :
-rejeter la demande de nullité du jugement ;
-débouter Véronique X... de sa demande de séparation de corps ;
-prononcer le divorce aux torts exclusifs de Véronique X... ;
-fixer sa contribution à l'éducation et à l'entretien de chacun de ses enfants à la somme mensuelle de 300 euros, soit à 600 euros au total ;
-dire que les pensions alimentaires seront supprimées et remplacées par les indemnités mensuelles "majorations famille étranger" s'il part en mission à l'étranger ;
-fixer un droit de correspondance ;
-ordonner la communication d'un numéro de téléphone portable auquel il puisse joindre ses enfants ;
-condamner Véronique X... au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-la condamner aux entiers dépens ;
subsidiairement :
-débouter Véronique X... de sa demande d'attribution d'une rente viagère ;
-lui donner acte de ce qu'il offre de régler à Véronique X... une prestation compensatoire de 20 000 euros, qui se compensera avec le capital qu'elle a perçu du ministère de la Défense ;
-débouter Véronique X... du surplus de ses demandes.
Il estime que Véronique X... n'établit pas les griefs qu'elle articule et leur oppose le mépris que son épouse manifestait à son égard, sa volonté de l'isoler de ses enfants, les faux qu'elle a commis et l'argent qu'elle a détourné.
Il indique qu'il n'existe pas de disparité dans les situations financières des parties.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les dispositions non critiquées de la décision seront confirmées ;
Sur la nullité du jugement
Considérant qu'il n'est pas contestable qu'en contravention de l'article 1076-1 du nouveau code de procédure civile, le premier juge - qui a prononcé le divorce - se devait d'inviter les parties à conclure sur la question de la prestation compensatoire ;
Considérant que le non respect de cet article n'a pas pour conséquence d'entraîner la nullité de la décision mais qu'il constitue un moyen de réformation en appel ;
Considérant que la demande en nullité présentée par Véronique X... sera rejetée ;
Considérant que la demande est recevable en ce qu'elle vise la réformation de la décision, les parties ayant conclu sur la prestation compensatoire en cause d'appel ;
Sur le prononcé de la séparation de corps
Considérant qu' au soutien de sa demande, Véronique X... allègue contre son mari :
-un défaut d'assistance lors de ses graves problèmes de santé ;
-les humiliations qu'il lui faisait subir ;
Considérant qu'il est acquis aux débats que Véronique X... a été victime de ruptures d'anévrismes qui ont entraîné en 2003 une hémiplégie sensitive ;
Considérant qu'elle verse aux débats l'attestation de son père et de sa mère, qui décrivent les difficultés de leur gendre à prendre en compte les problèmes de santé de son épouse ;
Considérant que si cette attestation est commune aux deux témoins, elle est porte leurs deux signatures et est accompagnée de la photocopie de leurs deux cartes d'identité ;
Considérant qu'elle est corroborée par les témoignages de Florence BLED, de madame D... et de Coralie E... qui insistent sur le harcèlement et les humiliations que subissait Véronique X... ainsi que sur l'absence de compassion de Frédéric Y... ;
Considérant que ces personnes ont été les témoins directs des faits qui se sont produits dans le couple Y... ;
Considérant que les autres attestations ne pourront être retenues, les témoins étant revenus sur leurs dires ou s'étant contentés de rapporter les confidences de Véronique X... sans être les témoins directs des faits ;
Considérant que le témoignage de madame F... est irrecevable, l'enregistrement d'une communication téléphonique étant illicite ;
Considérant que la "guérison" actuelle de Véronique X... n'a pas pour effet d'enlever au comportement de Frédéric Y... son caractère fautif ;
Considérant que les quatre attestations retenues établissent les deux griefs allégués par Véronique X... ; qu'ils constituent des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Considérant que Frédéric Y... allègue contre son épouse, au soutien de sa demande en divorce :
-son caractère irascible et méprisant ;
-le fait qu'elle le coupait de ses enfants ;
-ses sorties le soir et les week-ends ;
-le fait qu'elle a falsifié sa signature et qu'elle a détourné sa correspondance ;
Considérant que le témoignage du colonel G... atteste de ses difficultés pour établir le contact avec Véronique X..., qui expliquait son attitude par le fait qu'elle croyait avoir affaire à son époux ;
Considérant que monsieur H... indique que l'épouse sortait le soir et partait seule en voiture ;
Considérant que Frédéric Y... établit en outre le fait que Véronique X... a imité sa signature pour souscrire un ordre de transfert de courrier - ce qui a eu pour effet de rendre publique la séparation du couple ;
Considérant que même si Véronique X... estime qu'elle n'a commis ce faux que dans l'intérêt du ménage, elle ne justifie pas avoir rendu le courrier qu'elle avait reçu ;
Considérant que ces griefs constituent des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Considérant que les autres griefs (détournement de liquidités et de meubles, enregistrement pour se procurer des preuves dans la procédure) ne sont que les conséquences de la rupture et non sa cause ;
Considérant qu'il en résulte que la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a prononcé le divorce aux torts partagés ;
Sur le droit de communication téléphonique et électronique
Considérant que compte tenu de l'éloignement géographique du père, il convient de l'autoriser à communiquer librement par téléphone ou par mail avec ses enfants ;
Considérant que Véronique X... devra lui communiquer un numéro de téléphone et/ou une adresse électronique ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant qu'en application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ;
Considérant qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la durée du mariage, du temps déjà consacré ou à consacrer pour l'éducation des enfants, de la qualification et de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, de leurs situations respectives en matière de pension de retraite et de patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
Considérant que le mariage a duré 14 ans ; que deux enfants en sont issus ;
Considérant que Véronique X... est âgée de 38 ans ; que même si son état de santé s'est amélioré et ne lui fait plus courir de risque fatal, elle reste handicapée ;
Considérant qu'elle a été reconnue "travailleur handicapé" catégorie B du 1er septembre 2005 au 1er janvier 2011 (taux d'incapacité compris entre 50 et 70 %) ;
Considérant que ses recherches d'emploi sont encore infructueuses ; que cependant, l'amélioration de son état de santé et le fait qu'elle a des activités dans des associations, qu'elle peut conduire et qu'elle exerce à temps partiel une activité professionnelle de vente, démontrent qu'elle pourra recouvrer une autonomie financière, ce qui conduit à rejeter sa demande de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
Considérant cependant qu'il y a lieu de tenir compte du temps qu'elle a passé à s'occuper de son foyer et de ses enfants, et du temps qu'elle y consacrera encore ;
Considérant que ses ressources déclarées sans ses écritures, s'élèvent à 2 630 euros par mois - toutes sources confondues ;
Considérant que le père de Véronique X... est décédé le 31 décembre 2006 ; qu'elle percevra sa part sur la maison de GUYANCOURT ;
Considérant que ses droits à la retraite seront limités du fait de son état de santé et des travaux à temps partiels qu'elle a effectués ;
Considérant que Frédéric Y... est âgé de 39 ans ; qu'il est militaire de carrière ;
Considérant qu'il perçoit 3 377 euros par mois ;
Considérant qu'il n'est pas établi qu'il perçoive d'autres ressources (primes non déclarées), le supplément familial étant prélevé directement ;
Considérant qu'il n'a produit aucun justificatif de charges ;
Considérant qu'il indique que son épouse aurait perçu un capital de 19 853 euros du ministère de la Défense ;
Considérant que ses revenus sont supérieurs à ceux de son épouse ; que ses droits à la retraite seront également plus importants ;
Considérant que la communauté comprend un appartement évalué à 90 000 euros, qui rapporte un revenu locatif de 59 316 euros ;
Considérant que des contestations s'élèvent sur le partage des meubles, d'un véhicule et de fonds - qui feront l'objet de comptes entre les parties au moment de la liquidation ;
Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que Frédéric Y... devra payer à Véronique X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, net de frais et taxes, de 100 000 euros ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à compensation entre les fonds reçus par Véronique X... avant la séparation et la prestation compensatoire - qui a pour but de compenser la disparité financière résultant de la rupture ;
Sur la contribution paternelle à l'éducation et à l'entretien des enfants
Considérant que, conformément à l'article 371-2 du code civil, chacun des parents doit contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants, à proportion de ses ressources et des besoins de ceux-ci ;
Considérant que la diminution des revenus de Frédéric Y... du fait de sa mutation en Allemagne est compensée par son absence de charge et par le coût des enfants ;
Considérant qu'il ressort de la situation financière des parties, ci-dessus analysée, et des besoins courants d'enfants âgés de 11 et de 9 ans, que le premier juge a justement évalué le montant de la contribution de Frédéric Y... à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à compensation ;
Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Considérant que s'agissant d'un litige d'ordre familial, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles du procès qu'elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,
REJETTE l'exception de nullité ;
CONFIRME le jugement rendu le 30 juin 2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de VERSAILLES ;
y ajoutant :
-I... Frédéric Y... à payer à Véronique X..., à titre de prestation compensatoire, un capital net de frais et taxes de 100 000 euros ;
-DIT que Véronique X... devra communiquer à Frédéric Y... un numéro de téléphone et/ou une adresse mail pour lui permettre de communiquer librement avec ses enfants ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes et notamment de celles formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel et DIT qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;
ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT
Madame Sylvaine COURCELLE, Président, qui l'a prononcé
Madame Denise VAILLANT, Greffier présente lors du prononcé
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT