COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 23 OCTOBRE 2007
R.G. No 06/02495
AFFAIRE :
Christian X...
C/
Société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2006 par le Conseil de Prud'hommes de MANTES LA JOLIE
No RG : 04/00108
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
représenté par Me GIBOD LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Christian X...
...
78580 MAULE
Comparant en personne, assisté de Me Yvon Y..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R45
APPELANT
****************
Société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE
...
78680 EPONE
Représentée par Me Sabine SMITH VIDAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 022
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne BEAUVOIS, conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Vice-Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène FOUGERAT,
FAITS ET PROCÉDURE,
M. Christian X... a été embauché le 25 septembre 1995 par la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE, ci-après désigné société P.I.F., exerçant sous la dénomination commerciale Kent, en qualité de "division sales manager" (directeur de division).
Il a été nommé en décembre 2001 European Regional Manager, (directeur régional Europe) pour la France et la Belgique.
Le 12 mars, Monsieur X... a saisi le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES pour voir déclarer applicable à son contrat de travail la convention collective nationale des industries chimiques aux lieu et place de celle de l'import-export.
Par lettre remise en main propre le 15 mars, M. Christian X... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 19 mars 2004, avec mise à pied conservatoire.
Le 26 mars 2004, M. Christian X... a été licencié pour motif personnel avec dispense d'effectuer son préavis de trois mois et paiement de la période de mise à pied.
Le 31 mars 2004, M. Christian X... a saisi le conseil des prud'hommes de MANTES LA JOLIE qui par jugement du 26 juin 2006, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à verser au salarié les sommes de 32.963,12 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2004, 56.508,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 18.836,08 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le respect de la clause de non-concurrence illicite ainsi qu'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, a ordonné le remboursement des indemnités chômage perçues par le salarié dans la limite de trois mois, a ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement. Il a débouté le salarié du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 12 juillet 2006, M. Christian X... a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par un arrêt définitif du 16 novembre 2006, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES ayant déclaré la convention collective des industries chimiques applicable au contrat de travail liant Monsieur X... à la société P.I.F.
Par conclusions déposées le 26 avril 2007 et développées oralement à l'audience, Monsieur X... sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a jugé fondé son droit à réparation pour le préjudice subi du fait de la clause de non-concurrence illicite. Il demande à la cour d'infirmer le jugement en ses autres dispositions et en conséquence de :
• fixer à 14.323,41 euro la moyenne mensuelle de salaire,
et de condamner la société Premier Industrial France à lui payer les sommes suivantes,
• 343.761,84 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 28.646,82 euro en réparation du préjudice subi par le respect d'une clause de non concurrence illicite,
• 42.970,23 euro en paiement d'une indemnité de préavis complémentaire de 3 mois correspondant à la période allant de fin juin 2004 à fin septembre 2004,
• 4.297,02 euro en paiement des indemnités de congés payés correspondant à la période de préavis complémentaire allant de fin juin 2004 à fin septembre 2004,
• 3.965,87 euro en paiement des RTT correspondant à la période complémentaire de préavis allant de fin juin 2004 à fin septembre 2004,
• 274,20 euro en paiement des tickets restaurants correspondant à la période de préavis complémentaire allant de fin juin 2004 à fin septembre 2004,
• 32.697,09 euro à titre d'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement,
• 85.940,46 euro en réparation du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires du licenciement,
• 133.714,79 euro en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de la perte de chance de lever ses stocks options,
• 4.326 euro en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait du mauvais calcul de son bonus pour l'année fiscale 2003/2004,
• 35.129,60 euro en paiement des heures supplémentaires effectuées,
• 1.000 euro en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de la privation immédiate de l'usage du matériel mis à disposition par PIF et des avantages afférents au comité d'entreprise,
• 10.000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 25 mai 2007 et soutenues oralement à l'audience, la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE sollicite l'infirmation de la décision entreprise sur le licenciement, sur la clause de non concurrence et sur les condamnations prononcées à son encontre, la confirmation du jugement sur tous les autres points, la condamnation de Monsieur X... à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
A titre liminaire, la cour fait observer qu'il appartient aux parties de mettre le juge en mesure d'apprécier la portée exacte des pièces qu'elles produisent à l'appui de leurs prétentions, ce qui n'est pas le cas en l'espèce lorsqu'elles versent aux débats des documents entièrement rédigés en anglais dont elles ne produisent pas la traduction, ou même ne produisent qu'une traduction partielle et incomplète.
En conséquence, la cour considère ne pas être en mesure notamment de se prononcer sur les rapports d'évaluation des performances de Monsieur X... établis en 2003 et 2004 portant sur les années 2002 et 2003, le "french payback plan" de décembre 2003, les avis de collègues ou collaborateurs de Monsieur X... rédigés en anglais (Seeking input from others), les différents mails en anglais, la lettre de Monsieur A... du 20 février 2004, le "PF ANNUAL MANAGEMENT INCENTIVE AWARD FY04", les documents intitulés "The Premier Farnell unapprouved executive share option scheme" accompagnant les certificats d'attribution d'actions à l'exception du document faisant l'objet de la traduction figurant en pièce 51 dans le dossier de Monsieur X....
Sur le licenciement
En vertu de l'article L 122-14-3 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il doit profiter au salarié.
A l'appui du licenciement, la société P.I.F. invoque trois griefs à l'encontre de Monsieur X... :
- une insuffisance professionnelle,
- un attitude de défiance et de dénigrement de la hiérarchie,
- le chantage opéré dans le but d'obtenir son licenciement à ses conditions et des sommes transactionnelles par la menace de saisine du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES sur la question de la convention collective nationale applicable.
I. L'insuffisance professionnelle
La lettre de licenciement rappelle en premier lieu qu'en mars 2003, il a été procédé à une revue de performances qui a conduit à faire part au salarié de l'insatisfaction de l'employeur au regard de ses performances qualitatives et quantitatives, que de cette revue a découlé un plan d'actions accepté par Monsieur MICHEL qui a proposé le plan de budget 2004, que néanmoins, la qualité des prestations ne s'est pas améliorée, que l'objectif principal fixé à Monsieur X... était de réaliser le budget 2004, que les résultats effectifs font apparaître des résultats très en recul.
Ni le contrat de travail de Monsieur MICHEL ni les avenants successifs, ni aucune pièce versée aux débats ne justifient de la définition d'objectifs chiffrés en termes de résultats commerciaux à atteindre par le salarié.
Pour l'année 2002, compte tenu de la remarque liminaire sur les pièces non traduites, il est produit la lettre du 14 octobre 2002 dans laquelle l'employeur fait reproche à Monsieur X... d'avoir présenté des prévisions de ventes fausses pour le mois de septembre pour la France avec un manque à gagner de 160 K€ comparé aux prévisions ce qui selon lui a porté atteinte à sa crédibilité dans le groupe, d'avoir mal estimé l'impact du départ de 27 vendeurs français, de ne pas avoir livré dans les temps impartis le livret de méthodologie qui devait être prêt pour le 1er octobre mais il n'est versé aucune pièce aux débats établissant le bien fondé de ces remarques.
Même si contrairement à ce que soutient Monsieur X..., il ne résulte pas du courrier du 17 juillet 2003 émanant de Monsieur A..., la preuve d'un satisfecit de son employeur ni la preuve de ce que le salarié aurait bénéficier d'une augmentation de sa rémunération en juillet 2003, s'agissant de l'année 2003, la lettre de licenciement ne fait pas expressément référence à la non réalisation des résultats figurant au budget et ne contient aucune donnée chiffrée à ce sujet se contentant d'invoquer le fait que Monsieur X... n'a pas amélioré la qualité de ses prestations.
La société P.I.F. ne produit en définitive que le courrier du 2 décembre 2003 de Monsieur A... au salarié dans lequel le premier fait état du retard de la France et même de la Belgique sur les objectifs, du retard par rapport au budget révisé 2003 et par rapport à l'année fiscale 2003, chiffres contestés par Monsieur X... dans sa réponse du même jour dans lequel au surplus il réplique en explicitant la situation difficile rencontrée en Europe et en notant particulièrement en France les éléments contribuant à de moindres résultats - réduction des accidents de la route, nombreux cas de maladie qui ont affectés la force de vente ( 140 jours EFT d'absence soit 7 personnes contre 53 jours l'année précédente), perte des vétérans ayant un gros volants d'affaires dont les jeunes successeurs n'ont pas encore rattrapé les ventes - qui n'ont pas été contestés par l'employeur qui n'a pas répondu à ce courrier et qui ne permettent pas de prouver que les moins bons résultats seraient imputables à la qualité des prestations de Monsieur X....
S'agissant de l'année 2004, il est reproché dans la lettre de licenciement à Monsieur X... de n'avoir pas réalisé les objectifs 2004 en notant que les résultats effectifs 2004 font apparaître un très net recul : ventes - 18,8 %, profit - 44,2 % par rapport au budget 2004, et aussi par rapport aux résultats de l'année précédente : ventes - 7 %, profit - 29 %.
Or, aucun élément chiffré n'est produit sur la définition et la réalisation du budget 2004 et si la société P.I.F. précise dans la lettre de licenciement que d'autres pays d'Europe ont connu des difficultés avec un marché tout aussi difficile que celui de Monsieur MICHEL mais ont réussi à renverser la tendance et ont continué à progresser par rapport à l'année précédente, elle ne verse aux débats aucun élément de comparaison.
La société P.I.F. reproche encore à Monsieur X... de ne pas exécuter le travail en temps voulu et en particulier s'agissant des quatre missions relatives au développement des produits pourtant décidées en concertation avec Omar C... et confiées fin septembre 2003, de n'avoir délivré les premières phases du projet 1 que fin novembre 2003 après la "deadline" devant les insistances d'Omar C... et la suite que fin février 2004, d'avoir commencé les autres missions mais "sans aucun feed back ni out put" reçus à ce jour, au point d'avoir été contraint dans le courrier de décembre 2003 sur les performances de suggérer de se concentrer sur le business principal "vu que rien de positif ne ressort de cette activité secondaire".
Cependant, dans son courrier du 2 décembre 2003, Monsieur D... a suggéré à Monsieur X... compte tenu du retard sur les objectifs une liste de priorité qui devait être no 1 la France, no2 la Belgique et s'il restait du temps de se consacrer à "son assignement temporaire", correspondant à ces quatre missions relatives au développement des produits et lui a demandé un plan d'action détaillé ; Monsieur X... a répondu dès le 2 décembre 2003 en établissant un plan en 14 points et le 17 décembre 2003, Monsieur A... a adressé à Monsieur X... un courrier personnalisé de remerciement pour ses efforts et son implication tout au long de l'année, ce qui permet de considérer d'une part que l'employeur a lui-même demandé à Monsieur X... de se concentrer sur ses missions essentielles renonçant ainsi à reprocher à son salarié de ne pas exécuter les missions complémentaires dans les délais fixés initialement et d'autre part que le salarié a répondu à son attente puisque Monsieur A... n'a pas formulé d'observations après la réponse du 2 décembre et a même adressé à Monsieur X... postérieurement un courrier de remerciement de la part de toute l'équipe de direction.
S'agissant du dernier reproche tenant au style de management qui laisserait à désirer, la société P.I.F. qui prétend que Monsieur X... n'avait pas la confiance de ses collaborateurs produit une seule appréciation rédigée en français mais l'origine et la forme de ce document, non signé, non daté, dont l'auteur n'est pas identifié, non confirmé par une attestation, le prive de toute force probante.
En l'état, il n'est pas établi à l'encontre de Monsieur X... l'insuffisance professionnelle reprochée.
II. L'attitude de défiance et de dénigrement
Il est reproché ensuite à Monsieur X... l'attitude qu'il a adoptée à partir de début janvier 2004, consistant selon l'employeur en une réaction de rejet, d'agressivité, à se placer dans une spirale de suspicion, de dénigrement et d'agressivité inacceptables à un poste de responsabilité, à affirmer faire l'objet de pressions psychologiques, à adresser des courriers accusant la société de différents griefs et de fabriquer des témoignages, à stigmatiser les manoeuvres de la société.
Monsieur X... a écrit le 29 janvier 2004 à Monsieur A... qu'il était bouleversé par la nouvelle que celui-ci venait de lui annoncer lors d'un récent entretien, "en effet, je ne m'attendais pas à ce que tu m'annonces mon départ prochain de Premier Industrial", ce qu'a contesté Monsieur A... dans sa lettre du 5 février 2004, sans qu'en l'absence de témoin il soit possible de décider ce qui s'est réellement dit lors de cet entretien et de considérer l'interrogation de Monsieur MICHEL comme sans objet et caractérisant une attitude de dénigrement et de défiance.
La réponse postérieure du 20 février 2004 de Monsieur A... dans laquelle il précise à Monsieur X... "aucune décision de changement te concernant n'est encore prise" n'a pu en réalité qu'ajouter au trouble et au doute de Monsieur X... sur son avenir dans l'entreprise d'autant qu'ainsi qu'il l'a noté ce courrier a été adressé par l'employeur en lettre recommandée avec avis de réception, ce qui en effet lui conférait une "dimension plus formelle et procédurière".
Dans ces conditions, la société P.I.F. ne peut reprocher à Monsieur X... la spirale de suspicion qui s'est en effet engagée à compter de cette réponse alors que dans ce même courrier du 20 février, après avoir également écrit "je crains que cette position (celle de Monsieur X...) soit de nature à affecter défavorablement ton implication et tes performances professionnelles" Monsieur A... l'a convoqué à un entretien d'évaluation le 8 mars, alimentant ainsi la suspicion du salarié, aucun des courriers adressés par Monsieur X... ne dépassant l'expression critique et admissible par un salarié d'un désaccord sur sa situation et sur la crainte, non dénuée de tout fondement, de se voir licencier sous le motif, artificiel à son sens, de ses mauvaises performances et d'une insuffisance professionnelle, sans qu'il soit à aucun moment question de la part du salarié de négocier un quelconque départ.
III. Le chantage à la saisine du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
L'exercice par un salarié du droit d'engager une action judiciaire destinée à faire admettre que la convention collective applicable à son contrat de travail n'est pas celle en vigueur dans l'entreprise n'est pas un comportement fautif pouvant lui être reproché, quel que soit son niveau de responsabilité dans l'entreprise, la direction des ressources humaines ayant elle-même exprimé ses doutes sur l'adéquation de la convention collective de l'import-export à l'activité principale de l'entreprise et quand bien même l'employeur aurait décidé de faire évoluer ce dossier, ce qui n'est pas démontré.
Il n'est par ailleurs apporté aucune preuve d'un quelconque chantage émanant du salarié portant sur cette action judiciaire destiné à obtenir un départ négocié et des sommes transactionnelles.
En définitive, au vu des éléments apportés par chacune des parties, le jugement qui a décidé que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse doit être confirmé.
Compte tenu de l'âge du salarié (41 ans), de son ancienneté, de son aptitude à retrouver un emploi, des circonstances ayant entouré la rupture et notamment de la mise à pied conservatoire infligée au salarié, au vu des pièces produites, le préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail sera justement réparé par une indemnité de 77.000 € en application de l'article L.122-14-4 du code du travail.
Le jugement sera infirmé du chef du quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la clause de non-concurrence
Le contrat de travail de Monsieur X... contient une clause de non concurrence ainsi rédigée :
« 10.1 Au cas où le présent contrat viendrait à être rompu par l'un ou l'autre des contractants pour quelque cause que ce soit, l'employé s'interdit expressément d'entrer en France au service d'une maison fabriquant ou vendant des articles susceptibles de concurrencer ceux de l'employeur de créer en France pour son propre compte une entreprise du même genre ou d'y participer directement ou indirectement, même en qualité de commanditaires.
10.2 II est expressément convenu que l'exécution de la présente clause est limitée à une période d'une année à compter de la date du départ de l'employé de la société et qu'après cette période d'une année, l'employé pourra exercer librement toute activité de son choix même en occupant dans une entreprise concurrente un poste analogue à celui qui lui est conféré par le présent contrat.
10.3 Durant la période d'une année suivant la rupture volontaire ou involontaire du présent contrat le salarié s'engage à ne pas embaucher directement ou indirectement aucun salarié travaillant alors pour l'employeur, ni utiliser les services des employés de celui-ci a quelque titre que ce soit. »
Dans la lettre de licenciement, la société P.I.F. a expressément délié le salarié de la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail.
Monsieur X... prétend obtenir l'indemnisation du préjudice que lui aurait nécessairement causé le respect de cette clause de non concurrence nulle car non assortie d'une contrepartie financière mais l'interdiction de non concurrence stipulée au contrat ne trouvant à s'appliquer qu'à compter de la rupture du contrat de travail et le salarié en ayant été délié au jour de la rupture par la notification de la lettre de licenciement, il est mal fondé à soutenir qu'il a respecté la clause et qu'il aurait subi un quelconque préjudice résultant de cette clause même illicite, d'autant qu'il n'établit d'aucune façon que cette clause l'aurait empêché de se tenir au courant des évolutions de l'emploi dans son secteur.
Le jugement qui a fait droit à sa demande de ce chef sera infirmé.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Monsieur X... prétend obtenir le paiement d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article 3 de son contrat de travail relatif à la durée du contrat de travail qui prévoit tout à la fois une période d'essai de 3 mois, renouvelable une fois, et dans le cas de résiliation du présent contrat par l'une ou l'autre des parties, que l'employé reconnaît le droit de l'employeur de le dispenser, s'il le désire, du préavis réglementaire, moyennant le paiement d'une indemnité compensatrice équivalente.
Contrairement à ce que prétend Monsieur X..., cet article n'a pas pour effet d'aligner la durée du préavis sur celle de la période d'essai renouvelée mais seulement en ce qui concerne le préavis, de donner le droit à l'employeur de dispenser le salarié de l'exécution du préavis réglementaire quelle que soit la partie à l'initiative de la rupture et de prévoir les conditions de cette dispense.
Il ne peut pas être tiré du silence de l'employeur après la lettre de Monsieur X... en date du 18 mars 2004 dans laquelle ce dernier écrit "après m'avoir demandé fin janvier 2004 de quitter l'entreprise à l'issue de mon préavis de 6 mois", la preuve que les parties auraient convenu de déroger à la durée de préavis de trois mois prévue par la convention collective des industries chimiques applicable pour les cadres et de fixer d'un commun accord cette durée à 6 mois.
En l'espèce, Monsieur X... a été réglé des trois mois de préavis auxquels il avait droit et le jugement qui l'a débouté de sa demande complémentaire au titre du préavis, des congés payés, jours de RTT et tickets restaurant afférents, sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts du fait des circonstances vexatoires du licenciement
Le salarié ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui répare l'entier préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail en ce compris celui résultant des circonstances de cette rupture, étant relevé que le salarié n'établit pas qu'il aurait été victime d'une humiliation publique ainsi qu'il le prétend, ni en quoi que les courriers échangés avec l'employeur démontreraient qu'il a été victime de pressions psychologiques.
Le jugement qui l'a débouté de sa demande de ce chef sera donc confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de la perte de chance de lever ses stocks options
Monsieur MICHEL s'est vu attribuer :
- le 31 mars 1999, 18.000 options d'actions à la valeur de 1,92 .,
- le 10 avril 2000, 3.000 options à la valeur de 4,25.,
- le 24 septembre 2001 8.000 options à la valeur de 1,93..
Les parties ne discutent pas l'attribution de ces options.
Monsieur X... soutient qu'il a subi un préjudice résultant du fait qu'en raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a été privé de la faculté de lever les options d'actions.
C'est au salarié de rapporter la preuve du lien de causalité entre la perte de chance de lever ses stock-options et la rupture abusive de son contrat de travail, ainsi que du préjudice en résultant.
En l'espèce, les options dont Monsieur X... était bénéficiaire depuis le 31 mars 1999 et le 10 avril 2000 avaient plus de trois ans au moment de son licenciement et pouvaient donc selon l'employeur être négociés par le salarié avant son licenciement.
En réponse, Monsieur MICHEL qui se contente d'alléguer que les options n'étaient malgré les trois années échues pas cessibles au motif que la condition tenant à l'objectif de performance n'était pas accomplie mais sans l'établir, ne prouve pas en conséquence qu'il aurait été privé de la chance de lever ces options du fait de son licenciement abusif.
S'agissant des options dont Monsieur X... était bénéficiaire depuis le 24 septembre 2001 et qui n'avaient pas atteint le 3ème anniversaire de la date de leur attribution au jour du licenciement, l'employeur ne contestant pas que le licenciement intervenu a fait perdre au salarié le droit de lever les options, le salarié qui n'a pu du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse lever ces options sur titres a nécessairement subi un préjudice qui doit être réparé.
Les éléments fournis par le salarié à l'appui de son préjudice ne sont pas particulièrement pertinents dès lors qu'ils n'établissent pas le montant de la valeur nominale de référence dont il fait état dans ses écritures et que Monsieur X... produit le cours de l'action en 2006 ou 2007 soit à une date très postérieure tant au licenciement qu'à la date à laquelle ces titres sont devenus cessibles, en septembre 2004.
Au vu des éléments dont la cour dispose, le préjudice de Monsieur MICHEL qui doit être évalué à la date du licenciement qui l'a privé de la faculté de lever les 8.000 options attribués en septembre 2001 sera donc fixé à la somme de 23.000 €.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.
Sur le bonus pour l'année fiscale 2003/2004
Le contrat de travail de Monsieur X... en date du 25 septembre 1995 prévoit qu'il percevra un salaire brut forfaitaire sur 12 mois, qui sera revu annuellement à la date anniversaire de son engagement. Il n'y est prévu aucune rémunération variable.
Monsieur X... a perçu pour l'année 2003/2004 un bonus s'élevant à la somme de 1.263 €.
Il réclame la somme supplémentaire de 4.326 euro en faisant valoir que ce bonus aurait été sous-évalué et qu'il aurait dû toucher une somme représentant 5,4 % de son salaire brut annuel et ce compte tenu des méthodes de calcul traditionnellement employées dans l'entreprise et des résultats obtenus dans l'année.
Cependant, le courrier que Monsieur X... verse aux débats en date du 28 novembre 2002 est relatif à la participation aux bénéfices et non au calcul du bonus, et ni le message électronique de Monsieur E... du 26 mars 2003, ni celui de Monsieur F... en date du 2 mars 2004, ne font état du pourcentage dont se prévaut Monsieur X... pour le calcul du bonus.
Le salarié ne précise même pas quelle serait la période de référence pour le calcul du bonus et ne produit ni le détail de calcul du précédent bonus ni le bulletin de salaire sur lequel figurait le paiement du bonus de l'année précédente permettant de vérifier que ce pourcentage correspondrait aux méthodes de calcul traditionnellement employées.
Le jugement qui a débouté Monsieur X... de cette demande sera en conséquence confirmé.
Sur les heures supplémentaires
S'il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Monsieur X... soutient qu'il a effectué 640 heures supplémentaires non rémunérées et produit des courriers électroniques dont il ressort que sur 19 journées distinctes en 2003, il a adressé des mails à des correspondants divers, soit avant 8 heures le matin, soit après 18 h30, qu'il a également adressé des messages les samedis 12 avril et 3 mai 2003 et le dimanche 13 avril en soirée. Il verse également aux débats des extraits de son agenda professionnel sur la période d'octobre 2002 à janvier 2003 lesquels font état de divers déplacements en province ou en Belgique et de réunions tardives ou matinales.
De son côté, la société P.I.F. verse aux débats une seule attestation émanant de la responsable du service de paie, laquelle précise que Monsieur X... avait des horaires flexibles, qu'elle a pu constater à plusieurs reprises qu'il sortait dans la journée pour des besoins personnels tel que coiffeur, banque..., qu'il organisait son temps de travail comme son poste lui permettait, c'est-à -dire qu'il pouvait arriver tôt ou tard le matin et partait également tôt ou tard le soir.
La société P.I.F. soutient que Monsieur X..., compte tenu de ses fonctions managériales et de l'autonomie dont il bénéficiait dans l'accomplissement de ses tâches, était soumis à une convention de forfait.
C'est à l'employeur qui invoque cette convention d'en apporter la preuve.
Or, aucune preuve de l'existence de cette convention de forfait laquelle ne peut résulter que d'un accord entre les parties et non des fonctions exercées par le salarié, n'est rapportée et le contrat de travail ne comporte aucune disposition en ce sens.
Il ressort des éléments fournis par les parties que même si Monsieur X... jouissait d'une grande autonomie dans la gestion de son temps de travail, ne commençait pas et ne finissait pas toujours à la même heure, ce qui ne permet pas de retenir qu'à eux seuls les mails adressés tôt le matin ou tard le soir démontrent l'existence des heures supplémentaires alléguées, en revanche, Monsieur X... a au moins travaillé une partie de la journée les samedis 12 avril et 3 mai 2003 et le dimanche 13 avril 2003 et l'employeur ne produit aucun élément établissant que Monsieur X... a été payé de ces heures de travail et/ou a bénéficié d'un repos compensateur.
Monsieur X... est donc partiellement fondé en sa réclamation et au vu des éléments produits, il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à hauteur de 2.000 € bruts.
Le jugement qui l'a débouté de sa demande sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement
N'étant pas discuté que la convention collective applicable est celle des industries chimiques, l'article 14 de cette convention prévoit que la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération brute totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement et qu'elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le préavis.
Il est également précisé par cet article que pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes de productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou le fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles, notamment celles résultant de l'article 17.
En conséquence, il convient pour le calcul de la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le préavis, soit sur la période d'avril 2003 à mars 2004, selon l'article 14 suscité, de retenir le montant des rémunérations figurant sur l'attestation ASSEDIC pour la période de juin 2003 à mars 2004 qui incluent le bonus annuel perçu en mars 2004 de 1.263 € et la prime de 8.253,51 € correspondant à la participation aux bénéfices versée en juin 2003.
Pour le mois d'avril 2003, Monsieur X... ne produit pas le bulletin de salaire et sa rémunération sera donc retenue pour 8.625 €.
Ce même montant sera également retenu pour le mois de mai 2003 pour lequel Monsieur X... ne produit pas le bulletin de salaire et n'explique pas en tout cas comment il pourrait être payé deux fois pour la même période travaillée à la fois en salaire et pour des jours de congés payés non pris.
Les chèques déjeuners qui ont la nature d'un remboursement de frais doivent être exclus en application de l'article 14 suscité.
S'agissant du véhicule de fonction dont Monsieur X... demande qu'il soit pris en compte pour la somme de 1.975,50 €, il verse aux débats à l'appui de cette demande que des pièces numérotées 46 produites en italien non traduites qui relèvent de la même remarque liminaire que celles produites en anglais.
Aucune pièce n'établit que la participation prévoyance sur laquelle le salarié ne donne aucune précision et dont il ne justifie pas même de son existence et de son montant entre dans les prévisions de l'article 14.
La rémunération mensuelle de référence pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève donc, conformément au calcul fait par les premiers juges à la somme de 9.418, 04 € selon la règle du douzième qui est la plus favorable au salarié.
L'indemnité conventionnelle de licenciement a été calculée conformément aux règles de l'article 14 à raison de 4/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice subi du fait de la privation immédiate de l'usage du matériel mis à disposition par PIF et des avantages afférent au comité d'entreprise
Monsieur X... soutient que du fait de la mise à pied conservatoire injustifiée dont il a fait l'objet il a subi un préjudice particulier puisqu'il a été privé dès le 15 mars 2004 de la participation de la société P.I.F. au paiement de ses factures de téléphone du domicile et de la privation immédiate des avantages liés au comité d'entreprise de la société mais ce préjudice ne constitue pas un préjudice distinct de celui résultant de la rupture abusive du contrat de travail et des circonstances l'ayant entourée, déjà réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Compte tenu du sens de la décision d'appel plus favorable à l'appelant que celle de première instance, les dépens d'appel seront supportés par la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE à payer à Monsieur X... une indemnité de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions relatives à la clause de non concurrence et aux heures supplémentaires.
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE à payer à Monsieur Christian X... la somme de 77.000 € ( SOIXANTE DIX SEPT MILLE EURO ) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DÉBOUTE Monsieur X... de sa demande au titre de la clause de non concurrence.
CONDAMNE la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE à payer à Monsieur Christian X... la somme de 2.000 € ( DEUX MILLE EURO ) bruts à titre de rappel sur les heures supplémentaires.
DÉBOUTE Monsieur Christian X... du surplus de sa demande.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.
CONDAMNE la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE aux dépens d'appel.
CONDAMNE la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE à payer à Monsieur X... une indemnité de 1.000 EURO ( MILLE EURO ) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DÉBOUTE la société PREMIER INDUSTRIAL FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,