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11/10/2007 | FRANCE | N°03/11864

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 octobre 2007, 03/11864


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60C



1ère chambre

1ère section



ARRET No



CONTRADICTOIRE



DU 11 OCTOBRE 2007



R.G. No 05/09182



AFFAIRE :



S.A. BOLLORE



C/



Mr l'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No chambre : 1

No Section :

No RG : 03/11864
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me BINOCHE

SCP KEIME (2)





REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60C

1ère chambre

1ère section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2007

R.G. No 05/09182

AFFAIRE :

S.A. BOLLORE

C/

Mr l'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No chambre : 1

No Section :

No RG : 03/11864

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me BINOCHE

SCP KEIME (2)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SOCIETE BOLLORE venant aux droits de la SCAC DELMAS VIELJEUX

Société anonyme ayant son siège ODET - 29500 ERGUE GABERIC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE Avoué - No du dossier 755/05

Rep/assistant : Me Luc GRELLET (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE

****************

Monsieur l'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR représentant l'Etat Français

MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE -

Bâtiment Condorcet-TELEDOC 353 - 6 rue Louis Weiss - 75003 PARIS CEDEX 13

représenté par la SCP KEIME & GUTTIN Avoués - no du dossier

rep/asistant : Me Philippe RAMES (avocat au barreau de PARIS)

SOCIETE SYNGENTA CROP PROTECTION

Société anonyme ayant son siège Confédération Helvétique - Schwarzwaldallee 215 CH - 4002 BASEL (Suisse)

représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY Avoués - No du dossier 06000228

rep/assistant : Me Patrice PIEDNOIR (avocat au barreau d'ANGERS)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2007 devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,

Madame Geneviève LAMBLING, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULTDans la nuit du 8 au 9 décembre 1993, le porte-conteneurs Sherbro , battant pavillon français, propriété de la société SCAC DELMAS-VIELJEUX (SDV)et armé par ses soins, exploité par MARITIME DELMAS VIELJEUX (MDV) sur la ligne Europe du Nord-Afrique de l'Ouest, qui avait quitté le port du Havre en direction de Montoir après avoir chargé 271 conteneurs complémentaires, a perdu en mer 90 conteneurs dont certains contenaient des produits toxiques ou dangereux alors que 105 autres étaient endommagés, à la suite de deux violents coups de roulis, incident noté par le commandant à 23h20.

Les autorités maritimes françaises, informées le lendemain matin vers 9 heures, ont enjoint au navire de se dérouter vers le port de Brest où il est arrivé dans l'après-midi du 9 décembre 1993 et ont pris des mesures pour prévenir ou réparer les dommages résultant de la perte des conteneurs et des avaries constatées sur ceux restés à bord (conteneurs désarrimés, ouverts, éventrés, fuyards ) eu égard aux marchandises transportées (soufre, liquide inflammable, carbamate pesticide, nitrocellulose, méthylcétone, phénol).

Par arrêté du 9 décembre 1993, le Préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord a, sur le fondement du protocole du 2 novembre 1973, de la loi 76-599 du 7 juillet 1976 et du décret 86-38 du 7 janvier 1986 mis en demeure la société Delmas Vieljeux, armateur du Sherbro, de prendre toutes mesures nécessaires pour lutter contre la pollution représentée par les produits tombés à la mer.

Par arrêté du 13 décembre 1993, le Préfet de la Manche a, au visa de la loi du 24 novembre 1961 et du décret du 26 décembre 1961 mis en demeure les sociétés SCAC DELMAS VIELJEUX et CIBA-GEIGY, cette dernière en sa qualité de chargeur du navire, de faire procéder sans délai à la récupération des épaves maritimes provenant du navire, échouées sur le littoral du département de la Manche.

Par arrêté du 24 décembre 1993, le Préfet du Pas de Calais, au visa des mêmes textes, a mis en demeure ces deux sociétés de récupérer les épaves maritimes provenant du navire Sherbro échouées sur le littoral du département du Pas de Calais.

Une mesure d'expertise a été confiée à un collège d'experts par le tribunal de commerce de Brest en mars 1994 . Le rapport a été déposé en décembre 2000.

Par ordonnance du 18 février 1994, le tribunal de commerce de Dunkerque a autorisé la société SDV à constituer un fonds de limitation de sa responsabilité conformément aux dispositions de la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer à hauteur de 6.503.474,44 euros dont le montant doit être augmenté des intérêts légaux à compter du 22 février 1994 aux termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 28 mai 1998. L'Etat français a déclaré sa créance auprès du liquidateur du fonds de limitation, Maître DELEZENNE .

Pour obtenir le remboursement des frais engagés en vue de prévenir et réparer les conséquences dommageables du sinistre survenu le 8 décembre 1993, l'Etat français a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre au contradictoire de la société Bolloré venant aux droits de la société SDV puis de Maître Delezenne es qualités de liquidateur du fonds de limitation . La société suisse Syngenta crop protection venant aux droits de la société Ciba-Geigy ayant également initié une procédure devant la même juridiction en réparation de ses préjudices, la jonction des procédures a été ordonnée.

Par jugement du 6 octobre 2005, le tribunal a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, a déclaré la société Bolloré responsable des préjudices subis sur le fondement de l'article 1382 du code civil, a condamné la société Bolloré à payer à l'Etat français la somme de 475 595,90 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993, a dit que la société Bolloré ne peut opposer la limitation de responsabilité pour cette créance, a condamné la société Bolloré à payer à la société Syngenta crop protection la somme de 787 162, 89 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993, a dit que la société Bolloré peut opposer la limitation de responsabilité pour cette créance, a autorisé l'Etat français et la société Syngenta crop protection à capitaliser les intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, a ordonné l'exécution provisoire, a condamné la société Bolloré à payer à l'Etat français la somme de 50 000 euros et à la société Syngenta crop protection la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile et a condamné la société Bolloré aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

La société Bolloré venant aux droits de la SCAC DELMAS VIELJEUX a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2005.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 juin 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Bolloré venant aux droits de la SCAC DELMAS VIELJEUX demande à la cour de:

- débouter l'Agent judiciaire du Trésor de sa demande d'annulation de l'acte d'appel,

- la déclarer recevable à agir et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- annuler le rapport d'expertise déposé par messieurs D..., Christophe et Lefebvre le 31 décembre 2000 par application des articles 14, 16, 112 et 276 du Nouveau code procédure civile, 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme,

- constater que l'Etat français reconnaît que sur 90 conteneurs tombés à la mer, 84 ne contenaient pas de produits nocifs ou dangereux,

- dire et juger inapplicable l'article 16 de la loi du 7 juillet 1976 aux frais afférents à la récupération des conteneurs ne comportant pas de produits nocifs,

- vu les dispositions de la loi du 24 novembre 1961 et du décret du 26 décembre 1961 modifié, dire et juger non fondée la demande de l'Etat français portant sur les frais afférents à la récupération desdits conteneurs,

- dire et juger que l'Etat français n'apporte pas la preuve d'une faute de sa part à l'origine de l'événement du 8 décembre 1993 ni de son lien de causalité avec les dommages allégués,

- dire et juger non fondée l'action de l'Etat français et de SCP sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

- dire et juger en tout état de cause que la responsabilité de Bolloré SA n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1384 al 1 du code civil car elle n'était pas le gardien des marchandises devenues des épaves,

- dire et juger que l'événement revêt les caractéristiques de la force majeure exonérant SDV de toute responsabilité,

- dire et juger que SDV n'a jamais renoncé à contester sa responsabilité et ne s'est engagée à prendre en charge les frais avancés par l'Etat français non pas pour son propre compte mais pour le compte des propriétaires des épaves,

- débouter l'Etat français de toutes ses demandes,

subsidiairement,

- dire et juger que SDV n'a commis aucune faute inexcusable,

- dire et juger que l'Etat français et la société Syngenta crop protection ne rapportent pas la preuve de l'existence et de l'étendue de leurs préjudices,

- les débouter de leurs demandes,

A défaut,

- désigner un expert pour procéder à l'examen des préjudices allégués par l'Etat français et la société Syngenta crop protection,

- condamner l'Etat français et Syngenta crop protection à lui payer la somme de 30.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

- condamner l'Etat français et Syngenta crop protection aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître BINOCHE, avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau code procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 mai 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, l'Agent judiciaire du Trésor demande à la cour de :

- dire et juger nulle la déclaration d'appel de la société Bolloré pour violation des dispositions de l'article 901 du Nouveau code procédure civile,

- dire et juger irrecevable l'appel de la société Bolloré pour défaut de qualité et intérêt pour agir en application des articles 31 et 122 du Nouveau code procédure civile,

- dire et juger que le rapport d'expertise du 31 décembre 2000 a été établi dans le respect des droits de la défense et du contradictoire et qu'il n'y a pas lieu à nouvelle expertise,

- dire et juger que le Bureau Véritas n'est jamais intervenu en qualité de sapiteur,

- dire et juger inopposable à l'Etat français le rapport officieux du Bureau Véritas en date du 7 octobre 2003,

- homologuer le rapport d'expertise du 31 décembre 2000,

- dire et juger que la société SDV est débitrice de la créance à l'égard de l'Etat en application de l'article 16 de la loi du 7 juillet 1976,

- dire et juger que la société SDV a reconnu sa responsabilité au titre du sinistre du navire Sherbro et s'est engagée à indemniser l'Etat,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV à rembourser à l'Etat l'intégralité de son préjudice pour un montant de 475 595,90 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993 à titre compensatoire avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

à titre subsidiaire,

- constater que les dommages trouvent leur origine dans les diverses fautes et négligences commises par la société SDV aux droits de laquelle vient la société Bolloré,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV à rembourser à l'Etat l'intégralité de son préjudice pour un montant de 475 595,90 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993 à titre compensatoire avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- dire et juger que la créance de l'Etat relève du champ d'application de l'article 59 de la loi du 3 janvier 1967 et que par conséquent aucune limitation de responsabilité ne saurait lui être opposée,

à défaut d'application de ce texte,

- dire et juger que la société Bolloré venant aux droits de la SDV a commis une faute inexcusable au sens de l'article 58 al 3 de la loi du 3 janvier 1967 de sorte qu'elle ne peut limiter sa responsabilité à l'égard de l'Etat,

en toute hypothèse,

-condamner la société Bolloré venant aux droits de la SDV à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile au titre d'instance d'appel et confirmer le jugement déféré du chef des frais irrépétibles engagés en première instance,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 avril 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la SA Syngenta crop protection demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité du rapport d'expertise et dénié au Bureau Véritas la qualité de sapiteur,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la société Bolloré responsable des préjudices subis sur le fondement de l'article 1382 du code civil, autorisé la capitalisation des intérêts de la créance dans les conditions de l'article 1154 du code civil et condamné la société Bolloré au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

- réformer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau,

- dire et juger qu'elle est détentrice d'un droit de créance à l'encontre de la société Bolloré au titre des actions conduites à la suite des avaries survenues au navire Sherbro pour un montant de 1 112 904 euros outre les intérêts légaux à compter du 8 décembre 1993,

- dire et juger que sa créance relève du champ d'application de l'article 59 de la loi du 3 janvier 1967 et que par conséquent aucune limitation de responsabilité ne saurait lui être opposée,

subsidiairement à défaut d'application de l'article 59 susvisé,

- constater que les dommages trouvent leur origine dans les diverses fautes et négligences commises par la société Bolloré venant aux droits de la société SDV, armateur-propriétaire du navire Sherbro et dont elle avait la garde au moment des faits,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV à lui rembourser l'intégralité de son préjudice pour un montant de 1 112 904 euros outre les intérêts légaux à compter du 8 décembre 1993 à titre compensatoire avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

en toute hypothèse,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

- condamner la société Bolloré venant aux droits de la société SDV aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2007.

MOTIFS

sur la nullité de la déclaration d'appel

Selon l'article 901 du Nouveau code procédure civile, l'acte valant déclaration d'appel doit contenir, à peine de nullité, si l'appelant est une personne morale, l'indication de l'organe qui le représente légalement. Toutefois, s'agissant d'une nullité pour vice de forme , l'omission de cette mention n'entraîne la nullité que si la preuve d'un grief est rapportée conformément à l'article 114 du Nouveau code procédure civile.

L'acte valant déclaration d'appel du 13 décembre 2005 mentionne le siège social de la société Bolloré venant aux droits de la SCAC DELMAS VIELJEUX agissant "poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège". L'organe habilité à représenter légalement la société Bolloré n'est pas indiqué.

Faute pour l'Agent judiciaire du Trésor de démontrer l'existence d'un grief résultant de l'absence de cette mention alors qu'il a été en mesure de présenter complètement ses moyens de défense, l'exception de nullité sera rejetée.

sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir

S'il ressort des articles de presse qu'en janvier 2006 la société Bolloré a cédé à la compagnie maritime CMA CGM l'ensemble de sa branche transport maritime, cette modification, intervenue en cours de procédure alors que la société Bolloré avait exécuté la décision entreprise assortie de l'exécution provisoire et régulièrement interjeté appel le 13 décembre 2005 du jugement rendu le 6 octobre 2005 la condamnant au paiement de diverses sommes tant au profit de l'Etat français qu'à celui de la société Syngenta crop protection, n'est pas de nature à priver l'appelante de sa qualité et de son intérêt à agir.

Cette fin de non recevoir doit être rejetée.

sur la nullité du rapport d'expertise

* sur la qualité du Bureau Véritas

Le Bureau Véritas, société de classification du navire Sherbro, a effectué en 1994 dans le cadre de l'enquête administrative puis, courant 1996, à la demande de la société DELMAS VIELJEUX et à partir des données fournies par cette dernière, deux études sur les calculs de saisissage . Les experts, considérant que les bases de calcul étaient théoriques et non réalistes, ont demandé au Bureau Véritas de reprendre son travail avec de nouvelles données fixées par eux prenant en compte le saisissage tel qu'il apparaissait sur les photographies des conteneurs lorsque le navire est arrivé au port de Brest et les caractéristiques réelles du matériel.

Cette troisième étude a été effectuée à partir des éléments déterminés par les experts mais fut commandée comme la précédente par la société DELMAS VIELJEUX qui en a supporté le coût. Il ressort clairement du dire de la société E... du 7 mai 1999 que la nouvelle étude confiée au Bureau Véritas a été demandée par celle-ci "après discussion et accord des experts judiciaires sur le principe d'une étude confiée au Bureau Véritas".

Les experts judiciaires n'ont pas demandé au Bureau Véritas de leur donner un avis de technicien dans une spécialité distincte de la leur mais ont accepté, à la demande de l'une des parties, dans la mesure où ils critiquaient les bases de calcul retenues, qu'il procède à de nouveaux calculs à partir des données qui leur paraissaient conformes pour qu'ils soient soumis utilement à discussion. Le travail du Bureau Véritas devait constituer un élément versé aux débats par l'une des parties soumis à l'appréciation des experts et ne pouvait conférer à ce technicien, non choisi par eux à l'origine, la qualité de sapiteur dans les conditions édictées par l'article 248 du Nouveau code procédure civile.

Si les experts ont entretenu à plusieurs reprises des relations directes avec le Bureau Véritas en dehors de la présence des parties, il s'agissait de discussions sur des points techniques très spécifiques rendues nécessaires par la complexité de l'expertise mais non d'échanges avec un sapiteur, lesquels n'auraient nullement nécessité l'autorisation du juge chargé du contrôle des expertises, pourtant donnée par ordonnance du 5 juin 1996.

Le terme de sapiteur a été utilisé par erreur par les experts dans un compte-rendu de réunion du 10 décembre 1996 ; cette erreur a été rectifiée.

Dès lors que les experts judiciaires n'ont donné aucune instruction au Bureau Véritas, n'ont conclu avec lui aucun contrat et ne lui ont versé aucune rémunération, qu'il est établi que le Bureau Véritas est intervenu tout au long du déroulement de l'expertise judiciaire en qualité d'assistant technique de la société Delmas Vieljeux qui a commandé ses interventions, les premiers juges ont exactement et par des motifs pertinents que pour le surplus la cour adopte considéré que le Bureau Véritas n'avait pas la qualité de sapiteur.

Après le dépôt du rapport d'expertise la société Delmas Vieljeux a d'ailleurs sollicité de celui-ci son avis sur ce rapport, qui a été donné sous forme d'une note technique du 7 octobre 2003, ce qui confirme son intervention comme technicien au service des intérêts d'une partie et non en qualité de sapiteur lequel doit présenter les garanties d'impartialité et d'objectivité requises par la loi ce qui faisait alors obstacle à toute intervention en faveur d'une partie.

* sur le respect du principe du contradictoire

Lors de la réunion d'expertise du 9 novembre 1998, les experts ont proposé un calendrier de fin d'expertise qui a été porté à la connaissance des parties . Il prévoyait un délai d'un mois pour répondre aux derniers dires. Plusieurs modifications y ont été apportées pour tenir compte de l'évolution des opérations et des demandes des parties. De nouvelles dates ont été communiquées le 5 août 1999. La société E... a adressé un complément à son dire le 21 octobre 1999 mais le Bureau Véritas chargé de vérifier ses calculs n'a fait parvenir ses dernières observations que le 19 janvier 2000 lesquelles furent transmises aux parties le 1er février 2000 . Le délai d'un mois donné aux parties pour répondre aux derniers dires étant expiré, les experts ont refusé de prendre en compte les dires parvenus postérieurement au 1er mars 2000 et se sont donc abstenus d'y répondre.

Contrairement à ses affirmations, la société E... se devait, comme les autres parties, de respecter les délais fixés par les experts de sorte que les dires parvenus postérieurement au 1er mars 2000 ont été à juste titre rejetés . En effet, comme l'ont justement relevé les premiers juges, il appartient aux experts de clore leurs opérations lorsqu'ils ont recueilli l'ensemble des éléments nécessaires à l'accomplissement de leur mission après avoir sollicité des parties leurs dernières observations, étant précisé que les opérations d'expertise se sont déroulées durant six années ce qui a permis à chacun de présenter l'ensemble des observations nécessaires à la défense de ses intérêts. La poursuite de l'expertise au delà de ce très long délai, pour partie dû à l'attitude de l'armateur qui a retenu pendant trois ans des informations essentielles et notamment des photographies du navire lors de son arrivée au port de Brest, n'était pas justifiée, malgré la persistance de divergences importantes entre les experts et le Bureau Véritas, car toutes les études techniques avaient été effectuées et il appartenait aux seuls experts, à l'issue de leurs opérations, de se prononcer sur les différents points de leur mission. Le délai consacré par les experts à l'étude du dossier au vu des éléments recueillis et à la rédaction du rapport n'apparaît pas excessif eu égard à la difficulté de leur mission. Ce temps de réflexion et de synthèse nécessaire supposait qu'il ait été mis fin à la recherche d'éléments nouveaux et aux échanges avec les parties.

Au cours de l'expertise, l'ensemble des pièces et documents a été communiqué aux parties et la société DELMAS VIELJEUX a présenté de nombreux dires auxquels les experts ont répondu.

Dès lors que le Bureau Véritas n'intervenait pas en qualité de sapiteur mais comme assistant technique de la société DELMAS VIELJEUX , les experts n'avaient pas à le convier à une ultime réunion d'expertise destinée à clore les opérations . Il appartenait le cas échéant à cette dernière de solliciter son intervention si elle l'estimait indispensable.

Quant à la note du 14 avril 2000 qui aurait été dissimulée par les experts aux parties, elle ne fait que reprendre la position du Bureau Véritas et mettre en évidence une fois de plus les divergences d'appréciation entre les experts et lui . Ne pouvant s'analyser que comme un dire d'une partie, elle a été rejetée comme les autres dires postérieurs au 1er mars 2000 puisque les opérations d'expertise étaient closes ce que la société E... reconnaissait d'ailleurs dans son courrier du 5 juin 2000 au Président du tribunal de commerce de Brest, la réunion d'expertise du 24 mai 2000 étant une réunion de clôture.

C'est à tort que la société Bolloré reproche aux experts de ne pas avoir recherché les éléments nécessaires à la fixation des préjudices et de ne pas avoir tenu de réunion d'expertise sur ce point. Le tribunal a exactement relevé que les experts ont rempli leur mission en recueillant les éléments nécessaires et en les communiquant aux parties qui étaient en mesure de faire valoir leurs observations et que s'agissant de la vérification de factures produites au soutien de la demande en paiement , les observations et contestations pouvaient être présentées devant la juridiction de jugement . La cour observe que la société Bolloré n'a présenté ni réserve ni critique sur les demandes d'indemnisation des victimes au cours des opérations d'expertise.

Tout au long de leurs opérations, les experts ont informé les parties de leur désaccord sur les positions prises par le Bureau Véritas et en ont expliqué les raisons. Il ne peut leur être reproché d'avoir voulu prendre un temps de synthèse et de réflexion avant d'émettre leur avis définitif. Ils n'ont pas violé le principe du contradictoire en refusant de révéler aux parties leurs conclusions lors de la dernière réunion d'expertise.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire.

Sur la violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme

La société Bolloré reproche aux premiers juges d'avoir ignoré la note du Bureau Véritas du 7 octobre 2003 sur laquelle elle fonde sa critique de la conclusion du rapport d'expertise et d'avoir ainsi violé le principe du droit à un procès équitable en la privant du droit de contester un rapport d'expertise judiciaire.

La note du 7 octobre 2003, rédigée par le Bureau Véritas à la demande d'une partie, est un élément de preuve soumis à la discussion des parties comme tout élément de preuve régulièrement communiqué et versé aux débats. Il n'y a donc pas lieu de la déclarer inopposable à l'Etat français au motif qu'elle n'a pas été établie contradictoirement.

Le tribunal n'a pas rejeté des débats ce document dont il a pris connaissance. L'absence de référence expresse à cette pièce ne signifie pas qu'elle n'a pas été examinée par le tribunal qui a pu en apprécier la pertinence pour finalement retenir et faire sienne la position du collège d'experts judiciaires. La société Bolloré, loin d'avoir été privée de son droit de contester les conclusions des experts, a pu exposer très complètement sa position dans ses écritures devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Il n'y a pas lieu d'annuler le rapport d'expertise de ce chef.

sur la responsabilité de la société Bolloré

Il ressort du rapport du collège d'experts qu'avant le sinistre survenu le 8 décembre 1993, ni les services logistiques à terre de la société Delmas Vieljeux ni les entreprises extérieures chargées du saisissage des conteneurs ni le personnel de bord ne disposaient d'instructions écrites permettant d'assurer dans les règles de l'art l'arrimage et le saisissage des conteneurs de 40 ft, que la validité du saisissage des conteneurs de 20ft n'avait pas été ni vérifiée par le calcul alors que le Bureau Véritas aurait pu faire cette vérification avec le programme CLIO dont elle disposait ni contrôlée avec efficacité, des irrégularités ayant été découvertes relatives à la non fermeture de twist-locks et à la mise en oeuvre incorrecte de ridoirs pouvant entraîner leur desserrage et largage suite à des efforts, que les mauvaises conditions météorologiques font partie des causes du sinistre mais qu'elles n'étaient pas exceptionnelles pour la saison et la zone de survenance du sinistre, que les coups de roulis dus à une embardée provoquée soit par un décrochage du gyro-pilote soit par un défaut de maîtrise de l'homme de barre ont entraîné un désarrimage car l'arrimage et le saisissage des conteneurs n'avaient pas été correctement définis et mis en oeuvre.

Au cours des opérations d'expertise, la société Delmas Vieljeux avec l'aide du Bureau Véritas, a cherché à déterminer le niveau d'accélération subi par le navire lors de l'événement afin de démontrer qu'il excédait largement la valeur maximale de l'accélération supportable retenue par le règlement pour la classification des navires et que l'origine du dommage résultait notamment d'un effet "château de cartes" produisant des interactions entre des piles voisines, situation excluant toute erreur dans l'arrimage et le saisissage et démontrant un phénomène météorologique exceptionnel à l'origine du sinistre.

Les experts judiciaires ont très complètement analysé les calculs et les éléments techniques produits par l'armateur et son assistant le Bureau Véritas et ont répondu avec précision aux différents arguments soulevés. Ils ont relevé à plusieurs reprises des erreurs d'appréciation notamment lors de la comparaison entre la seconde et la troisième étude du Bureau Véritas en indiquant que son analyse était très partielle et erronée puisqu'elle concluait à des résultats identiques à partir d'une comparaison sur quelques piles et qu'elle partait d'hypothèses optimistes, leurs résultats à partir d'hypothèses réalistes étant largement différents. Sans contester la possibilité d'un effet "château de cartes", les experts ont noté que cette thèse n'a pas été confortée par l'apport des calculs dynamiques ni même statiques, qu'on ne peut prendre en compte des phénomènes physiques touchant deux piles que si des calculs montrent d'abord que des piles voisines venaient à se toucher puis ensuite intervenaient au niveau de l'ensemble de deux ou plusieurs piles, précisant qu'il est impossible de dire si le fait qu'une pile touche la pile voisine a pour effet de voir se consolider l'ensemble ou de voir la seconde pile entraînée par la première.

Dans sa note technique du 7 octobre 2003, le Bureau Véritas réitère sa position et maintient la pertinence de ses calculs , confirmant ainsi son désaccord avec le collège d'experts judiciaires. Dès lors que cette note technique, rédigée par l'organe chargé de la classification du navire, ne fait que reprendre un débat qui a opposé ce technicien aux experts durant les opérations d'expertise , que les experts ont explicité leur avis, répondu aux observations techniques qui leur ont été adressées, elle n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise qui seront retenues par la cour comme elles l'ont été par le tribunal, procédant d'une analyse complète et rigoureuse.

Il convient d'ajouter que les experts chargés d'une enquête technique et administrative dans les jours qui ont suivi le sinistre, ont également conclu que "la cause de la rupture du matériel de saisissage des conteneurs de 40 ft réside , semble-t-il, dans une répartition des poids, une méthode, un plan ou des matériels de saisissage non adaptés", après avoir constaté que les matériels de saisissage des conteneurs de 40 ft se sont brisés sous l'effet de deux violents coups de roulis, les piles ayant alors basculé sur les piles de conteneurs de 20 ft provoquant la rupture de leurs matériels de saisissage.

Il est ainsi établi que :

• 90 conteneurs sont tombés en mer à la suite de deux violents coups de roulis dont l'origine exacte n'a pu être déterminée en raison de la disparition de la bande d'enregistrement du cap et du manque de précision des témoignages de l'équipage, les experts n'ayant pu déterminer avec certitude le mode de pilotage (automatique ou manuel) du navire,

•que les informations météorologiques obtenues auprès des autorités compétentes ont confirmé l'existence de vents de force 9 à 10 et de vagues d'une hauteur maximale de 6,5 mètres qui sont assez rares dans la zone concernée sans toutefois être exceptionnelles puisqu'elles sont observées généralement deux fois par an,

•que les études n'ont pas permis de retenir la thèse de vagues exceptionnelles "freak waves", phénomène inexistant en Manche, non enregistré par la bouée Channel alors que l'accident est survenu à proximité de cette installation , non signalé aux autorités maritimes par le commandant du navire Sherbro qui n'a porté aucune mention sur le livre de bord ni par d'autres navires empruntant la même route maritime de sorte qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une cause étrangère, irrésistible et imprévisible,

• qu'il n'existait aucune instruction écrite pour l'arrimage et le saisissage des conteneurs de 40ft, lesquels ont été le plus endommagés,

•que des anomalies au niveau de l'arrimage ont été relevées: poids total d'une pile supérieur au maximum autorisé, conteneur supérieur d'un poids excessif par rapport à celui autorisé, ensemble des conteneurs de niveaux 3 et 4 d'un poids total excessif par rapport à celui autorisé,

•que malgré les limites définies pour les conteneurs de 20 ft, des anomalies d'arrimage existaient au départ du port du Havre,

•que les manutentionnaires se sont fondés sur les documents de saisissage des conteneurs de 20 ft pour saisir les conteneurs de 40ft sans tenir compte de leurs spécificités au mépris des règles de l'art qui doivent trouver application même en l'absence de norme ou réglementation,

•que les constatations faites par monsieur F... au port de Brest et les examens effectués lors de la tournée du Nord sur l'Ursula E... ex Sherbro ont révélé que l'arrimage ne respectait pas toujours les règles de poids, que certains saisissages n'étaient pas correctement mis en oeuvre et que certains éléments fixes de saisissage pouvaient ne pas être en état de supporter les charges engendrées par les coups de roulis,

•que le désarrimage lors des coups de roulis est la conséquence de l'absence de définition et de mise en oeuvre correctes de l'arrimage et du saisissage.

En conséquence, par des motifs exacts et pertinents que pour le surplus la cour adopte, le tribunal a justement retenu à la charge de la société Bolloré venant aux droits de la SDV des fautes dans l'arrimage et le saisissage des conteneurs à l'origine du sinistre et des dommages subis tant par l'Etat français que par la société Syngenta crop protection suite à la perte en mer de 90 conteneurs et à l'endommagement de 105 autres conteneurs dont certains contenaient des produits toxiques et dangereux.

Dans la mesure où les conteneurs tombés en mer n'avaient pas perdu tout rapport avec le navire transporteur, qu'ils n'étaient devenus épaves que du fait de la faute imputable à l'armateur qui n'a pas mis en oeuvre un arrimage et un saisissage permettant d'assurer la stabilité des conteneurs pontés même par gros temps, la société Bolloré est mal fondée à invoquer les dispositions de la loi du 26 novembre 1961 sur les épaves maritimes, laquelle met à la charge du propriétaire des épaves l'obligation de les récupérer, enlever et détruire, pour tenter d'échapper à sa responsabilité délictuelle pour faute .

Il convient de noter que la direction juridique de la société Delmas Vieljeux, par télécopie du 16 décembre 1993, ne contestait pas à l'époque devoir financer les opérations de récupération et de nettoyage puisqu'elle répondait à la mise en demeure adressée par la préfecture maritime de Cherbourg en ces termes:" ...nous entendons prendre toutes mesures techniquement réalisables pour récupérer les conteneurs échoués ainsi que les marchandises qui s'y trouvent chargées ou les marchandises qui s'en sont échappées. Par ailleurs nous nous engageons à payer sur justificatifs les frais raisonnables qui auront pu être engagés pour notre compte par ces administrations". La presse s'est d'ailleurs fait l'écho de l'engagement de l'armateur du Sherbro à prendre en charge les frais générés par l'accident.

Les dépenses engagées par l'Etat pour prévenir le danger que les conteneurs tombés en mer ou restés sur le navire mais endommagés représentaient pour la navigation et l'environnement entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 59 de la loi du 3 janvier 1967 sur le statut des navires qui exclut la possibilité pour le propriétaire du navire d'opposer la limitation de sa responsabilité aux créances de l'Etat.

En revanche, c'est à tort que la société Syngenta crop protection invoque le bénéfice de l'article 59 de la loi susvisée car elle est intervenue en qualité de chargeur et non pour le compte de l'Etat, et celui de l'article 58-3à défaut de rapporter la preuve d'une faute inexcusable à la charge de la société Bolloré. En effet, si des fautes ont été retenues à la charge de la société SDV, elles relèvent de la négligence et de l'imprudence mais nullement d'une volonté manifeste de se soustraire à ses obligations en ayant conscience de sa témérité comme de la probabilité des dommages que son comportement était susceptible d'entraîner. La société Bolloré peut, comme l'a jugé le tribunal, opposer à la société Syngenta crop protection la limitation de sa responsabilité, étant observé que les demandes en réparation des préjudices sont inférieures au montant du fonds de limitation.

Sur le préjudice de l'Etat

La société Bolloré reproche aux experts judiciaires de ne pas avoir analysé et vérifié les demandes présentées par l'Etat au titre de son préjudice et sollicite la désignation d'un nouvel expert à cette fin.

Contrairement à ses affirmations, les experts judiciaires ont étudié les différentes postes de préjudice réclamés et ont dressé un tableau des sommes dues. Durant les opérations d'expertise, la société Bolloré n'a émis aucune contestation sur ces sommes et n'a déposé aucun dire . Devant la cour, elle se contente d'une critique générale sur le montant réclamé remettant en cause, par principe, le bien fondé des factures et relevés produits aux débats. Sa demande en désignation d'un nouvel expert sera rejetée.

L'agent judiciaire du Trésor verse aux débats les factures des diverses interventions tant en mer que sur terre nécessitées par l'accident survenu le 8 décembre 1993. Chaque facture est détaillée et fait apparaître la nature des interventions, leur durée, leur nombre, la valeur unitaire ou le coût horaire et la somme due. La société Bolloré ne produit aucun élément de nature à établir une quelconque erreur dans le calcul des sommes facturées.

Par des motifs pertinents que la cour adopte , le tribunal , après avoir repris en détail chaque demande et rejeté les réclamations non justifiées, a justement fixé la créance de l'Etat à la somme de 475 595,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993 à titre compensatoire et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, somme non contestée par celui-ci en cause d'appel. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

sur la préjudice de la société Syngenta crop protection

La société Bolloré reproche aux experts judiciaires de ne pas avoir analysé et vérifié les demandes présentées par la société Syngenta crop protection au titre de son préjudice et sollicite la désignation d'un nouvel expert à cette fin.

Contrairement à ses affirmations, les experts judiciaires ont étudié les différentes postes de préjudice réclamés et ont fixé le montant des sommes dues. Durant les opérations d'expertise, la société Bolloré n'a émis aucune contestation sur ces sommes et n'a déposé aucun dire . Devant la cour, elle se contente d'une critique générale sur le montant réclamé remettant en cause, par principe, le bien fondé des factures et relevés produits aux débats. Sa demande en désignation d'un nouvel expert sera rejetée.

La société Bolloré ne conteste pas l'évaluation des frais exposés en Allemagne pour la récupération et le nettoyage du littoral. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 647 124,25 euros de ce chef.

Pour les frais exposés en France, la société Syngenta crop protection verse aux débats les factures ainsi que pour certaines d'entre elles la preuve de leur paiement. Elle indique que, eu égard au temps écoulé, elle n'est plus en mesure de justifier du paiement de chacune des nombreuses factures dont elle a supporté la charge .

Le tribunal a justement retenu, au vu des factures dont le paiement est justifié, la somme de 116 736,21 euros. Il a écarté le remboursement des autres factures considérant que la société Syngenta crop protection ne démontrait pas en avoir assumé le paiement.

Les factures litigieuses adressées à la société Ciba-Geigy se rapportent incontestablement aux travaux de ramassage et de nettoyage des plages suite à la perte des conteneurs par le navire Sherbro. Elles ont été émises soit par des communes du Pas de Calais , la direction des douanes de Boulogne sur mer, le groupement de gendarmerie du Pas de Calais, l"amicale des sapeurs-pompiers qui ont mis à disposition la main d'oeuvre et des matériels, soit par des entreprises qui ont fourni des containers et des produits indispensables comme des gants, bottes, vêtements de pluie. Compte tenu de la qualité des intervenants, elles ne peuvent que correspondre à des prestations réellement effectuées, ce que la société Bolloré ne remet pas en cause.

Ces factures ont été nécessairement réglées par la société Ciba-Geigy car à défaut les collectivités territoriales et autres administrations n'auraient pas manqué de faire valoir leurs droits.

Il convient en conséquence de considérer que par la production aux débats de ces factures, dont les experts ont pu apprécier la pertinence et qui n'étaient, au moment des opérations d'expertise, pas contestées par la société Bolloré , la société Syngenta crop protection justifie de son préjudice complémentaire à hauteur de 92 855,75 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relative à la facture du département du Pas de Calais pour un montant de 77.258,84 euros , cette réclamation étant comprise dans celle admise de 149 103,84 euros comme le démontre le récapitulatif "pollution du littoral par des fongicides". Le préjudice subi au titre des frais exposés en France s'élève à la somme totale de 209 591,96 euros.

La société Bolloré ne conteste pas l'évaluation des frais exposés au Pays- Bas à hauteur de 23 301,43 euros .

Les factures versées aux débats sous les numéros 3, 4, 5, 9, 10 ont été à juste titre rejetées par les premiers juges, aucune mention ne permettant de rattacher ces prestations au sinistre du Sherbro. En revanche, les factures portant les no 11 et 12 précisent qu'elles se rapportent, comme celles non contestées par la société Bolloré, aux opérations de nettoyage des plages ( élimination de sachets Aprom, nom de l'insecticide en cause). La demande doit être admise pour ces deux factures représentant une somme totale de 9856,77 florins soit 4480,35 euros .

Le montant total du préjudice subi pour le nettoyage du littoral des Pays-Bas s'élève à la somme de 27 781,78 euros.

Le montant total du préjudice subi par la société Syngenta crop protection sera fixé à la somme de 884 497,97 euros.

La société Syngenta crop protection, qui ne verse aucune pièce aux débats sur ce point, ne justifie pas avoir subi un préjudice commercial et de réputation . Cette demande a été justement rejetée par le tribunal.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes tendant au paiement des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993 à titre d'indemnité complémentaire, l'Etat français et la société Syngenta crop protection ayant du engager immédiatement des frais importants pour assurer la protection de l'environnement, et à la capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1154 du code civil.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement, en dernier ressort,

REJETTE l'exception de nullité de la déclaration d'appel,

REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité allouée à la société Syngenta crop protection,

L'INFIRME de ce chef,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la société Bolloré à payer à la société Syngenta crop protection la somme de 884.497,97 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993,

CONDAMNE la société Bolloré à payer à l'Etat français la somme de 10 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

CONDAMNE la société Bolloré à payer à la société Syngenta crop protection la somme de 10.000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

DÉBOUTE la société Bolloré de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code procédure civile,

CONDAMNE la société Bolloré aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément à l'article 699 du Nouveau code procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 03/11864
Date de la décision : 11/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-11;03.11864 ?
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