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25/09/2007 | FRANCE | N°04/00552

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 2007, 04/00552


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B



6ème chambre



ARRET No



CONTRADICTOIRE



DU 25 SEPTEMBRE 2007



R.G. No 06/00127



AFFAIRE :



Grégoire X...






C/

S.A. 3 M FRANCE

en la personne de son représentant légal







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

No Chambre :

Section : Encadrement

No RG : 04/00552




Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affa...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

6ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 25 SEPTEMBRE 2007

R.G. No 06/00127

AFFAIRE :

Grégoire X...

C/

S.A. 3 M FRANCE

en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

No Chambre :

Section : Encadrement

No RG : 04/00552

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Grégoire X...

... 1

78170 LA CELLE ST CLOUD

Comparant -

Assisté de Me MAGNOL Philippe,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 1573

APPELANT

****************

S.A. 3 M FRANCE

en la personne de son représentant légal

Boulevard de l'Oise

95006 CERGY PONTOISE CEDEX

Non comparante -

Représentée par Me HERMANN Alain,

avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire : NAN 701

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2007, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Monsieur François BALLOUHEY, président,

Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,

Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre A...

FAITS ET PROCÉDURE,

Par arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2007, la cour de céans, statuant sur un appel formé par monsieur Grégoire X... d'un jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, Section Encadrement, rendu le 8 décembre 2005 dans un litige l'opposant à la société 3 M FRANCE, a, tous moyens et dé- pens étant réservés :

- Infirmé le jugement et statuant à nouveau

- Ordonné à la société 3 M France de produire les documents ci dessous, à savoir :

a) La communication dans son intégralité de la notification du redressement fiscal au titre des années 1996 à 1999 dont le montant a été provisionné sur 2002 à hauteur de 51.557.845 €, ainsi que les comptes d'exploitation 1998, 1999 et 2000 rectifiés et ce, conformément à la loi fiscale;

b) Pour ce qui est des demandes formulées sur le préjudice lié aux stocks options :

+ La production en justice des pièces justificatives de la poli- tique des stocks options en relation avec la politique de rémunération des ressour- ces humaines depuis le premier janvier 2001 jusqu'à ce jour;

+ L'indication du nombre total de personnes ayant bénéficié de stocks options aux sociétés 3M FRANCE et 3M EUROPE pour le job group 14, ainsi que le nombre de personnes dans les deux entités respectives ayant occupé ou occupant un poste de job group 14, le nombre total de stock options distribuées, valeur maxi et valeur moyenne, et ce, par année depuis le 1er janvier 2001 jusqu'à ce jour;

c) Pour ce qui est de tous les autres éléments de rémunération individuelle attribuée aux cadres supérieurs :

+ La production de tout document complémentaire relatif à la politique de rémunération des cadres supérieurs : le «PEE», le Profit-Sharing et tout système complémentaire de rémunération variable venant en complément de la rémunération fixe (les cadres supérieurs et dirigeants);

+ Pour ce qui concerne le «PEE», produire par année depuis le premier janvier 2001 jusqu'à ce jour :

. Le nombre total de personnes de job group 14 de 3M France;

. Le nombre total de personnes de job group 14 ayant bénéficié d'un abondement maximum versé par la société 3M France dans le cadre du «PEE», ainsi que le montant de cet abondement maxi investi en fonds 3M;

. Pour ce qui est du «Profit Sharing», produire la mise à jour du système en vigueur depuis le 1er janvier 2001 jusqu'à ce jour et notamment fournir les valeurs trimestrielles du «profit sharing» depuis le départ de monsieur Grégoire X... jusqu'à ce jour selon les entités auxquelles sont rattachés les cadres qui en bénéficient;

. Produire par année depuis 2001 à ce jour les éléments per- mettant de déterminer quel pourcentage de la rémunération globale représente le «profit sharing» dans la rémunération des cadres supérieurs de job group 14 au sein de 3M France et 3M Europe et notamment pour ceux rattachés à l'entité dénommée «XX» appelée aussi «Total Company», «Consumer & Office Business Monde» et «Consumer & Office Business Europe».

d) Pour ce qui est des demandes du montant de la participation :

+ Le montant de la participation ayant dû être recalculé du fait du redressement fiscal considéré,

+ La production en justice d'une copie de l'accord de par- ticipation signé avec les partenaires sociaux et de tous documents permettant à monsieur X... de connaître le montant de ses droits acquis;

- Ordonné une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard passé le 30éme jour de la notification de l'arrêt par manquement constaté par catégories, durant trois mois, pour la remise de ces documents par la société 3M France;

- Dit que passé ce délai la partie la plus diligente pourrait saisir à nouveau la cour pour la poursuite de l'instance et statuer sur la liquidation de cette astreinte;

- Réservé tous les autres moyens et demandes ainsi que les dépens.

Pour l'exposé des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément à son arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2007.

Il convient seulement de préciser les éléments suivants.

Monsieur Grégoire X..., engagé par la société 3 M France le 1er juillet 1971 en qualité de chef de service, a été promu "Directeur Nouveaux Développement Europe", le 1er mai 1997, selon le coefficient 880, classe "job 14", moyennant une rémunération moyenne brute mensuelle alors de 8.176 €.

Au premier semestre 2001, alors qu'un plan concernant la suppression de 5.000 emplois dans le monde était annoncé par le Groupe 3 M International, la société 3 M FRANCE a mis en oeuvre, après une consultation du comité d'en- treprise en mai 2001, un plan social prévoyant la suppression de 325 postes dans l'entreprise.

Le 9 novembre 2001, monsieur X... a fait l'objet d'un licen- ciement économique, motifs pris de la suppression de son poste en raison des difficultés économiques de l'entreprise résultant d'une insuffisance de rentabilité, de la variation des taux de change, d'un endettement croissant et de frais financiers élevés imposant des mesures structurelles immédiates indispensables à la sauve- garde de la compétitivité.

Par lettre du 27 décembre 2001, l'Administration a notifié à la société 3 M FRANCE un redressement fiscal pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999.

Contestant la validité de son licenciement, monsieur X... a saisi la juridiction prud'homale, le 24 septembre 2001, de diverses demandes.

Par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, et soutenues oralement à l'audience, monsieur X... demande à la cour de :

A titre principal,

- Dire nul et de nul effet le plan social comme étant non fondé au sens de l'article 1131 du Code civil, ne reposant pas sur une cause économique et étant intervenu en violation des dispositions de l'article L 122-45 du Code du travail;

- Ordonner la réintégration de monsieur X... avec la même position hiérarchique, les mêmes droits dûs à sa fonction, notamment le "profit-sharing", le PEE et les stock-options au moins égaux à ce qu'ils étaient avant son licenciement, et ce à compter du prononcé du jugement, et sous astreinte de 500 € par jour de retard avec faculté pour la cour de liquider l'as- treinte;

- Ordonner la réintégration du demandeur à compter du prononcé du jugement, et sous astreinte de 500 € par jour de retard avec faculté pour la cour de liquider l'astreinte;

- Condamner la société 3 M FRANCE à payer au demandeur les salaires qui lui sont dûs à compter du 12 novembre 2001, ainsi que le rattrapage de tous les avantages financiers (PEE, "profit-sharing" et stock-options) au moins égaux à ce qu'ils étaient avant son licenciement, et ce jusqu'à réintégration effective au sein de la société 3M FRANCE, sous astreinte de 500 € par jour de retard avec faculté pour la cour de liquider l'astreinte, soit une somme de 645.296 €;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'absence de réalité des motifs économiques invoqués et de la violation par la société 3 M FRANCE de son obligation de reclassement;

- Condamner la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... la somme de 479.104 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l'article L 122-14-4 du Code du travail;

- Condamner la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... la somme de 166.192 € de dommages-intérêts pour perte de chance de réaliser une plus-value entre la valeur préférentielle d'achat et le prix éventuel de vente concernant les stock-options, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil;

- Condamner la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... la somme de 4.000 € de dommages-intérêts, en vertu des dispositions de l'article 1382 du Code civil, au titre du rappel de la participation recalculée à la suite du redressement fiscal pour les années 1996 à 1999;

- Condamner la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- Condamner la société 3 M FRANCE aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes relatives à la nullité du plan social, monsieur Grégoire X... invoque les dispositions de l'article 1131 du Code civil selon lesquelles toute obligation qui repose sur une cause illicite, inexistante ou sans cause, est nulle; qu'il fait valoir, notamment, que le plan social repose, non sur une cause économique, mais sur une cause illicite, à savoir l'insuffisance de rentabilité. Il soutient également que le redressement fiscal pour les années 1996 à 1999 fait apparaître que la société 3 M FRANCE a minoré du simple au décuple les chiffres qu'elle avait présentés lors de l'élaboration du plan social pour justifier les licenciements prévus; qu'elle a fait retarder au maximum la date de ce redressement afin qu'il intervienne après le plan social, alors que toutes les informations qu'elle avait fournies pour justifier ce dernier étaient fausses et que la situation financière du Groupe 3 M était très bonne; qu'ainsi, l'ampleur de ce redressement révèle le caractère frauduleux du plan social.

Par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, et soutenues ora- lement à l'audience, la société 3 M FRANCE demande à la cour de :

- Dire mal fondé l'appel de monsieur X...;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur Grégoire X... de ses demandes d'annulation du plan social et considéré son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur Grégoire X... de ses demandes relatives aux stock-options;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur Grégoire X... de sa demande au titre de la participation;

En conséquence,

- Débouter monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner monsieur X... à payer à la société 3 M FRANCE la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour répondre aux demandes du salarié concernant la nullité du plan social, la société 3 M FRANCE fait notamment valoir qu'il ne peut être soutenu que le redressement fiscal portant sur les exercices 1998 et 1999 révèle une manipulation comptable destinée à fonder un licenciement pour motif économique en 2001, soit trois ans plus tard, alors que ce sont les difficultés économiques rencontrées en 2000 et celles prévisibles de l'année 2001 qui ont motivé le licenciement de monsieur C... et que les résultats du redressement fiscal n'étaient pas connus lors de la remise de la note économique au Comité central d'entreprise; que la bonne foi de la société 3 M FRANCE ne peut être contestée dès lors que le montant final du redressement, après mise en oeuvre des voies de recours, correspond à la moitié du montant initialement réclamé; que le plan social satisfait à son obligation de reclassement; qu'au surplus, l'absence de motivation économi- que, à la supposer établie, n'est pas une cause de nullité du plan social;

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes de monsieur X... relatives à la nullité du plan social :

Attendu que le plan social prévoyait, en son paragraphe 1.1.5, que les salariés âgés de plus de 50 ans dont le poste se trouvait supprimé feraient l'objet de mesures particulières; qu'ainsi, leur candidature serait examinée en priorité sur les postes de reclassement interne et ils bénéficieraient, dans le cadre d'un changement de poste, d'une formation d'adaptation, si nécessaire; que dans le cas où le reclas-sement s'avérerait impossible ou serait refusé par les salariés, ceux-ci seraient pris en charge par une structure dite "structure mobilité emploi" ayant pour mission de les accompagner en vue de valoriser leur expérience et de clarifier avec eux un projet professionnel, y compris, le cas échéant, en conseillant les futurs créateurs ou repreneurs d'entreprise, et de faciliter leur reclassement;

Que si de telles mesures sociales d'accompagnement apparaissent pertinen-tes et de nature à éviter des licenciements ou d'en limiter le nombre et de faciliter le reclassement des salariés qui seraient licenciés, il n'en demeure pas moins que monsieur X... conteste la validité du plan social en invoquant la fraude de la société 3 M FRANCE dans l'établissement du plan social et l'absence d'indication dans ce document du nombre de postes et d'emplois visés par les mesures de reclassement au sein du Groupe 3M international; que la cour étant

tenue de répondre aux conclusions de monsieur X..., il lui importe d'examiner la validité du plan social au regard tant des dispositions de l'article L 321-4-1 du Code du travail que du principe selon lequel "la fraude corrompt tout";

Attendu que le plan social indique que si la société 3 M FRANCE a connu en 2000 une croissance exceptionnelle de son chiffre d'affaires en France et à l'exportation, la situation financière de l'entreprise n'en était pas moins caractérisée par un résultat net préoccupant de 0, 9 % du chiffre d'affaires en 1998, de 1, 4 % du chiffre d'affaires en 1999 et de 1, 2% en 2000, par une constante érosion de la marge nette de l'entreprise passant de 36, 2 % des ventes totales, à 35, 9 % en 1999 et à 32, 4 % en 2000, ainsi que par des frais de commercialisation de 35, 6 % du chiffre d'affaires, alors que la moyenne européenne à cet égard est de 31 %; que ces données rendaient nécessaire la suppression de 325 postes dans l'entreprise;

Que, cependant, la pertinence de ces chiffres apparaît démentie par le redressement fiscal au titre des années 1996 à 1999 notifié à la société 3 M FRANCE et produit par celle-ci aux débats, qui fait apparaître que le montant du résultat fiscal avant imputation d'ARD retenu par l'Administration était, pour chacune de ces années, très supérieur à celui que la société avait déclaré; qu'ainsi, il s'élevait, pour 1996, à 349.502.995 F au lieu de - 27.474.713 F, pour 1997, à 190.540.307 F au lieu de -101.157.565 F, pour 1998, à 300.769.956 F au lieu de 34.483.799 F et pour 1999, à 269.803.161 F au lieu de 25.603.606 F;

Que l'Administration fiscale fait état, dans la notification de ce redresse- ment à la société 3 M FRANCE, des manquements répétés de cette dernière à son obligation de lui fournir les résultats qui lui avaient été demandés, et qualifie ces manquements de "grave entrave au contrôle fiscal";

Que de tels manquements ont eu lieu alors que le processus d'élaboration du plan social était en cours, avec la consultation des institutions représentatives du personnel; qu'il apparaît que de tels agissements étaient destinés à retarder le contrôle fiscal et d'éviter ainsi toute contestation sur la situation économique de l'entreprise et, par là même, sur le bien-fondé de la suppression des 325 postes dont faisait état le plan social;

Que la fraude de la société 3 M FRANCE dans l'élaboration du plan social apparaît ainsi établie;

Attendu qu'aux termes de l'article L 321-4-1 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile; que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan

visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés; que ce plan doit prévoir, notamment, des actions de reclassement inter- ne ou externe à l'entreprise;

Qu'en application de ces dispositions, le plan social que l'employeur est tenu de présenter, doit comporter, à peine de nullité, des mesures concrètes et précises relatives, notamment à la recherche des possibilités de reclassement qui doit être effectuée non seulement dans l'entreprise concernée mais également à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger, dès l'instant que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers;

Attendu que le plan social ne comporte aucune autre mention relative à une impossibilité de reclassement dans des entreprises du groupe 3 M situées à l'étranger; qu'au contraire, il indique, dans sa partie intitulée "Mesures sociales d'accompagnement", que "les postes disponibles au sein des sociétés du Groupe 3 M à l'étranger seront proposés aux salariés concernés par le plan social dans la me- sure où ces postes seront compatibles avec leur qualification et répondront à un souhait de mobilité géographique" et que "la DRH tiendra régulièrement informés le CCE et les CE sur l'évolution de la situation des collaborateurs en reclassement" que la liste des postes de reclassement annexée au plan social, se limite aux seuls postes disponibles en France dans les sociétés 3 M FRANCE et 3 M D...; qu'ainsi, le plan social ne satisfait pas aux dispositions de l'article L 3221-4-1 susvisé;

Qu'il suit de tout ce qui précède que le plan social est nul;

Sur la demande de réintégration de monsieur X... :

Attendu que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier les licenciements prononcés par l'employeur qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L. 321-4-1 du Code du travail sont eux-mêmes nuls;

Qu'il s'ensuit que le licenciement de monsieur X... est nul;

Qu'il convient, dès lors que le salarié l'a demandé, d'ordonner la poursuite de son contrat de travail; que monsieur X... doit être en conséquence réintégré dans la société 3 M dans l'emploi qu'il occupait au moment de son licenciement ou, à défaut, dans un emploi équivalent, avec la même position hiérarchique et les mêmes avantages dont il disposait du fait de l'emploi qu'il occupait alors;

Sur la rémunération de monsieur X... au jour de sa réintégration :

Attendu que monsieur X... occupait, lors de son licenciement, les fonctions de Directeur Nouveaux Développement Europe", le 1er mai 1997, selon le coefficient 880, classe "job 14"; qu'il doit en conséquence, être réintégré dans cet emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent, selon ce même coefficient de rémunération et la même classe "job 14";

Que sa rémunération se composait alors de différentes parties; qu'outre un salaire de base annuel, calculé sur la base du coefficient 880, classe "job 14", elle comprenait une partie variable, à titre de participation aux bénéfices, dite "Profit sharing", qui était constituée par l'attribution de parts dans trois entités financières, à savoir : "Consumer & Office Business Monde" (47.354 parts), "Consumer & Office Business Europe" (312.574 parts) et "Total Company" (1.720 parts) dont la valeur évoluait en fonction des résultats de ces dernières; qu'à ces éléments venaient s'ajouter les options sur titres distribuées chaque année au salarié, comme aux autres cadres supérieurs de l'entreprise, et qui était déterminé en fonction de son groupe de classification interne "job group 14"; qu'enfin, monsieur Grégoire X... bénéficiait de l'abondement maximum du plan d'épargne entreprise mis en place en 1999, par la société 3 M FRANCE, d'un montant de 322.500 F pour les salariés de coefficient 880 satisfaisant aux critères de souscription personnelle;

Que monsieur X... doit à nouveau percevoir, dès sa réintégration, une rémunération composée de l'ensemble de ces éléments;

Sur la demande d'astreinte :

Attendu qu'il y a lieu pour la cour d'assortir l'injonction faite à la société 3 M de réintégrer monsieur X... dans l'emploi qu'il occupait au moment de son licenciement ou, à défaut, dans un emploi équivalent, avec la même position hiérarchique, les mêmes avantages et la même rémunération dont il disposait du fait de l'emploi qu'il occupait alors, d'une astreinte de 100 € par jour de retard et de s'en réserver la liquidation;

Sur les demandes de monsieur X... relatives aux salaires depuis le 12 novembre 2001 et aux avantages financiers dont il bénéficiait avant son licencie- ment :

Attendu que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, déduction faite du montant des revenus qu'il a pu tirer d'une autre activité professionnelle pendant la période correspondante et du revenu de rempla- cement qui a pu lui être servi pendant la même période;

Que le préjudice subi par monsieur Grégoire X... du fait de son licenciement nul résulte tout d'abord de la privation du salaire de base qu'il aurait perçu jusqu'à ce jour s'il n'avait pas été licencié; que compte tenu du montant annuel de ce salaire de 82.471 € incluant le montant de la prime de vacances, ce préjudice s'établit, sur ce point, à la somme (82.471 € X 5) + (82.471 € X 10/12) = 481.080, 33 €;

Que le préjudice doit être également apprécié en tenant compte des autres éléments de la rémunération dont le salarié s'est trouvé privé du fait de son licenciement;

Attendu que monsieur X... n'a pu, du fait de la non-attribution des options d'actions auxquelles il était en droit de prétendre par suite de son licenciement, profiter de la plus-value réalisée par celles-ci depuis le 12 novembre 2001, date de la rupture; que, cependant, il y a lieu de tenir compte à cet égard des dispositions législatives en vigueur, en vertu desquelles, ainsi que le rappellent les documents intitulés "Management Stock Ownership Program" en date de juin 2001, juillet 2002, juillet 2003, octobre 2004, septembre 2005 et septembre 2006, produits par la société 3 M FRANCE, les options étaient indisponibles pendant une durée de quatre ans, sauf à entraîner un coût prohibitif pour les bénéficiaires; que la privation pour monsieur X... de la chance de réaliser une plus-value sur les options qui lui auraient été attribuées s'il était demeuré dans l'entreprise n'est effective que pour les parts relatives aux années 2005, 2006 et 2007;

Que, par ailleurs, compte tenu du nombre de parts attribué par bénéficiaire du "Job Group 14" au sein de la Société 3 M France et qui était de 429 en 2002, de 880 en 2003, de 790 en 2004 et de 723 en 2005, monsieur X... s'est trouvé privé, du fait de son licenciement, de 4.232 parts;

Qu'il s'ensuit que compte tenu du cours moyen sur les trois dernières années de la part de 78, 54 $, soit 62, 83 €, et de l'évaluation de la moyenne des plus-values par part constatée au cours des trois dernières années s'établit à 47 $, soit 37, 6 €, monsieur X... s'est vu privé d'une chance de réaliser ces options et d'obtenir ainsi une somme de 285.920 €;

Que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par monsieur X... du fait de la privation indue des options sur titre à compter du 12 novembre 2001, à la somme de 160.000 €;

Qu'en ce qui concerne la partie variable de rémunération, dite "Profit sharing", il résulte des pièces produites aux débats, notamment des tableaux sur l'évolution de la valeur des trois entités: "Consumer & Office Business Monde", "Consumer & Office Business Europe" et "Total Company" entre 2001 et 2006, que le "Profit sharing" dont monsieur X... aurait bénéficié s'il n'avait pas été licencié aurait été, du 12 novembre 2002 à ce jour, de 191.315 €; que, de ce chef, monsieur Grégoire X... a subi un préjudice spécifique qui s'établit à ce montant ;

Qu'il résulte des pièces produites par la société 3M FRANCE que celle-ci a mis en oeuvre dès 1999 un plan épargne entreprise prévoyant un abondement maximum par l'employeur de 22.500 F, soit 3.431 €, pour les cadres au coefficient 880 satisfaisant aux critères de souscription d'un minimum de 22.000 F, dont 7.500 F au moins sur un Fonds commun de placement à base d'actions de la société 3 M FRANCE; que monsieur Grégoire X... a satisfait à ces critères; qu'ainsi, ce dernier aurait bénéficié de son employeur, s'il n'avait pas été licencié, d'un abondement de 3.431 € par an, de 2002 à 2007; qu'il a subi de ce fait un préjudice que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 20.000 €;

Qu'enfin, si monsieur X... ne peut prétendre au paiement d'une participation pour la période postérieure au 12 novembre 2001, dès lors qu'il n'a plus été présent à compter de cette date dans l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'il a subi un préjudice du fait de son licenciement nul qui l'a indûment privé de ses droits à cet égard;

Que la société 3 M FRANCE a produit aux débats une note signée de son "Managing Director", élaboré en 2004 indiquant qu'au montant de la réserve de participation de 3.727.903 € pour l'année 2003, avait été ajoutée, pour tenir compte de la nouvelle évaluation du résultat fiscal de l'année 2000 à la suite du redressement fiscal, une enveloppe de participation de 1.586.837 €, intérêts de retard inclus, et précisant que tous les salariés ayant trois mois d'ancienneté bénéficieraient de la participation; qu'elle s'est abstenue de produire d'autres éléments permettant à monsieur X... de connaître le montant des droits à participation qu'il aurait acquis s'il n'avait pas été licencié; qu'il appartient à la cour de tirer toutes conséquences de cette abstention;

Que selon les pièces produites, le montant de la participation représentait en 2006 8 % de la rémunération annuelle des salariés de l'entreprise et 6 % en 2003; qu'il résulte des explications des parties à l'audience que si monsieur X... n'avait pas été licencié, il aurait perçu au titre de la participation pour les années 2002 à 2006 la somme de 33.037 €; qu'en conséquence, le préjudice qu'il a subi de ce fait s'élève à la somme de 33.037 €;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice subi par monsieur X... du fait du non-paiement de son salaire de base, de la non-attribution des options d'actions et de l'absence d'abondement par l'employeur du plan d'épargne entreprise depuis le 12 novembre 2001 par suite du licenciement intervenu à cette date, s'élève à la somme de 481.080, 33 € + 160.000 € + 191.315 € + 20.000 € + 33.037 € = 885.432, 33 €;

Que, toutefois, monsieur X... n'ayant pas retrouvé d'emploi, ni exercé aucune autre activité professionnelle depuis son licenciement, a perçu des indemnités ASSEDIC d'un montant total de 198.241 € jusqu'au 31 décembre 2005 qu'il convient de déduire cette somme de 198.241 de celle de 885.432, 33 €;

Qu'en revanche, il n'y a pas lieu de déduire de la somme de 885.432, 33 € le montant de la pension de retraite dont monsieur X... a bénéficié pendant la période du 1er janvier 2006 au 25 septembre 2007, une pension de retraite ne constituant pas un revenu de remplacement au sens de l'article L 351-1 du Code du travail;

Que statuant dans les limites de la demande, il convient, en conséquence, de condamner la société 3 M FRANCE à payer à monsieur X... la somme de 645.296 € au titre du paiement de la somme correspondant à la réparation de la totalité de son préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée depuis son licenciement;

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que l'équité commande d'accorder à monsieur X... la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

PRONONCE la nullité du plan social mis en oeuvre au premier semestre 2001 par la société 3 M FRANCE;

DIT qu'en conséquence le licenciement de monsieur Grégoire X... est nul;

ORDONNE la réintégration de monsieur X... au sein de la société 3 M FRANCE, dans l'emploi qu'il occupait au moment de son licenciement ou, à défaut, dans un emploi équivalent, avec la même position hiérarchique et les mêmes avantages dont il disposait du fait de l'emploi qu'il occupait avant son licenciement, ainsi qu'avec la même rémunération, à savoir un salaire de base annuel, calculé sur la base du coefficient 880, classe "job 14", un "Profit sharing" calculé sur des bases identiques à celles qu'elles étaient avant son licenciement, l'attribution des options sur titres selon les mêmes modalités et dans les même conditions que celles prévues pour les salariés de l'entreprise de même coefficient 880 et de même classe "job group 14" et l'abondement maximum du plan d'épargne entreprise par la société 3 M FRANCE;

ASSORTIT cette injonction d'une astreinte de 100 € (CENT €UROS) par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt; dit que la cour s'en réserve la liquidation;

CONDAMNE la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... les sommes de :

645.296 €

(SIX CENT QUARANTE CINQ MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT SEIZE €UROS),

en réparation préjudice qu'il a subi du fait de son licenciement nul au cours de la période qui s'est écoulée depuis son licenciement;

4.000 €

(QUATRE MILLE €UROS)

à titre de dommages-intérêts du fait du non-paiement à monsieur X... du rappel de participation auquel il était en droit de prétendre pour les années 1996 à 1999;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes;

CONDAMNE la société 3 M FRANCE à payer à monsieur Grégoire X... la somme de 2.500 € (DEUX MILLE CINQ CENT €UROS) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

CONDAMNE la société 3 M FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Madame Anne TERCHEL, greffier en chef présent lors du prononcé

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 04/00552
Date de la décision : 25/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-25;04.00552 ?
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