COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 18 SEPTEMBRE 2007
R.G. No 06/02555
AFFAIRE :
Marc X...
C/
S.A.R.L. SERY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2006 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
No RG : 05/02155
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Marc X...
...
78140 VELIZY VILLACOUBLAY
Comparant en personne, assisté de Me Marie-Sophie Y..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 502
APPELANT
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S.A.R.L. SERY
22 rue de la Fontaine Henri IV
B.P. 19
92370 CHAVILLE
Représentée par Me Katell RALITE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette SANT, présidente chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Catherine Z..., Vice-Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène FOUGERAT,
FAITS ET PROCÉDURE,
M. X... a été engagé le 1er avril 2004, en qualité de chef de chantier, position B, échelon 2, catégorie 1, coefficient 108 prévu par la convention collective du bâtiment catégorie cadres, moyennant un salaire mensuel de 2.400 €, par la société Sery qui a pour activité la réalisation de travaux d'installation électrique.
L'employeur a convoqué le salarié, par lettre du 6 juin 2005, à un entretien fixé le 10 juin 2005 préalable à une éventuelle sanction disciplinaire en raison de ses agissements à l'encontre de la co-gérante et ses manquements par rapport aux suivis des chantiers, puis par lettre du 13 juin 2005, à un entretien fixé le 17 juin 2005 préalable à une éventuelle sanction disciplinaire consécutive à une absence injustifiée du 8 juin 2005.
Ayant au cours de l'entretien du 10 juin 2005 proposé au salarié un déclassement professionnel au poste de dépanneur, l'employeur, par lettre 4 juillet 2005, a convoqué le salarié, suite à leurs entretiens du 10 et 17 juin 2005, à un nouvel entretien fixé le 8 juillet pour étudier la proposition d'avenant à son contrat de travail.
Cet avenant, daté du 8 juillet 2005, indique " A la suite de la sanction disciplinaire prononcée le 24 juin 2005, le contrat de travail de Monsieur Marc X... s'en trouve modifié" puis précise les modifications apportées portant sur la qualification du salarié devenant à compter du 1er août 2005 électricien, ouvrier professionnel P1, niveau 3, sur ses fonctions et conditions d'exercice, sur sa rémunération fixée à 1.629,33 € pour 39 heures hebdomadaires.
La société Sery a convoqué M. X..., par lettre du 25 juillet 2005 à un entretien fixé le 29 juillet préalable à un éventuel licenciement, convocation qu'elle a annulée par lettre du 26 juillet motif pris d'une erreur compte tenu du délai de réflexion que le salarié avait demandé et de sa décision de ne pas accepter de modification à son contrat de travail.
Convoqué à nouveau par lettre du 16 septembre 2005 à un entretien fixé le 26 septembre préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, le salarié a été licencié par lettre du 5 octobre 2005 pour "suppression du poste de cadre en raison de difficultés économiques".
Saisi par le salarié de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, par jugement rendu le 8 juin 2006, a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.
M. X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées à l'audience, il demande à la Cour de
- juger que son licenciement pour motif économique n'est pas justifié,
- annuler l'avertissement du 27 octobre 2004 que lui a notifié l'employeur,
- condamner la société Sery à lui payer
17.343,19 € au titre d'astreintes effectuées et une indemnité de congés payés afférents de 1.834,31€,
30.000 à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,
14.400 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
7.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions déposées à l'audience, la société Sery sollicite la confirmation du jugement.
La Cour renvoie pour un plus ample exposé des prétentions des parties et en ce qui concerne leurs moyens d'appel à leurs conclusions soutenues à l'audience.
SUR CE, LA COUR :
Sur le licenciement :
Considérant que le motif énoncé dans la lettre de licenciement est " suppression du poste de cadre en raison de difficultés économiques " ;
Considérant que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un une ou plusieurs motifs non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié de son contrat de travail consécutives à des difficultés économiques ou des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise peut constituer un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité ;
Qu'il résulte des articles L.122-14-2 et L.321-1 du code du travail, que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit tout à la fois mentionner celles des raisons (difficultés économiques, des mutations technologiques, ou une réorganisation de l'entreprise) qui constitue un motif économique ainsi que l'incidence sur l'emploi ou le contrat de travail (suppression ou transformation d'emploi ou modification du contrat de travail) ; que l'énoncé d'un motif incomplet ou imprécis équivaut à une absence de motif rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que par ailleurs, le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise, ou le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient parmi celles dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie de leur personnel, les offres de reclassement devant être écrites, précises et personnalisées ;
Considérant que la lettre de licenciement qui n'indique pas en quoi consistent les difficultés économiques n'est pas suffisamment motivée ;
Qu'au surplus, étant selon ses termes la suite d'une sanction disciplinaire, l'avenant du 8 juillet 2005 ne peut être regardé comme une offre de reclassement faite par l'employeur dans le cadre d'un licenciement pour motif économique ;
Que c'est donc à tort que les premiers juges ont décidé que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse économique ;
Considérant que compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté, de son aptitude à retrouver un emploi et des circonstances du licenciement, le préjudice subi sera évalué à la somme précisée au dispositif de la présente décision ;
Sur la demande en paiement d'astreintes :
Considérant qu'aux termes du contrat de travail, le salarié devait assurer les dépannages quotidiens et une semaine d'astreinte par mois, 24h/24 et 7 jours/7 ;
Que le salarié réclame le paiement de 118 heures d'astreinte par semaine, du lundi au vendredi de 17 à 5 heures et 48 heures le week-end, sur onze semaines et déduction faite d'une somme de 1.087,87 € perçue ;
Que l'employeur soutient que la compensation financière de la période d'astreinte était incluse dans la rémunération forfaitaire mensuelle du salarié et les heures d'intervention ont été indemnisées comme temps de travail effectif de même que les week-ends d'astreinte ou bien ont fait l'objet de récupérations;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 212-4 bis que l'astreinte doit donner lieu à une compensation financière ou sous forme de repos compensateur, les temps d'intervention, seuls considérés comme temps de travail effectif devant être rémunérés comme tel ;
Que la convention de forfait ne se présume pas ; qu'il appartient à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve ;
Que la preuve d'un forfait de rémunération incluant l'indemnisation des périodes d'astreinte que M. X... devait assurer ne peut se déduire du contrat de travail qui ne comporte aucune disposition à cet égard, ni de l'absence de réclamation du salarié jusqu'à son courrier du 3 novembre 2005 ;
Qu'elle ne peut non plus résulter du montant de la rémunération du salarié, le minimum conventionnel du coefficient allégué par l'employeur correspondant au coefficient 100 de la position B échelon 2 catégorie 1, d'autant que le contrat de travail attribue au salarié un coefficient 108 intermédiaire entre, dans le 2ième échelon, celui 100 de la catégorie 1 et celui 110 de la catégorie 2 prévus par l'avenant du 17 décembre 2003 produit à la convention collective du bâtiment (région parisienne) ;
Que la mention sur les bulletins de paie du salarié d'un salaire de 2.400 € pour 169 heures d'une part, le paiement allégué des week-ends d'autre part, tend contredire l'existence du forfait allégué ;
Qu'aucune pièce autre que les plannings produits des semaines du 29 août au 3 septembre 2005, du 26 septembre au 1er octobre 2005 et du 3 au 8 octobre 2005 n'établit une récupération d'astreintes par le salarié ;
Qu'en ce qui concerne les interventions, les télécopies à M. Brégere, responsable de l'organisation des astreintes au sein de l'association Chainelec, produites par M. X... ne suffisent pas à établir les interventions qu'il prétend avoir effectuées au cours de la semaine du 28 avril au 1er mai 2004 et de celle du 18 au 25 octobre 2004 et dont au demeurant il ne précise pas la durée, étant au surplus observé que ces semaines ne figurent pas dans la liste récapitulative des 11 semaines astreintes effectuées depuis avril 2004 annexée à sa lettre du 3 novembre 2005 et pour lesquelles le salarié réclame une indemnisation ;
Que par ailleurs, le salarié ne fournit aucun élément sur les temps de trajet, qui constituent un temps de travail, pour se rendre pendant ses périodes d'astreintes sur le lieu des interventions effectuées ;
Que dans ces conditions, le montant de la rémunération due à M. X..., qu'il convient d'apprécier en l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la compensation financière des heures d'astreinte, sur la base de 10 € de l'heure d'astreinte et déduction faite de la somme de 1.087,87 € perçue versée sur le bulletin de paie du mois de décembre 2005 qui inclut une rémunération comme temps de travail effectif des temps d'intervention, sera évaluée à la somme de 11.852,13 € ;
Que seul le travail effectif ouvrant droit à congés payés, l'indemnité compensatrice de congés payés due au salarié s'élève à la somme de 108,79 € ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé :
Considérant que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 324-10 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
Que le salarié étant débouté de sa demande en paiement d'interventions autres que celles qui lui ont été rémunérées, la remise tardive par l'employeur d'un bulletin de paie concernant les interventions rémunérées n'apparaît pas suffisante à démontrer que l'employeur a volontairement fait apparaître sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
Que le salarié sera débouté de sa demande ;
Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 27 octobre 2004 :
Considérant que cet avertissement a été notifié au salarié pour avoir le 25 octobre 2004 annulé la semaine de dépannage CHAINELEC, sans en avertir le responsable de l'entreprise ;
Que le salarié qui soutient avoir averti qu'il n'effectuerait pas sa semaine d'astreinte dans la mesure où il n'était pas réglé du travail effectué n'en apporte pas la preuve, la première réclamation du salarié produite étant de novembre 2005 et un courriel de M. Brégere établissant que le salarié, qui n'a pas en son temps contesté l'avertissement, a refusé la semaine d'astreinte pour une erreur commise par lui de numéro de semaine ;
Que le jugement qui a débouté le salarié de sa demande d'annulation de l'avertissement sera confirmé ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
Considérant que les conditions de la rupture n'ont pas un caractère vexatoire et/ou infamant et le salarié n'allègue aucun fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ;
Que la demande fondée sur de telles conditions de rupture et une discrimination n'est pas justifiée ;
Considérant que l'employeur supportera les dépens ;
Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 1.500 € la demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à l'avertissement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Sery à payer à M. X...
- 22 000 € ( VINGT DEUX MILLE EURO ) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 11.852,13 € ( ONZE MILLE HUIT CENT CINQUANTE DEUX EURO et TREIZE CENTIMES ) à titre de compensation des astreintes,
- 108,79 € ( CENT HUIT EURO ET SOIXANTE DIX NEUF CENTIMES ) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
DÉBOUTE M. X... du surplus de ses prétentions,
CONDAMNE la société Sery aux dépens,
LA CONDAMNE à verser à M. X... 1.500 € ( MILLE CINQ CENTS EURO ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,