COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 11 SEPTEMBRE 2007
R. G. No 06 / 02301
AFFAIRE :
APAJH DU VAL D'OISE, représenté par son Président en exercice Monsieur Michel X...
C /
Alain Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2006 par le Conseil de Prud'hommes d'ARGENTEUIL
No Chambre :
No RG : 05 / 00186
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APAJH DU VAL D'OISE, représenté par son Président en exercice Monsieur Michel X...
...
95330 DOMONT
Représentée par Me Francis PUDLOWSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R058
APPELANTE
****************
Monsieur Alain Y...
...
95630 MERIEL
Représenté par M. Jean Yves NOURY (Délégué syndical ouvrier)
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette SANT, présidente chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène FOUGERAT,
FAITS ET PROCÉDURE,
M. Y... a été engagé le 1er septembre 1997 en qualité de moniteur d'atelier 2ième classe par l'APAJH du Val d'Oise qui gère des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), et affecté à l'ESAT d'Argenteuil.
L'ESAT d'Argenteuil a conclu avec la SNECMA Moteurs une convention de prestations d'entretien des espaces verts, équipements généraux et bureautique effectuées par des travailleurs handicapés sous la responsabilité et le contrôle de moniteurs.
M. Y..., exerçant ses fonctions dans ce cadre sur le site de la SNECMA, a été par lettre remise en main propre le 10 décembre 2004 convoqué à un entretien fixé le 20 décembre préalable à éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 24 décembre 2004.
Saisi par le salarié d'une contestation de son licenciement et de demandes en paiement des indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil, par jugement rendu le 16 mai 2006 a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'AHPAJ a régulièrement relevé appel par lettre expédiée le 7 juin 2006 du jugement qui lui a été notifié le 29 mai 2006.
Par conclusions reçues le 4 mai 2007, elle demande à la Cour de juger que le licenciement est justifié par une faute grave, de débouter le salarié de ses demandes et le condamner à lui payer 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions visées par le greffier à l'audience, le salarié sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il entend voir à la somme de 29. 232 € et l'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'il fixe à 1. 500 €.
L'APAJH soutient que :
-le maintien du salaire de l'intéressé pendant la période de mise à pied conservatoire n'interdit pas à l'employeur d'invoquer la faute grave ;
-l'acte de malveillance sur une personne vulnérable est sévèrement sanctionné par le code pénal,
-les faits reprochés à M. Y... sont avérés.
M. Y... réplique que :
-des travaux extérieurs étaient planifiés au mois de décembre ; il n'a pas demandé à M. A...
K... d'exécuter la tâche en cause pour le sanctionner ou l'humilier ; effectuant un contrôle 20 minutes après l'attribution de cette tâche à M. A...
K..., il a retrouvé celui-ci avec l'ensemble du groupe de travailleurs à la cafétéria et tous ont fini la journée de travail sans remarque ou plainte de mauvais traitement,
-il ne s'agissait pas de cailloux mais d'un morceau de parpaing qui une fois « ébréché » devait servir à l'irrigation d'un fonds de jardinières,
-la sanction qui lui a été infligée ne prend pas en compte les problèmes rencontrés au quotidien,
-ses collègues ne l'ont jamais vu maltraiter un salarié handicapé.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs conclusions soutenues à l'audience.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que les motifs du licenciement de M. Y... sont énoncés en ces termes par la lettre du 24 décembre 2004 :
« …
· Nous vous avons remis une lettre de convocation avec mise à pied à titre conservatoire, le 10 décembre 2004, après avoir vérifié les plaintes formulées par des travailleurs handicapés de l'équipe travaillant sur le site de la SNECMA.
· En effet, le 1er décembre 2004, vous avez demandé à un travailleur handicapé de casser des cailloux avec un marteau, dans le froid, de13h30 à 15h30, alors que l'exécution de ce travail ne se justifiait en aucun cas, ce que nous a confirmé la Direction de la SNECMA.
· Vous avez infligé ce traitement, sous prétexte, que ce travailleur handicapé était une « forte tête » et que vous vouliez lui faire comprendre qui commandait dans votre atelier.
· Cet incident a eu pour conséquence, non seulement de perturber le travailleur sanctionné, mais également les autres travailleurs handicapés de l'équipe.
Vous comprendrez que nous ne pouvons, en aucun cas, accepter que vous vous comportiez de cette façon mal traitante envers des travailleurs en situation de handicap et les explications recueillis, auprès de vous, au cours de notre entretien, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'établissement s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis … » ;
Qu'elle informe M. Y... que le salaire correspondant à la période de mise à pied lui sera payé ;
Que par lettre du 17 février 2005, M. Y... niant les faits reprochés indiquait à l'employeur notamment qu'il avait demandé à M. A...
K... Petas, travailleur handicapé, d'exécuter un travail consistant à casser un morceau de parpaing avec un marteau postillon afin d'obtenir de petits éléments et de les récupérer pour les placer dans le fond d'une jardinière et servir à l'irrigation de celle-ci, que ce travail s'est déroulé entre 14h30 et 15 h et n'a duré qu'une vingtaine de minutes, qu'il est faux de dire que l'exécution de ce travail ne se justifiait pas car 60 % de « notre » activité sur site concerne l'entretien des parcs et voiries, que lors de l'entretien préalable il avait confirmé que ce travail rentre dans le cadre normal et pédagogique de « notre » activité ;
Considérant que la faute grave résulte d'un fait fautif ou d'un ensemble de faits fautifs imputable au salarié qui constitue une violation des obligations s'attachant à son emploi d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Qu'il incombe à l'employeur d'en apporter la preuve ;
Considérant que M. Mickaël A...
K... atteste que M. Y... lui avait dit que s'il faisait mal son travail il lui ferait casser les pierres sur les lignes de chemin de fer ; que le 1er décembre, il travaillait au ramassage des feuilles et M. Y... lui a dit avant le déjeuner que son travail était mal fait et qu'il irait casser les pierres sur la voie de chemin de fer après le café, qu'à 1 heure de l'après-midi devant ses collègues il lui a donné un marteau ;
Que M. B..., travailleur handicapé, atteste que le 1er décembre à 13 h 30 M. Y... leur a dit d'aller travailler et a sorti un marteau pour que Mickaël aille casser des pierres au P2 ; que l'après-midi « nous avons » fait un petit tour pour aller chercher les sacs de déchets verts trois travailleurs handicapés et « nous avons » vu Mickaël casser des pierres dans le froid ;
Que MM C... et D..., également travailleurs handicapés, attestent avoir vu le 1er décembre M. A...
K... dans l'après midi casser des pierres au P2 ;
Que M. E..., moniteur en détachement sur le site de la SNACMA, atteste avoir vu M. A...
K... Michael casser des pierres avec un petit marteau au niveau du parking P2 lors d'une tournée sur les postes de travail avec le moniteur exerçant sur le site de la SNECMA, précisant qu'ils étaient dans le véhicule du CAT avec M. Y... et un travailleur handicapé M. Frédéric B... ;
Que Mme Le parc, directrice du foyer La Cerisaie, atteste que M. A...
K... résidant au foyer s'est plaint en rentrant un soir d'avoir été obligé de casser des cailloux toute la journée sur son lieu de travail et qu'il semblait choqué de l'attitude de son moniteur à son égard ;
Que les attestations de MM. F... et Stefani, moniteurs d'atelier, qui certifient n'avoir jamais vu M. Y... avoir des problèmes avec son équipe ou maltraiter les salariés handicapés, M. F... faisant en outre état d'un harcèlement de la part de M. G..., directeur, à l'encontre des moniteurs, ne sont pas de nature à confirmer les dénégations de M. Y... ;
Qu'il en est de même de l'attestation de Mme H..., monitrice d'atelier, qui évoque un prétendu harcèlement dont serait victime M. Y... de la part de M. G... allant jusqu'à demander aux travailleurs handicapés de témoigner contre M. Y... pour des faits dont ils n'étaient pas témoins, Mme H... qui, tout comme MM. F... et Stefani ne peut utilement témoigner sur les faits auxquels elle n'a pas assisté, ne fournissant aucun élément lui permettant d'affirmer que les travailleurs handicapés qui ont témoigné n'y ont pas assisté ;
Qu'étant relevé qu'une altération des facultés mentales des travailleurs handicapés affectant leur capacité de témoigner n'est pas alléguée, les attestations produites par l'employeur, concordantes, établissent que M. Y... a demandé à M. A...
K... de casser des pierres ;
Que l'affirmation par M. A...
K..., dont la tendance à l'exagération ressort de l'attestation de Mme Le Parc, qu'il s'agissait d'une sanction d'un travail considéré par M. Y... comme mal fait, n'est confirmée par aucun des témoins dont les attestations sont produites ;
Que s'il résulte du planning des travaux prévus pour le deuxième semestre 2004 des travaux à réaliser à l'extérieur et si un état des travaux réalisés semaine 49, qui correspond à la première semaine du mois de décembre, mentionne également des travaux concernant les espaces verts à l'extérieur et « Entrée Valmy plantation d'arbustes dans les jardinières », « Entrée Valmy » étant supposée compte tenu de la rédaction du document un lieu couvert ou à tout le moins protégé, ces travaux n'impliquaient pas le travail demandé à M. A...
K... ;
Que d'ailleurs, au cours de l'entretien préalable, selon le compte rendu de l'entretien préalable établi par le délégué du personnel ayant assisté M. Y..., celui-ci se défendant d'avoir voulu donner une punition à M. A...
K... évoquait une démarche pédagogique dont le but était, compte tenu du peu de moyens financiers dont disposent les travailleurs handicapés, d'apprendre à préparer une jardinière à moindre frais ;
Que toute démarche pédagogique devant être adaptée à la fois aux personnes et aux circonstances, si M. Y... a commis une faute, cette faute, compte tenu de l'ancienneté du salarié, n'étant pas établi que M. A...
K... est resté deux heures à casser les cailloux et les perturbations causées à M. A...
K... n'étant pas autrement établies que par l'attestation de Mme Le Parc et celles causées aux autres salariés handicapés n'étant pas démontrées, justifiait une sanction disciplinaire mais ne constituait pas une cause sérieuse de licenciement ;
Considérant que par ces motifs substitués le jugement qui a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse se trouve confirmé ;
Que l'indemnité compensatrice de préavis étant égale au salaire qu'aurait perçu le salarié qu'il avait travaillé pendant le délai-congé, sur la base d'un salaire mensuel de 2. 111,78 €, la somme perçue par le salarié en janvier 2005 correspondant à une indemnité de congés payés et le salaire perçu au mois de décembre 2004 comportant un rappel, l'indemnité compensatrice de préavis allouée par les premiers juges sera réduite à la somme de 4. 223,56 € ;
Que l'indemnité conventionnelle de licenciement, en tenant compte des années incomplètes que n'excluent pas les dispositions de l'article 17 de la convention collective, s'établit à la somme de 7. 901,57 € ;
Que compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté de son aptitude à retrouver un emploi et des pièces justificatives produites, le préjudice subi par le salarié sera évalué, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, à la 17. 000 € ;
Qu'en vertu du même texte, l'employeur devra rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage servies à M. Y... depuis son licenciement jusqu'au jugement dans la limite de trois mois d'indemnité ;
Considérant que succombant l'APAHJ du Val d'Oise supportera les dépens ;
Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 1. 000 € la demande du salarié fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE l'APAHJ du Val d'Oise à payer à M. Y... :
4. 223,56 € (QUATRE MILLE DEUX CENT VINGT TROIS EURO CINQUANTE SIX CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
7. 901,57 € (SEPT MILLE NEUF CENT UN EURO ET CINQUANTE SEPT CENTIMES) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
17. 000 € (DIX SEPT MILLE EURO) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l'APAHJ du Val d'Oise à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage qui ont pu être servies à M. Y... depuis son licenciement jusqu'au jugement dans la limite de trois mois d'indemnité,
CONDAMNE l'APAHJ du Val d'Oise aux dépens,
LA CONDAMNE à verser à M. Y... 1. 000 € (MILLE EURO) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,