COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE
CODE NAC : 20J
DU 11 SEPTEMBRE 2007
R. G. No 06 / 04989
AFFAIRE :
Jean M...
C /
Liouba N... épouse M...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 3
No cabinet : 1A JAF.
No RG : 04 / 5855
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP JUPIN
Me RICARD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Jean M...
né le 28 mai 1937 à PARIS 15ème, de nationalité FRANCAISE
...
78650 BEYNES
représenté par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoué- No du dossier 022670
assisté de Me Anne WEILL- MACE (avocat au barreau de PARIS)
APPELANT
****************
Madame Liouba
N...
épouse M...
née le 10 novembre 1938 à MOSCOU (RUSSIE, EX URSS)
...
92130 ISSY LES MOULINEAUX
représentée par Me Claire RICARD, avoué- No du dossier 260584
assistée de Me Laurence A...(avocat au barreau de VERSAILLES)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006 / 008404 du 06 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 12 Juin 2007 en chambre du conseil, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, président, *
Madame Martine LE RESTIF DE LA MOTTE COLLAS, conseiller,
Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie C...ET PROCEDURE
Liouba
Z...
et Jean M...se sont mariés le 20 janvier 1967 devant l'officier d'état civil de MOSCOU (Russie), sans contrat de mariage. Un enfant, aujourd'hui majeur, est issu de cette union :
- Arnaud, né le 12 mars 1973.
Suite à la requête en divorce déposée par Jean M..., une ordonnance de non- conciliation a été rendue le 5 octobre 2004.
Suivant exploit du 15 février 2005, Jean M...a assigné son conjoint sur le fondement des articles 242 et suivants du code civil.
Par jugement en date du 12 juin 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE a notamment :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de Jean M...;
- condamné Jean M...à payer à Liouba N... :
- une prestation compensatoire qui s'exécutera sous la forme d'une part de l'abandon en nature du bien sis à ISSY- les- MOULINEAUX, 66, ..., et rue de Vaugirard (sans numéro), et d'autre part d'un capital de 30 000 euros ;
- une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Liouba N... sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
- fixé la date d'effet du divorce en ce qui concerne les biens à la date de l'ordonnance de non- conciliation, soit au 5 octobre 2004 ;
- condamné Jean M...à payer à Liouba N... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamné Jean M...aux dépens.
*
Jean M...a interjeté appel de cette décision par déclaration du 3 juillet 2006. Dans ses dernières conclusions, il a demandé à la Cour de dire nul le jugement entrepris et, en tout état de cause le réformer et :
- le recevoir en son appel ;
- débouter Liouba N... de sa demande reconventionnelle en divorce ;
- prononcer le divorce aux torts exclusifs de Liouba N... ;
à titre principal :
- dire que la séparation des biens rétroagira entre les parties à la date du 18 septembre 2002 ;
- déclarer irrecevable la demande de prestation compensatoire présentée par Liouba N... ;
à titre subsidiaire :
- reporter les effets du divorce à la séparation effective des époux, soit le 18 septembre 2002 ;
- ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;
- constater qu'il n'y a pas lieu à prestation compensatoire ;
à titre infiniment subsidiaire :
- désigner un notaire ou expert immobilier avec de déterminer la valeur de la communauté ;
- dans l'attente du rapport, suspendre la fixation du montant de la prestation compensatoire ;
à titre infiniment subsidiaire :
- fixer la date de partage à la date de l'ordonnance de non- conciliation ;
- ordonner le partage de l'intégralité des biens des époux ;
- dire que Liouba N... devra récompense à la communauté de la somme de 41 765 euros, perçue au titre du rachat personnel de ses points de retraite ;
- débouter Liouba N... de toute demande de prestation compensatoire ;
très subsidiairement :
- attribuer à Liouba N... la somme de 10 000 euros à titre de prestation compensatoire, qui sera déduite de sa part au moment du partage après évaluation des biens immobiliers ;
- débouter Liouba N... de toute demande de dommages et intérêts ;
- condamner Liouba N... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner Liouba N... aux entiers dépens.
Jean M...fait valoir que pendant trente ans, il a assuré deux emplois ; que Liouba N... n'a pas supporté sa mise à la retraite ; qu'elle lui a rendu la vie intenable, ce qui lui a occasionné une dépression grave dont il a guéri grace à la séparation de domicile.
Il conteste les violences que son épouse lui reproche, estimant que cette dernière ne verse aucun témoignage au soutien de ses allégations.
Il insiste sur la date des effets du divorce, ce qui permet aux époux de rester seuls propriétaires des biens achetés en 2002.
Jean M...indique que le partage de la communauté a été effectué et que la différence de revenus, compte tenu du rachat de points de retraite pour Liouba N... est légère ; que celle- ci bénéficie dans le cadre du partage amiable d'un capital plus important- qu'il ne remet pas en cause.
Liouba N... a demandé à la Cour de :
- condamner Jean M...à lui verser la somme de 62 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi, en application des dispositions des articles 266 et 1382 du code civil ;
- dire que les effets du divorce rétroagiront au 1er mai 2003, date à laquelle la séparation est devenue effective entre les époux ;
- dire que Jean M...devra récompense à la communauté de la somme de 20 000 euros perçue au titre du rachat personnel de ses points de retraite et de 12 305 euros au titre de l'achat d'un véhicule ;
- dire que la somme de 17 084, 08 euros, correspondant à la valeur des biens propres de Liouba N..., sera inscrite au passif de la communauté ;
- condamner Jean M...à lui verser une prestation compensatoire d'une valeur de 195 000 euros, et dire qu'elle sera exécutée sous forme de l'abandon en nature de la part de Jean M...sur le bien d'ISSY (valeur 165 000 euros sauf erreur ou omission), en sus de l'allocation d'un capital de 30 000 euros ;
- à titre subsidiaire, condamner Jean M...à lui payer la somme de 90 000 euros en capital, versé immédiatement lors du prononcé de l'arrêt, à titre de prestation compensatoire ;
- débouter Jean M...toutes ses demandes ;
- le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais de première instance et la somme de 1 000 euros, au même titre, pour les frais d'appel ;
- confirme le jugement pour le surplus ;
- condamner Jean M...aux entiers dépens.
Liouba N... rappelle les violences et les humiliations que Jean M...lui a imposées durant la vie commune.
Elle indique qu'elle a consacré 37 ans à l'entretien de son foyer.
Elle fait ressortir que la communauté n'a pas été entièrement partagée ; qu'il existe une disparité de revenus de 558, 96 euros par mois.
*
La clôture du dossier a été prononcée le 29 mai 2007.
Par conclusions du 30 mai, Jean M...a demandé le rejet des débats des dernières conclusions de Liouba N..., signifiée le 25 mai 2007, en faisant valoir qu'en raison du week- end de la Pentecôte, il n'avait pu prendre connaissance des pièces et écritures qui contenaient des demandes nouvelles.
Liouba N... s'est opposée à cette demande en faisant valoir qu'elle n'avait fait que répondre aux conclusions adverses.
*
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les dispositions non critiquées de la décision seront confirmées ;
Sur la demande de rejet des débats
Considérant que les conclusions et pièces de Liouba N... ont été signifiée et communiquées en réponse à des conclusions de Jean M...du 15 mai 2007, jour initialement prévu pour la clôture- celle- ci ayant alors été reportée au 29 mai ;
Considérant qu'entre le 25 et le 29 mai, Jean M...pouvait prendre connaissance des pièces litigieuses ;
Considérant qu'il convient de rejeter sa demande ;
Sur le prononcé du divorce
Considérant que Jean M...allègue à l'encontre de son épouse :
- qu'elle ne l'a pas supporté depuis sa retraite ;
- qu'elle lui faisait des scènes perpétuelles en lui reprochant de ne plus travailler et de se trouver dans l'appartement commun ;
- qu'elle était devenue acariatre et méchante, ce qui l'a rendu dépressif ;
Considérant qu'il verse le témoignage de monsieur D...qui conteste les griefs allégués par Liouba N... et qui suppute que cette dernière désirait " s'enrichir davantage sur le dos " de son mari ; qu'il indique que Jean M...rénovait les immeubles du couple, qu'il n'avait pas de lit et se couchait par terre ;
Considérant que malgré ses écritures contraires, Jean M...ne produit aucune des autres attestations qu'il mentionne (messieurs E..., F..., G...et H...) ;
Considérant que, dès lors, il ne justifie pas que la dépression constatée par le docteur I...soit consécutive à l'attitude de sa femme, la seule attestation produite n'apportant aucun élément objectif et n'étant que l'analyse subjective du témoin ;
Considérant que Jean M...n'avait pas produit d'attestations en première instance ;
Considérant qu'il convient de constater que Jean M...n'établit pas les griefs qu'il invoque ; qu'il convient de le débouter de sa demande en divorce ;
Considérant que c'est tout aussi justement que le premier juge a retenu à l'encontre du mari les faits de violences- physique et verbale- en s'appuyant sur les certificats médicaux, sur les attestations de mesdames J...et K...et sur la médiation pénale qui s'est terminée par un rappel à la loi infligé à Jean M...;
Considérant que l'attitude injurieuse de Jean M...pendant la procédure de divorce (demande du " catalogue avec photos et références sur les femme de l'Est ") doit être également retenue ;
Considérant que les faits retenus à l'encontre du mari constituent des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Considérant que la décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a prononcé le divorce aux torts exclusifs de Jean M...;
Sur la prestation compensatoire
Considérant qu'en application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ;
Considérant qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la durée du mariage, du temps déjà consacré ou à consacrer pour l'éducation des enfants, de la qualification et de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, de leurs situations respectives en matière de pension de retraite et de patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
Considérant que le mariage a duré 39 ans ; qu'un enfant en est issu ;
Considérant que si l'on ne peut estimer la douleur qu'aurait éprouvée Liouba N... en quittant son pays natal, il ressort que celle- ci, âgée de 68 ans, n'a pas travaillé durant la vie commune et que grâce au rachat de points de retraite, elle bénéficie d'un revenu actuel de 900 euros par mois ;
Considérant qu'elle déclare un patrimoine mobilier " propre " de 124 570 euros ; qu'elle a détaillé des charges mensuelles de 184 euros ;
Considérant que Jean M..., âgé de 70 ans, a déclaré sur l'honneur, pour 2004, une retraite mensuelle de 1 353 euros et un patrimoine mobilier de 121 000 euros ;
Considérant qu'il indique une retraite de 1 430 euros mais qu'il n'en a pas produit les justificatifs- pourtant annoncés sous les numéros 83 et 78 et visés dans ses bordereaux ;
Considérant qu'à la séparation de fait du couple, la vente du pavillon commun a permis à Liouba N... d'acquérir, pour 245 000 euros, l'appartement qu'elle occupe et à Jean M...d'acquérir pour 211 183 euros un pavillon ainsi qu'un véhicule (12 305 euros) ;
Considérant que la communauté à permis le rachat de points de retraite (42 000 euros pour l'épouse et 20 000 euros pour le mari) ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient dire que Jean M...devra verser à Liouba N..., à titre de prestation compensatoire, un capital de 60 000 euros ; que la décision du juge aux affaires familiales sera réformée en ce sens ;
Sur la date des effets du divorce
Considérant qu'il ressort des éléments versés aux débats que le couple s'est séparé définitivement après la vente du pavillon commun ;
Que les époux ont habité séparément et n'ont plus collaboré à la date du 18 septembre 2002 ; qu'il convient de reporter les effets du divorce à cette date ;
Sur la demande de liquidation du régime matrimonial
Considérant que, compte tenu des comptes à faire entre les parties, aux contradictions de ces derniers sur l'évaluation des biens, il convient de renvoyer les parties au juge liquidateur ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant qu'il apparaît que Jean M...a quitté son épouse après 39 ans de mariage, dans des conditions difficiles et en recherchant une nouvelle compagne ; qu'il a ainsi commis une faute qui a entraîné pour Liouba N... un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 15 000 euros ;
Considérant que la décision du premier juge sera infirmée en ce sens ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Liouba N... les frais irrépétibles du procès ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Jean M...à payer à Liouba N... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que pour le procès d'appel, Jean M...sera condamné à payer à Liouba N... la somme de 1 200 euros à ce titre ;
Considérant que Jean M...ayant succombé en ses prétentions, gardera la charge de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,
DÉBOUTE Jean M...de sa demande de rejet de pièces et de conclusions ;
RÉFORME le jugement rendu le 12 juin 2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE sur le montant de la prestation compensatoire, sur la date des effets du divorce et sur les dommages et intérêts, et, statuant à nouveau sur ces points :
- CONDAMNE Jean M...à payer à Liouba N... :
- Ã titre de prestation compensatoire, un capital net de frais et de taxes de 60 000 euros ;
- au titre des dommages et intérêts, la somme de 15 000 euros ;
- faire remonter la date des effets du divorce entre les époux quand aux biens au 18 septembre 2002 ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
RENVOIE les parties au juge liquidateur pour les opérations de liquidation de la communauté ;
CONDAMNE Jean M...à payer à Liouba N... la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour le procès d'appel ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Jean M...aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux d'appel, par maître RICARD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT
Madame Sylvaine COURCELLE, Président, qui l'a prononcé
Madame Denise VAILLANT, Greffier présente lors du prononcé
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT