COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
12ème chambre section 2
F.D./P.G.
ARRET No Code nac : 39H
contradictoire
DU 06 Septembre 2007
R.G. No 06/02795
AFFAIRE :
S.A.S. SANDOZ
C/
S.A.S. ASTRAZENECA
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 1ère
No Section :
No RG : 04/11195
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Jean-Michel TREYNET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :
S.A.S. SANDOZ ayant son siège 49 avenue Georges Pompidou 92593 LEVALLOIS PERRET, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par Me Claire RICARD, avoué - No du dossier 260267
Rep/assistant : Me Jacques ARMENGAUD, avocat au barreau de PARIS (W.07) et Me E. BERTHET, avocat au barreau de PARIS.
APPELANTE
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S.A.S. ASTRAZENECA et appelante incidente partielle ayant son siège 1 Place Renault 92500 RUEIL MALMAISON, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG et appelante incidente partielle société de droit suédois, ayant son isège Västra Mälarehammen 9, S-151 85, SODERTALJE (SUEDE), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par Me Jean-Michel TREYNET, avoué - No du dossier 17839
Rep/assistant : la SELARL BINN & associés, avocats au barreau de PARIS.
INTIMEES
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mai 2007 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François DUCLAUD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Monsieur François DUCLAUD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La société ASTRAZENECA SAS dépendant du groupe pharmaceutique suédois ASTRAZENECA, fabrique et commercialise en France une spécialité pharmaceutique pour le traitement de maladies gastro-intestinales, à base d'oméprazole, sous la marque MOPRAL, en vertu d'une autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) délivrée le 15 avril 1987.
La société ASTRAZENECA SAS est licenciée de la marque française "MOPRAL" déposée le 10 avril 1985 au nom de la société de droit suédois ASTRAZENECA AKTIEBOLAG.
Cette marque qui a été enregistrée et publiée sous le numéro 1329538, et a été renouvelée le 03 juillet 1995 sous le numéro 2.051.320, est toujours protégée.
Le MOPRAL était couvert par un brevet protégeant la molécule d'oméprazole qui a expiré le 15 avril 2004.
La société SANDOZ a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en date du 12 novembre 2003 de l'"Oméprazole GNR 20 mg, gélule gastro-résistante".
A compter de la date d'expiration du brevet couvrant la molécule d'oméprazole, le 16 avril 2004, la société SANDOZ a commercialisé la spécialité Oméprazole GNR 20.
L'Oméprazole GNR 20 mg a été inscrit au répertoire des groupes génériques par décision du directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) du 08 mai 2004 publiée au journal officiel du 12 mai 2004. C'est à la date du 14 mai 2004, soit un jour franc après ladite publication que les pharmaciens auraient eu la faculté d'exercer leur droit de substitution.
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Faisant grief à la société SANDOZ d'avoir commercialisé sa spécialité Oméprazole GNR 20 mg dans un conditionnement comportant une mention laissant croire que le droit à substitution existait alors que l'inscription de cette spécialité au répertoire des génériques n'était pas encore intervenue, la société ASTRAZENECA SAS a assigné celle-ci en référé d'heure à heure le 26 avril 2004 devant le président du tribunal de commerce de NANTERRE aux fins de demander le retrait de la mention incriminée jusqu'à ce que l'inscription au répertoire des groupes génériques devienne effective. C'est pourquoi, la Cour d'appel de Versailles, saisie de l'appel interjeté contre l'ordonnance de référé qui a été rendue le 13 mai 2004, a considéré qu'au jour où elle statuait, le 23 mai 2005, la question d'un trouble illicite ou d'un dommage imminent ne se posait plus puisque l'inscription de la spécialité au répertoire avait été publiée le 12 mai 2004 au Journal officiel.
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Par acte du 18 août 2004, la société ASTRAZENECA SAS a assigné la société SANDOZ devant le tribunal de grande instance de NANTERRE en paiement de dommages et intérêts d'une part, pour préjudice consécutif aux actes de concurrence déloyale constitués par la circonstance que ladite société SANDOZ aurait présenté faussement sa spécialité Oméprazole GNR 20 mg comme un générique avant son inscription au répertoire de l'AFSSAPS, et d'autre part, pour contrefaçon de la marque française Mopral au motif que ladite société SANDOZ avait utilisé cette marque de manière illicite dans des publicités et incité les pharmaciens à commettre le délit de substitution de produits couverts par une marque.
La société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, propriétaire de la marque Mopral en France, est intervenue volontairement à titre principal, pour réclamer des dommages et intérêts en raison des atteintes à sa marque commises par la société SANDOZ.
Dans leurs conclusions récapitulatives devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, les sociétés ASTRAZENECA SAS et ASTRAZENECA AKTIEBOLAG ont développé leurs demandes ainsi qu'il suit :
- la société ASTRAZENECA SAS a fait grief à la société SANDOZ d'avoir commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice entre le 15 avril 2004 et le 13 mai 2004 inclus, en portant sur le conditionnement de l'Oméprazole GNR 20 mg les mentions "Ce médicament remplace.... : qui vous a été prescrit par votre médecin" et en diffusant quatre brochures publicitaires, destinées aux professionnels de santé, mensongères et/ou trompeuses et/ou de nature à induire en erreur et/ou contenant des publicités comparatives illicites (article L 121-1 du code de la consommation et article L 121-8 du même code).
Elle a réclamé 300.000 euros de dommages et intérêts sur ce fondement.
La société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG a sollicité des premiers juges la condamnation de la société SANDOZ à lui verser la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né de l'atteinte à ses droits sur la marque Mopral par suite d'actes de contrefaçon, en invoquant l'application de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle. Elle reprochait également la violation de l'article L 716-10 du code de la propriété intellectuelle par la société SANDOZ en ayant concouru aux actes de substitution de produits qui ont été effectués par des pharmaciens.
La société SANDOZ a répondu à la société ASTRAZENECA SAS concernant le grief de concurrence déloyale, que la publicité incriminée était licite au regard de l'article L 121-8 du code de la consommation et n'était pas trompeuse au sens de l'article L 121-1 du même code, car elle s'adressait à des professionnels. Elle a fait valoir qu'elle pensait obtenir l'inscription de sa spécialité au répertoire des médicaments génériques pour le 16 avril 2004 et qu'elle a immédiatement prévenu les pharmaciens de ce fait que cette inscription n'était pas encore intervenue à cette date.
Quant aux atteintes à la marque, la société SANDOZ a invoqué "l'exception" tirée de l'article L 713-6 b du code de la propriété intellectuelle et a soutenu que l'article L 716-10 du code de la propriété intellectuelle est inapplicable en l'espèce, d'autant qu'il n'est pas apporté la preuve de substitutions illicites induites par les mentions incriminées sur l'emballage ou les publicités.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré du tribunal de grande instance de NANTERRE du 09 mars 2006 qui a :
- condamné la société SANDOZ à payer à la société ASTRAZENECA SAS la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour acte de concurrence déloyale résultant d'une publicité comparative illicite,
- condamné la société SANDOZ à payer à la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de la marque Mopral,
- condamné la société SANDOZ à payer à chacune des sociétés ASTRAZENECA SAS et ASTRAZENECA AKTIEBOLAG la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société SANDOZ aux dépens.
Ladite société SANDOZ a interjeté appel de cette décision.
Dans ses écritures, elle constate que les imputations par la société ASTRAZENECA SAS, de concurrence déloyale, et par la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, de contrefaçon, sont fondées sur la circonstance qu'elle aurait à tort présenté son produit dans ses publicités comme un générique du Mopral, avant que sa spécialité Oméprazole GNR 20 mg ne soit inscrite au répertoire des groupes génériques.
Elle relève que si cette spécialité n'a pas été inscrite dès le premier jour de sa commercialisation possible, le 16 avril 2004, (le brevet protégeant la molécule d'Oméprazole ayant expiré le 15 avril 2004), la faute en revient entièrement et directement à la société ASTRAZENECA. La société SANDOZ expose que, par courrier du 13 janvier 2004, confirmé par courrier du 14 avril 2004, la société GNR PHARMA, aux droits de laquelle elle se trouve, a notifié à l'AFSSAPS la mise sur le marché de sa spécialité Oméprazole GNR 20 mg, gélules gastro-résistantes, en avril 2004. Or, le 16 avril 2004, date de commercialisation possible de l'Oméprazole GNR 20 mg, le groupe Oméprazole n'était pas encore créé au répertoire des groupes génériques. Selon la société SANDOZ, ce retard est dû au fait que la société ASTRAZENECA SAS a failli à son obligation de renseignement en n'ayant communiqué à l'AFSSAPS qu'une partie de l'information nécessaire à l'inscription audit répertoire, s'abstenant de révéler l'existence de la cession du brevet de fabrication intervenu au profit de la société SANDOZ, point indispensable pour obtenir l'inscription au répertoire des groupes génériques. Il en est résulté que cette inscription n'a pu avoir lieu que le 08 mai 2004, avec publication au journal officiel du 12 mars 2004. La société SANDOZ voit dans ce retard le fait générateur des griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale que lui reprochent les sociétés ASTRAZENECA. Elle en déduit que celles-ci ne peuvent lui demander réparation des préjudices qu'elles invoquent à ces titres.
En outre, la société SANDOZ demande à la Cour acte de ce qu'elle se réserve le droit d'agir en justice à l'encontre des sociétés ASTRAZENECA SAS et ASTRAZENECA AKTIEBOLAG aux fins de leur demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi par elle résultant de la non inscription de son produit Oméprazole GNR au répertoire dès le 16 avril 2004 en raison de leurs agissements qu'elle qualifie de fautifs.
Par ailleurs, la société SANDOZ s'oppose à l'action en contrefaçon en invoquant deux "exceptions" : la première tirée de l'article L 713-6 b) du code de la propriété intellectuelle en soutenant le caractère nécessaire de l'usage de la marque Mopral dans ses publicités, la seconde fondée sur l'article L 121-8 du code de la consommation en faisant valoir que les critères comparés sont essentiels. Elle conteste par ailleurs avoir commis des actes de concurrence déloyale.
Enfin, elle sollicite l'allocation de la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamnation de la société ASTRAZENECA aux dépens de première instance et d'appel.
La société ASTRAZENECA SAS, de droit français, et la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, de droit suédois, intimées, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SANDOZ pour contrefaçon de la marque Mopral et pour concurrence déloyale et à verser à la société ASTRAZENECA SAS la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour acte de concurrence déloyale et à la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de la marque Mopral.
Sur la contrefaçon : la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG fait valoir que la société SANDOZ s'est livrée à des actes de contrefaçon au sens de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle en raison de l'utilisation de la marque Mopral sans nécessité dans quatre brochures établies par la société SANDOZ pour promouvoir le générique du Mopral 20 mg, qu'elle mettait sur le marché, l'Oméprazole GNR 20 mg.
La société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG soutient aussi que participe de la contrefaçon la circonstance que les publicités en cause étaient de nature, selon elle, à induire les pharmaciens en erreur en leur laissant croire qu'ils pourraient, avant le 14 mai 2004, exercer leur faculté de substitution.
Faisant appel incident, elle sollicite l'allocation de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la concurrence déloyale : la société ASTRAZENECA SAS demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la société SANDOZ avait commis des actes de concurrence déloyale en se livrant à des publicités comparatives illicites. En revanche, elle sollicite son infirmation pour avoir retenu que les publicités en cause n'étaient ni trompeuses, ni de nature à induire en erreur les pharmaciens, alors que le caractère trompeur peut résulter d'une simple omission d'information.
Formant appel incident, la société ASTRAZENECA SAS réclame la condamnation de la société SANDOZ à lui verser la somme de 300.000 euros sur la base d'un calcul fondé sur la perte de marge à partir du nombre de gélules d'Oméprazole GNR 20 mg vendues.
MOTIFS :
Considérant que la société de droit suédois ASTRAZENECA AKTIEBOLAG est titulaire de la marque française Mopral, déposée le 09 octobre 1985, renouvelée le 03 juillet 1995 puis le 1er juin 1995, enregistrée sous le numéro 1.329.538, pour désigner la préparation pharmaceutique pour le traitement des maladies gastro-intestinales relevant de la classe 5 ;
que la société ASTRAZENECA, filiale française du groupe pharmaceutique du même nom, commercialise en France le Mopral, spécialité à base d'Oméprazole, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché délivrée au 15 avril 1987 ;
considérant que le Mopral était couvert par un brevet protégeant la molécule d'Oméprazole , qui a expiré le 15 avril 2004 ;
considérant que la société Laboratoires GNR-PHARMA, aux droits de laquelle se trouve la société SANDOZ, a eu l'autorisation de l'AFSSAP de mettre sur le marché le médicament OMEPRAZOLE GNR 20 mg, gélule gastro-résistante, le 12 novembre 2003 ;
que par décision du directeur général de l'AFSSAP, du 08 mai 2004, cette spécialité a été inscrite au répertoire des groupes génériques de l'Oméprazole GNR 20 mg ; qu'il s'ensuit qu'à compter du 12 mai 2004, date de la publication de la décision de cette inscription au journal officiel, les pharmaciens avaient la faculté d'exercer leur droit de substitution de générique Oméprazole GNR 20 mg au Mopral ;
considérant qu'il est constant que la société SANDOZ a, dès le 16 avril 2004, passée la date d'expiration du brevet protégeant la molécule d'Oméprazole, diffusé des publicités à destination des pharmaciens ;
que la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, constatant que dans quatre publicités pour l'Oméprazole GNR 20 mg, la société SANDOZ fait référence à la marque Mopral dans des conditions constitutives d'une violation de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ainsi que d'une violation de l'article L 716-10 du même code, poursuit la réparation de son préjudice qui serait consécutif d'une part, à ces actes de contrefaçon et d'autre part, pour avoir sciemment incité les pharmaciens à délivrer sa spécialité Oméprazole GNR 20 mg au lieu du Mopral alors que ceux-ci n'avaient pas, entre le 16 avril 2004 et le 14 mai 2004, la faculté de substitution prévue à l'article L 512-3 du code de la santé publique.
Sur la contrefaçon de la marque MOPRAL
Considérant que la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG reproche à la société SANDOZ d'avoir utilisé au cours de la période comprise entre le 16 avril 2004 et le 14 mai 2004 le nom de Mopral dans quatre brochures :
- la première intitulée "Sandoz lance l'Oméprazole ; sur la première page, on lit en gros caractères : "le générique facile avec la force d'une marque. Disponible immédiatement" et en petits caractères en bas de page : "Oméprazole GNR 20 mg, boîtes de 7, 14 et 28 gélules gastro-résistantes AMM générique de Mopral 20 mg en attente d'inscription au répertoire des médicaments génériques".
- la deuxième brochure intitulée "Oméprazole par Sandoz" ; sur la deuxième page, on peut lire "Oméprazole GNR 20 mg, le générique facile, conditionnement en pilulier comme Mopral 20 mg, gélules de taille no 2 comme Mopral 20 mg, boîtes de format similaires à Mopral 20 mg",
- sur la troisième page "générique de Mopral 20 mg", "Sandoz, le packaging générique qui donne confiance" avec représentation de l'une des faces d'une boîte Oméprazole GNR 20 mg, sur laquelle était mentionnée au vu d'un cadre rectangulaire à remplir l'indication " ce médicament générique remplace ...", ce que la publicité schématise par une flèche "Repère princeps" ;
- la troisième brochure est intitulée "Sandoz lance l'Oméprazole, disponible immédiatement dans votre agence, le générique facile.
. 3 présentations, boîtes de 7, 14, 28 comme Mopral 20 mg,
* conditionnement pilules comme Mopral 20 mg,
* gélules de taille no 2 comme Mopral 20 mg,
* boîtes de formats similaires à Mopral 20 mg",
- la quatrième brochure intitulée : "Sandoz invente le packaging générique qui donne confiance" ; dans la liste "équivalence princeps-génériques. Prix en vigueur à partir d'avril 2004", intégrée dans cette brochure, l'Oméprazole GNR 20 mg est présenté comme générique de Mopral 20 mg.
Considérant que la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG fait valoir, à juste titre que la reproduction de la marque Mopral dans ces quatre brochures contrevenant aux dispositions de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon de cette marque ;
considérant que la société SANDOZ ne conteste pas l'usage de la marque Mopral, mais soutient que celui-ci est licite pour deux motifs qu'elle qualifie d'exceptions" ;
Sur la justification tirée du caractère nécessaire de la référence faite à la marque :
Considérant que la société SANDOZ se prévaut de l'article L 713-6 b) du code de la propriété intellectuelle qui dispose que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à sa citation comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ;
considérant que la Cour retient cependant qu'en l'espèce, la société SANDOZ n'apporte nullement la preuve de ce que sa publicité ne pouvait être effectuée sans faire état du princeps Mopral ; qu'en effet, en premier lieu, le nom d'Oméprazole est tiré de la dénomination de son principe actif, qui est celui de la dénomination commune ainsi qu'il ressort de la décision du 08 mai 2004 portant inscription au répertoire des groupes génériques de l'Oméprazole GNR 20 mg ; que les pharmaciens qui peuvent délivrer un médicament prescrit en dénomination commune conformément à l'article L 5125-23 du code de la santé publique ne pouvaient manquer d'identifier la finalité curative de la spécialité dénommée Oméprazole ou Oméprazole GNR 20 mg, identique à la dénomination commune ;
qu'en second lieu, la destination de ce médicament ne pouvait échapper à aucun praticien de santé puisque dans les trois premières brochures citées plus haut, il est mentionné sur une page entière les informations prescrites pour la publicité en faveur d'un médicament par l'article R 5122-8 du code de la santé publique ; que cette description "technique" ne cite nulle part le mot "Mopral" ; que la "dénomination du médicament-forme pharmaceutique" est "Oméprazole GNR 20 mg, gélule gastro-résistante" ; qu'il apparaît donc que le nom du médicament étant identique à celui de la dénomination commune et compte tenu des informations scientifiques reproduites dans trois brochures étaient, réunis les éléments suffisants pour indiquer aux professionnels de santé la finalité thérapeutique de l'Oméprazole ;
qu'il s'ensuit que faute que soit établie la nécessité de la référence à Mopral, le moyen tiré de l'article 713-6 b) du code de la propriété intellectuelle ne peut qu'être écarté, sans qu'il y ait lieu d'examiner la question d'un risque éventuel de confusion ;
qu'en effet, la société SANDOZ invoque en vain l'article L 5122-4 du code de la santé publique ; que si ce texte dispose que la publicité des spécialités génériques "doit mentionner l'appartenance à la catégorie des spécialités génériques", il faut relever que la circonstance que l'Oméprazole GNR 20 mg a, dans les publicités incriminées, été présenté comme un générique, suffit à répondre aux exigences de ce texte, la référence au princeps n'étant nullement prescrite ;
Sur la justification de l'usage de la marque Mopral tirée de la publicité comparative
Considérant qu'aux termes de l'article L 121-8 du code de la consommation, pour être licite, la publicité comparative doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services ;
considérant que les brochures publicitaires en cause, si elles citent la marque Mopral, ne la comparent pas à l'Oméprazole GNR 20 mg ; que cela est logique puisque la spécialité générique, selon l'article L 5121-1-5o du code de la santé publique a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par les études de biodisponibilité appropriées ;
considérant que seule la troisième brochure comporte à la page une, un encadré intitulé "le générique facile : 3 présentations, boîtes de 7, 14,28 comme Mopral 20 mg, conditionnement pilulier comme Mopral 20 mg, gélule de taille no 2 comme Mopral 20 mg, boîtes de format similaires à Mopral 20 mg" ; que les éléments comparés ont trait aux modalités du conditionnement lesquels, contrairement à ce que soutient la société SANDOZ, ne sont pas des caractéristiques essentielles de l'Oméprazole GNR 20 mg ; qu'en réalité, ce n'est pas un hasard si cette publicité comparative a été imprimée au recto de la seule brochure qui intègre à son verso un bon de commande de l'Oméprazole GNR 20 mg ;
qu'elle n'était donc manifestement destinée qu'à lever les hésitations des pharmaciens quant aux modalités de présentation des boîtes similaires à celle du Mopral, et non à comparer ce qui était essentiel, la composition des médicaments ;
considérant que le moyen tiré de l'article L 121-8 du code de la consommation sera lui aussi écarté, la publicité comparative invoquée étant illicite ;
Sur la violation de l'article L 710-10 du code de la propriété intellectuelle
Considérant que les sociétés intimées font grief à la société SANDOZ d'avoir incité les pharmaciens à vendre son produit en conséquence des publicités et de la mention sur les boîtes : "ce médicament générique remplace..." qui était de nature à laisser croire que les pharmaciens qui commandaient l'Oméprazole 20 mg pourraient substituer l'Oméprazole 20 mg au Mopral immédiatement alors que les conditions de cette substitution n'étaient pas remplies de sorte que la société SANDOZ aurait incité ces pharmaciens à commettre le délit prévu par l'article L 716-10 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais considérant qu'il s'agit d'un texte pénal, inopérant dans le présent litige commercial ;
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Considérant qu'en définitive, la Cour retiendra que la société SANDOZ a commis des actes de contrefaçon par usage de publicité comparative illicite et par usage sans nécessité de la marque Mopral dans ses brochures publicitaires durant la période comprise entre le 16 avril 2004 et le 14 mai 2004 ;
Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant que la société ASTRAZENECA SAS qui commercialise en France la spécialité Mopral, fait grief à la société SANDOZ d'avoir commis des actes de concurrence déloyale en diffusant des publicités comparatives illicites, et aussi de nature à induire en erreur au sens de l'article L121-1 de la consommation et/ou trompeuses au regard des articles L 5122-1 et suivants du code de la santé publique ;
Sur la diffusion de publicités comparatives illicites
Considérant que la Cour a déjà retenu l'usage de publicités comparatives illicites dans la troisième brochure en cause, par la société SANDOZ ;
Sur l'emploi du terme "générique" dans les publicités litigieuses susceptibles d'être trompeur ou de nature à induire en erreur
Considérant que la société ASTRAZENECA SAS soutient que ces publicités étaient de nature à induire en erreur les pharmaciens car la qualification de générique suggérait que le médicament avait tous les attributs d'un générique, en étant substituable au princeps et que la mention : "ce médicament remplace.... qui vous a été prescrit" figurant sur les boîtes avec un rectangle vierge à compléter par le pharmacien était de nature à le tromper sur le caractère substituable de celui-ci ;
considérant qu'il est exact, en effet, que l'emploi du mot "générique" dans les publicités laissait à priori penser que ce médicament était immédiatement substituable ; que cependant, deux légers tempéraments doivent être apportés à cet usage de publicités de nature à induire en erreur ; qu'en premier lieu, dans la première brochure intitulée "Sandoz lance l'Oméprazole", il était indiqué en caractères lisibles : " Oméprazole GNR 20 mg", ..... "AMM générique de Mopral 20 mg en attente d'inscription au répertoire des médicaments génériques" ; en second lieu, la société SANDOZ, qui avait si parfaite conscience que ces quatre brochures contenaient une publicité de nature à induire en erreur les pharmaciens au sens de l'article L 121-1 du code de la consommation, qu'elle a elle-même adressé le 16 avril 2004 un "fax-mailing" à 5.904 pharmaciens d'officine dont 81 % l'ont reçu, pour leur indiquer que l'inscription au répertoire des spécialités génériques n'avait pas encore eu lieu, de telle sorte qu'ils étaient invités "à ne pas utiliser la mention figurant sur l'emballage de l'Oméprazole GNR 20 mg", "ce médicament générique remplace..... qui vous a été prescrit par votre médecin" ;
que ce "fax-mailing" n'a été lu que par 4.782 pharmaciens (81 % des messages envoyés) sur les 22.600 officines environ existant ;
que cela veut dire que près de 80 % des officines ne l'ont pas reçu, de sorte que son efficacité est des plus réduites, eu égard à l'élément subsistant que les quatre brochures contenaient des informations de nature à induire en erreur les professionnels de santé auxquels elles s'adressaient ;
considérant qu'en définitive, il résulte tant de la diffusion de publicité comparative illicite dans des brochures, que de la diffusion dans les brochures et sur les boîtes mêmes de médicaments, d'information de nature à induire en erreur au sens de l'article L 121-1 dans trois brochures, que la société SANDOZ a perpétré des actes de concurrence déloyale
Sur l'imputation à la société ASTRAZENECA SAS du fait générateur des actes illicites reprochés à la société SANDOZ
Considérant que la société SANDOZ, à la page 17 de ses conclusions du 07 février 2007, développe le moyen suivant : "Il est (...) demandé à la Cour de reconnaître explicitement que le fait générateur du dommage prétendument subi par ASTRAZENECA est directement dû à la faute de cette société, et qu'il ne peut être demandé réparation de ce dommage à SANDOZ. Pour cette seule raison donc et indépendamment des développements particuliers (...) concernant les différents griefs objet du litige, la Cour devra infirmer le jugement en toutes ses dispositions qui ont jugé illicites certains actes effectués par SANDOZ" ;
considérant que la société SANDOZ reproche, en effet, à la société ASTRAZENECA SAS d'avoir réussi à "bloquer" l'inscription au répertoire des génériques de l'Oméprazole GNR en la faisant passer de la date normale du 16 avril 2004 au 12 mai 2004 ; que cette manoeuvre dilatoire de ladite société ASTRAZENECA SAS aurait rendu "contestables" les mentions figurant sur les emballages et la publicité en cause ;
Mais considérant que les actes de contrefaçon comme ceux de concurrence déloyale sont constitués en eux-mêmes ; que dès lors celui ci-dessus invoqué, à le supposer établi, n'efface en rien les faits constitutifs de contrefaçon et de concurrence déloyale ; que la Cour, en définitive, constate le caractère inopérant de ce moyen ;
considérant qu'il sera donné à la société SANDOZ l'acte requis par ses soins ;
Sur l'indemnisation des préjudices
sur le préjudice consécutif à la contrefaçon de marque
Considérant qu'eu égard à la diffusion des brochures incriminées dans toutes les pharmacies de France au cours de la période en cause du 16 avril au 12 mai 2004, la demande indemnitaire de 100.000 euros formée par la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG de ce chef qui apparaît justifiée sera admise ;
sur le préjudice consécutif à la concurrence déloyale
Considérant que pour chiffrer sa demande, la société ASTRAZENECA SAS part du tableau comptabilisant les ventes aux pharmaciens aux fins de constater qu'au cours de la période en cause, ceux-ci ont acheté 30.628.000 gélules des spécialités à base d'Oméprazole 20 mg ;
que la part des gélules d'Oméprazole GNR 20 mg a représenté environ 10,5 % de ce total, soit environ 3.216.000 gélules vendues aux pharmaciens, 1,30 euros la gélule, représentant une somme de 4.180.754,50 euros au total ;
que la société ASTRAZENECA SAS fait valoir qu'elle a une perte de marge qui peut s'évaluer à la somme de 300.000 euros ;
que la Cour adopte ce raisonnement car il limite le chiffrage du préjudice calculé sur la base de la perte de marge sur la part de marché prise par le médicament de SANDOZ et correspond à sa perte de chance de garder cette part de marché ; qu'il s'ensuit que la société SANDOZ sera condamnée à verser à la société ASTRAZENECA SAS la somme de 300.000 euros.
Sur les autres demandes
Sur la demande de publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux professionnels
Considérant que cette demande des sociétés intimées, compte tenu du caractère temporaire de la contrefaçon dont la Cour est saisie, sera rejetée.
Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Considérant que l'équité commande de condamner la société SANDOZ à verser une indemnité supplémentaire de 10.000 euros aux sociétés ASTRAZENECA SAS et ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, en paiement de leurs frais irrépétibles ;
considérant que la société SANDOZ, qui succombe en toutes ses prétentions, et sera condamnée aux dépens d'appel, sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions concernant les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par la SAS SANDOZ, l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens,
Et statuant à nouveau des autres chefs,
Condamne la société SANDOZ à verser à la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG la somme de 100.000 euros à titre de l'indemnisation de son préjudice né de la contrefaçon de la marque Mopral entre le 16 avril 2004 et le 14 mai 2004,
Condamne la société SANDOZ à régler à la société ASTRAZENECA SAS une indemnité de 300.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de la concurrence déloyale,
Déclare inopérant dans le présent litige, le moyen de la société SANDOZ tendant à voir reconnaître explicitement que le fait générateur du dommage invoqué est directement lié à la faute de la société ASTRAZENECA SAS,
Donne acte à la société SANDOZ de ce qu'elle se réserve le droit d'agir en justice aux fins de tirer toutes conséquences de l'inscription prétendument tardive de l'Oméprazole GNR 20 mg au répertoire des groupes génériques,
Déboute les sociétés intimées de leur demande de publication de la présente décision dans trois journaux professionnels,
Y ajoutant,
Condamne la société SANDOZ à verser à la société ASTRAZENECA SAS et la société ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, prises ensemble, la somme complémentaire de 10.000 euros en paiement de leurs frais irrépétibles de procédure,
Déboute la société SANDOZ de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société SANDOZ aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Jean-Michel TREYNET, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,