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24/05/2007 | FRANCE | N°06/7326

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0017, 24 mai 2007, 06/7326


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12ème chambre section 1

AC

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2007

R.G. No 06/07326

AFFAIRE :

S.A.R.L. DUNES

C/

Société LE COQ

SPORTIF

INTERNATIONAL

(LCSI BV)

S.A. LE COQ SPORTIF HOLDING (LCSH SA)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No chambre : 2

No RG : 06/F02881

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

livrées le :

à :

SCP LISSARRAGUE-

DUPUIS et BOCCON-

GIBOD

Me SEBA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12ème chambre section 1

AC

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2007

R.G. No 06/07326

AFFAIRE :

S.A.R.L. DUNES

C/

Société LE COQ

SPORTIF

INTERNATIONAL

(LCSI BV)

S.A. LE COQ SPORTIF HOLDING (LCSH SA)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No chambre : 2

No RG : 06/F02881

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP LISSARRAGUE-

DUPUIS et BOCCON-

GIBOD

Me SEBA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. DUNES,

dont le siège est : 3 rue de Téhéran - 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Concluant par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et BOCCON-GIBOD, avoués - No du dossier 0643252

Plaidant par Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

INTIMEE dans le RG No06/07473

****************

1. Société LE COQ SPORTIF INTERNATIONAL (LCSI BV),

dont le siège est : Thomas Mannplaats 311 - 311 3069 NJ - ROTTERDAM (PAYS BAS), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

2. S.A. LE COQ SPORTIF HOLDING (LCSH SA),

dont le siège est : 57 bis rue de Romains - 68390 SAUSHEIM, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Concluant par Me Farid SEBA, avoué - No du dossier 011453

Plaidant par Me Claire PICARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

APPELANTES dans le RG No06/07473

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2007 devant la cour composée de :

Madame Sylvie MANDEL, président,

Monsieur André CHAPELLE, conseiller,

Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE

La société Le Coq Sportif International, société de droit néerlandais, est propriétaire de la marque internationale "Le Coq Sportif" dans le monde entier. Elle conçoit, fabrique et distribue des articles textiles, des chaussures et accessoires, soit en direct, soit par des distributeurs ou des agents commerciaux, la gamme de ses produits se répartissant en deux branches, la gamme "Loisirs" ou "Style de vie", et la gamme "Sport".

Elle est détenue à 99 % par la société holding du groupe, la SA Le Coq Sportif Holding.

La société Gallo, elle aussi détenue à 99 % par la société Le Coq Sportif Holding, et la société Le Coq Sportif International ont conclu, le 10 juillet 1999, un accord de distribution des produits Le Coq Sportif en France et en Suisse. Un nouveau contrat de distribution a été conclu entre les sociétés Gallo et Le Coq Sportif International le 7 mai 2004, pour une durée de 3 ans, du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2007.

Le 1er janvier 2000, la société Dunes a signé avec la société Gallo un contrat d'agent commercial aux fins d'assurer pour la France la représentation exclusive des articles Le Coq Sportif dans la gamme Loisirs, alors que la distribution des articles de la gamme Sport étaient réservée à la société Gallo.

A partir de 2003, la société Gallo a rencontré des difficultés financières l'empêchant de régler des commissions à la société Dunes, si bien qu'à la fin de l'année 2004, la société Dunes était créancière de la société Gallo d'une somme totale de 1.522.716,57 € TTC au titre de commissions pour les années 2003 et 2004.

Afin d'apurer le solde de cette créance, le 29 octobre 2004, les sociétés Dunes et Gallo ont signé un "Accord global", garanti et contresigné par les société Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding, lequel était accompagné des quatre accords suivants, signés le même jour :

a) Un contrat de cession d'éléments d'actifs (annexe 1), par lequel la société Gallo cédait à la société Dunes, pour un prix global de 500.000 €, avec effet au 1er juillet 2005, d'une part la clientèle et l'achalandage, d'autre part le bénéfice et la charge du contrat de distribution conclu le 7 mai 2004 entre la société Gallo et la société Le Coq Sportif International, et venant à échéance au 31 décembre 2007.

b) Un accord de remboursement (annexe 2) par lequel la société Gallo s'engageait à apurer sa dette à l'égard de la société Dunes à hauteur de 600.000 € par versements mensuels de 50.000 € chacun, le premier intervenant le jour de la signature de l'accord, et les autres faisant l'objet d'un règlement par traites, le 10 de chaque mois.

c) Un contrat de distribution (annexe 3) conclu entre les sociétés Dunes et Le Coq Sportif International pour la distribution exclusive des produits des marques de la société Le Coq Sportif International (listées à l'annexe G) pour la France, Monaco et Andorre, pour une durée commençant le 1er juillet 2005 et s'achevant au 31 décembre 2010. Ce contrat prévoyait le règlement par la société Le Coq Sportif International à la société Dunes d'une somme de 600.000 € HT "irrévocable et inconditionnelle" au titre d'une contribution de marketing pour soutenir le développement de la marque sur la première année, à raison de 50.000 € HT par mois, entre le 1er juillet 2005 et le 30 juin 2006.

d) Enfin, un contrat de cession de créance (annexe 4), conclu entre la société Dunes et la société Le Coq Sportif International, par lequel la société Dunes cédait à la société Le Coq Sportif International le solde de sa créance sur la société Gallo, soit 422.716,57 €, pour une somme de 88.543 € réglée à la société Dunes le jour de la signature.

Le 23 mars 2005, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Gallo et a fixé la date de cessation des paiements au 1er mars 2005.

Le 20 avril 2005, la société Le Coq Sportif International a résilié le contrat de distribution du 7 mai 2004 qui la liait à la société Gallo.

Et le 1er juin 2005, la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société Gallo a été convertie en liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance de Mulhouse.

En Octobre 2005, la société suisse Airesis a acquis le contrôle du groupe Le Coq Sportif, et en janvier 2006, un nouveau dirigeant, venant du groupe Adidas, a pris la direction opérationnelle du groupe Le Coq Sportif.

A la suite de diverses réunions entre la société Dunes et la société Le Coq Sportif International, cette dernière, le 5 avril 2006, a résilié avec effet immédiat le contrat de distribution du 29 octobre 2004 (annexe 3 de l'Accord global), sur le fondement de l'article 9.3.e de ce contrat, en reprochant à la société Dunes de ne pas être "pleinement opérationnelle et active" sur le territoire concédé à la date du 1er avril 2006, chacun de ces mots, correspondant à des obligations spécifiques décrites au contrat.

* C'est dans ces conditions, que par acte du 30 mai 2005, la société Dunes a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding aux fins de voir juger que la société Le Coq Sportif International avait rompu abusivement le contrat de distribution du 29 octobre 2004 et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle.

A titre principal, la société Dunes demandait que soit ordonnée la poursuite forcée des relations contractuelles qu'elle avait nouées avec les société Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding, et notamment la poursuite du contrat de distribution du 29 octobre 2004 jusqu'à son échéance contractuelle du 31 décembre 2010. Elle demandait à ce titre qu'il soit fait injonction sous astreinte à la société Le Coq Sportif International de lui livrer les marchandises en cours et à venir ainsi que les échantillons des collections et gammes de produits à venir qu'elle avait commandés.

La société Dunes demandait également qu'il soit fait interdiction à la société Le Coq Sportif International de constituer une force de vente et de démarcher sa clientèle, et de violer l'exclusivité qui lui avait été consentie, et ceci, sous astreinte, pour chaque infraction constatée.

La société Dunes demandait la condamnation in solidum des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à lui payer la somme de 100.000 € pour tout démarchage ou commande réalisé auprès de ses clients, 200.000 € au titre du préjudice résultant de la réorganisation de son activité, 450.000 € restant dûs au titre de la contribution marketing, ou, qu'à tout le moins, la société Le Coq Sportif International soit condamnée sous astreinte à lui verser les 9 mensualités restants dues aux échéances convenues.

La société Dunes poursuivait en outre la condamnation solidaire des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding, en leur qualité de garantes de la société Gallo, à lui payer la somme de 29.221 € au titre de la traite à échéance de mars 2006 revenue impayée, et 110.115 € au titre d'une facture de commission du 1er septembre 2005 restée impayée.

Elle sollicitait enfin la publication du jugement à intervenir.

A titre subsidiaire, si le tribunal refusait d'ordonner la poursuite judiciaire du contrat de distribution, la société Dunes demandait la condamnation solidaire des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à lui payer, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de la remise en cause de l'accord global, les sommes suivantes :

- 867.394,57 € en réparation du préjudice résultant de son abandon de créance,

- 2.079.719 €, en réparation du préjudice résultant de la perte de clientèle et du non versement de son indemnité de fin d'agent commercial,

- 450.000 € en réparation du préjudice résultant du non paiement de la créance inconditionnelle au titre de la contribution marketing.

- 10.400.000 € à titre d'indemnité réparatrice pour perte de marge brute sur les cinq annnées d'exécution contractuelle, et pour cessation définitive d'activité du fait de la résiliation brutale et fautive du contrat de distribution.

Outre l'exécution provisoire, elle sollicitait une indemnité de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* En défense, les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding ont conclu au débouté de la société Dunes de l'ensemble de ses demandes qu'elles soient formées à titre principal ou à titre subsidiaire.

S'agissant des demandes formées à titre principal, les sociétés défenderesses ont fait valoir qu'elles avaient valablement résilié le contrat de distribution du 29 octobre 2004 à la date du 5 avril 2006, faute pour la société Dunes d'avoir été active et opérationnelle sur le territoire concerné au 1er avril 2006 comme elle s'y était engagée, et que le tribunal ne pouvait donc que débouter la société Dunes de sa demande en continuation du contrat de distribution.

Elles ont alors demandé au tribunal de débouter la société Dunes de toutes les demandes en paiement qu'elle avait formées à titre principal et de la condamner à rembourser la somme de 50.000 € correspondant à la lettre de change échue le 31 mars 2006 et dont le paiement a été ordonné en référé à titre de provision.

S'agissant des demandes formées à titre subsidiaire par la société Dunes, les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding ont demandé au tribunal de dire que la rupture du contrat de distribution était conforme aux dispositions de l'article 9.3.e de ce contrat, et qu'elle n'a été ni abusive, ni brutale, ni de mauvaise foi. Elles ont également demandé au tribunal de dire que la résiliation du contrat de distribution ne pouvait avoir pour conséquence de remettre en cause l'Accord global du 29 octobre 2004.

Elles ont en conséquence conclu au débouté de la société Dunes de ses demandes concernant le remboursement du solde de la créance qu'elle détenait à l'encontre de la société Gallo, de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle au titre du contrat d'agence commerciale conclu avec la société Gallo, de sa demande en dommages et intérêts pour perte de marge, et de sa demande en paiement du solde de la contribution marketing, la société Dunes ne s'étant pas acquittée de ses obligations, si bien que la société Le Coq Sportif International était fondée à lui opposer l'exception d'inexécution.

Elles sollicitaient en outre le remboursement de la somme de 50.000 € au paiement de laquelle elles avaient été condamnées en référé, ainsi que, chacune, une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* Parallèlement à l'instance au fond, le juge des référés, par ordonnance du 25 avril 2006, a condamné solidairement les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à payer à la société Dunes la somme provisionnelle de 50.000 € au titre d'une traite refusée à l'échéance du 29 mars 2006, payable au titre de la contribution marketing, et le 28 juin 2006, la cour de ce siège a confirmé cette ordonnance, et y ajoutant, a condamné les sociétés défenderesses à payer la somme de 100.000 € au titre des traites venues à échéance les 30 avril et 31 mai 2006.

* Par jugement du 6 octobre 2006, le tribunal de commerce de Nanterre a tout d'abord débouté la société Dunes de ses demandes au titre de la prolongation judiciaire de contrat et de publication du jugement.

Le tribunal a en effet constaté que 18 mois après la signature du contrat de distribution conclu avec la société Le Coq Sportif International, et 10 mois après sa prise d'effet, la société Dunes n'avait pu établir et faire approuver un plan marketing, n'avait pas fait évoluer de manière indiscutable sa force de vente, n'avait pas mis en place un show room conforme à ce que le contrat prévoyait et n'apportait pas la preuve d'une activité commerciale dans la gamme "Sport" conforme à ses engagements, si bien que la société Le Coq Sportif International n'avait pas abusé de sa faculté de résiliation du contrat de distribution en application de la clause prévue à l'article 9.3.e, lequel lui donnait le droit de résilier automatiquement le contrat, par simple notification écrite, si la société Dunes n'entamait pas des opérations de distribution dans un délai de 90 jours à partir de la date d'entrée en vigueur du contrat , et n'était pas "pleinement opérationnelle et active" au sens du contrat, sur le Territoire, avant le 1er avril 2006.

Examinant les conséquences de cette résiliation, le tribunal a constaté que, compte tenu des éléments communiqués, la société Dunes ne démontrait pas être en état de dépendance économique à l'égard de la marque Le Coq Sportif, et n'apportait pas la preuve de l'imminence d'un dommage. Il a en conséquence débouté la société Dunes des demandes formées de ce chef.

Le tribunal a cependant constaté que la société Le Coq Sportif International n'avait pas livré à la société Dunes les commandes antérieures à la date de résiliation du contrat de distribution, soit le 5 avril 2006, et au titre de la perte de marge correspondante, a condamné la société Le Coq Sportif International, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, à payer à la société Dunes une somme de 100.000 €.

S'agissant de l'Accord global du 29 octobre 2004, le tribunal a jugé que la société Le Coq Sportif Holding, propriétaire à 99 % de la société Gallo, et la société Le Coq Sportif International, en signant l'accord global et toutes ses annexes, se sont portées garantes des obligations de la société Gallo et de la bonne exécution des contrats, et qu'elles étaient parfaitement informées de la situation de la filiale et des motivations de la société Dunes pour conclure cet accord, si bien qu'elles ne peuvent lui reprocher une fraude à l'occasion de cette opération qui leur a évité de soutenir leur filiale, et qui n'a pas été annulée par le tribunal de grande instance de Mulhouse.

Le tribunal a en conséquence jugé que la résiliation du contrat de distribution ne pouvait remettre en cause le caractère global de l'accord intervenu, dont l'économie devait être conservée. Il a donc examiné les différentes obligations en résultant.

A ce titre, le tribunal, au titre de la contribution marketing du contrat de distribution, a condamné la société Le Coq Sportif International à payer à la société Dunes, en deniers ou quittance, le solde de la contribution marketing selon les échéances mensuelles de 50.000 € HT restant à courir.

Il a constaté que l'accord de remboursement de 600.000 € (annexe 2) avait été totalement exécuté par la société Le Coq Sportif International et a débouté la société Dunes de sa demande concernant le complément de son abandon de créance envers la société Gallo.

Au titre de la facture de commission de 110.115 € HT correspondant au contrat de distribution du 7 mai 2004 liant la société Gallo et la société Le Coq Sportif International, cédé selon l'annexe 1 de l'accord global ( contrat de cession d'actifs du 29 octobre 2004), le tribunal a condamné solidairement les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding, garants de la bonne exécution des engagements souscrits par la société Gallo, à payer à la société Dunes la somme de 110.115 € HT.

A titre d'indemnité compensatrice, le tribunal a alloué à la société Dunes, en sa qualité d'agent commercial de la société Gallo, une indemnité de 500.000 €.

Il a débouté la société Dunes de sa demande de réparation de perte de marge brute sur 5 ans, estimée par elle à 10.400.000 €.

Le tribunal a ordonné partiellement l'exécution provisoire et a condamné les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à payer à la société Dunes une indemnité de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* Appelante, la société Dunes demande tout d'abord à la cour, à titre principal, après avoir infirmé le jugement, de condamner les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à poursuivre le contrat de distribution qu'elles ont conclu avec elle.

Elle fait valoir que la société Le Coq Sportif International a rompu de manière brutale et désinvolte le contrat de distribution sans rechercher une solution amiable et en avançant des griefs de pure forme, la nouvelle direction de la société Le Coq Sportif International, après le rachat de cette société par la société Airsis, ayant décidé de reprendre en direct la distribution des produits Le Coq Sportif.

Elle considère que les motifs allégués à l'appui de cette rupture sont totalement injustifiés et artificiels, d'autant plus que le contrat de distribution, dans son article 6.1, prévoyait que "la non atteinte et la non réalisation des objectifs d'achats par le distributeur ne saurait entraîner, pour le distributeur, ni la résiliation du présent contrat, ni entraîner aucune conséquence pécuniaire", ce qui n'a pas été pris en compte par le jugement du tribunal de commerce.

Elle soutient que la résiliation est intervenue de manière abusive dans la mesure où elle a rempli sa mission de distributeur, qu'il s'agisse de la force de vente, du personnel administratif et logistique, des plans marketing ou du show room. Elle ajoute qu'aucun grief ne peut lui être adressé en ce qui concerne la gamme "Sport", et qu'il a fallu l'arrivée d'une nouvelle direction pour qu'il lui soit reproché, avec une totale mauvaise foi, de ne pas avoir suffisamment développé cette gamme de produits, alors qu'aucun objectif dans ce domaine ne lui avait été fixé.

Elle demande en conséquence à la cour d'ordonner la poursuite du contrat de distribution jusqu'à son terme, soit le 31 décembre 2010, de lui livrer sous astreinte de 30.000 € par jours de retard, les échantillons des collections été 2007 et d'interdire aux société Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding de constituer une force de vente et de démarcher sa clientèle.

Elle demande qu'il soit interdit à la société Le Coq Sportif International de violer l'exclusivité qui lui a été consentie, et de commercialiser tout produit de la marque Le Coq Sportif, sous astreinte de 100.000 € par infraction constatée, de lui verser la somme de 100.000 € par démarchage et/ou commande au titre des démarchages déjà entrepris et/ou commandes réalisées et la somme de 200.000 € HT à titre de dommages et intérêts pour désorganisation de son activité, et d'ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société Le Coq Sportif International.

A titre subsidiaire, si la cour refusait d'ordonner la poursuite judiciaire du contrat, la société Dunes conclut à l'indemnisation de son préjudice consécutif à la rupture abusive du contrat de distribution et par voie de conséquence de l'accord global.

Elle sollicite à ce titre une somme de 10.400.000 € au titre de la perte de marge brute attendue a minima sur 5 années contractuelles, et demande à la cour d'interdire aux sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding de démarcher sa clientèle, sous astreinte de 100.000 € par infraction constatée.

En tout état de cause, elle demande l'indemnisation du préjudice résultant de la remise en cause de l'accord global du 29 octobre 2004, une année seulement après sa signature, lequel forme un tout indissociable et indivisible, aucune fraude ne pouvant lui être reprochée par les sociétés intimées. Elle souligne que l'objet de cet accord était de lui garantir de succéder à la société Gallo dans la commercialisation en France des produits Le Coq Sportif, et que la résiliation abusive du contrat de distribution affecte l'équilibre de l'opération, telle qu'elle résultait de l'accord global.

En conséquence, elle conclut à la condamnation solidaire des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

- 838.173,57 € HT en réparation du préjudice résultant de l'abandon de ses différentes créances et indemnités à l'égard du groupe Le Coq Sportif, correspondant à 500.000 € au titre du fonds de commerce qu'elle a acquis et 338.173,57 € au titre du solde de la cession de créance.

- 2.079.719 € HT au titre du non versement de son indemnité de fin de contrat d'agent commercial.

Elle sollicite enfin une indemnité de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* Intimées, les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding développent tout d'abord une argumentation tendant à démontrer que la résiliation du contrat de distribution n'est pas fautive, mais qu'elle est intervenue régulièrement, sur le fondement de l'article 9.3.e du contrat qui prévoit une clause résolutoire de plein droit et sans préavis. Elle souligne que la résiliation n'a pas été abusive, la société Dunes n'ayant ni vendu, ni promu toutes les catégories de la marque, et spécialement les produits de la gamme "Sport", si bien que la société Dunes n'était pas opérationnelle à la date contractuelle du 1er avril 2006. Elle reprend en ce sens les griefs formulés à l'encontre de la société Dunes en première instance et retenus par le tribunal. Elle indique que la résiliation n'a pas davantage été brutale, la société Dunes ayant bénéficié d'une période de 90 jours après la résiliation pour écouler son stock de produits, et qu'elle n'est pas intervenue de mauvaise foi, tous les éléments dont fait état la société Dunes étant postérieurs à la rupture et non antérieurs à celle-ci.

Les sociétés intimées ajoutent que la résiliation n'a entraîné aucun dommage imminent si bien que la demande de poursuite des relations contractuelles n'est pas justifiée. Elle observe, comme l'a retenu le tribunal, que la société Dunes n'était pas en situation de dépendance économique dans la mesure où elle distribuait également d'autres marques

Les sociétés intimées considèrent donc que la résiliation étant bien fondée, la cour doit en conséquence rejeter l'ensemble des demandes de la société Dunes. Elles considèrent que le jugement entrepris contient une contradiction de motifs en ce que, constatant que la résiliation du contrat de distribution n'était pas fautive, il a néanmoins prononcé des condamnations à l'encontre des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding.

Elles ajoutent que l'Accord global ne contenait aucune stipulation de garantie propre des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding quant à son économie générale, seuls chacun des actes annexés à cet accord global contenant des stipulations particulières de garantie concernant leur exécution.

A titre subsidiaire, elles concluent au débouté de la société Dunes de toutes ses demandes en développant une argumentation tendant à démontrer :

- qu'elles n'ont souscrit qu'un engagement de porte fort d'exécution et non une lettre d'intention,

- que l'ensemble contractuel n'était pas "indissociable et indivisible" comme le prétend la société Dunes,

- que la signature du contrat de distribution entre la société Le Coq Sportif International et la société Dunes n'était au mieux qu'une condition suspensive à la formation de l'accord global qui ne peut être remise en cause par la résiliation ultérieure dudit contrat,

- et enfin, qu'il n'y a eu aucune éviction de la clientèle ainsi cédée à la société Gallo, ni du contrat de distribution conclu entre la société Le Coq Sportif International et la société Gallo.

Les sociétés intimées ajoutent, au surplus, que l'accord global et le contrat de cession des éléments d'actifs lui sont en tout état de cause inopposables en raison de la fraude qui les entache.

A titre infiniment subsidiaire, les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding concluent, par motifs propres, au rejet des demandes formées par la société Dunes en ce qui concerne :

- le préjudice dit de réorganisation,

- la perte de marge pour commandes passées antérieurement à la résiliation et prétenduement non livrées,

- la demande en paiement de la traite impayée au 31 mars 2006 pour 29.221 €,

- la facture de commissions no 0505 du 1er septembre 2005 d'un montant de 110.115 €,

- la demande de publication du jugement à intervenir,

- la demande d'injonction de ne pas démarcher la clientèle, et de condamnation pour démarchage déjà entrepris et/ou commandes que les sociétés intimées auraient réalisées auprès des clients de Dunes,

- la demande en paiement de contribution marketing,

- la perte résultant de l'abandon de créance de la société Dunes sur la société Gallo estimée à 338.173,57 € HT,

- la demande en réparation à hauteur de 500.000 € au titre de l'éviction de clientèle,

- la perte d'indemnité de clientèle au titre du contrat d'agent commercial antérieurement conclu avec la société Gallo, estimée à 2.079.719 €,

- la perte de marge estimée sur cinq années à 10.400.000 €.

Les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding concluent donc au débouté de la société Dunes de l'ensemble de ses demandes, et à sa condamnation :

- à payer à la société Le Coq Sportif International la somme de 600.000 € au titre de la contribution marketing, et à tout le moins, les échéances échues depuis la résiliation du contrat de distribution, intervenue le 5 avril 2006, soit 450.000 €,

- et à lui rembourser la somme de 110.115 € payée en application du jugement entrepris.

Les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding sollicitent enfin, chacune, une indemnité de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI :

1) Sur la résiliation du contrat de distribution commerciale signé le 29 octobre 2004 entre la société Dunes d'une part, et les société Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding d'autre part :

Considérant que ce contrat figure en annexe III à l'Accord global conclu le 29 octobre 2004 entre la société Dunes et la société Gallo, auquel sont intervenues, en leur qualité de garants de certains contrats qui y ont été annexés, les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding.

Considérant que par lettre recommandée AR du 5 avril 2006, la société Le Coq Sportif International a résilié ce contrat en se fondant sur les dispositions de son article 9.3.e. et en reprochant à la société Dunes de ne pas être "pleinement opérationnel et actif"sur le territoire au 1er avril 2006, la société Dunes ne disposant pas, selon elle, des "moyens financiers, humains et matériels pour assurer la représentation de toutes les catégories de produits de la marque sur l'ensemble du territoire."

Considérant qu'il était stipulé à cet article 9.3.e. que :

" par dérogation au paragraphe ci-dessus, la société aura le droit de résilier automatiquement le présent contrat, par simple notification écrite ( par courrier recommandé AR) du distributeur dans les cas suivants :

"... e) si le distributeur n'entame pas des opérations de distribution dans un délai de 90 jours à partir de la date d'entrée en vigueur, et si le distributeur n'est pas pleinement opérationnel et actif sur le territoire avant le 1er avril 2006."

"Le distributeur reconnaît également que l'existence d'un tel manquement ne peut pas être réparé puisque le distributeur en est avisé en signant le présent contrat."

Considérant que le contrat précisait ce qu'il convenait d'entendre par "pleinement opérationnel et actif" et par "actif".

Considérant que par "pleinement opérationnel et actif", les parties entendaient:

" - disposer d'une force de vente aux effectifs complets, qui comprend un directeur des ventes, un directeur du marketing, des vendeurs exclusifs ou des agents commerciaux indépendants (pour ce qui est des agents commerciaux, ils pourront représenter d'autres marques que Le

Coq Sportif si un nombre suffisant d'agents représentent et vendent des produits de la marque Le Coq Sportif)",

" - disposer d'un personnel administratif, logistique et d'un service clientèle",

" - avoir un stock disponible",

" - avoir un plan de marketing approuvé par la société conformément aux stipulations de l'article 3 ci-dessus",

" - avoir des locaux adaptés et une salle d'exposition consacrée exclusivement au Coq Sportif."

Considérant que par "actif", les parties entendaient :

" - exercer une activité commerciale permanente pendant toute la durée du contrat avec une clientèle variée et en couvrant tout le territoire défini ci-dessus",

" - vendre et promouvoir toutes les catégories de produits de la société, c'est à dire les chaussures, les vêtements de sport et loisir et les accessoires de sport dans les proportions idéalement indiquées dans le plan de développement. (Voir annexe F)."

Considérant que ce dernier point ( "vendre et promouvoir toutes les catégories de produits de la société ...") a été expressément visé par la société Le Coq Sportif International dans sa lettre de résiliation du 5 avril 2006.

Considérant que la société Le Coq Sportif International reproche principalement à la société Dunes de ne pas avoir développé les ventes et promotions des articles de la gamme "Technique/ Sport", ou en tout cas pas suffisamment, ainsi qu'une absence de force de vente adaptée à la distribution de ses produits, lesquels n'ont pas été exposés dans ses show-rooms, et une absence totale d'action promotionnelle, ces griefs ayant été formulés dans des courriers des 15, 29 et 31 mars 2006, ainsi que dans le compte rendu d'une réunion tenue le 24 mars 2006 et transmise par télécopie le 31 mars 2006.

Considérant que la société Dunes répond en substance que l'annexe F du contrat de distribution, intitulée "Plan de développement", visé in fine de l'article 9.3.e. précité, renvoie purement et simplement à l'article 6-1 du contrat, lequel fixe, pour le distributeur, c'est à dire la société Dunes, des objectifs d'achats nets année par année, lesquels vont de cinq millions d'euros pour la première année contractuelle à seize millions d'euros pour la dernière, sans que des proportions soient indiquées en ce qui concerne les articles de la gamme "Loisirs" et les articles de la gamme "Sport".

Qu'elle ajoute que l'article 6-1 poursuit : "Les parties sont convenues de ce que la non atteinte et la non réalisation de ses objectifs d'achats par le distributeur ne saurait entraîner pour le distributeur, ni la résiliation du présent contrat, ni entraîner aucune conséquence pécuniaire", pour en conclure que la société Le Coq Sportif International ne pouvait résilier le contrat sur ce fondement.

Mais considérant que la résiliation du contrat n'est pas intervenue pour non atteinte des objectifs d'achats en ce qui concerne leur montant global mais parce que la société Dunes n'a pas développé la vente et la promotion de "toutes les catégories de produits", y compris les produits de la gamme "Sport".

Considérant surtout que dans la définition contractuelle de l'adjectif "actif", les mots "dans les proportions idéalement indiquées dans le plan de développement (voir annexe F)" sont à rapprocher de chacune des catégories de produits concernés à l'intérieur de chaque gamme (Loisirs et Sport), c'est à dire "les chaussures, les vêtements de sport et loisir et les accessoires de sport" visés à l'article 9.3.e, si bien que la société Dunes ne peut tirer prétexte d'une absence de ventilation entre les produits "Loisirs" et "Sport" dans un plan de développement pour soutenir qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir distribué et promu des produits de la gamme "Sport".

Considérant d'ailleurs qu'il est indiqué à l'article 2-6 du contrat de distribution, à propos des commandes d'échantillon, que "l'idéal serait que la gamme représentative des produits se compose de 50 % de chaussures, 45 % de vêtements de sport et Loisirs, et 5 % d'accessoires."

Qu'ainsi, des indications étaient données à la société Dunes sur les perspectives de développement qui lui étaient demandées, quand bien même les commandes d'échantillons n'étaient pas nécessairement strictement proportionnelles aux commandes effectives de produits.

Considérant, en tout état de cause, qu'il n'est pas reproché à la société Dunes d'avoir distribué trop de chaussures ou pas assez de vêtements de sports dans la gamme "Sport" mais de n'avoir rien fait pour vendre et promouvoir tous les articles de la marque Le Coq Sportif, y compris les articles de la gamme "Sport", alors qu'elle n'était tenue, au titre de son précédent contrat d'agent commercial conclu avec la société Gallo, que de distribuer les articles de la gamme "Loisirs".

Qu'il lui est donc reproché d'avoir continué à distribuer les seuls articles de la gamme "Loisirs", comme précédemment, alors qu'elle était désormais tenue de commercialiser et promouvoir, non seulement les produits "Loisirs" mais également les produits "Sport".

Considérant qu'en cause d'appel, la société Dunes ne verse aucune nouvelle pièce destinée à établir qu'elle aurait satisfait à son obligation de développer la gamme "Sport" selon les modalités indiquées au contrat, lesquelles lui imposaient d'être "pleinement opérationnel et actif" sur le territoire au 1er avril 2006, y compris pour ce type de produit.

Considérant que s'il est vrai que, pour un observateur extérieur, la frontière entre les produits "Loisirs" et les produits "Sport" n'est pas facile à établir, la société Dunes, professionnelle de la distribution de ce type d'article, était parfaitement à même de distinguer entre les produits de la gamme "Loisirs", encore dénommée "Street Fashion" ou "Crête", présentés dans un catalogue intitulé "Style de Vie" , comportant des chaussures de sports de loisirs comme des tennis ou des baskets , dont les modèles "Deauville" et "Escrime", et les produits de la gamme "Sports", présentés dans un catalogue intitulé "Catalogue Sport Active", concernant des articles destinés à être utilisés par des professionnels et amateurs dans la pratique de leur sport, offrant des caractéristiques de résistance et de performance adaptés aux exigences et modalités d'une utilisation intensive.

Considérant que la société Dunes ne justifie d'aucune action de promotion significative pour les articles de la gamme "Sport", sinon quelques publicités pour les modèles "Deauville" et "Escrime", lesquels n'appartiennent d'ailleurs pas à la catégorie "Sport".

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges analysant soigneusement chacune des pièces versées aux débats, ont constaté que "les pourcentages de commandes (de la société Dunes) enregistrées (auprès de la société Le Coq Sportif International) sont comprises entre 3 et 4 % pour la catégorie "Sport Adultes", ou entre 9 et 13 % selon une définition plus large "Adultes/Adolescents", et montrent que Dunes n'a pas intégré les articles de sport dans sa politique de distribution comme elle s'y engageait dans le nouveau contrat".

Considérant qu'il n'est pas établi que la société Dunes ait pris les initiatives nécessaires pour permettre à sa force de vente de s'adapter aux nouveaux objectifs définis au contrat, et spécialement à l'article 9.3.

Qu'elle ne peut se contenter d'affirmer que sa force de vente était "suffisante" et se retrancher derrière son expérience antérieure, découlant de l'exécution de son contrat d'agent commercial de la société Gallo, pour prétendre, sans en justifier, avoir fait les efforts nécessaires pour s'adapter aux nouveaux objectifs qui lui étaient donnés, et ceci à échéance relativement rapprochée, la société Dunes devant être "pleinement opérationnelle et active" au 1er avril 2006.

Considérant qu'à plusieurs reprises, par différents courriers des 15 et 29 mars 2006, la société Le Coq Sportif International a rappelé ses engagements contractuels à la société Dunes et lui a fait part de ses griefs et de ses inquiétudes, la société Dunes faisant preuve de négligence, voire de désinvolture, lors des forums professionnels (LetD Meetings) auxquels elle était conviée en sa qualité de distributeur, la société Dunes ne présentant aucun dossier complet concernant son plan marketing et de communication, destiné à redynamiser la marque sur le territoire concerné en ce qui concerne les articles de la gamme "Sport".

Considérant qu'il n'est pas davantage établi que la société Dunes ait mis en place un show room exclusivement dédié aux produits de la marque et destiné à mettre l'accent sur la promotion des articles "Sport", ainsi qu'il résulte du compte-rendu d'une réunion qui s'est tenue à Paris le 24 mars 2006 dans le show room de la société Dunes à Paris.

Considérant en définitive qu'en dépit du nouveau contrat de distribution qui lui a été consenti le 29 octobre 2004, la société Dunes a limité son activité à celle qu'elle développait antérieurement lorsqu'elle était agent commercial de la société Gallo, sans compléter celle-ci d'une véritable action de vente et de promotion des articles de la gamme "Sport".

Considérant que c'est donc à bon droit la société Le Coq Sportif International a fait application des dispositions de l'article 9.3.e. du contrat, lui permettant de résilier le contrat de distribution dans les conditions prévues à ce texte, ce dont la cour ne peut que prendre acte, la résiliation intervenant, selon les termes mêmes du contrat, de manière automatique, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'apprécier la gravité des manquement constatés.

Considérant au surplus que la société Dunes n'est pas fondée à prétendre que la résiliation du contrat de distribution la placerait dans une situation qui compromettrait de manière irréversible son développement et son activité, si bien qu'il y aurait lieu pour la cour d'ordonner la poursuite judiciaire de ce lien contractuel.

Considérant en effet que l'annexe C du contrat énumère douze marques distribuées par la société Dunes, distinctes des marques Le Coq Sportif, à savoir : Converse, Ellesse, Pony, Ugg, Dr. Martens, Koah, Sac US, Manhattant Portage, Pepe Jeans Portage, Schot Shoes, Bikkemberg et Vision.

Considérant que les cinq agents commerciaux qui travaillent pour la société Dunes ne sont pas exclusifs et distribuent des produits d'autres marques.

Que le show room de la société Dunes présente également des produits d'autres marques qu'elle distribue.

Considérant qu'aucune des pièces communiquées ne justifie que la société Dunes serait dans une situation de dépendance économique.

Que si la résiliation du contrat de distribution dont elle bénéficiait avec la société Le Coq Sportif International ne place pas la société Dunes dans une situation favorable, elle ne justifie pas d'un trouble suffisamment grave pour justifier le maintien du contrat, ainsi qu'elle le demande.

Considérant que la société Dunes ne peut donc soutenir que la résiliation soit intervenue de façon abusive.

Qu'elle ne peut davantage faire valoir que cette résiliation est intervenue de manière brutale, dans la mesure où elle a été précédée de nombreux échanges de lettres et réunions.

Considérant surtout que contractuellement, et dans les faits, la société Dunes a bénéficié d'une période de quatre vingt dix jours à l'expiration de la résiliation pour écouler son stock de produits, aux conditions tarifaires et quantitatives identiques à celles pratiquées pendant la durée du contrat.

Considérant enfin que si effectivement le groupe Airesis a pris le contrôle du groupe Le Coq Sportif et a repris en main ses activités, y compris sur le plan commercial, il ne peut être reproché à ses dirigeants d'avoir procédé de mauvaise foi à la résiliation du contrat de distribution dans le seul dessein de reprendre en direct la distribution des articles Le Coq Sportif, les griefs articulés par la société Dunes contre la société Le Coq Sportif International et ses nouveaux dirigeants étant tous postérieurs à la résiliation.

Considérant que les premiers juges ont à cet égard souligné à juste titre que la date fixée au 1er avril 2006 pour être "pleinement opérationnel et actif" a été mentionnée dans le contrat du 29 octobre 2004 à une époque où il n'était pas question d'une reprise du groupe Le Coq Sportif, le changement d'équipe de direction n'étant intervenu qu'en janvier 2006.

Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Le Coq Sportif International a résilié à bon droit le contrat de distribution avec la société Dunes.

2) Sur les conséquences de la résiliation :

a) Sur les demandes de la société Dunes :

Considérant que les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding observent à juste titre que les premiers juges ne pouvaient, sans se contredire, constater la résiliation du contrat de distribution du 29 octobre 2004 pour manquement de la société Dunes à ses obligations et prononcer diverses condamnations à leur encontre à titre de dommages et intérêts.

Considérant qu'en cause d'appel, la société Dunes, qui présente des demandes différentes de celles qu'elle a soutenues en première instance, forme tout d'abord des demandes indemnitaires, "si par extraordinaire, la cour refusait d'ordonner la poursuite du contrat."

Mais considérant que non seulement la cour a refusé d'ordonner la poursuite judiciaire du contrat, mais qu'elle a également jugé que la résiliation du contrat par la société Le Coq Sportif International était fondée.

Considérant qu'aucune faute ne pouvant être reprochée à la société Le Coq Sportif International dans la résiliation du contrat de distribution, la société Dunes ne peut être que déboutée de la demande qu'elle a formée pour un montant de 10.400.000 € HT contre les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding, "à titre d'indemnité réparatrice, à la fois de la perte de marge brute sur les cinq années d'exécution contractuelle et de la cessation définitive d'activité et de la perte de clientèle du fait de cette résiliation brutale et fautive."

Qu'elle sera également déboutée de sa demande d'interdiction sous astreinte des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding de démarcher sa clientèle.

Considérant que la société Dunes fait valoir qu'en tout état de cause, "la résiliation du contrat de distribution, quelles qu'en soient les modalités, entraîne nécessairement la remise en cause de l'accord global", ..."et génère, à l'égard de la société Dunes un préjudice dont celle-ci est fondée à demander réparation."

Considérant qu'elle conclut à ce titre à la condamnation des sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding à lui payer d'une part la somme de 838.173,57 € HT à titre de dommages et intérêts réparateurs du préjudice correspondant à la somme minimale de 500.000 € HT au titre du fonds de commerce de la société Gallo et 338.173,57 € HT au titre du solde de la cession de créance, d'autre part la somme de 2.079.719 € HT à titre de dommages et intérêts réparateurs du préjudice résultant du non versement de son indemnité de fin de contrat d'agent commercial.

Mais considérant que la remise en cause de l'accord global, à la supposer établie, a pour seule origine un manquement de la société Dunes à ses obligations contractuelles.

Qu'ayant commis une faute, elle ne peut être admise à demander réparation du préjudice à la réalisation duquel elle a seule contribué.

Considérant qu'en cause d'appel, la société Dunes ne conteste pas que la société Le Coq Sportif International a exécuté l'intégralité de ses engagements financiers, y compris le paiement du prix de la cession de créance, si bien que la société Dunes ne peut former aucune demande à ce titre.

Considérant que la résiliation prononcée ne vaut que pour l'avenir et ne peut produire d'effets rétroactivement en remettant en cause ce qui a été exécuté, quelle que soit la valeur que puisse avoir désormais la clientèle cédée à la société Dunes.

Qu'en tout état de cause, la société Dunes n'établit pas avoir été évincée de la clientèle cédée, si bien qu'aucune demande ne peut être formée à ce titre.

Considérant enfin que les commandes de produits antérieures à la résiliation ont été livrées à la société Dunes si bien qu'aucune condamnation ne peut être prononcée de ce chef.

Considérant que s'agissant de l'indemnité d'agent commercial due à la société Dunes à la suite de la résiliation de son contrat d'agent commercial conclu avec la société Gallo, il n'est pas établi que les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding soient intervenues à cette résiliation, que ce soit directement ou indirectement en qualité de garant.

Que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, aucune demande ne peut donc être formée contre ces deux sociétés par la société Dunes, étant observé en outre que cette dernière ne justifie pas avoir déclaré sa créance à ce titre au passif de la société Gallo.

Considérant que la société Dunes sera donc déboutée de sa demande formée contre les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding au titre de son indemnité de fin de contrat d'agent commercial.

b) Sur les demandes formées par les sociétés Le Coq Sportif International et Le Coq Sportif Holding :

Considérant que la société Le Coq Sportif International conclut à la condamnation de la société Dunes à lui rembourser la somme de 600.000 € au titre de la contribution marketing, et, à tout le moins les échéances échues depuis la résiliation du contrat de distribution LCI/Dunes le 5 avril 2006, ainsi que la somme de 110.115 € qui lui a été payée en exécution du jugement entrepris.

Considérant que s'agissant de la contribution marketing prévue afin de soutenir le développement de la marque Le Coq Sportif, il était prévu que cette somme serait versée "de manière irrévocable et inconditionnelle" à raison de 50.000 € par mois entre le 1er juillet 2005 et le 30 juin 2006, cette contribution s'élevant donc à un total de 600.000 €.

Considérant que la résiliation est intervenue le 5 avril 2006 et ne peut remettre en cause, de manière rétroactive, les versements faits antérieurement "de manière irrévocable et inconditionnelle."

Considérant que la résiliation ne peut produire que des effets pour l'avenir, si bien que les mensualités correspondant aux mois de mai et juin 2006, qui ont été versées par la société Le Coq Sportif International, soit 100.000 € HT, doivent donc être restituées par la société Dunes, laquelle sera donc condamnée pour ce montant.

Considérant que s'agissant de la facture de commissions dues par la société Gallo pour un montant de 110.115 € , il n'est pas établi que la société Dunes ait déclaré cette somme au passif de la société Gallo, si bien que la société Le Coq Sportif International ne pouvait être appelée en garantie au paiement de cette somme au profit de la société Dunes.

Considérant que la société Dunes sera donc condamnée à la restituer à la société Le Coq Sportif International.

3) Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de ce texte, que ce soit en première instance ou en cause d'appel.

Que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité sur ce fondement à la société Dunes.

Considérant que compte tenu de la nature de l'affaire, chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle aura exposés, que ce soit en première instance ou en appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement,

- CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Le Coq Sportif International a résilié à bon droit le contrat de distribution conclu avec la société Dunes.

- L'INFIRME pour le surplus.

- DÉBOUTE la société Dunes de l'ensemble de ses demandes financières.

- CONDAMNE la société Dunes à rembourser à la société Le Coq Sportif International la somme de 100.000 € (cent mille euros) HT indûment versée au titre de la contribution marketing ainsi que la somme de 110.115 € (cent dix mille cent quinze euros) payée à tort en exécution du jugement entrepris.

- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés, que ce soit en première instance ou en appel.

- Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Sylvie MANDEL, président et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0017
Numéro d'arrêt : 06/7326
Date de la décision : 24/05/2007

Analyses

CONTRATS DE DISTRIBUTION

Dès lors qu'une clause du contrat de distribution commerciale stipule expressément, au bénéfice du propriétaire de la marque internationale d'articles et vêtements de sports et de loisirs LE COQ SPORTIF, la faculté de résiliation automatique au cas où le distributeur exclusif pour la France n'est pas devenu pleinement opérationnel et actif sur le territoire avant une date fixée, les moyens à engager et les actions à mener pour ce faire au plan de la vente et de la promotion de toutes les catégories des produits de la marque lui étant précisés par le contrat, et qu'il ressort de l'examen des faits et des chiffres qu'il n'a pas pris les initiatives nécessaires pour atteindre les objectifs définis, en dépit des différents courriers de rappel du propriétaire de la marque, c'est à bon droit que ce dernier fait application de la clause.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 06 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-05-24;06.7326 ?
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