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10/05/2007 | FRANCE | N°04/1312

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2007, 04/1312


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



12ème chambre section 2



A.D.D. Expertise



D.C./L.L

ARRET No Code nac : 39B



contradictoire



DU 10 MAI 2007



R.G. No 06/01278



AFFAIRE :



Hélène X...


...



C/

S.A. NORAUTO

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

No Chambre : 3

No Section :

No RG : 04/1312
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Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

Me Jean-Pierre BINOCHE





Service des expertises (3)E.D.









REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

A.D.D. Expertise

D.C./L.L

ARRET No Code nac : 39B

contradictoire

DU 10 MAI 2007

R.G. No 06/01278

AFFAIRE :

Hélène X...

...

C/

S.A. NORAUTO

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

No Chambre : 3

No Section :

No RG : 04/1312

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

Me Jean-Pierre BINOCHE

Service des expertises (3)E.D.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Mademoiselle Hélène X... demeurant ....

S.A.R.L. CEG COMEGE Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 440 366 607 RCS PARIS, ayant son siège Résidence ABC LIV, 38 rue Dunois 75013 PARIS et les bureaux BP 8 92702 COLOMBES CEDEX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 06000144

Rep/assistant : Me Marcel AZENCOT, avocat au barreau de PARIS (A.197).

APPELANTES

****************

S.A. NORAUTO ayant son siège Rue du Fort, Centre de Gros de Lesquin 59812 LESQUIN CEDEX (59262 SAINGHIN EN MELANTOIS selon extrait Kbis), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - No du dossier 20060463

rep/assistant : Me Martin GRASSET, avocat au barreau de LILLE.

S.A.S. DELTA MICS ayant son siège 48 rue Saint Jean 89290 VINCELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué - No du dossier 166/06

rep/assistant : Me BOUCHARD, avocat au barreau de DIJON.

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2007 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame Hélène X... est titulaire, pour l'avoir déposée à l'institut national de la propriété industrielle, de la marque figurative et verbale "CHOUKROUT", portant sur les classes 1, 2 et 17, pour protéger un mastic polyester armé destiné à la réparation automobile et nautique dont elle a concédé la distribution exclusive à la société à responsabilité limitée CEG COMEGE. La marque bénéficie aussi d'un enregistrement international.

Ayant constaté que des mastics étaient commercialisés dans les points de vente NORAUTO de Plaisir et de Chambourcy sous la marque "CHOUCROUTE", madame X... et la SARL CEG COMEGE ont attrait la société anonyme NORAUTO et la société anonyme DELTA MICS, fournisseur de cette dernière, devant le tribunal de grande instance de Versailles pour voir reconnaître les actes de contrefaçon, pour réclamer la désignation d'un expert, une indemnisation provisionnelle de 300.000 euros ultérieurement portée à 500.000 euros et la publication du jugement.

La société NORAUTO a opposé la déchéance de madame X... sur ses droits pour cause de défaut d'exploitation, elle a soutenu la nullité de la marque comme descriptive ainsi que sa dégénérescence. Elle a dénié la contrefaçon et conclu au caractère abusif de la procédure en en demandant indemnisation.

La société DELTA MICS s'est associée aux moyens d'irrecevabilité et a conclu pareillement à l'absence de contrefaçon.

Par un jugement rendu le 10 janvier 2006, cette juridiction a déclaré la société CEG COMEGE irrecevable car ne justifiant pas de la publication à l'institut national de la propriété industrielle de son contrat de licence. Elle a relevé que le produit litigieux était commercialisé sous les marques CARLUX ou MOTIP et que l'emploi, dans la mention descriptive, du mot "choucroute" n'était pas constitutif d'une reproduction, ni à l'identique, ni par imitation. Elle a repoussé les demandes d'annulation et de déchéance de la marque CHOUKROUT et a ainsi débouté toutes les parties de leurs demandes sauf à condamner in solidum madame X... et la société CEG COMEGE à payer à chacune des sociétés NORAUTO et DELTA MICS une somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame X... et la société CEG COMEGE, qui ont interjeté appel de cette décision, exposent ensemble que l'inscription à l'institut national de la propriété industrielle du contrat de licence de la société CEG COMEGE est désormais acquise. Invoquant les dispositions des articles 126, 561 et 562 du nouveau code de procédure civile, elles considèrent que l'irrecevabilité soulevée doit être écartée.

Elles discutent la prétendue déchéance des droits de madame X... en justifiant d'une exploitation de la marque, comme la nullité pour absence de caractère distinctif au regard du produit visé et de sa consistance. Elles contestent que le terme "choucroute" serait communément utilisé par les professionnels pour désigner les mastics armés et dénient toute dégénérescence de la marque qui ne peut être prononcée que dans la mesure où la désignation habituelle résulte du choix du titulaire et alors que la marque "CHOUKROUT" a fait l'objet d'actes de protection. Elles discutent aussi toute banalisation par notoriété.

Se prévalant des dispositions de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle et critiquant l'application qu'en ont faite les premiers juges, elles considèrent que la contrefaçon est établie par la reproduction quasi servile. Elles y ajoutent l'existence d'un risque de confusion au sens de l'article L.713-3 du même code concernant des produits de même type visant une même clientèle.

Elle font aux sociétés NORAUTO et DELTA MICS sommation itérative de communiquer leurs chiffres certifiés des ventes des produits contrefaisant pour quantifier leur préjudice résultant du manque à gagner et sollicitent la désignation d'un expert judiciaire. Elles ajoutent le préjudice résultant de l'atteinte à la marque.

Elles soutiennent, à titre infiniment subsidiaire, que la confusion volontairement créée est constitutive d'actes de concurrence déloyale.

Elles demandent en conséquence à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de les déclarer recevables,

- de condamner in solidum les sociétés NORAUTO et DELTA MICS à leur payer, à titre provisionnel, 500.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,

- d'ordonner la cessation des actes de contrefaçon sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- à titre subsidiaire, de dire que l'emploi du nom CHOUCROUTE constitue un acte de concurrence déloyale et de condamner in solidum la société NORAUTO et la société DELTA MICS à leur payer 500.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de désigner un expert avec mission d'examiner les comptes et d'évaluer le préjudice,

- d'ordonner la publication du "jugement" à intervenir dans trois journaux ou revues aux frais des sociétés NORAUTO et DELTA MICS pour un prix maximum unitaire de 8.000 euros,

- de débouter les sociétés NORAUTO et DELTA MICS de l'ensemble de leurs demandes,

- de les condamner in solidum à payer à chacune d'elles 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société NORAUTO affirme que l'inscription à l'institut national de la propriété industrielle du contrat de licence, postérieure à l'introduction de l'action, est inopérante. Elle en déduit que l'irrecevabilité de la société CEG COMEGE doit être confirmée.

Invoquant les dispositions des articles L.715-6 et L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, elle considère que madame X... ne rapporte pas la preuve d'un usage sérieux de la marque CHOUKROUT et en déduit que celle-ci doit être déclarée déchue de ses droits et, par conséquent, irrecevable à agir.

Elle prétend que madame X..., qui a laissé sa marque dégénérer, a perdu ses droits et, par application de l'article L.714-6 du code de la propriété intellectuelle, ne peut agir en contrefaçon d'une marque devenue générique.

Elle dénie toute contrefaçon de la marque CHOUKROUT par reproduction ou par imitation alors que, selon elle, il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public.

Relativement à la demande fondée sur la concurrence déloyale, elle rappelle qu'elle doit reposer sur des faits distincts de ceux de la contrefaçon et observe que madame X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Elle souligne l'absence de justification, par des éléments précis et concrets, du préjudice allégué et rappelle qu'une mesure d'expertise ne peut suppléer la carence dans l'administration de la preuve.

Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement qui a déclaré la société CEG COMEGE irrecevable à agir, de l'infirmer en sa disposition rejetant la demande tendant à déclarer madame X... irrecevable comme déchue de ses droits, subsidiairement de l'infirmer en ce qu'il a écarté la dégénérescence de la marque, plus subsidiairement encore de le confirmer.

Elle réclame en toute hypothèse la condamnation solidaire de madame X... et de la société CEG COMEGE à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société DELTA MICS constate que la société CEG COMEGE n'était titulaire d'aucun contrat de licence régulièrement publié à l'institut national de la propriété industrielle au 26 janvier 2004 et soutient que la société CEG COMEGE est donc irrecevable.

Elle conteste toute reproduction en expliquant que les produits incriminés portent la marque CARLUX et discute toute possibilité de confusion et, donc, l'imitation alléguée.

Formant un appel incident, elle soutient que la marque CHOUKROUT est nulle car dépourvue de caractère distinctif puisque le mot "choucroute" est un terme générique communément utilisé pour décrire ce type de mastic.

Elle affirme la déchéance de la marque pour absence d'usage sérieux comme sa dégénérescence dès lors que le terme "choucroute" désigne communément le mastic armé.

Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement sauf à prononcer la nullité de la marque "CHOUKROUT", sa déchéance pour défaut d'usage sérieux et en raison de sa dégénérescence, et sauf à condamner madame X... à lui payer 30.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive constitutive d'un acte de concurrence déloyale.

Elle demande en outre qu'il soit fait l'interdiction à madame X... d'utiliser le vocable "CHOUKROUT" pour désigner les mastics armés, sous astreinte de 1.000 euros par infraction, d'ordonner la publication de l'arrêt dans trois revues ou journaux aux frais de madame X... et pour un montant global n'excédant pas 10.000 euros et de la condamner à lui payer 7.500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2007 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 13 mars 2007.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que le 24 février 1981, monsieur Gilbert X... a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle une marque semi-figurative constituée du vocable CHOUKROUT et, en dessous, d'un dessin figurant un écu, comportant deux étoiles reliées par une chaîne, un lion et une lionne, cet écu étant disposé horizontalement relativement à son axe de symétrie ;

Considérant que cette marque vise les produits chimiques pour l'industrie, les résines artificielles et synthétiques, les matières plastiques, les produits pour la réparation, le colmatage, les mastics et mastics renforcés de fibres de verre, les couleurs, laques peintures et vernis, classes de produits 1, 2 et 17 ;

Considérant que monsieur X... a procédé à l'enregistrement international de cette marque, le 1er juillet 1981 pour l'Allemagne, l'Autriche, le Bénélux, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Suisse et l'Union Soviétique ;

Considérant que cette marque a été cédée à Monsieur B... lequel en a revendu les droits à madame X... le 24 février 1998 ; qu'elle a été renouvelée, pour la France les 05 février 1991 et 06 avril 2001, et auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle le 1er juillet 2001 ;

Sur la recevabilité de la société CEG COMEGE

Considérant que, selon un contrat en date du 1er mars 2002, madame X... a concédé à la société CEG COMEGE une licence exclusive d'usage et d'exploitation de la marque semi-figurative CHOUKROUT ;

Considérant que ce contrat de concession n'ayant pas été inscrit au registre national des marques, les premiers juges, par application de l'article L.714-7 du code de la propriété intellectuelle, ont déclaré la société CEG COMEGE irrecevable à agir en contrefaçon de marque ;

Considérant que le contrat de concession de licence a été inscrit au registre national des marques le 7 juin 2006, ainsi qu'il en est justifié ; que la société CEG COMEGE en infère qu'elle est recevable en son action ;

Considérant que l'inscription d'un contrat de licence de marque au registre national n'est soumise à aucun délai ; qu'elle peut, en conséquence, intervenir à tout moment ; que la seule sanction d'un défaut d'inscription est l'inopposabilité au tiers de la convention de licence ;

Considérant que l'irrecevabilité soulevée par la société NORAUTO et la société DELTA MICS, tirée du défaut de l'inscription, constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du nouveau code de procédure civile ; qu'en vertu de l'article 126 du même code, elle doit être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, dans l'hypothèse ou la situation est susceptible d'être régularisée ;

Considérant que tel est le cas en l'espèce où la convention de concession de licence d'exploitation exclusive a été inscrite au registre des marques au mois de juin 2006 ;

Que le jugement doit, en conséquence, être infirmé de ce chef et la société CEG COMEGE déclarée recevable à agir en contrefaçon de la marque CHOUKROUT ;

Sur la déchéance alléguée des droits de madame X...

Considérant que les sociétés NORAUTO et DELTA MICS invoquent les dispositions de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en fait pas un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire et peut être apportée par tous moyens ;

Considérant que, comme l'ont dit pertinemment retenu les premiers juges, le délai de cinq ans doit, en l'espèce, commencer à courir à compter du 08 septembre 1999, dès lors que la demande de déchéance a été soulevée, pour la première fois, par des conclusions du 8 septembre 2004 ;

Considérant que la preuve d'une exploitation sérieuse de la marque CHOUKROUT par madame X... ou la société CEG COMEGE est apportée par les documents produits aux débats et, notamment, le tarif de la société CEG COMEGE du 2 janvier 2002 qui comporte les différents modèles de boites de mastic polyester armé, les correspondances et les factures émises par le fournisseur allemand AIRO CHEMIE ainsi que les nombreuses factures de vente par la société CEG COMEGE de mastic, sous cette marque, à différents clients, avant, pendant et après la période considérée ;

Considérant en conséquence que doit recevoir confirmation le jugement qui a rejeté la demande de déchéance des droits de madame X... sur la marque CHOUKROUT pour le prétendu défaut d'usage sérieux ;

Sur la dégénérescence

Considérant que l'article 714-6 du code de la propriété intellectuelle édicte qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue, de son fait, la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ;

Considérant que les sociétés NORAUTO et DELTA MICS allèguent que le terme CHOUCROUTE sert communément à désigner les mastics chargés de fibre de verre en raison de la consistance pâteuse et filandreuse du produit ; qu'il leur appartient de démontrer que le titulaire de la marque a, soit utilisé celle-ci comme désignation usuelle de ses produits, soit laissé le public employer cette marque comme terme usuel pour les désigner ;

Considérant que les sociétés NORAUTO et DELTA MICS soutiennent la dégénérescence de la marque litigieuse en affirmant que le terme "choucroute" est devenu commun pour désigner des mastics polyester chargés de fibre de verre et que madame X... n'a rien fait pour l'empêcher ;

Considérant qu'il convient cependant de relever, ainsi que l'ont fait les premiers juges, que la marque protégée est le vocable CHOUKROUT et non pas le nom commun "choucroute" ; qu'elle est une marque semi-figurative complexe qui associe au terme CHOUKROUT le dessin d'un écu portant des motifs ;

Considérant, par ailleurs, que les dispositions de l'article L.714-6 du code de la propriété intellectuelle résultent de la loi no91-7 du 4 janvier 1991 ; qu'il en découle que seul un usage généralisé par le public du terme CHOUKROUT postérieurement à cette date peut fonder la déchéance ;

Considérant que ni la société NORAUTO ni la société DELTA MICS ne démontrent l'emploi de la marque semi-figurative complexe constituée du vocable CHOUKROUT et de son logo pour désigner communément des mastics polyester armés ; qu'elles établissent seulement l'usage relativement courant du mot "choucroute" ;

Considérant qu'elle ne peuvent, sans se contredire, à la fois soutenir que l'emploi par elles du mot "choucroute" sur leurs boites de mastic polyester armé ne constitue pas une contrefaçon de la marque CHOUKROUT et tirer du même usage par d'autre agents économiques la conséquence que la marque serait devenue générique ;

Considérant que la proximité phonétique des mots CHOUKROUT et "choucroute" et l'emploi de ce dernier pour désigner des mastics armés, ne sont pas de nature à faire perdre à la marque semi-figurative discutée son caractère distinctif ;

Que doit, en conséquence, être rejetée la demande d'en voir prononcer la dégénérescence ;

Sur la demande de nullité

Considérant que la société DELTA MICS soutient que la marque semi-figurative CHOUKROUT est nulle pour absence de caractère distinctif et invoque, à cet égard les dispositions de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle en affirmant qu'antérieurement au 24 février 1981 les mastics polyester armés étaient communément désignés par le mot "choucroute" qui décrit une caractéristique du produit ;

Considérant que l'article L.711-12 du code de la propriété intellectuelle stipule que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; qu'il précise que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénomination qui, dans le langage courant ou professionnel sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service, ainsi que ceux pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ;

Considérant que, pour apprécier le caractère distinctif d'une marque, au regard de sa validité, il convient de se placer à la date de son dépôt ;

Considérant que la société DELTA MICS ne produit aux débats aucun élément justificatif de son affirmation selon laquelle, en 1981, le mot "choucroute" était utilisé pour désigner, dans le langage courant ou professionnel, des mastics armés ; qu'elle ne démontre pas que ce vocable constituait la désignation nécessaire, générique ou usuelle de mastics ;

Considérant que le mot "choucroute" désigne, aux termes des dictionnaires usuels de la langue française, une préparation culinaire constituée de chou blanc haché fermenté dans de la saumure aromatisé de baies de genièvre, accompagné de charcuterie, de viande de porc et de pommes de terre ;

Considérant que la prétendue ressemblance entre les mastics armés de fibre de verre et le chou haché n'est invoquée que par une analogie visuelle, définitivement contrariée par leurs odeurs respectives ; que la consistance du mastic armé ne constitue pas une caractéristique essentielle du produit qui enlèverait tout caractère distinctif à la marque CHOUKROUT, laquelle n'est aucunement descriptive des produits visés par le dépôt ;

Qu'il suit de là que la société DELTA MICS doit être déboutée de sa demande d'annulation de la marque semi-figurative CHOUKROUT sur le fondement d'un prétendu manque de distinctivité et que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon

Considérant que l'article L .713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit, notamment, la reproduction d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;

Considérant que cette interdiction ne se limite pas à la seule reproduction à l'identique de la marque mais vise aussi l'imitation quasi-servile d'un de ses éléments caractéristiques ; qu'il en est ainsi, notamment, du remplacement d'une lettre par une autre dès lors qu'est proche la consonance des deux vocables, imité et imitant ;

Considérant qu'il est établi, notamment par le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 22 mai 2003, celui de saisie conservatoire du 12 janvier 20004 ainsi que par le catalogue CARLUX 2003-2004, et au demeurant non discuté, que les sociétés NORAUTO et DELTA MICS ont commercialisé des boites de mastic polyester armé, produit nommément visé par le dépôt de la marque semi-figurative CHOUKROUT, portant la mention "CHOUCROUTE" écrite entre guillemets et en lettres majuscules ;

Considérant que cet usage du mot CHOUCROUTE pour de tels produits tombe sous le coup de la prohibition de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle comme imitant un élément essentiel de la marque semi-figurative CHOUKROUT ;

Considérant qu'un tel emploi génère, en l'espèce, un risque de confusion pour un acheteur d'attention moyenne n'ayant pas en même temps les deux marques sous les yeux ; que le mot "choucroute" n'est pas employé en caractères minuscule de petite taille, dans le corps d'un texte quelconque ; qu'il figure sur les boites selon les présentations suivantes : MASTIC AVEC FIBRE DE VERRE "CHOUCROUTE" ou bien MASTIC POLYESTER AVEC FIBRE DE VERRE "CHOUCROUTE" ;

Considérant que la circonstance que les boites vendues par la société NORAUTO et la société DELTA MICS avec ces mentions portent la marque CARLUX, n'est pas de nature à lever le risque de confusion de l'acheteur dès lors que cette marque CARLUX est celle utilisée dans ces points de vente spécialisés pour commercialiser une gamme complète de produits destinés à l'automobile ; que la marque CARLUX ne peut suffire, seule, à désigner le produit vendu ; que l'adjonction du mot CHOUCROUTE constitue ainsi un risque certain de confusion puisqu'elle peut conduire un utilisateur moyennement attentif à penser que l'article commercialisé par la société NORAUTO est un authentique produit CHOUKROUT ;

Considérant qu'il est ainsi établi que les sociétés NORAUTO et DELTA MICS se sont rendues coupables de contrefaçon, par imitation, de la marque semi-figurative CHOUKROUT, propriété de madame X... et dont l'exploitation est régulièrement concédée à la société CEG COMEGE ;

Sur le préjudice

Considérant que la commercialisation de produits contrefaits a nécessairement causé à madame X... et à la société CEG COMEGE un préjudice constitué d'une part du manque à gagner sur les ventes que la société CEG COMEGE aurait pu réaliser en l'absence de contrefaçon et d'autre part de l'atteinte portée à la marque déposée tenant au risque de confusion dans l'esprit du public ainsi qu'à celui de banalisation du nom du produit ;

Considérant que madame X... et la société CEG COMEGE réclament une somme de 500.000 euros à titre provisionnel à valoir sur les dommages et intérêts et sollicitent la désignation d'un expert ; qu'elle ne précisent pas, cependant, le point de départ des actes contrefaisant ;

Considérant que la société CEG COMEGE produit aux débats une attestation de son expert comptable certifiant une diminution de 24%, en trois ans, à partir de 2002, des ventes de mastic polyester CHOUKROUT mais ne fournit aucune indication sur le montant, en valeur, des chiffres d'affaires réalisés ; que le premier constat d'huissier de la contrefaçon a été dressé le 22 mai 2003 ;

Considérant que, pour apprécier le préjudice réellement subi par madame X... et la société CEG COMEGE, il est nécessaire de connaître la masse contrefaisante et, donc, le montant des chiffres d'affaires réalisés par les sociétés NORAUTO et DELTA MICS au titre de la commercialisation des produits contrefaisants, pendant les exercices 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 ;

Considérant que, pour déterminer ces montants, il est nécessaire de recourir à une expertise confiée à monsieur Michel C..., mission qui ne peut pas être assimilée à une mesure prononcée en vue de suppléer la carence de madame X... et la société CEG COMEGE dans l'administration de la preuve dès lors que ces dernières exposent, sans être contredites, avoir vainement fait sommations aux sociétés NORAUTO et DELTA MICS de communiquer les chiffres d'affaires certifiés réalisés par elles avec les produits contrefaisants ;

Qu'il sera sursis à statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts jusqu'à remise du rapport d'expertise ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il convient de faire droit à la demande de madame X... et la société CEG COMEGE et d'ordonner aux sociétés NORAUTO et DELTA MICS la cessation des actes de contrefaçon de la marque CHOUKROUT, sous quelque forme que ce soit, et sous une astreinte de 200 euros par infraction constatée ;

Considérant qu'aucune des deux sociétés NORAUTO et DELTA MICS, auteurs des actes de contrefaçon, ne démontrent le caractère abusif de la procédure engagée par madame X... et la société CEG COMEGE ; que leurs demandes respectives en paiement de dommages et intérêts doivent être rejetées ;

Considérant que, pour des motifs identiques, il ne peut être fait à madame X... interdiction d'utiliser le vocable CHOUKROUT ;

Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur les demandes de madame X... et de la société CEG COMEGE en paiement de dommages et intérêts, sur celle de publication de la décision, sur celles formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi que sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris, hormis en sa disposition rejetant les demandes de la SA NORAUTO et de la SAS DELTA MICS de nullité et de déchéance des droits de madame Hélène X... sur la marque CHOUKROUT,

et statuant à nouveau,

Déclare la SARL CEG COMEGE recevable,

Déboute la SA NORAUTO et la SAS DELTA MICS de leur demande en dégénérescence de la marque CHOUKROUT,

Dit que la SA NORAUTO et la SAS DELTA MICS se sont rendues coupables de contrefaçon, par imitation, de la marque semi-figurative CHOUKROUT, au préjudice de madame X... et de la SARL CEG COMEGE,

Ordonne à la SA NORAUTO et à la SAS DELTA MICS la cessation des actes de contrefaçon de la marque CHOUKROUT, sous quelque forme que ce soit, et sous une astreinte de 200 euros par infraction constatée,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder monsieur Michel C...
... SUR SEINE (01 55 61 40 57), avec pour mission :

- de se faire communiquer tous documents utiles et d'entendre tous sachants,

- d'examiner les comptabilités de la SA NORAUTO et de la SAS DELTA MICS et de déterminer les chiffres d'affaires hors taxes réalisés par ces deux sociétés, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, au titre de la commercialisation des produits contrefaisants à savoir les boites de mastic polyester armé comportant la mention CHOUCROUTE ou référencées totalement ou partiellement sous ce mot,

Fixe à la somme de 3.000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais de l'expert que madame Hélène X... et la SARL CEG COMEGE devront consigner au greffe de la Cour (service des expertises) dans les deux mois du présent arrêt, à peine de caducité de la désignation,

Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les six mois du jour où il sera avisé de la consignation,

Désigne le conseiller de la mise en état pour suivre l'expertise,

Déboute la SA NORAUTO et la SAS DELTA MICS de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, comme de celles sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Sursoit à statuer, jusqu'à remise du rapport d'expertise, sur la demande sur celles formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en paiement de dommages et intérêts, sur celle en publication de la décision et sur les dépens.

Dit que l'affaire sera rappelée pour nouvel examen à l'audience du conseiller de la mise en état du 29 Mai 2008,

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 04/1312
Date de la décision : 10/05/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Versailles


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-05-10;04.1312 ?
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