No
du 22 MARS 2007
9ème CHAMBRE
RG : 06 / 01902
AQ... Hubert GK / JML
Et Autres.
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Arrêt prononcé publiquement le VINGT DEUX MARS DEUX MILLE SEPT, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,
en présence du ministère public,
Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE
Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Versailles- 6ème Chambre, du 12 janvier 2006.
COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX,
Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE,
Monsieur Y...,
Bordereau No
MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur RENAUT, Avocat général,
GREFFIER : Mademoiselle KLING
PARTIES EN CAUSE
AQ... Hubert Z...André
né le 22 Août 1963 à WARLINCOURT LES PAS
Fils de AQ... Z...et de A...Suzanne
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant ...
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
D...Nicolas
né le 09 Octobre 1950 à MONTPELLIER
Fils de D...Francis et de JULIA E...
Viticulteur, de nationalité française, célibataire
Demeurant ...
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
F...Guy Edmond G...
né le 07 Mars 1945 à HUDIMESNIL
Fils de F...Henri et de H...Alice
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant Le Bois Landelle-50510 HUDIMESNIL
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
LAURENT Michel Marie Julien
né le 02 Mars 1947 à CHAUMONT SUR AIRE
Fils de LAURENT J...et de K...Madeleine
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant 55260 CHAUMONT SUR AIRE
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
L...René Jean Louis
né le 15 Juin 1952 à COLLINEE
Fils de L...Jean Louis et de M...Léontine
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant Lieudit " Queriquern "-22320 ST MAYEUX
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
N...Dominique Louis Marie
né le 25 Juin 1976 à DINAN
Fils de N...Charles et de O...Jeanne
Salarié, de nationalité française, célibataire
Demeurant ...
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
P...Pierre Jean- Marie
né le 23 Novembre 1948 à CHERMIGNAC
Fils de P...Roger et de Q...Renée
Agriculteur, de nationalité française, divorcé
Demeurant ...
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
R...Léon Josef Marie
né le 24 Octobre 1953 à TULLE
Fils de R...Willy et de S...Maria
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant La Chassagne-19330 ST MEXANT
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
T...Geneviève Marie Jacqueline
née le 03 Avril 1958 à MANTES LA JOLIE
Fille de T...Michel et de U...Marie- Louise
Agricultrice, de nationalité française, concubine
Demeurant ...
Jamais condamnée, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître C..., avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIES CIVILES
I. N. R. A GROUPE D'ETUDES ET DE CONTROLE VARIETES SEMENCES (GEVES)- I. N. R. A.
La Minière-78280 GUYANCOURT
Représentée par Maître MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, et Maître V..., avocat au barreau de PARIS
SYNGETA W...
...-31790 ST SAUVEUR
Représenté par Maître BLOCH MOREAU, avocat au barreau de PARIS
TÉMOINS
XX...Jacques
10 rue H. Roederer-92290 CHATENAY MALABRY
YY...Christian
...
ZZ...Michel
...
AA...Guy
Le Sieure-34210 LA CAUNETTE
BB...Dominique
...
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 12 janvier 2006, le Tribunal correctionnel de Versailles :
Sur l'action publique :
A déclaré AQ... Hubert Z...André non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré D...Nicolas non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré F...Guy Edmond G...non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré LAURENT Michel Marie Julien non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré L...René Jean Louis non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré N...Dominique Louis Marie non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré P...Pierre Jean- Marie non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré R...Léon Josef Marie non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
A déclaré T...Geneviève Marie Jacqueline non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
DESTRUCTION DU BIEN D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC, le 22 / 07 / 2003, à Guyancourt,
infraction prévue par les articles 322-3 3, 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-3, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal
Sur l'action civile :
a débouté le GROUPE D'ETUDES ET DE CONTROLE VARIETES S EMENCES (GEVES), la société MONSANTO AGRICULTURE FRANCE et la société SYNGETA W...de leurs demandes de dommages- intérêts.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
M. le Procureur de la République, le 18 Janvier 2006 contre Madame T...Geneviève, Monsieur P...Pierre, Monsieur N...Dominique, Monsieur D...Nicolas, Monsieur R...Léon, Monsieur L...René, Monsieur AQ... CC..., Monsieur LAURENT DD..., Monsieur F...Guy
SYNGETA W..., le 19 Janvier 2006 contre Madame T...Geneviève, Monsieur P...Pierre, Monsieur N...Dominique, Monsieur D...Nicolas, Monsieur R...Léon, Monsieur L...René, Monsieur AQ... CC..., Monsieur LAURENT DD..., Monsieur F...Guy, son appel étant limité aux dispositions civiles
I. N. R. A GROUPE'D'ETUDES ET DE CONTROLE VARIETES S EMENCES (GEVES)- I. N. R. A., le 24 Janvier 2006 contre Madame T...Geneviève, Monsieur P...Pierre, Monsieur N...Dominique, Monsieur D...Nicolas, Monsieur R...Léon, Monsieur L...René, Monsieur AQ... CC..., Monsieur LAURENT DD..., Monsieur F...Guy, son appel étant limité aux dispositions civiles
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Janvier 2007, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus qui comparaissent assistés de leurs conseils et la présence de MM. XX..., YY..., ZZ..., AA...et BB..., entendus en qualité de témoins ;
Monsieur le Président les a ensuite invités à sortir de la salle ;
Ont été entendus :
Monsieur LIMOUJOUX, Président, en ses rapport et interrogatoire,
Madame T..., en ses explications,
Monsieur P..., en ses explications,
Monsieur N..., en ses explications,
Monsieur D..., en ses explications,
Monsieur R..., en ses explications,
Monsieur L..., en ses explications,
Monsieur EE..., en ses explications,
Monsieur FF..., en ses explications,
Monsieur F..., en ses explications,
Monsieur le Président ordonne de faire rentrer les témoins un par un, ces derniers ont prêté serment conformément à l'article 446 du Code de procédure pénale, ont juré de dire toute la vérité, rien que la vérité,
Monsieur BB..., en ses observations,
Monsieur YY..., en ses observations,
Monsieur ZZ..., en ses observations,
La Cour visionne le documentaire fait par M. ZZ..., Journaliste,
Monsieur GG..., en ses observations,
Monsieur XX..., en ses observations,
Maître HH..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
L'audience est suspendue à 20 heures, elle reprend le lendemain, 26 janvier à 9H45
Maître MEUNIER, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Monsieur RENAUT, avocat général, en ses réquisitions,
Maître B..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître C..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 22 MARS 2007 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.
DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
LE RAPPEL DES FAITS ET LA PROCEDURE
Alors que la réunion mensuelle du comité national de la confédération paysanne devait se tenir à Bagnolet les 22 et 23 juillet 2003, les services de police étaient informés d'une possible manifestation des membres de cette organisation syndicale dans les Yvelines.
Effectivement, dans la soirée du 22 juillet, des adhérents et sympathisants du syndicat procédaient à la destruction partielle d'un champ de maïs à Guyancourt sur la parcelle référencée " Le Breuil ZE " de la section cadastrale " Le Breuil ", composé exclusivement de plants de l'espèce maïs se répartissant en diverses catégories de génotypes notamment d'une forme OGM porteuse d'un événement de transformation, étant précisé que trois événements de transformation étaient présents dans le dispositif respectivement désignés de la façon suivante : BT11, T25, MON 810.
L'information a établi que la décision de " castration " des parcelles de maïs transgéniques avait été prise la veille des faits lors d'une réunion de la confédération paysanne. Il résulte également des investigations faites qu'un car avait été réservé, dès le 21 juillet 2003 par Dominique N..., pour permettre le transport des militants sur le site.
Par ailleurs, des journalistes avaient été avertis de l'opération. Il est à noter que les manifestants s'étaient munis de sacs poubelles pour procéder à la castration des plants de maïs transgénique afin d'éviter, selon eux, la pollinisation.
La planche photographique établie par les enquêteurs a permis à la cour de constater la destruction de la parcelle devenue par la suite inexploitable.
Ce champ de maïs transgénique implanté sur le site du groupe d'étude et de contrôle variétés semences (= GEVES) était exploité en conformité avec les mesures de préventions et obligations contenues dans les décisions du Ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales nos 03 / 001 et 03 / 013 en date du 19 mai 2003 après avis de la commission du génie biomoléculaire en date des 27 janvier et 14 mars 2003.
C'est à la suite de cette destruction consistant dans l'anéantissement des plants transgéniques, et alors qu'elles descendaient du car les ramenant au siège de la confédération paysanne, que devaient être interpellées neuf personnes : Hubert EE..., Nicolas D..., Guy F..., Michel FF..., René L..., Dominique N..., Pierre P..., Léon R...et Geneviève T....
Placés en garde à vue, tous devaient d'abord refuser de commenter les faits de dégradation qui leur étaient reprochés.
Devant le juge d'instruction, ils ont reconnu avoir participé non à un arrachage mais à la castration des plants de maïs transgénique, c'est à dire à l'enlèvement des fleurs mâles et femelles pour éviter la dissémination.
Nicolas D...devait préciser que la localisation des champs avait pu être faite par l'intermédiaire des renseignements disponibles sur le site internet du ministère de l'agriculture. Celui- ci qualifiait en outre le contexte des faits litigieux de " périodes turbulentes " tenant notamment à l'incarcération de José II.... Dominique N...prétendait que l'initiative de l'opération était née d'une discussion informelle.
Concernant les motivations de leur action, les mis en examen faisaient les déclarations suivantes :
René L..., éleveur, considérait comme incompatible la qualité des produits avec des organismes génétiquement modifiés. Il estimait que la santé des gens et la préservation de l'environnement étaient plus importantes que le coût engendré pour l'INRA par la neutralisation des plants.
Nicolas D..., viticulteur, déclarait que " la modification génétique portait atteinte au patrimoine national et mondial de la paysannerie ". Il devait notamment exposer : " Nous sommes en manque de débats et de lieux de débats ".
Pierre P..., céréalier et éleveur, souhaitait, quant à lui, léguer une planète en bon état aux générations futures.
Interrogé sur le préjudice causé, Léon R..., éleveur, répondait que l'INRA était à l'origine " d'un préjudice possible plus grave encore causé à la collectivité ". A l'audience de première instance, il admettait avoir commis, certes, un acte illégal mais, selon lui, " légitime ".
Guy F..., producteur de lait, justifiait son acte par la dangerosité des OGM pour l'environnement et l'avenir de l'homme.
Geneviève T..., éleveur, se déclarait opposée aux essais de manipulations génétiques effectuées en milieu ouvert laissant ainsi libre cours à un risque de contamination de l'environnement : " Les OGM sont nuisibles à l'agriculture de qualité que je défends. Ils sont contraires à l'intérêt global du consommateur et ont des conséquences sur l'économie agricole elle- même (...) Notamment, les plants modifiés sont susceptibles de contaminer par pollenisation les parcelles environnantes (...) La pollinisation peut s'effectuer à des kilomètres à la ronde, essentiellement par le vent ".
Dominique N..., salarié de la Confédération Paysanne, et Messieurs Hubert EE... et Michel FF..., éleveurs, invoquaient également le risque de contamination.
Dominique N...devait déclarer au premier juge que la " désobéissance civile " était justifiée en l'état vu l'absence de débat politique sur la question : " je pense que mon action est légitime. Le débat devra avoir lieu dans l'enceinte parlementaire. La loi est en retard. Mon action est cohérente. Elle va de l'utilisation des moyens légaux à des actions non violentes à visage découvert ".
Le magistrat instructeur devait alors ordonner une expertise confiée à un collège de trois experts, tous ingénieurs agronomes, Madame Danielle JJ...et Messieurs Henri KK...et Maurice LL...qui ont conclu leur rapport dans les termes suivants :
" Ces avantages de commodité d'usage, d'économies de coûts de production de la céréale, la réduction des risques de pollution environnementale, et vis à vis des critères sanitaires pour la santé de l'homme et de l'animal, expliquent le développement considérable dans le monde- sauf en Europe- des plantes transgéniques.
En 2003, l'augmentation mondiale des surfaces cultivées avec des plantes transgéniques a augmenté de 15 % (12 % en 2002), atteignant 67, 7 millions d'hectares dont 23 % en maïs (15, 5 millions d'hectares). Il est à noter que la progression des cultures transgéniques est désormais plus rapide dans les pays en développement (+ 28 % en 2003) que dans les pays développés (11 %) (Source ISAAA- International Service for the Acquisition of Agri- biotech Applications- Press release no30, 2003) (Annexe V- pièces 1 et 2)
En conclusion :
- Les événements Mon 810, T25 et Bt11 portés par les variétés détruites dans les parcelles d'essais du GEVES le 22 / 07 / 2003 présentaient un intérêt public certain d'ordre économique,
- Bien que ces trois événements soient portés dans le cas présent par des variétés de " maïs consommation " destinés strictement à la consommation animale, ils présentent un intérêt indirect sur la santé publique humaine,
- Les événements Mon 810 et Bt11 ont un intérêt spécifique direct sur la santé animale en réduisant le risque mycotoxines pour les animaux consommateurs,
- D'une manière générale, les plantes trangéniques porteuses des événements Mon 810, T25 et Bt11 contribuent à réduire les risques pour l'environnement provenant des activités agricoles : cette démarche s'inscrit dans la perspective du développement durable. "
C'est dans ces conditions que par ordonnance en date du 14 juin 2005, le juge d'instruction a renvoyé Hubert AQ..., Nicolas D..., Guy F..., Michel FF..., René L..., Dominique N..., Pierre P..., Léon R...et Geneviève T...devant le tribunal correctionnel de Versailles pour avoir :
à Guyancourt et sur le département des YVELINES, le 22 juillet 2003, et depuis temps non prescrit, volontairement dégradé ou détérioré des biens destinés à l'utilité publique ou à la décoration publique et appartenant à une personne chargée d'un service public, en l'espèce des plants de maïs génétiquement modifiés au préjudice du GEVES, lesdites destructions ou dégradations ayant été commises en réunion,
faits prévus et réprimés par les articles 322-1 al1, 322-3, 322-4 et 322-15 du Code Pénal
Le 12 janvier 2006, par jugement contradictoire, le tribunal a constaté la matérialité de l'infraction requalifiée toutefois en destruction, dégradation ou détérioration de biens appartenant à autrui, en l'espèce des plants de maïs génétiquement modifiés, et ce en réunion, la circonstance aggravante de personne publique ou mission de service public résultant de l'article 322-2 du code pénal n'ayant pas été visée par la prévention.
Il a constaté que ces faits sont justifiés par l'état de nécessité invoqué et établi par les prévenus et les a relaxés des fins de la poursuite.
Sur l'action civile, les juges ont débouté le GROUPE D'ETUDES ET DE CONTROLE VARIETES SEMENCES (GEVES), la société MONSANTO AGRICULTURE FRANCE et la société SYNGENTA W...de leurs demandes de dommages- intérêts.
Par acte du 18 janvier 2006, le ministère public a interjeté appel à l'encontre des neuf prévenus.
Par acte du 19 janvier 2006, la société SYNGENTA W..., partie civile, a interjeté appel du jugement.
Par acte du 24 janvier 2006, l'INRA GROUPE D'ETUDES ET DE CONTROLE VARIETES SEMENCES, partie civile, a également interjeté appel.
*****
Le GEVES a fait conclure à l'infirmation du jugement entrepris. Il a sollicité la condamnation solidaire des prévenus intimés au paiement de la somme de 6. 909, 72 euros en réparation de son préjudice outre 6. 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
La société SYNGETA SEEDS SAS a fait conclure également à l'infirmation du jugement entrepris et à la condamnation des prévenus au paiement des sommes de 10. 000 euros en réparation de son préjudice moral et 108. 700 euros en indemnisation de son préjudice matériel. En outre, cette société a sollicité, aux frais in solidum des prévenus, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix. Enfin, elle a sollicité l'allocation de la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Le ministère public qui est appelant principal, a requis la confirmation du jugement entrepris sur la requalification des faits litigieux en destruction avec la circonstance aggravante de la réunion.
Pour le surplus, il a demandé à la cour d'infirmer ce jugement en considérant que la destruction de plants de maïs OGM ne peut pas relever de l'état de nécessité qui est, selon lui, en outre, incompatible avec le principe de précaution.
Il a estimé que les faits litigieux ont gravement porté atteinte à l'ordre public, et que le dommage causé, la destruction de 150 kg de maïs, est loin d'être négligeable. Il a requis une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis.
Les prévenus intimés ont repris les moyens de défense soutenus devant le tribunal correctionnel de Versailles.
D'une part, en l'absence du visa de l'article 322-2 du code pénal, ils ont considéré que la cour ne peut être saisie de cette qualification. Dès lors en application de l'article 322-1 du même code, ils ont prétendu que le dommage causé a été léger et de nature symbolique.
Il convient en conséquence, selon eux, de retenir la prévention contraventionnelle résultant de l'article R635-1 du code pénal.
D'autre part, ils ont fait soutenir que leur action était justifiée par " l'état de nécessité " dans lequel ils se trouvaient de protéger leur environnement : ils ont fait exposer que les éléments constitutifs de l'état de nécessité sont tous réunis et que celui- ci est renforcé par les articles 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et par le droit de vivre dans un environnement sain, consacré par la cour européenne de Strasbourg, bien avant sa consécration, en droit interne, par la charte de l'environnement.
Par ailleurs, ils ont souligné qu'à l'heure actuelle, en l'état des connaissances sur l'utilisation des OGM, aucune réponse précise et cohérente n'a été apportée concernant les risques à long terme qu'ils font courir sur l'environnement et la santé. Le principe de précaution trouve toute sa raison d'être et doit recevoir, selon eux, une application effective.
Ils ont fait valoir à cet égard que le principe de précaution a été intégré à la loi française (article L110-1 du code de l'environnement) alors que la France autorise les essais de culture transgénique en plein champ, et alors même qu'elle n'a pas transposé, en droit interne, la directive européenne 2001 / 18 / CE sur les cultures transgéniques dans le délai qui lui était imparti.
Ils ont précisé en outre que l'Union Européenne s'est positionnée en faveur du principe de précaution le 24 juin 2005 et que, bien plus, en décembre 2006, le Conseil des Ministres a approuvé, contre l'avis de la commission, la décision de l'Autriche de ne pas cultiver les OGM sur son sol.
Ils ont également fait valoir que la dissémination en plein champ de cultures OGM a pour conséquence de porter atteinte au principe du droit de propriété tel que reconnu par l'article 1er du protocole 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Qu'en effet, l'utilisation et la dissémination des OGM en milieu naturel par les parties civiles constitue, à leur avis, un abus de leur droit de propriété duquel découle une atteinte portée à la propriété des biens des prévenus, et plus largement, celle des paysans traditionnels.
Selon eux, l'interaction inévitable entre les cultures OGM et les cultures traditionnelles favorise la mort de l'agriculture qui souhaite valoriser des produits sains, naturels et de qualité.
Enfin, ils ont affirmé qu'aucune compagnie d'assurance n'accepte aujourd'hui d'assurer ces essais transgéniques ce qui, selon eux, en dit long sur l'aléa existant.
C'est pourquoi, au visa des articles 122-7 du code pénal, 544 du code civil, 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 1er du protocole 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 17, 25a, 23a et 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la charte de l'environnement, il est demandé à la Cour par les intimés de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 12 janvier 2006 qui a prononcé leur relaxe et débouté les parties civiles de leurs demandes.
MOTIFS DE LA COUR
I / Sur l'action publique
1) Sur la requalification des faits litigieux en infraction de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui avec la circonstance aggravante de la réunion et la constatation de la gravité des faits commis, la cour considère qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris par adoption de ses motifs pertinents.
2) Sur le fond
A titre liminaire, la cour observe que, s'il peut parfois y avoir carence dans le domaine normatif soit du Pouvoir législatif, soit du Pouvoir exécutif par la voie réglementaire, elle ne saurait pour autant se substituer à ces derniers pour pallier les inconvénients en résultant.
La cour, en effet, a pour seul mission d'appliquer la loi pénal qui est d'interprétation stricte.
Il résulte de la relation des faits constants susvisés que les neuf prévenus ont participé à une action de groupe concertée, en présence de journalistes pour médiatiser une action de destruction d'un champ de maïs transgénique exploité par l'INRA et le groupe d'études et de contrôle variétés semences (= GEVES) par arrachage des fleurs mâles et femelles afin d'obtenir la castration de ces plants et ce alors que le site était exploité par le GEVES en conformité avec toutes les dispositions prises par le ministre de l'agriculture à la suite de l'avis régulier de la commission du génie biomoléculaire. La gravité de ces faits est démontrée par les clichés photographiques figurant au dossier et le fait que plus de 150 kg de plants de maïs génétiquement modifiés ont été systématiquement détruits pour empêcher l'expérience mise en place conformément aux directives de l'administration. Les photographies montrent que le champ a été piétiné et très largement détruit. Les faits reprochés constituent donc le délit prévu et réprimé par l'article 322-1 du Code pénal.
La matérialité des faits de l'infraction requalifiée est donc constituée et d'ailleurs, elle n'est pas contestée par les prévenus qui revendiquent un acte de " désobéissance civile " légitime, l'infraction réalisée étant, selon eux, justifiée par l'état de nécessité tel que défini par l'article 122-7 du code pénal qui dispose :
" n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle- même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ".
Il y a lieu par conséquent de s'en tenir strictement à cette définition légale de " l'état de nécessité " et d'analyser les faits litigieux au regard des dispositions susvisées.
* Existence d'un danger actuel ou imminent
Cette première condition posée par la loi pour que puisse être constaté par un juge " l'état de nécessité " implique nécessairement un danger qui doit être réel et non hypothétique alors qu'en l'occurrence les prévenus eux- mêmes parlent d'un risque pour l'avenir de l'agriculture et d'un danger possible pour la santé publique.
Il s'ensuit que les prévenus n'étaient pas au contact d'un événement menaçant devant être immédiatement neutralisé pour la sauvegarde de leur propre personne ou de leur bien réparti, en l'occurrence, sur l'ensemble du territoire national.
D'ailleurs, l'inexistence de cet événement immédiatement menaçant résulte du processus infractionnel qui consiste, selon les prévenus eux- mêmes, en un acte de " désobéissance civile " pour médiatiser en présence de journalistes convoqués, une crainte qui peut paraître pour certains légitime, mais qui, dans la mesure où elle n'est fondée que sur une éventualité appelée à se développer dans le futur, ne peut en aucun cas être analysée comme un danger actuel et imminent et ce, d'autant plus que les prévenus disposaient de voies de droit pouvant éventuellement statuer en urgence, leur permettant de discuter devant les juridictions compétentes de la légalité des autorisations d'essais en pleins champs, ce qui démontre bien que l'action engagée se situait en fait au niveau du choix politique, et ne peut dès lors pas entrer dans le champ de " l'état de nécessité " sauf à introduire dans la législation pénale la justification de tous les comportements infractionnels de nature à appeler l'attention sur un désaccord avec les décisions démocratiquement prises par l'autorité légale.
* Proportionnalité entre les moyens employés et la gravité de la menace
En outre et à l'évidence, la proportionnalité, prévue par le texte susvisé, entre les moyens employés et la gravité de la menace n'est pas non plus réalisée. En effet, la destruction complète d'un champ contenant 10 % d'OGM avec les moyens indiqués ne répond pas à cette exigence de proportion alors que la menace à l'égard des personnes et des biens sur le territoire de Guyancourt était en tout état de cause très limitée, sinon inexistant, suivant les termes de l'expertise dont les conclusions ont été ci- avant rapportées et aussi suivant les termes même de l'avis émis le 27 janvier 2003 par la commission du génie biomoléculaire présidée par le professeur Marc MM...qui, après avoir procédé à l'examen du dossier déposé par le GEVES a affirmé expressément :
" Évaluation des risques pour l'environnement :
- Dissémination potentielle des gènes par le pollen ou par les graines :
Le risque d'échappement génétique est limité chez le maïs du fait de l'absence dans la flore européenne de plantes sexuellement compatibles. Le maïs présente un pouvoir de dispersion par la voie des graines très limité. On peut donc en conclure que le risque d'échappement de gène vers d'autres espèces est exclu.
- Evaluation d'éventuelles nouvelles caractéristiques de l'OGM :
Le maïs n'est pas une culture envahissante bien qu'il ait un fort pouvoir compétiteur. Les repousses de maïs ne sont pas un problème en Europe. La plante est sensible au froid et les éventuelles repousses peuvent être efficacement contrôlées par les pratiques agricoles courantes, notamment par l'utilisation d'herbicides non sélectifs différents du glufosinate.. Ainsi, le comportement de la lignée de maïs génétiquement modifiée considérée n'est pas différent de celui des variétés de maïs conventionnelles.
- Sécurité pour les organismes non cible :
Les essais de toxicité sur des organismes, non cible, de la molécule insecticide ainsi que les essais de toxicité aïgue par gavage oral de souris, à de fortes doses de protéines, démontrent l'innocuité des produits.
Des essais ont été notamment effectués sur des larves et des adultes d'abeilles, sur des hyménoptères parasitiques et sur des coccinelles.
- Emergence de résistances et de tolérances :
La question de l'émergence de la tolérance à l'herbicide total glufosinate dans la flore sauvage par transfert de gène ne se pose pas dans le cas du maïs puisque l'espèce ne présente pas de compatibilité sexuelle avec des espèces de la flore européenne. "
Sur la violation des articles 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
Les prévenus ont par ailleurs fait valoir que leur relaxe se justifie en outre au regard des droits qui leurs sont reconnus par la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de l'intérêt social supérieur qui en résulte.
Selon eux, leur action était fondée en effet sur la nécessité de préserver un environnement sain désormais consacré en droit interne par la Charte de l'environnement. Ils ont donc soutenu que l'état de nécessité devait être élargi à leur action fondée en l'occurrence sur la préservation d'un dommage prévisible à leurs biens et plus généralement aux biens des paysans dont la substance même du droit de propriété risquait d'être altérée du fait de la défaillance de l'Etat dans la mise en place de mesures positives de protection permettant une jouissance effective de leurs biens.
Cependant, la cour considère que la mise en oeuvre des articles 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme n'entre pas dans le champ d'application de la notion juridique d'état de nécessite exonérant une personne ou un groupe de personnes de toute responsabilité pénale.
En effet, la Convention Européenne des Droits de l'Homme est une convention internationale signée par des Etats souverains qui s'obligent dès lors à introduire dans leurs lois internes des dispositions conformes à celles de la convention. En cas de non- application ou de violation de ces dispositions, toute personne est en droit d'engager le recours approprié aux fins de parvenir à la condamnation de l'Etat défaillant sur le territoire duquel elle réside. Mais en aucun cas cette convention internationale ne confère aux ressortissants des Etats, le droit de commettre sciemment des infractions pour exprimer leur opinion.
Sur le principe de précaution
Enfin, les prévenus ont soutenu que le droit de manger des aliments sains et le droit de vivre dans un environnement sain ont été consacrés en droit interne par la Charte de l'environnement, et que, dès lors qu'il y a des risques pour l'environnement et la santé publique, l'Etat a l'obligation impérieuse de mettre en oeuvre le principe de précaution.
En l'espèce, selon les prévenus, les OGM font courir des risques sérieux pour la santé humaine et l'environnement, c'est pourquoi, en l'absence d'intervention de l'Etat, ils ont estimé devoir faire application, eux- même, du principe de précaution.
Cependant la cour observe que le principe de précaution implique précisément que le danger n'est ni certain ni actuel, ni imminent, et que par voie de conséquence, il ne saurait justifier la commission d'une infraction. La notion de précaution doit être intégrée dans une analyse globale d'opportunité qui relève de la seule autorité du pouvoir exécutif et ne saurait interférer avec la notion juridique d'état de nécessité sauf à introduire dans le droit pénal des variations au gré des intérêts divers et contradictoires et donc une insécurité juridique préjudiciable aux libertés.
C'est pour ces motifs qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer coupables les prévenus de l'infraction requalifiée en destruction, dégradation ou détérioration, de biens appartenant à autrui, en l'espèce des plants de maïs génétiquement modifiés, et ce en réunion, conformément aux dispositions de l'article 322-3 du code pénal.
Sur les peines
La peine encourue est donc de cinq ans d'emprisonnement et 75. 000 euros d'amende. C'est dire que le législateur considère les faits de destruction volontaire du bien d'autrui commis en réunion, comme très grave et perturbateur de l'ordre public.
Toutefois, en l'espèce, la cour considère qu'il y a lieu de tenir compte de la sincérité des convictions des agriculteurs en cause, soucieux en effet de faire une agriculture biologique ou de qualité alors qu'ils sont confrontés à des techniques purement productivistes sans que soient clairement expliqués les choix faits et les risques réels ou potentiels pouvant exister. Elle prononcera en conséquence des peines d'avertissement.
Chacun des prévenus sera condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 1. 000 euros d'amende délictuelle.
II / Sur l'action civile
Le groupe d'études et de contrôle variétés semences (= GEVES) est un groupement d'intérêt public régi par la loi no82-610 constitué entre l'Etat représenté par le Ministre chargé de l'agriculture, l'institut national de recherche agronomique (INRA) et le groupement national interprofessionnel de semences (GNIS).
Doté de la personnalité morale, le GEVES a pour objet " d'améliorer l'efficacité des méthodes de distinction des génotypes, de conservation des ressources génétiques, d'identification des variétés, d'épreuve des qualités agronomiques des variétés, de contrôle de l'état physiologique et sanitaire des semences, afin d'asseoir, sur des bases scientifiques préalables à l'inscription au catalogue, de nouvelles variétés et à la délivrance de certificats d'obtentions végétales.
Le GEVES, du fait de la destruction de sa parcelle expérimentale, considère avoir subi un préjudice matériel direct. Il demande à ce titre l'allocation de la somme de 6. 909, 72 euros à titre de dommages- intérêts. Il a demandé une condamnation solidaire des prévenus et en outre leur condamnation également solidaire au paiement de la somme de 6. 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
La Société SYNGETA SEEDS SAS est l'un des producteurs des " événements " concernés avec les société BAYER et MONSANTO. Par conséquent, la société SYNGETA SEEDS SAS est l'organisme qui a modifié le génotype du maïs traditionnel par l'introduction, suivant les méthodes du génie génétique, d'un ou plusieurs gènes étrangers (transgènes) qui confèrent un avantage agronomique, nutritionnel ou autre à son nouvel hôte. Ces transgènes doivent donner à la plante ainsi modifiée des propriétés recherchées.
La société SYNGETA SEEDS SAS a ainsi produit " l'événement " BT11 confié à titre expérimental au GEVES en sa qualité d'obtenteur, lequel devait mettre en place deux implantations pour procéder à des observations morpho- physiologiques dont celle de Guyancourt.
La société SYNGETA SEEDS SAS, contrairement à MONSANTO qui n'a pas interjeté appel, a considéré que la destruction du champ de Guyancourt lui a causé un grave préjudice. Elle a donc fait conclure à l'infirmation du jugement et à la condamnation in solidum des prévenus au paiement de la somme de 108. 700 euros à titre de dommages- intérêts outre l'allocation de la somme de 10. 000 euros en réparation de son préjudice moral. Elle a sollicité que la publication de l'arrêt à intervenir soit ordonnée par la cour dans cinq journaux ou revues à son choix sans que la valeur puisse être supérieure à 10. 000 euros. Enfin, elle a sollicité l'allocation de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale suivant condamnation solidaire des prévenus.
MOTIFS DE LA COUR
Il convient tout d'abord de rappeler qu'en droit pénal le préjudice pouvant donner lieu à réparation doit résulter directement de l'infraction constatée, tout autre préjudice relevant des juridictions civiles.
Dans le cas présent, il convient de constater que le GEVES conduisait un programme sur trois ans d'expérimentation, en pleins champs, de culture de maïs transgénique sur une parcelle d'essai à Guyancourt. Cette parcelle, propriété du GEVES, et exploité par lui à titre expérimental, a été détruite dans les conditions ci- avant rapportées. Il s'ensuit que cette destruction a généré pour le GEVES un préjudice direct puisque le champ expérimental a été détruit et piétiné et que la globalité de l'expérience devra être remise en oeuvre.
Les experts désignés par le magistrat instructeur ont chiffré le préjudice du GEVES à la somme de 6. 909, 72 euros, somme aujourd'hui demandée par cet organisme.
Il y a lieu de faire droit à cette demande à titre de dommages- intérêts. Elle paraît parfaitement fondée. Les prévenus ayant participé au même fait dommageable seront condamnés solidairement.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la partie civile la totalité des frais qu'elle a dû engager, toutefois sa demande excessive dans son montant sera réduite à concurrence de 3. 000 euros pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
En revanche, la cour observe que la société SYNGETA SEEDS SAS était à la fois producteur et obtenteur de " l'événement " BT11. Elle était donc liée contractuellement au GEVES qui, dans le cadre d'un protocole soumis à la commission du génie biomoléculaire, devait procéder à l'expérimentation en plein champ de cet " événement ".
Il résulte de cette analyse que le préjudice invoqué par la société SYNGETA SEEDS SAS, qui n'est d'ailleurs pas visée comme victime dans la prévention, n'est pas la conséquence directe de l'infraction de destruction volontaire constatée. En effet, celui- ci ne résulte pas de la destruction matérielle du champ appartenant au GEVES mais de la non- exécution des dispositions contractuelles conclues entre le GEVES et la société SYNGETA SEEDS SAS.
Dès lors, s'agissant d'un préjudice indirect, la société SYNGETA SEEDS SAS sera déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré,
Statuant publiquement, et contradictoirement,
EN LA FORME :
REÇOIT les appels des parties civiles et du ministère public
AU FOND :
Sur l'action publique
CONFIRME partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la matérialité de l'infraction requalifiée en destruction, dégradation ou détérioration de biens appartenant à autrui, en l'espèce des plants de maïs génétiquement modifiés, et ce en réunion ;
l'infirmant pour le surplus,
Dit que la destruction du champ d'OGM exploité par le GEVES à Guyancourt ne relève pas de l'état de nécessité tel que défini à l'article 122-7 du code pénal ;
En conséquence,
DÉCLARE Hubert AQ..., Nicolas D..., Guy F..., Michel FF..., René L..., Dominique N..., Pierre P..., Léon R...et Geneviève T...coupables du délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, en l'espèce un champ de maïs expérimental appartenant au GEVES et ce, en réunion,
infraction prévue et réprimée par les articles 322-1, 322-3, 322-4 et 322-15 du code pénal ;
En répression,
CONDAMNE chacun des susnommés à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Hubert AQ...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Nicolas D...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Guy F...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Michel FF...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à René L...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Dominique N...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Pierre P...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Léon R...
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à Geneviève T...
CONDAMNE en outre chacun d'entre eux au paiement de la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) d'amende délictuelle
Si les condamnés s'acquittent du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 €, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale.
Sur l'action civile
REÇOIT le groupe d'études et de contrôle variétés semences (= GEVES) en sa constitution de partie civile ;
CONDAMNE solidairement Hubert EE..., Nicolas D..., Guy F..., Michel FF..., René L..., Dominique N..., Pierre P..., Léon R...et Geneviève T...à payer au groupe d'études et de contrôle variétés semences (= GEVES) la somme de SIX MILLE NEUF CENT NEUF EUROS ET SOIXANTE DOUZE CENTIMES (6. 909, 72 €) à titre de dommages- intérêts ;
les CONDAMNE en outre à lui verser solidairement la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 €) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
DÉCLARE la société SYNGENTA SEEDS SAS irrecevable en sa constitution de partie civile ;
Dit n'y avoir lieu à son égard à l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Et ont signé le présent arrêt, Monsieur Jean- Michel LIMOUJOUX, Président et Mademoiselle Gwénaëlle KLING, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
Décision soumise à un droit fixe de procédure
(article 1018A du code des impôts) : 120, 00 €