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16/03/2007 | FRANCE | N°05/00568

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0016, 16 mars 2007, 05/00568


No du 16 MARS 2007 9ème CHAMBRE

RG : 05 / 00568 X... Alain GK / BF

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le SEIZE MARS DEUX MILLE SEPT, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Pontoise-6ème Chambre du 02 février 2005.

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX, Conseillers : Mademoiselle DELAFOLL

IE, Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Bordereau No

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur GASZTOWTT, Avocat gé...

No du 16 MARS 2007 9ème CHAMBRE

RG : 05 / 00568 X... Alain GK / BF

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le SEIZE MARS DEUX MILLE SEPT, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Pontoise-6ème Chambre du 02 février 2005.

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX, Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE, Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Bordereau No

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur GASZTOWTT, Avocat général,
GREFFIER : Mademoiselle CHRISTIAN
PARTIE EN CAUSE
X... Alain né le 26 Janvier 1976 à MELUN (77), de José et de Z... Claudine, Professeur, de nationalité française, p. a. c. s., demeurant... 95300 PONTOISE Jamais condamné, libre, Comparant, assisté de Maître HUGOT, avocat au barreau de PARIS.

PARTIES CIVILES
Société CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE-S. P. P. F. 22 / 24, rue de Courcelles-75008 PARIS Représentée par Maître LEMERY, avocat au barreau de PARIS

Société CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP) 14, Bld du Général Leclerc-92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée par Maître RAVINETTI, avocat au barreau de PARIS

Société DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) 225, Avenue Charles de Gaulle-92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée par Maître BENAZERAF, avocat au barreau de PARIS

Société POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS-SDRM 225, Rue Charles de Gaulle-92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée par Maître BENAZERAF, avocat au barreau de PARIS

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 02 février 2005, le Tribunal correctionnel de Pontoise :
Sur l'action publique :
A déclaré X... Alain coupable pour les faits qualifiés de :
CONTREFACON PAR EDITION OU REPRODUCTION D'UNE OEUVRE DE L'ESPRIT AU MEPRIS DES DROITS DE L'AUTEUR, du 01 / 08 / 2003 au 31 / 08 / 2004, à Pontoise, infraction prévue par les articles L. 335-2 AL. 1, AL. 2, L. 335-3, L. 112-2, L. 121-8 AL. 1, L. 122-3, L. 122-4, L. 122-6 du Code propriété intellectuelle et réprimée par les articles L. 335-2 AL. 2, L. 335-5 AL. 1, L. 335-6, L. 335-7 du Code propriété intellectuelle

L'a condamné à 3 000 euros d'amende avec sursis
A ordonné la confiscation des scellés, ainsi que la publication du jugement dans Libération et dans le Parisien Edition Val d'Oise, sans que le coût n'excède 1 500 euros par parution
A ordonné la non mention au bulletin n 2 de son casier judiciaire

Sur l'action civile :

a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Société CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE-S. P. P. F., de la Société CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP), de la Société DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) et de la Société POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS-SDRM
a condamné Alain X... à payer-à la Société DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 400 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la Société CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE (S. P. P. F.) la somme de 1. 200 euros à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 700 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la Société CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP) la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 700 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la Société POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS-SDRM, la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 400 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
Monsieur X... Alain, le 11 Février 2005, M. La procureur de la République, le 11 février 2005, Société CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP), le 15 Février 2005, Société DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM), le 16 Février 2005, Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeur, le 16 Février 2005.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Février 2006, la Cour a renvoyé l'affaire au 06 Octobre 2006 ;
A l'audience publique du 06 Octobre 2006, la Cour a renvoyé l'affaire au 26 Janvier 2007 ;
A l'audience publique du 26 Janvier 2007, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu qui comparaît assisté de son conseil ;
Ont été entendus :
Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Conseiller, en son rapport,
Monsieur LIMOUJOUX, Président, en son interrogatoire,
Monsieur X..., en ses explications,
Les plaidoiries et réquisitions sur l'irrecevabilité des parties civiles,
Maître LEMERY, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître BENAZERAF, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître RAVINETTI, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Monsieur GASZTOWTT, avocat général, en ses réquisitions,
Maître HUGOT, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Le prévenu a eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 16 MARS 2007 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.

DÉCISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 18 Février 2004, les gendarmes du Service Technique de Recherches Judiciaires et de Documentation de Rosny-sous-Bois, agissant dans le cadre de leur mission de surveillance du réseau internet, ont découvert un serveur géré par un particulier et dédié à l'échange de supports informatiques, dont un utilisateur français se livrait sous le pseudonyme de « ALTAPUNKZ » à la contrefaçon et à la distribution de musique hors des circuits commerciaux.
Les enquêteurs se sont plus particulièrement intéressés aux transactions effectuées par cet internaute via des " hubs ".
Un hub (terme anglais signifiant " moyeu ") est un ordinateur personnel (PC) dont le propriétaire a accepté, en donnant accès à une partie de son disque dur, d'accueillir d'autres PC connectés en étoile autour de lui et de remplir ainsi la fonction d'un administrateur de réseau ayant le pouvoir d'agréer de nouveaux membres s'ils sont eux-même en mesure d'enrichir ce réseau en mettant à disposition des autres adeptes un volume suffisant de données.
La conséquence pratique du dispositif est que l'accès à la source de fichiers recherchée est conditionné à l'acceptation, par le nouvel impétrant, de la diffusion aux autres membres de ceux dont il dispose... et ainsi de suite.
Ainsi se développe, telle une réaction en chaîne, la diffusion exponentielle d'œ uvres contrefaites.
En l'espèce, ALTAPUNKZ avait installé un logiciel gratuit de type " Direct Connect " DC + + sur son propre ordinateur et offrait publiquement les ressources de son ordinateur soit 30 000 giga de donnée.
Aucun code d'accès n'étant nécessaire pour visualiser l'espace partagé sur le disque dur d'ALTAPUNKZ à partir duquel était de la sorte diffusé librement dans le " cyberespace " de nombreux fichiers musicaux au format MP3. ALTAPUNKZ, dont l'adresse électronique était " ... ", a été localisé par les gendarmes comme utilisateur du compte dont était titulaire auprès du fournisseur d'accès Free, Mme Élodie B..., demeurant à Pontoise (Val d'Oise).

Le 18 Août 2004, une perquisition a été effectuée au domicile de Mme B... dont le concubin, M. Alain X... a déclaré être l'unique utilisateur de la ligne internet ouverte au nom d'Élodie B....

Au cours de cette opération, ont été découverts et saisis :
-d'une part,185 disques compacts " CD " gravés, dont 174 supportant des oeuvres musicales et 5 des films,
-d'autre part, la tour de l'ordinateur utilisée par M. X..., dont l'exploitation ultérieure permettra de découvrir la présence d'environ 10 000 fichiers musicaux classés par nom d'interprète et répertoriés par titre d'album, ces derniers au nombre de 493, ainsi que 7 films au format DivX.
Entendu par les enquêteurs, M. Alain X... a admis avoir téléchargé, courant 2003, le logiciel DC + + lui permettant de se connecter à des hubs. Il a indiqué qu'il « avait pu durant environ un an télécharger et mettre à disposition des autres participants, des musiques et des films (…) » et a admis qu'« en outre, il avait pratiqué la gravure de certaines de ces musiques à des fins personnelles ». Il a avoué qu'il « savait que c'était interdit mais qu'il ne se rendait pas compte de la gravité de ce qu'il faisait ».

Avisées de ces faits, la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (SACEM), la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs (SDRM), la Société civile des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF) et la Société Civile des Producteurs phonographiques (SCPP) ont déposé plainte.

***** À l'issue de l'enquête préliminaire Alain X... a, sur instructions du procureur de la République, été convoqué par un OPJ à comparaître devant le tribunal correctionnel de Pontoise sous la prévention d'avoir :

« à PONTOISE-95, en tout cas sur le territoire national, d'août 2003 à août 2004 et depuis temps n'emportant pas prescription, gravé et téléchargé en entier ou partie,614 albums de musiques sans respecter les droits d'auteur et notamment la SACEM, la SCPP, et la ASPPF, commettant ainsi des contrefaçons. Faits prévus et réprimés par ART. L. 335-2 AL. 1, AL. 2, L 335-3, ART. L 112-2, ART. L 121-8 AL. 1 ART. L 122-3, ART. L 122-4, ART. L 122-6 C. PROPR. INT, ART. L 335-2 AL. 2, ART. L. 335-5 AL. 1, ART. L. 335-6, ART. L. 335-7, C. PROPR. INT ».

* * *

Le 2 Février 2005, le tribunal correctionnel de Pontoise a, par jugement contradictoire, déclaré Monsieur Alain X... coupable du délit de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, et l'a condamné à la peine de 3 000 euros d'amende avec sursis.
À titre de peine complémentaire, le tribunal a ordonné à l'encontre du prévenu la confiscation des scellés et la publication du jugement dans les journaux " Libération " et " Le Parisien ", édition Val d'Oise sans que le coût n'excède 1 500 euros par parution. Le tribunal a, en outre, dit qu'il ne serait pas fait mention de cette condamnation au bulletin no2 du casier judiciaire d'Alain X....
Sur l'action civile, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile de la SACEM, de la SPPF, de la SCPP et de la SDRM et a condamné Monsieur X... à payer :
-à la SCPP la somme 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 700 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la SPPF la somme de 1 200 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 700 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la SACEM la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 400 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,-à la SDRM la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 400 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Le 11 février 2005, M. Alain X... a interjeté appel de cette décision, suivi le même jour du ministère public, le 15 février par la SCPP et le 16 février 2005 par la SACEM et la SDRM.
Ces appels sont recevables.

****

M. Alain X... demande in limine litis à la cour de déclarer irrecevables les constitutions de partie civile de la SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE (SPPF) et de la SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP).

Il fait plaider que, ces sociétés ayant pour objet la défense des intérêts des producteurs de phonogrammes, elles ne sont pas recevables à se constituer partie civile dans la présente instance, puisqu'il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour avoir gravé ou téléchargé des albums de musique sans respecter les droits d'auteurs.
Selon lui, la qualification retenue par le ministère public ne permet pas de considérer qu'est incluse dans la prévention dont est saisie la cour l'atteinte aux droits des producteurs, puisque celle-ci n'est pas mentionnée par l'acte de saisine qui ne vise d'ailleurs pas l'article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle, texte qui réprime la contrefaçon par atteinte aux droits des producteurs.
Il soutient que, la SPPF et la SCPP ne sont dès lors pas recevables à se constituer partie civile contre lui puisque ne pouvant se prévaloir d'aucun préjudice directement causé par les infractions poursuivies.
M. X... demande également in limine litis à la cour de déclarer irrecevable les constitutions de partie civile de la SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) et de la SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MÉCANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS (SDRM).
Il soutient à l'appui de cette demande que la SACEM ne rapporte pas la preuve du pouvoir accordé à son président par son conseil d'administration pour engager la présente action alors que, selon lui, une décision spécifique aurait dû, en vertu des statuts de la société, être prise à cette fin.
S'agissant de la SDRM, il développe une argumentation analogue.
M. X... considère par ailleurs que la prévention ne visant que le fait d'avoir gravé et téléchargé, c'est à dire reproduit des fichiers musicaux, la SACEM et la SDRM n'ont pas d'intérêt à agir dans le cadre de la présente instance car la première gère le droit de reproduction et la seconde le droit de présentation publique. Elles ne peuvent agir exclusivement que sur le fondement de la violation de ces droits qui, en l'espèce, ne sont pas visés par la prévention.

La SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP) demande à la cour de déclarer recevable sa constitution de partie civile et en conséquence de rejeter la demande de M. X... tendant à la déclarer irrecevable.

Sur le fond, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. Alain X... à lui verser " la somme de 8 366 euros en réparation de l'intégralité du préjudice subi par la profession de producteur de phonogramme qu'elle représente. "
Elle demande en outre que M. X... soit condamné à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et la publication par extrait de l'arrêt à intervenir dans deux journaux ou magazines et un site internet de son choix sans que le coût de ces insertions ne dépasse la somme totale de 2 500 €.
La SCPP indique, sur le principe de sa constitution de partie civile, que constituée conformément à l'article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle, elle réunit plus de 800 producteurs associés, lesquels détiennent un " droit voisin du droit d'auteur " qui est défini par l'article L. 213-1 al 1 du Code de la propriété intellectuelle. Son objet consiste notamment à défendre les intérêts collectifs de la profession exercée par ses membres et lui confère le droit d'agir en justice en son nom propre ou au nom de ses associés à cette fin.
Elle rappelle en outre qu'elle détient des dispositions de l'article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle la qualité d'ester en justice pour la défense des droits dont elle a statutairement la charge et que c'est à ce titre qu'elle intervient contre M. X... à l'égard duquel elle estime que les faits de contrefaçon sont parfaitement établis par la procédure.
Sur le point spécifique soulevé par M. X..., elle soutient que le prévenu n'a pas soulevé en première instance la nullité de la convocation par officier de police judiciaire (COPJ) qui lui a été notifiée et qui a saisi le tribunal et qu'il ne peut se prévaloir en cause d'appel d'une prétendue nullité de cet acte au motif que l'article du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit l'atteinte aux droits des producteurs n'est pas visé par la poursuite. Selon lui, le texte de la COPJ permettait en effet au prévenu d'avoir une connaissance effective et suffisante du contenu de celle-ci sans qu'il soit porté atteinte à ses intérêts.
Elle considère que, du texte de la COPJ qui a été notifiée à M. X..., il résulte que le tribunal correctionnel était bien saisi, outre de contrefaçon portant atteinte aux droits d'auteurs, de contrefaçon portant atteinte à la SCPP et à la SPPF, désigné expressément, précision dont il doit être déduit que la poursuite visait nécessairement les infractions aux droits voisins du droit d'auteur que ces sociétés ont pour objet statutaire de défendre.
Sur le fond, la SCPP demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Elle cite les termes de l'article L. 213-1 al 2 du Code de la propriété intellectuelle qui précise que « l'autorisation du producteur de phonogramme est requise avant toute reproduction, mise à disposition du public par la vente, l'échange ou le louage de son phonogramme ».
Dès lors, selon la partie civile, la violation des droits ainsi reconnus au producteur est sanctionnée par l'article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle qui réprime toute reproduction et mise à disposition du public, sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme d'échange à titre onéreux ou gratuit, et de quelque manière que ce soit, d'un enregistrement musical interprété par un artiste sans l'autorisation de son producteur légitime.
La SCPP rappelle que la pratique du " peer-to-peer " a déjà été sanctionnée par de nombreuses décisions comme constitutive du délit de contrefaçon et cite de la jurisprudence à l'appui de son argumentation.

Elle souligne que le fait que le logiciel d'échange utilisé par le prévenu imposait à son utilisateur d'ouvrir le disque dur de son ordinateur personnel aux autres internautes raccordés au hub et que dès lors, M. X... ne peut se prévaloir de l'" exception de copie privée ".

Selon elle, en utilisant ce logiciel, le prévenu a procédé à une reproduction de fichiers musicaux destinée, par leur mise à disposition à une utilisation collective, à un usage collectif.
La SCPP cite de la jurisprudence à l'appui de son argumentation.
Sur la motivation de son appel, la SCPP, soutient qu'en mettant à la disposition, par l'installation du logiciel DC + +, plus de dix-mille fichiers musicaux encodés au format MP3 contrefaits, M. X... a causé un préjudice considérable aux producteurs de phonogrammes et indique que le prix licite d'un album musical se situe entre 17 et 22 € pièce. Elle considère que les faits reprochés au prévenu équivalent " au vol pur et simple de 3 millions (10 000 x 302) d'enregistrements musicaux, soit 250 000 albums musicaux ".
Elle estime que ce type de pratiques entraîne des " conséquences catastrophiques " pour l'industrie phonographique et considère que le montant des dommages et intérêts accordés par les premiers juges, soit 3 000 €, est " dérisoire " au regard du préjudice qu'elle a subi. Elle précise que la somme de 8 366 euros qu'elle demande correspond à hauteur de 80 % à celle de deux euros pour chacun des 4 183 titres musicaux et issus du répertoire de ses membres que le prévenu a contrefait. Elle cite des décisions qui ont accepté cette évaluation.

La SCPP estime par ailleurs que la publication de la décision s'impose pour provoquer l'effet dissuasif nécessaire.

La SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE (SPPF) demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner en outre M. X... à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Elle fait valoir que parmi les phonogrammes contrefaits par M. X..., elle a identifié des œ uvres dont les producteurs, dont elle cite les noms, comptent parmi ses adhérents. Ceux-ci lui ont donné mandat aux fins d'exercer, pour leur compte, les droits reconnus aux producteurs par la loi.
Elle soutient, citant de la jurisprudence sur le peer-to-peer, que M. X... ne peut se prévaloir de l'exception de copie privée puisqu'il mettait à disposition des tiers l'ensemble des fichiers téléchargés. Elle ajoute que la nature des faits et les déclarations du prévenu établissent l'élément intentionnel de l'infraction.
Elle affirme que le préjudice causé par le piratage et la pratique du peer-to-peer est considérable pour l'industrie musicale.
Elle rappelle que sa demande en première instance était fondée sur une évaluation du préjudice s'élevant à la somme de deux euros par fichier mis à la disposition des internautes.
La SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) et la SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MÉCANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS (SDRM) déposent des conclusions communes par lesquelles elles demandent que leurs constitutions de partie civile soient déclarées recevables et que le jugement entrepris soit confirmé " sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts " qui leur ont été alloués.
Elles demandent que le jugement soit infirmé sur ce point et que M. X... soit condamné à leur verser à chacune la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 € au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Sur la recevabilité de l'action de la SACEM, le conseil des parties civiles expose, d'une part, que les statuts de la société ont été modifiés pour permettre au gérant d'intenter des actions en justice sans habilitation du conseil d'administration, d'autre part, que ce dernier, par décision du 5 janvier 2006, a confirmé que le gérant avait tout pouvoir pour intenter tout procès ou action et enfin que le gérant d'une société civile tient de l'article 1849 du Code civil le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers nonobstant toute disposition contraire des statuts en sorte que, quelque soit la lecture faite de ceux-ci, le gérant est habilité à engager la présente procédure.
S'agissant de la SDRM, pour le conseil des parties civiles les statuts donnent tout pouvoir au gérant pour engager au nom de la société toute action judiciaire, ce qui a été confirmé par une décision du conseil d'administration du 28 février 2006.
Par ailleurs, selon les parties civiles, le prévenu fait du terme " téléchargement " visé par la prévention une interprétation totalement erronée en la restreignant à sa seule phase de reproduction lors de l'opération désignée en anglais sous le vocable " download ".
En effet, la notion de " téléchargement " englobe à la fois celle de " download " et celle d'" upload " qui définit un acte de représentation consistant à communiquer au public du réseau Internet les fichiers des œ uvres concernées.
En effet, la commission de terminologie et de néologie, dans la liste des termes publiées au Journal Officiel du 1er septembre 2000, a défini le téléchargement comme " un transfert de programme ou de données d'un ordinateur vers un autre ", la commission précisant que ce terme constitue l'équivalent du terme anglo-saxon " downloading (téléchargement à partir d'un autre ordinateur) et de celui de " uploading (téléchargement vers un autre ordinateur) ".

Les parties civiles ajoutent à leur démonstration selon laquelle la notion de téléchargement vise la mise à disposition, que, sous l'intitulé " CHAPITRE VI, prévention du téléchargement illicite ", l'article L. 336-1 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'inséré dans le Code de la propriété intellectuelle par l'article 27 de la loi du 1er août 2006, précise : « Lorsqu'un logiciel est utilisé pour la mise à disposition illicite d'œ uvres ou d'objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, peut ordonner sous astreinte toute mesure nécessaire à la protection de ce droit et conforme à l'état de l'art ».

La SACEM et la SDRM exposent par ailleurs que les auteurs et compositeurs de musique jouissent, en vertu de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, d'un droit de propriété incorporelle exclusif sur leur œ uvre qui leur confère celui de doner ou refuser leur consentement à l'exploitation de celles-ci ainsi que de fixer les conditions auxquelles se trouvent subordonnées leur consentement, notamment la rémunération qui en constitue la contrepartie.
Les compositeurs, membres de la SACEM, ont apporté à cette dernière leurs droits du seul fait de leur adhésion, notamment en ce que ceux-ci portent sur la reproduction mécanique de leurs œ uvres.
La SACEM est par ailleurs membre associé de la SDRM et lui a délégué la gestion de ses prérogatives inhérente au droit de reproduction mécanique de l'ensemble des œ uvres de son répertoire.
La SDRM a donc seule qualité pour autoriser ou interdire cette reproduction mécanique et pour engager des poursuites aux fins d'obtenir des dommages et intérêts en cas d'utilisation non autorisée.
La SACEM est investie des mêmes prérogatives sur l'exécution et la reproduction publique des œ uvres concernées.
Sur le fond, la SACEM et la SDRM, soutiennent que le délit de contrefaçon reproché M. X... est parfaitement constitué.
En effet, les opérations de téléchargement incriminées ont constitué à la fois un acte de reproduction, chaque fichier d'une œ uvre numérisée étant copié pour être stockée sur le disque dur de l'ordinateur de l'internaute qui le réceptionne, et un acte de représentation, consistant en la communication de l'œ uvre au public sur le réseau Internet par télédiffusion au sens de l'article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle.
Les parties civiles citent de la jurisprudence à l'appui de cette argumentation.
Elles ajoutent que l'acte de contrefaçon n'exige pas qu'il ait donné lieu à rémunération pour être constitué.
Elles soutiennent par ailleurs que l'exception de copie privée ne peut être retenue en l'espèce.
Elles relèvent à cet égard que les 614 albums musicaux visés par la poursuite constituent l'addition de ceux qui ont été dupliqués sur des disques compacts (CD) saisis par les gendarmes (174 CD correspondant à 12 albums) pour lesquels elle ne formule aucune demande, et des 10 000 fichiers découverts sur le disque dur de l'ordinateur de M. X..., téléchargés par ce dernier et correspondant à 493 albums dont la liste a été dressée par les enquêteurs.
Les demandes de la SACEM et de la SDRM visent les fichiers téléchargés.
Selon elles, le téléchargement ne peut bénéficier de l'exception de copie privées puisque que le prévenu a installé sur son ordinateur des œ uvres dont il ne disposait pas des droits d'auteur et que, l'opération qu'il a réalisée supposant nécessairement la mise à disposition des fichiers aux autres utilisateurs du logiciel DC + +, il a maintenu une offre permanente à destination du public.
Les parties civiles ajoutent qu'en la matière, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, la seule matérialité des actes implique qu'il a été accompli sciemment et que l'élément intentionnel est dès lors constitué.
Elles affirment par ailleurs que le préjudice subi en conséquence du développement de la pratique du peer-to-peer est considérable pour les auteurs, notamment dans le cas d'espèce, compte tenu de la quantité très importantes de fichiers mis à disposition des membres du réseau.
Elles considèrent que la fixation à un euro par œ uvre à répartir à égalité entre la SACEM et la SDRM est une estimation minimale des préjudices subis.
Le ministère public requiert de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris.
Il soutient que le parquet a entendu poursuivre dans cette affaire, à la fois l'atteinte aux droits des auteurs et à ceux des producteurs et considère le délit établi.

M. Alain X... demande à la cour, par conclusions déposées par ses conseils, d'infirmer le jugement entrepris en le relaxant des fins de la poursuite du chef de contrefaçon.

Il demande subsidiairement à la cour de " faire l'application la plus douce de la loi pénale " et de " prononcer la non-inscription sur son casier judiciaire de toute condamnation pénale à intervenir ".
Il demande en outre à la cour de débouter les parties civiles si elle les estimait recevables.
Il soutient qu'il n'existe pas de délit de " téléchargement " et qu'il ressort des dispositions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle qu'il est licite de copier ou reproduire des œ uvres pour un usage strictement réservé à l'usage privé du copiste et non destiné à une utilisation collective.
Il cite de la jurisprudence dont il pourrait, selon lui, être déduit que l'utilisation de logiciels peer-to-peer afin de reproduire sans l'autorisation de l'ayant droit d'un fichier protégé est licite car couverte par l'exception de copie privée instaurée par l'article L. 122-5 précité.
Il ajoute que la rémunération reversée aux auteurs et producteurs au titre de la taxe sur la copie privée qui est prélevée sur les supports vierges a représenté la somme de 154 millions d'euros en 2006, soit 30 % de leur budget annuel, ce qui constitue une licence d'exploitation légale.
À l'appui de son argumentation, il cite des décisions de relaxe intervenues, selon lui, dans des affaires similaires de peer-to-peer.
Par ailleurs, selon lui, la notion de " source illicite " qui n'est pas prévue par la loi, ne peut s'appliquer car c'est uniquement la nature de l'usage qui détermine l'application de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, lequel ne mentionne nullement la source comme condition de son application, étant rappelé que la loi pénale est d'interprétation stricte.
Selon M. X..., la cour devra en conséquence constater que les copies des phonogrammes qu'il a réalisées ne l'ont été qu'à usage privé et que le délit qui lui est reproché n'est donc pas constitué.
Il soutient subsidiairement qu'il ne lui est pas reproché de mise à disposition des œ uvres copiées car, aux termes de la prévention, il comparaît pour avoir " gravé et téléchargé en entier ou en partie 614 albums de musique sans respecter les droits d'auteurs ".
Cette prévention ne vise donc, selon lui, que la copie des œ uvres concernées, la mise à disposition ayant été automatique. Il cite, l'estimant transposable en la matière, une jurisprudence de la Cour de cassation qui a jugé que la consultation d'image à caractère pédophile n'impliquait pas que le délit de détention de ce type d'image soit constitué du simple fait qu'il en ait été trouvé trace dans la mémoire temporaire de l'ordinateur utilisé. Il cite également une jurisprudence du tribunal correctionnel de Paris qui a relaxé un prévenu dans une affaire de téléchargement de fichiers musicaux en estimant non constituée l'intention coupable.
M. X... fait également valoir qu'il a été victime de la mauvaise information diffusée par la presse sur la question, qu'il n'a jamais été condamné et que la publication ordonnée par les premiers juges ne pourra qu'avoir des conséquences disproportionnées pour lui, l'affaire ayant déjà été au demeurant largement médiatisée.
Le prévenu, qui est enseignant, demande en outre à la cour d'ordonner que l'éventuelle condamnation à intervenir ne soit pas inscrite sur le bulletin no2 de son casier judiciaire.
Sur les intérêts civils, M. X... fait valoir que les parties civiles doivent démontrer que le préjudice dont elles se prévalent constitue la conséquence directe de l'infraction poursuivie.
S'agissant de la demande de la SACEM, il soutient que les enquêteurs ont découvert la présence de 6 241 fichiers stockés sur son ordinateur et que cette société ne rapporte la preuve que de la présence de 81 œ uvres identifiées avec certitude comme appartenant à son catalogue.
S'agissant de la demande de la SDRM, il affirme qu'elle ne repose sur aucun fondement, cette société affirmant elle-même qu'elle " est dans l'incapacité de mesurer l'ampleur réelle du dommage occasionné par l'activité du prévenu ".

Il affirme par ailleurs que la SCPP et la SPPF ne démontre en rien que les faits qui lui sont reprochés leur ait causé un quelconque préjudice, les affirmations des parties civiles ne reposant sur aucun élément certain et se fondant sur des considérations générales sur " le piratage à grande échelle ".

Il ajoute que l'évaluation de un euro par titre sur laquelle les parties civiles fondent leurs demandes n'est assortie d'aucune explication pertinente et constituent en réalité des dommages et intérêts " punitifs ".
Il remarque enfin que les perceptions de droits ont fortement progressé entre 2001 et 2005 pour la SCPP, la SACEM et la SDRM et que la baisse enregistrée par la SPPF en 2004 et 2005 n'est aucunement imputable à la pratique du peer-to-peer.
Il relève que les demandes supplémentaires présentées à la cour ne sont pas recevables et que le montant de celles formées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne sont pas justifiées, voire indécentes.
M. X... fait valoir en outre que ses ressources sont très limitées au regard du montant des demandes formées par les parties civiles.

MOTIFS DE LA COUR

Sur l'action publique

Sur la qualification de l'infraction et la nature des faits dont est saisie la cour.
Qualification de l'infraction.
Selon la SCPP la prévention couvrirait à la fois l'atteinte portée aux droits d'auteurs des œ uvres concernées et celle portée aux droits des producteurs par les faits reprochés à M. X..., ce que ce dernier conteste.
La cour note que ces infractions sont distinctes dans leurs éléments constitutifs notamment par la qualité des victimes dont ces textes assurent la protection.
La cour relève liminairement que les arguments soulevés par la SCPP selon lesquels le prévenu a soulevé tardivement une nullité qui serait tirée de la rédaction de la prévention est dépourvue de fondement.
En effet, le prévenu n'a invoqué dans ses écritures aucune nullité, mais s'est prévalu du libellé de la prévention pour soutenir que les faits poursuivis ne concernaient pas les producteurs des œ uvres, mais uniquement leurs auteurs.
La cour constate qu'aux termes de la prévention reproduite ci-dessus, il est reproché à M. Alain X... d'avoir " d'août 2003 à août 2004 et depuis temps n'emportant pas prescription, gravé et téléchargé en entier ou partie,614 albums de musique sans respecter les droits d'auteur et notamment la SACEM, la SCPP, et la ASPPF, commettant ainsi des contrefaçons. "
Il ressort de ce libellé que le ministère public n'a mentionné comme faits poursuivis que ceux ayant porté atteinte aux droits d'auteurs.
La cour considère à cet égard que le fait que des sociétés de producteurs soient mentionnées comme victimes par la prévention n'est pas de nature à élargir la saisine de la juridiction de jugement à une autre qualification pénale que celle donnée explicitement par le ministère public à la poursuite qu'il a diligentée contre le prévenu.
La cour relève en outre que l'acte de saisine vise les articles L. 335-2 et L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoient et répriment la contrefaçon en violation des droits d'auteurs et ne vise pas l'article L. 335-4 du même code qui prévoit et réprime l'atteinte aux droits de l'artiste-interprète, du producteurs de phonogrammes et de l'entreprise de communication audiovisuelle.
Nature des faits
La cour considère qu'en utilisant les termes " gravé et téléchargé ", le ministère public a entendu poursuivre tant la reproduction d'œ uvres en violation des droits de leurs auteurs que leur diffusion illicite sur le réseau internet.
En effet, la définition du terme " télécharger ", telle que publiée au Bulletin officiel No34 du 19 septembre 2002 du Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche est la suivante :
« téléchargement, n. m. Domaine : Télécommunications / Internet. Définition : Transfert de programmes ou de données d'un ordinateur vers un autre. Note : Pour un internaute, le téléchargement est le plus souvent un transfert vers son propre ordinateur à partir d'un serveur, mais il peut avoir lieu dans l'autre sens.

Équivalent étranger : downloading (téléchargement à partir d'un autre ordinateur), uploading (téléchargement vers un autre ordinateur). »
Il se déduit de ce qui précède que la poursuite diligentée contre M. Alain X..., en ce qu'elle vise le téléchargement d'oeuvres, ne se limite pas contrairement à ce qu'il fait plaider, à la reproduction d'œ uvres diffusées sur le réseau internet, mais également à leur diffusion et donc à la pratique du peer-to-peer.
Sur la constitution du délit.
Il est établi par le dossier et les débats que les œ uvres reproduites et diffusées par M. X..., qui ne conteste pas la matérialité des faits, l'ont été à partir de sources non autorisées par leurs auteurs respectifs et sans qu'aucun droit ne soit versé à ces derniers. Dès lors, l'exception de copie privée tiré de l'article L. 122-5 (2o) ne peut être valablement invoquée par le prévenu. La cour considère par ailleurs que la seule matérialité des actes reprochés à M. X..., qui n'a d'ailleurs pas nié avoir eu conscience de transgresser une interdiction, implique qu'ils ont été accomplis sciemment.

La cour confirmera en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Alain X... coupable de contrefaçon par reproduction et diffusion d'œ uvres de l'esprit en violation des droits de leurs auteurs, délit prévu et réprimé par les articles L. 335-2 alinéa 1o et L. 335-3, L 335-5, L. 335-6, L. 335-7 du Code de la propriété intellectuelle.
Sur les peines
La cour tiendra compte des circonstances, notamment de ce qu'à l'époque des faits le public sous estimait le risque pénal, largement médiatisé depuis, de ce type de pratique.
Elle tiendra également compte de la personnalité du prévenu, honnête enseignant qui n'avait jamais attiré défavorablement l'attention sur lui, ainsi que des ressources financières limitées de l'intéressé.
Elle condamnera en conséquence, à titre d'avertissement, M. Alain X... à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis.
La cour considère inutile d'ordonner la publication de sa décision, l'affaire ayant au demeurant fait l'objet d'une forte exposition médiatique lors de son évocation par le tribunal correctionnel de Pontoise.
La cour ordonnera par ailleurs la confiscation des objets placés sous scellés au cours de l'enquête.
Sur la demande d'exclusion de la condamnation prononcée du bulletin no2 du casier judiciaire du prévenu.
Cette requête formée à l'audience n'est accompagnée d'aucun justificatif et sera en conséquence rejetée.
Sur l'action civile
Sur la recevabilité des constitutions de partie civile des sociétés de production.
La cour a constaté plus haut que la qualification dont elle est saisie est celle de contrefaçon par reproduction et diffusion d'œ uvres de l'esprit en violation des droits de leurs auteurs, délit défini par les articles L. 335-2 alinéa 1o et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle et non par celle d'atteinte aux droits des producteurs, infraction définie par l'article L. 335-4 du même code. Elle en déduit que les sociétés de producteurs ne se prévalent pas d'un dommage subi en conséquence directe de l'infraction reprochée au prévenu. La cour déclarera en conséquence irrecevables les constitutions de partie civile de la SCPP et de la SPPF. La cour remarque qu'il aurait été possible aux société de producteurs, se fondant sur la procédure établie dans cette affaire par la gendarmerie, dont elles avaient connaissance, de faire délivrer à M. X... une citation directe spécifique visant la qualification appropriée, plutôt que d'agir par voie d'intervention dans le cadre de la procédure initiée par le parquet.

Sur la recevabilité des constitutions de partie civile de la SACEM et de la SDRM.
La cour considère qu'il ressort des dispositions de l'article 1849 du Code civil et des dispositions des statuts de la SACEM et de la SDRM citées dans les écritures des parties civiles et versées aux débats, d'une part que ces sociétés ont la capacité d'ester en justice pour la défense des intérêts dont elles ont statutairement la charge et, d'autre part, que leurs gérants respectifs sont mandatés pour agir en justice en leur nom et donc à intervenir comme partie civile dans le cadre de la présente instance sans qu'il soit besoin d'un pouvoir spécifique délivré à cette fin par le conseil d'administration.
La cour considère par ailleurs que, les faits visés par la prévention consistant à avoir reproduit et diffusé dans un large public des œ uvres en violation des droits de leurs auteurs, la SACEM et la SDRM peuvent se prévaloir, au regard de leur objet social, d'un dommage directement causé par l'infraction poursuivie.
Sur les préjudices.
La cour estime, au vu des éléments dont elle dispose, que l'évaluation par les premiers juges des préjudices causés à la SACEM et la SDRM par M. X..., soit la somme de 3 000 € pour chacune d'entre elle, est justifiée. Elle confirmera sur ce point la décision entreprise.
Sur les demandes formées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
La cour estime équitable de condamner M. Alain X... à verser à la SACEM et à la SDRM la somme de 500 € chacune au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour l'ensemble des procédures suivies en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu et des parties civiles,

EN LA FORME :
DÉCLARE recevables les appels de M. Alain X..., du ministère public, de la SACEM, de la SDRM et de la SCPP,
AU FOND :
Sur l'action publique,
Confirmant le jugement du tribunal correctionnel de Pontoise du 2 février 2005,
DÉCLARE M. Alain X... coupable de contrefaçon par reproduction et diffusion d'œ uvres de l'esprit en violation des droits de leurs auteurs, délit prévu et réprimé par les articles L. 335-2 alinéa 1o et L. 335-3, L 335-5, L. 335-6, L. 335-7 du Code de la propriété intellectuelle,
Modifiant le jugement entrepris,
CONDAMNE M. Alain X... à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis
Dit que l'avertissement de l'article 132-29 du Code Pénal a été donné à M. Alain X..., REJETTE la demande de M. Alain X... tendant à la dispense de l'inscription de la présente condamnation au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire,

ORDONNE la confiscation des objets placés sous scellés au cours de l'enquête
Sur l'action civile,
Infirmant le jugement entrepris,
DÉCLARE irrecevables les constitutions de partie civile de la SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP) et de la SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE (SPPF),
Confirmant le jugement entrepris,
DÉCLARE recevables les constitutions de partie civile de la SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (SACEM) et la SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MÉCANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS (SDRM),
CONDAMNE M. Alain X... à verser à la SACEM la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE M. Alain X... à verser à la SDRM la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, M. Alain X... à verser à la SACEM et à la SDRM la somme de CINQ CENTS EUROS (500 €) chacune pour l'ensemble des frais non répétibles engagés par ces parties civiles en première instance et en cause d'appel.
Et ont signé le présent arrêt, Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et Mademoiselle Agnès CHRISTIAN, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 120,00 €


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0016
Numéro d'arrêt : 05/00568
Date de la décision : 16/03/2007

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Contrefaçon - Définition - Reproduction d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur - Caractérisation - / JDF

Dès lors que le ministère public ne retient explicitement comme fait poursuivi que la contrefaçon d'oeuvres musicales au mépris des droits de leurs auteurs, les producteurs de phonogrammes, titulaires de droits voisins, ne sont pas fondés à soutenir que la prévention couvrirait l'atteinte portée à ces derniers malgré la circonstance qu'ils y soient mentionnés comme victimes. Le téléchargement se définissant le plus souvent comme un transfert de programmes ou de données d'un serveur vers l'ordinateur de l'internaute, mais pouvant consister aussi en un transfert inverse ou en un transfert vers d'autres ordinateurs, il s'en déduit que la poursuite par le ministère public, d'une personne qui a gravé et téléchargé 614 albums de musique et divers films au mépris des droits de leurs auteurs, ne se limite pas seulement à la reproduction des oeuvres mais s'étend à leur diffusion et donc la pratique dite du peer-to-peer. Si, en application de l'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle, lorsque l'oeuvre est divulguée l'auteur ne peut en interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste, ne peut valablement se prévaloir de cette disposition le prévenu de délit de contrefaçon de compositions musicales dont la reproduction et la diffusion proviennent de sources non autorisées par leurs auteurs et sans que leurs droits ne leur soient versés


Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Pontoise, 02 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-03-16;05.00568 ?
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