COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70E
1ère chambre 2ème section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 30 JANVIER 2007
R.G. No 05 / 07732
AFFAIRE :
Eliséo X...
...
C /
Lucien Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 20 Septembre 2005 par le Tribunal d'Instance de PONTOISE
No Chambre :
No Section :
No RG : 1044 / 02
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Eliséo X...
né le 16 Décembre 1954 à MERES
...
95340 PERSAN
représenté par Me Claire RICARD-N du dossier 250680
assisté de Me Michel TORRE (avocat au barreau de PONTOISE)
Mademoiselle Martine A...
B...
née le 05 Février 1956 à CLERMONT FERRAND (63000)
...
95340 PERSAN
représentée par Me Claire RICARD-N du dossier 250680
assisté de Me Michel TORRE (avocat au barreau de PONTOISE)
APPELANTS
****************
Monsieur Lucien Y...
né le 27 Septembre 1927 à AUBUSSON (61100)
...
95340 PERSAN
représenté par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER-N du dossier 20051418
assisté de Me Marc FLACELIERE (avocat au barreau de PONTOISE)
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller chargé du rapport, assisté de Madame Annie DABOSVILLE
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Charles LONNE, président,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,
Mme Annie DABOSVILLE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCEDURE,
Par assignation en date du 18 septembre 2002, Monsieur Y..., demeurant... a fait citer devant le Tribunal d'instance de PONTOISE ses voisins, Eliseo X... et Martine A...
B..., demeurant..., afin de les voir condamner :
* à faire procéder à l'élagage et à l'étêtage de l'ensemble des haies bordant dans leur jardin le mur séparatif des propriétés,
* à faire procéder à l'enlèvement des thuyas plantés à une distance de moins de un mètre de la limite séparative et d'une hauteur de plus de 7 mètres,
et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
* à maintenir en l'état les arbres et les branches après étêtage et élagage, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de tout constat par PV d'huissier qui établirait les manquements à cette prescription,
* à payer la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement avant dire droit du 9 septembre 2003, le Tribunal de PONTOISE a ordonné une expertise dont le rapport a été rendu le 2 avril 2004.
Le Tribunal par un jugement du 20 septembre 2005 a :
# ordonné à Eliseo X... et Martine A...
B... de faire procéder à l'élagage des thuyas se trouvant le long de la limite séparative dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte définitive de 50 € par jour de retard, conformément aux dispositions des articles 671 et 672 du Code civil,
# ordonné à Eliseo X... et Martine A...
B..., en ce qui concerne les arbres, arbustes et arbrisseaux bordant le mur séparatif, de procéder à une taille annuelle à 10 ou à 20 cms à l'intérieur de leur propriété afin de maintenir le débordement des branches,
# a débouté Monsieur Y... de ses demandes plus amples ou contraires,
# condamné Eliseo X... et Martine A...
B... aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise.
Eliseo X... et Martine A...
B... ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 8 mars 2006, ils réclament l'infirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur Y... de ses demandes plus amples ou contraires, et la condamnation de ce dernier au versement de la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leur appel, Eliseo X... et Martine A...
B... font valoir :
-que la prescription trentenaire est acquise,
-que la règle de l'article 671 du Code civil s'efface devant un usage et qu'il existe un usage parisien qui autorise la plantation en limite séparative,
-que l'élagage n'est pas en l'espèce nécessaire.
En réponse Monsieur Y..., dans des dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2006, demande à la Cour de dire les appelants irrecevables et mal fondés, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du premier juge, et de condamner in solidum Eliseo X... et Martine A...
B... au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il soutient essentiellement :
-que les appelants n'apportent pas la preuve de la prescription,
-que l'usage parisien invoqué n'est pas applicable à la commune de Persan, située à près de 40 kms de Paris,
-subsidiairement que cet usage ne serait applicable que s'il ne cause pas de trouble de voisinage anormal, alors qu'en l'espèce la hauteur actuelle des thuyas projette une ombre conséquente sur sa maison et son jardin, lui causant un trouble certain et manifestement excessif,
-qu'un acte d'huissier du 19 août 2005 constate que les arbres et arbustes en bordure du mur de séparation débordent sur sa propriété.
MOTIFS DE LA DECISION
Les conclusions de l'expert commis sont les suivantes :
* la gêne évoquée par Monsieur Y... est une perte d'ensoleillement,
* les arbustes présents ne sont source d'aucune gêne à l'exception des thuyas qui n'ombragent pas la maison mais le jardin,
* seuls les thuyas ont un effet sur l'ombre portée sur le jardin Y... ; cet effet est plus fort en hiver qu'en été, mais reste toujours modéré notamment parce qu'en été cette ombre se confond en partie avec l'ombre portée par le feuillage d'une haie haute de bouleaux plantés sur un terrain communal au sud du fond X... ; il s'agit donc d'un effet complémentaire qui n'est imputable qu'à la partie haute des thuyas.
* l'effet d'ombre portée des thuyas disparaît s'ils sont taillés entre 3m50 et 4 mètres de hauteur, soit à 20 cms au dessus des anciennes coupes de réduction de hauteur. Cette coupe en hauteur pourrait être entretenue annuellement.
* les débordements de branches sur le fonds Y... peuvent facilement être contrôlés par une taille annuelle réalisée dans un plan vertical à 10 ou 20 cms à l'intérieur de la propriété X... ; ces débordements sont très restreints depuis 2000 où les tailles latérales ont été réalisées.
Considérant que Eliseo X... et Martine A...
B... invoquent, en ce qui concerne les thuyas, la prescription trentenaire qui serait établie, selon eux, par les constatations de l'expert judiciaire et par les constatations d'un expert forestier agréé missionné par eux.
Considérant que l'expert judiciaire indique dans le corps de son rapport :
" A la date de la présente expertise ces arbres pourraient être âgés d'une trentaine d'années au moins, mais la conformation des troncs ne permet pas une datation précise par carottage à la tarière de Presler, notamment à 2 m de hauteur, où il conviendrait de décompter les cernes pour savoir quand ces arbres ont dépassé cette hauteur (seule une investigation par coupe transversale du tronc ou par carottage après ébranchage d'un arbre vivant permettrait d'être affirmatif) " ;
Considérant que Eliseo X... et Martine A...
B... produisent un rapport d'expertise privée de Monsieur Hugues de D..., expert forestier agréé, en date du 3 juillet 2000 qui indique :
nombre d'arbres : 6,
Hauteur moyenne : 6 à 7 mètres,
Age : plusieurs sondages sont nécessaires et ils ont été effectués ce jour
-à 50 cms du sol, probablement 36 ans,
-à 2 m du sol, entre 30 et 33 ans : il est difficile d'apprécier à 1 an près mais très certainement plus de 30 ans,
Ces arbres ne semblent pas avoir été élagués à 2 mètres mais il y a environ 15 ans à une hauteur variable de 3 à 4 mètres.
Note : si ces arbres étaient élagués à 2 m, il ne resterait plus que des troncs sans aspect paysager.
L'état sanitaire est très moyen pour les 6 arbres : 1 mort,2 avec des branches sèches.
Considérant que le point de départ de la prescription trentenaire, en application de l'article 671 du Code civil, est la date à laquelle les arbres ont dépassé la hauteur maximale autorisée, qu'il appartient à Eliseo X... et Martine A...
B..., qui invoquent la prescription, d'apporter la preuve que celle-ci est acquise ;
Considérant que l'expertise judiciaire est beaucoup moins affirmative que l'expertise privée, que cette expertise non contradictoire ne saurait prévaloir sur l'expertise judiciaire contradictoire, que les éléments du dossier ne permettent donc pas de tenir pour certain que les arbres ont dépassé la hauteur de 2 mètres depuis plus de trente ans, que Eliseo X... et Martine A...
B... n'apportent pas d'autres éléments supplémentaires, qu'il faut rejeter la prescription invoquée ;
Considérant que Eliseo X... et Martine A...
B... soutiennent l'existence d'un usage en région parisienne, que là encore il leur appartient de prouver l'existence et l'étendue de cet usage, qu'ils n'apportent aucun élément de preuve, que l'usage prétendu ne peut être retenu ;
Considérant que l'expert judiciaire a expressément indiqué dans ses conclusions que les débordement de branches sur le fonds Y... pouvaient être contrôlés facilement par une taille annuelle, qu'il précise dans le corps de son rapport que les branches latérales dépassant sur le fonds Y... ont été taillés en 2000 et ont faiblement repoussé depuis cette date (les déports de branches à la date de l'expertise sont compris entre 10 et 30 cms), que Monsieur Y... produit un constat d'huissier du 19 août 2005 qui confirme les constatations de l'expert ;
Considérant en conséquence qu'il faut confirmer le jugement entrepris sauf à dire que Eliseo X... et Martine A...
B... devront procéder à l'élagage des thuyas dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard ;
Considérant qu'il faut rejeter la demande des appelants pour procédure abusive
Considérant qu'il est équitable de condamner en cause d'appel Eliseo X... et Martine A...
B... à payer à Monsieur Y... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal d'instance de PONTOISE du 20 septembre 2005 sauf quant à l'astreinte prononcée,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que Eliseo X... et Martine A...
B... devront procéder à l'élagage des thuyas dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Eliseo X... et Martine A...
B... à payer à Monsieur Y... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne in solidum Eliseo X... et Martine A...
B... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL-FERTIER, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Monsieur Charles LONNE, président et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,