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25/01/2007 | FRANCE | N°06/00425

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0017, 25 janvier 2007, 06/00425


12ème chambre section 1

SM
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2007
R.G. No 06/00425
AFFAIRE :
S.A.S. EDITIONSTECHNIQUES POURL'AUTOMOBILE ETL'INDUSTRIE (E.T.A.I.)

C/
S.A. SCHIBSTEDCLASSIFIEDS FRANCE,venant aux droits deTRADER CLASSIFIEDMEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Novembre 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRENo chambre : 3No RG : 2004F895

Expéditions exécutoiresExpéditionsCopiesdélivrées le : à : SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et BOCCON-GIBODSCP JUPIN et ALGRINREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE

FRANCAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEPT,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'a...

12ème chambre section 1

SM
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2007
R.G. No 06/00425
AFFAIRE :
S.A.S. EDITIONSTECHNIQUES POURL'AUTOMOBILE ETL'INDUSTRIE (E.T.A.I.)

C/
S.A. SCHIBSTEDCLASSIFIEDS FRANCE,venant aux droits deTRADER CLASSIFIEDMEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Novembre 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRENo chambre : 3No RG : 2004F895

Expéditions exécutoiresExpéditionsCopiesdélivrées le : à : SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et BOCCON-GIBODSCP JUPIN et ALGRINREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEPT,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. EDITIONS TECHNIQUES POUR L'AUTOMOBILE ET L'INDUSTRIE (E.T.A.I.),dont le siège est : 20 rue de la Saussière - 92100 BOULOGNE BILLANCOURT, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 06/02012 (Fond)
Concluant par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et BOCCON-GIBOD, avoués - N du dossier 0642235Plaidant par Me Christophe PECNARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE****************

S.A. SCHIBSTED CLASSIFIEDS FRANCE, venant aux droits de TRADER CLASSIFIED MEDIA,dont le siège est : 100/102 avenue Charles de Gaulle - 92250 LA GARENNE COLOMBES, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 06/02012 (Fond)
Concluant par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués - N du dossier 0022110Plaidant par Me Jacques COHEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Décembre 2006 devant la cour composée de :
Madame Sylvie MANDEL, président,Monsieur André CHAPELLE, conseiller,Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLELa société EDITIONS TECHNIQUES POUR L'AUTOMOBILE ET L'INDUSTRIE (ci-après ETAI) spécialiste de la presse professionnelle automobile, publie plusieurs journaux dans ce domaine et assure la régie publicitaire tant pour son compte que pour celui d'autres supports.

De son côté, TRADER édite, diffuse et commercialise des publications de toute nature dont notamment l'hebdomadaire "la centrale des particuliers".
C'est dans ce contexte que ETAI et TRADER sont entrées en relation et que par contrat du 26 juin 1990, ETAI s'est vue confier la régie exclusive de la publicité commerciale à insérer dans les hebdomadaires "la centrale des particuliers" et "jeunes occasions" pour une période de 21 mois renouvelable par tacite reconduction pour une durée de deux ans.
Plusieurs contrats successifs ont été conclus entre les parties, le dernier contrat ayant été conclu le 11 décembre 2001 à effet du 1er janvier 2002 pour une durée de 2 ans qui devait se terminer le 31 décembre 2003, étant précisé que le contrat ne portait que sur la publicité à insérer dans l'hebdomadaire "la centrale" et qu'il était renouvelable par tacite reconduction par périodes successives d'une année, sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception adressée au moins six mois avant l'expiration de la période en cours.
Par lettre RAR en date du 25 juin 2003, TRADER a fait savoir à ETAI qu'elle entendait exercer à titre conservatoire sa faculté de résiliation du contrat au 31 décembre 2003.
Bien que ETAI ait manifesté par lettre en date du 9 juillet 2003 son désir de poursuivre les relations contractuelles, TRADER lui a confirmé les 8 et 11 décembre 2003 sa volonté de mettre fin au contrat le 31 décembre 2003.
ETAI a, par lettre du 19 décembre 2003, émis des protestations sur les conditions de la rupture et sollicité une indemnité de "création de clientèle" de 1 350 000 euros et d'une indemnité de 250 000 euros en réparation du préjudice par elle subi du fait de l'annonce tardive de la rupture.
TRADER s'étant opposée au versement des sommes réclamées, ETAI l'a, par exploit en date du 3 février 2004, assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement des sommes susvisées outre une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
En défense, TRADER a conclu au rejet des demandes de ETAI et reconventionnellement a sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du non-respect par ETAI de ses obligations contractuelles, de la somme de 123 710 euros représentant le manque à gagner subi en 2004 sur ses quatre principaux annonceurs Direct Assurances, Peugeot, Renault et Eurofil. Elle réclamait par ailleurs la restitution de la somme de 343 548,05 euros correspondant pour 113 776,24 euros à des factures clients 2003 indûment déduites et pour 34 132,88 euros aux commissions liées à cette somme et pour 195 638,88 euros à des avances sur commissions indues pour l'année 2004. Enfin, elle sollicitait le versement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
En réplique, ETAI concluait au rejet des demandes reconventionnelles.
Par jugement en date du 18 novembre 2005 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties le tribunal a dit que le contrat liant les parties était un contrat de mandat d'intérêt commun, a condamné TRADER à payer à ETAI une somme de 200 000 euros à titre d'indemnité de rupture en prenant en considération que les relations commerciales entre les parties s'étaient étalées sur plus de dix ans, que la rupture s'était effectuée avec le préavis prévu au contrat et que la commission annuelle touchée par ETAI était d'environ 400 000 euros en 2003. Le tribunal a débouté ETAI de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour désorganisation de son entreprise, estimant que ETAI ne rapportait pas la preuve que TRADER ait eu à son égard un comportement fautif.
Sur les demandes reconventionnelles de TRADER, le tribunal l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, estimant qu'elle ne démontrait pas que ETAI l'ait dénigrée et que par ailleurs la baisse des tarifs était inéluctable et ne présentait pas un caractère disproportionné.
En revanche, le tribunal a condamné ETAI à payer à TRADER la somme de 61 855 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner, la somme de 16 978,79 euros pour commissions injustifiées et avant dire droit sur les commissions revenant à ETAI pour l'année 2004 le tribunal a ordonné une expertise qu'il a confié à Monsieur C....
Le tribunal a débouté chacune des parties de leur demande au titre de l'article 700 du NCPC.

Appelante, ETAI demande à la cour dans le dernier état de ses écritures de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les relations contractuelles entre les parties devaient être qualifiées de mandat d'intérêt commun, dit qu'elle n'avait commis aucun acte de dénigrement et débouté TRADER de sa demande en paiement de dommages et intérêts. Pour le surplus elle poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 61 855 euros et 16 978,79 euros et elle sollicite le paiement d'une somme de 1 148 475 euros à titre d'indemnité de rupture. S'agissant de la demande relative au chiffre d'affaires 2004, elle relève qu'une expertise est en cours. Enfin, elle réclame le paiement d'une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

S'agissant de la qualification du contrat, ETAI fait valoir que les contrats répondent à la définition du mandat au sens de l'article 1984 du code civil et ajoute qu'une instruction fiscale du 8 mars 1983 vient conforter cette analyse. Elle souligne qu'elle n'agissait pas en tant que commissionnaire au sens des usages et de la réglementation applicable en matière de régie publicitaire mais en tant que mandataire et qu'ayant un intérêt commun à l'essor de la clientèle, le contrat de mandat peut être qualifié de mandat d'intérêt commun.
Sur le montant de l'indemnité de rupture, elle expose qu'il est d'usage en matière d'intérêt commun d'en chiffrer le montant à la valeur de deux années de commissions.
Sur les dommages et intérêts alloués par le tribunal à TRADER, elle fait valoir que celui-ci ne pouvait sans se contredire, tout à la fois considérer que le chiffre d'affaires réalisé en 2004 était incertain et se fonder sur des chiffres communiqués par TRADER s'agissant de la même année 2004 pour retenir que cette dernière avait souffert d'un manque à gagner. En toute hypothèse, ETAI considère que le fait de s'être abstenue de solliciter l'accord de TRADER pour effectuer une baisse des tarifs ne constitue pas une faute contractuelle d'une gravité telle qu'elle justifie le versement de 61 855 euros de dommages et intérêts. En ce qui concerne l'arrêté de comptes pour 2003, elle soutient qu'elle était en droit de déduire la somme de 16 978,79 euros dès lors que cette déduction correspond aux clients institutionnels et historiques pour lesquels elle avait une exclusivité et que TRADER a démarché directement.
Enfin, pour le chiffre d'affaires 2004, ETAI expose qu'il convient d'attendre les résultats de l'expertise ordonnée par les premiers juges.

TRADER qui a également interjeté appel du jugement en poursuit la réformation en ce qu'il a qualifié le contrat de mandat d'intérêt commun et conclut en conséquence à ce que ETAI soit déboutée de ses demandes au titre de la rupture du contrat. Par ailleurs, TRADER sollicite la condamnation de ETAI à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du non respect par ETAI de ses obligations contractuelles, la somme de 123 710 euros représentant le manque à gagner subi en 2004 sur ces quatre clients annonceurs Direct Assurances, Peugeot, Renault et Eurofil. TRADER réclame par ailleurs la condamnation en l'état de ETAI à lui restituer la somme de 343 548,05 euros pour l'année 2004 outre une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

Au soutien de son appel, TRADER fait valoir que le contrat s'analyse comme un contrat de commission et que toute demande d'indemnisation du préjudice liée à la perte des commissions se trouve exclue dès lors que ETAI qui a agi en son nom propre, conserve sa clientèle et peut orienter ses prospects sur l'achat d'espaces publicitaires dans les revues qu'elle édite elle-même. Subsidiairement, elle estime que quand bien même le contrat serait qualifié de mandat d'intérêt commun, aucune indemnité ne peut être allouée à ETAI dès lors que le contrat n'a pas été résilié mais simplement non renouvelé.
En ce qui concerne sa demande en paiement de dommages et intérêts, elle soutient que ETAI a manqué à ses obligations contractuelles en accordant unilatéralement aux annonceurs des tarifs sans commune mesure avec ceux définis avec TRADER et en la dénigrant auprès des principaux annonceurs-clients.
Enfin, TRADER soutient que ETAI s'est indûment octroyée des sommes au titre de commissions inexistantes.
Par ordonnance en date du 29 mars 2006, les deux procédures ont été jointes.
Le 14 novembre 2006, la société SCHIBSTED CLASSIFIEDS FRANCE venant aux droits de la société TRADER a signifié des conclusions d'incident afin qu'il soit sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert.
ETAI a conclu au rejet de cette demande.
L'incident a été joint au fond.
SUR CE, LA COUR,
I. Sur la demande de sursis à statuer :
Considérant que la question de la qualification du contrat et de l'indemnité de rupture réclamée par ETAI étant indépendante de la demande relative aux comptes pour l'année 2004 sur lesquels portent l'expertise, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur ces deux premiers chefs ;
II. Sur la qualification du contrat :
Considérant qu'il résulte du contrat signé entre les parties le 11 décembre 2001 et des pièces versées au débat que ETAI avait seule qualité pour prospecter la clientèle, recueillir ses ordres, facturer les insertions et encaisser les montants correspondant à ces insertions ; que ETAI était ducroire sur tous les ordres de publicité apportés par ses soins dans le cadre du contrat et parus dans le support sauf dans l'hypothèse où le défaut de paiement de l'annonceur ou de l'intermédiaire serait imputable à l'éditeur (TRADER) ; qu'en sa qualité de ducroire le régisseur avait le droit de refuser toute affaire dont la solvabilité ne lui paraîtrait pas établie ; que ETAI facturait sous son nom propre et que dans les rapports avec la clientèle des annonceurs publicitaires, elle était substituée à TRADER ;
Mais considérant par ailleurs que ETAI n'achetait pas à forfait les espaces publicitaires proposés par TRADER pour les revendre avec une marge aux annonceurs comme le prévoit l'article 40 du code des usages de la publicité s'agissant du fermier de publicité qui agit à ses seuls risques ;
Considérant que les prix à appliquer et les produits étaient établis d'un commun accord entre ETAI et TRADER, que toute modification des tarifs devait être décidée d'un commun accord, au moins trois mois avant l'entrée en vigueur du nouveau tarif ; que TRADER s'engageait à informer ETAI "des concours extérieurs susceptibles de favoriser la prospection de la publicité, compte tenu de leur intérêt réciproque" et que de son côté ETAI devait soumettre pour validation préalable à TRADER toute publicité d'un produit ou provenant d'un partenaire nouveau pour le support ;
Considérant par ailleurs que chaque fin de mois ETAI devait adresser à TRADER un compte-rendu précisant, pour le mois précédant les insertions parues et le montant facturé avec indication de l'écart par rapport au tarif ;

Considérant enfin que ETAI était rémunérée par une commission constituée par un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé avec les annonceurs et que chaque semestre les parties devaient se réunir afin de fixer les objectifs de chiffre d'affaires à atteindre ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que ETAI n'exerçait pas son activité de régie à son seul bénéfice et à ses risques et périls mais que bien davantage, elle a exécuté ses prestations dans le cadre d'un mandat sous le contrôle de TRADER ; que celle-ci en se prévalant de ce que ETAI aurait unilatéralement baissé les tarifs, admet par là même que ETAI devait agir avec son accord et devait lui rendre compte de sa gestion ;
Considérant que ce mandat doit être qualifié de mandat d'intérêt commun dès lors que ETAI avait intérêt à l'essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle comme cela résulte des clauses du contrat et comme cela s'est concrétisé dans les faits si on se rapporte au tableau communiqué par ETAI, le chiffre d'affaires publicité de la revue "la centrale" s'étant accru à compter du moment où ETAI a pris en charge la régie publicitaire ; qu'au demeurant, il est indéniable que TRADER n'aurait pas poursuivi ses relations avec ETAI pendant plus de dix ans si tel n'avait pas été le cas et ne lui aurait pas manifesté sa satisfaction comme elle l'a fait en préambule du dernier contrat ;
Considérant de plus que tant le contrat type de mandataire ducroire en matière de régie publicitaire que le mode de facturation de la TVA viennent confirmer que ETAI agissait en qualité de mandataire et non de commissionnaire ; que d'une part, les clauses du contrat litigieux sont très proches de celles du contrat type, que d'autre part ETAI s'acquittait de la TVA sur le montant de la commission qui lui était due et non sur le montant total des prestations réalisées, cette dernière solution étant celle qui doit s'appliquer au régisseur qui bénéficie du régime fiscal des commissionnaires ;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le contrat devait s'analyser comme un contrat de mandat d'intérêt commun ;
III. Sur le droit à indemnisation de ETAI :
Considérant que même si les parties ont entretenu des relations contractuelles depuis 1990, il demeure que plusieurs contrats ont été successivement conclus ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la signature par TRADER ou les sociétés auxquelles elle s'est substituée, d'un nouveau contrat était toujours précédée de négociations sur les conditions de la collaboration après dénonciation du contrat antérieur par lettre recommandée avec avis de réception ;
Considérant que le contrat litigieux a été signé le 11 décembre 2001 à effet du 1er janvier 2002 après dénonciation le 25 juin 2001 du contrat antérieur ; que le contrat du 11 décembre 2001 était conclu pour une durée de deux ans ; qu'il était renouvelable par tacite reconduction par périodes successives d'une année sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception adressée au moins six mois avant l'expiration de la période en cours sans prévoir d'indemnisation ;
Que cette clause permettait donc à TRADER de rompre unilatéralement le contrat dans le respect d'un préavis de six mois et sans indemnisations sauf à ETAI de prouver l'abus de ce droit ;
Or considérant qu'en l'espèce TRADER a avisé ETAI par lettre en date du 25 juin 2003 qu'elle entendait exercer "à titre conservatoire" la faculté de résiliation du contrat pour le 31 décembre 2003 tout en lui indiquant "cette décision n'entame en aucune façon les bonnes relations que nous avons toujours entretenues et j'espère vivement que nous aurons l'occasion de nous rencontrer à nouveau dans un proche avenir";
Considérant que ETAI accusait réception de cette lettre le 9 juillet 2003 en précisant qu'elle comprenait qu'il s'agissait d'une dénonciation "à titre conservatoire" mais que la collaboration allait se poursuivre dans des conditions qui restaient à déterminer et elle proposait de rencontrer le PDG de TRADER ; qu'elle indiquait toutefois que dans l'hypothèse où aucun nouveau contrat serait conclu, elle entendait "réfléchir aux conditions dans lesquelles il pourrait être mis fin aux treize années de collaboration" ;
Considérant que TRADER ne répondait pas à cette lettre et continuait à travailler avec ETAI en abordant notamment les perspectives pour 2004 ainsi que le démontrent les courriels communiqués émis les 1er août et 5 novembre 2003 et dont il n'est pas contesté qu'ils émanent de TRADER ;
Que ce n'est que par lettres des 8 et 11 décembre 2003 que TRADER a clairement exprimé son intention de ne pas renouveler le contrat après le 31 décembre 2003, manifestement en raison d'un désaccord apparu sur la baisse des tarifs que ETAI entendait mettre en oeuvre ;
Considérant que si TRADER était en droit de ne pas renouveler le contrat à l'échéance du 31 décembre 2003, elle se devait de le faire de manière non équivoque et en respectant le préavis de 6 mois, ce d'autant plus que les relations contractuelles entre les parties s'étaient inscrites dans la durée ; que les termes pour le moins ambigus de sa lettre du 25 juin 2003 sur laquelle il n'a été apporté aucune précision, en dépit des interrogations formulées par ETAI le 9 juillet 2003, pouvaient laisser croire à ETAI qu'un nouvel accord serait négocié, ce d'autant plus que dans le passé, la signature d'un nouveau contrat avait toujours été précédée d'une lettre de résiliation, comme le souligne TRADER ;
Que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en rompant ses relations contractuelles avec ETAI dans les conditions susvisées, TRADER a manqué à cette obligation et qu'en conséquence ETAI est en droit d'obtenir réparation du préjudice par elle subi de ce chef ;
Considérant qu'eu égard au montant des commissions perçues annuellement par ETAI mais également au risque contractuellement prévu de non renouvellement du contrat à son échéance, celui-ci ayant été conclu pour une durée déterminée, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce préjudice en allouant à ETAI une somme de 200 000 euros ;
IV. Sur les demandes de TRADER :
Considérant que TRADER fait grief à ETAI d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en la dénigrant auprès des annonceurs-clients et en baissant unilatéralement les tarifs ;
Considérant sur le premier point que TRADER ne verse aux débats aucune pièce démontrant que ETAI l'aurait dénigrée auprès d'annonceurs ;
Considérant sur le deuxième point, que si la baisse de diffusion de "la centrale" pouvait justifier une baisse des tarifs, il demeure qu'en application de l'article 3 du contrat les tarifs ainsi que toute modification devaient être déterminés d'un commun accord entre TRADER et ETAI ; que s'agissant des modifications, il était précisé au contrat qu'elles devaient être décidées d'un commun accord au moins trois mois avant l'entrée en vigueur du nouveau tarif ;

Or considérant qu'en l'espèce ETAI qui ne conteste pas avoir appliqué à certains clients des baisses de tarif, ne démontre pas avoir sollicité et obtenu au préalable l'accord de TRADER ; qu'un tel comportement constitue un manquement à ses obligations contractuelles ;

Considérant que le préjudice subi par TRADER de ce chef ne pouvant être évalué qu'au regard des chiffres d'affaires réalisés en 2003 et 2004 et après analyse de l'évolution de la diffusion du journal "le particulier", il convient d'élargir la mission de l'expert désigné par le tribunal pour qu'il fournisse tous éléments permettant de déterminer ce préjudice et en conséquence de surseoir à statuer de ce chef ;
Considérant qu'il convient également de surseoir à statuer jusqu'après dépôt du rapport de l'expert sur les demandes au titre des comptes pour l'année 2004 ;
Considérant sur l'arrêté des comptes pour 2003 que les premiers juges ont condamné ETAI au paiement d'une somme de 16 978,79 euros au titre de commissions injustifiées ;
Considérant que ETAI s'appuie sur une facture no17407 du mois de décembre 2003, adressée à TRADER le 12 février 2004 pour soutenir que les déductions opérées étaient justifiées ;
Qu'eu égard aux contestations existant entre les parties et à la nécessité d'examiner les factures émises par ETAI à l'adresse des annonceurs, il convient également d'élargir la mission de l'expert à ce point du litige ;
V. Sur l'article 700 du NCPC :
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC à l'une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :
- CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté la société TRADER CLASSIFIED MEDIA de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
- condamné la société ETAI au paiement de la somme de 61 855 euros (soixante et un mille huit cent cinquante cinq euros) à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner et la somme de 16 978,79 euros (seize mille neuf cent soixante dix huit euros et soixante dix neuf centimes) pour commissions injustifiées,
L'INFIRMANT de ces chefs et statuant à nouveau :
- DIT que la société ETAI a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant les tarifs sans l'accord de la société TRADER CLASSIFIED MEDIA aux droits de laquelle vient la société SCHIBSTED CLASSIFIEDS FRANCE,
Avant dire droit sur le préjudice subi de ce chef par SCHIBSTED CLASSIFIEDS FRANCE et sur les comptes pour l'année 2003,
- DONNE mission à :
- Monsieur Michel C..., expert désigné par le tribunal pour faire le compte sur les commissions revenant à ETAI pour l'année 2004, de déterminer également le montant des commissions revenant à ETAI pour l'année 2003, de rechercher s'il existe un trop perçu et de fournir tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi par la société SCHIBSTED CLASSIFIEDS FRANCE du fait de la baisse des tarifs opérée unilatéralement par la société ETAI pour l'année 2004,
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC,
- DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Sylvie MANDEL, président et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0017
Numéro d'arrêt : 06/00425
Date de la décision : 25/01/2007

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résiliation - Résiliation conventionnelle - Résiliation unilatérale - Dommages-intérêts - Conditions

Doit être qualifié de mandat d'intérêt commun le contrat par lequel l'appelant, éditeur, s'est vu confier par l'intimé, diffuseur de diverses publications, la régie exclusive de la publicité commerciale à insérer dans deux hebdomadaires distribués par lui, dès lors que le premier n'exerçait pas son activité de régie à son seul bénéfice et à ses risques et périls mais sous le contrôle du second, de qui il devait obtenir l'accord pour agir et à qui il rendait mensuellement compte de sa gestion, et que, selon le contrat et comme l'a concrétisé l'augmentation du chiffre d'affaires de la publicité, il avait intérêt à l'essor de l'entreprise par création et développement de clientèle. Manque à son obligation de bonne foi l'intimé qui, s'il a le droit de rompre unilatéralement le contrat avec un préavis de six mois, fait savoir à l'appelant qu'il entend, à la fois, se prévaloir de cette faculté à titre conservatoire et con- server avec lui de bonnes relations commerciales, laissant planer l'équivoque et ne répondant pas à ses interrogations, pour finalement mettre un terme à leurs relations contractuelles avant le terme prévu, lui causant un préjudice qu'il est condamné à indemniser


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 18 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-01-25;06.00425 ?
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