No
du 22 DECEMBRE 2006
9ème CHAMBRE
RG : 06 / 00248
XX...François / BF
Y...Joël
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Arrêt prononcé publiquement le VINGT DEUX DECEMBRE DEUX MILLE SIX, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,
en présence du ministère public,
Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE
Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Versailles- 5ème Chambre, du 05 septembre 2005.
COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX,
Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE,
Monsieur BRISSET- FOUCAULT,
Bordereau No
MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur GAILLARDOT, Substitut général,
GREFFIER : Mademoiselle KLING
PARTIES EN CAUSE
XX...François
né le 22 Septembre 1939 à VAUX SUR SEINE
Fils de Jean et de A...Paulette
Maire, de nationalité française, situation familiale inconnue
Demeurant ...
78410 AUBERGENVILLE
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître B..., avocat au barreau de PARIS
Y...Joël
né le 05 Novembre 1949 à PLAISIR
Fils de Pierre et de AC... Micheline
Agriculteur, de nationalité française, marié
Demeurant ...
78370 PLAISIR
Jamais condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître C..., avocat au barreau de PARIS
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 05 septembre 2005, le Tribunal correctionnel de Versailles :
A déclaré XX...François non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
COMPLICITE DE PRISE ILLEGALE D'INTERETS PAR CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC DANS UNE AFFAIRE QU'IL ADMINISTRE OU QU'IL SURVEILLE, du 01 / 04 / 2001 au 31 / 12 / 2004, à Plaisir, Aubergenville,
infraction prévue par l'article 432-12 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 432-12 AL. 1, 432-17 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal
A déclaré Y...Joël non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :
COMPLICITE DE PRISE ILLEGALE D'INTERETS PAR CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC DANS UNE AFFAIRE QU'IL ADMINISTRE OU QU'IL SURVEILLE, du 01 / 04 / 2001 au 31 / 12 / 2004, à Plaisir, Aubergenville,
infraction prévue par l'article 432-12 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 432-12 AL. 1, 432-17 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
M. le Procureur de la République, le 15 Septembre 2005.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Novembre 2006, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus qui comparaissent assistés de leur conseil ;
Ont été entendus :
Monsieur BRISSET- FOUCAULT, Conseiller, en son rapport,
Monsieur LIMOUJOUX, Président, en son interrogatoire,
Monsieur Y..., en ses explications,
Monsieur XX..., en ses explications,
Monsieur GAILLARDOT, substitut général, en ses réquisitions,
Maître C..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître B..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 22 DÉCEMBRE 2006 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.
DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
LE RAPPEL DES FAITS ET LA PROCÉDURE
Sur les faits, il y a lieu de se rapporter à l'exposé qui figure au jugement et que la cour adopte.
Il suffit de rappeler que, par courrier du 5 décembre 2003, le ministère public de la Chambre régionale des comptes d'Île de France a, conformément à l'article 40 du Code de procédure pénale, révélé au Parquet de Versailles des faits susceptibles de constituer le délit de prise illégale d'intérêts à l'encontre de M. Franck D..., directeur général de la SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALE D'AMÉNAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DES CLAYES- SOUS- BOIS (SEMACLA).
La lettre indiquait que celui- ci, outre ses fonctions dirigeantes au sein de la SEMACLA, était gérant et unique associé de la SARL " SYNERGIES ET TERRITOIRES ", laquelle détenait 22 % du capital de la SEM DU TERRITOIRE DE VAL DE SEINE, dont il était le directeur, et un tiers des parts de la SARL " TERRITOIRES EN YVELINES ", dont il était également le gérant.
La SEM DU TERRITOIRE DU VAL DE SEINE détenait en outre un tiers des parts de la SARL " TERRITOIRES EN YVELINES ".
M. D...était de plus directeur de la SEM. DE PLAISIR, dont il détenait 10 % du capital.
Cette dernière, par convention signée en 2002, exerçait la totalité des actes d'administration et de gestion de la SEMACLA.
Mais en réalité, l'essentiel de cette mission était sous- traité par la SEM. DE PLAISIR à la SARL " TERRITOIRES EN YVELINES " qui seule disposait du personnel nécessaire à cette tâche.
Ainsi, par ce montage, M. Franck D..., directeur de la SEMACLA, confiait de fait la gestion de cette société d'économie mixte à la SARL " TERRITOIRES EN YVELINES ", dont il était le gérant et le principal ayant droit économique.
*****
Une enquête a été confiée le 12 décembre 2003 à la DRPJ des Yvelines par le Parquet de Versailles.
Les investigations ont révélé que la SEM DE PLAISIR et la SEM DU TERRITOIRE DU VAL DE SEINE n'étaient que des coquilles vides.
Elles ne disposaient d'aucun local propre et étaient domiciliées à la même adresse que la SARL TERRITOIRES EN YVELINES qui, seule, disposait d'employés, mis pour partie à la disposition de la SEM DE PLAISIR.
M. D...n'a pas contesté son rôle et ses participations dans les sociétés concernées.
Les trois présidents des SEM concernées ont été entendus : M. Joël Y..., maire de Plaisir et président de la SEM DE PLAISIR, M. François XX..., maire d'Aubergenville et président de la SEM DU TERRITOIRE DU VAL DE SEINE et Mme E..., maire des Clayes- sous- Bois et présidente de la SEMACLA.
Ils ont reconnus avoir été informés, notamment au cours d'une réunion intervenue en 2001, des liens unissant les différentes structures et notamment, de la gérance par M. Franck D...de la SARL TERRITOIRES EN YVELINES
Ils ont soutenu qu'ils n'avaient pas eu conscience du caractère illégal du système mis en place.
À l'issue de l'enquête préliminaire, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles a fait citer devant le tribunal correctionnel de Versailles M. Franck D...du chef de prise illégale d'intérêts et MM. François XX...et Joël Y...du chef de complicité de ce délit sous les préventions suivantes :
M. Franck D...:
« D'avoir, à PLAISIR, AUBERGENVILLE et sur le territoire national, du 1er avril au 31 décembre 2004, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant chargé d'une mission de service public, en l'espèce en ses qualités de directeur de la SEM des CLAYES SOUS BOIS, de la SEM de PLAISIR et de la SEM Territoires du VAL DE SEINE, gérant et seul actionnaire d'une SARL Synergie et Territoires, elle- même actionnaire à 22 % de la SEM du Territoire du VAL DE SEINE, actionnaire à 33 % et gérant d'une SARL Territoire en YVELINES dont les deux autres actionnaires étaient les deux SEM précitées pris, perçu puis reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, la charge d'assurer en tout ou partie la surveillance ou l'administration, en l'espèce en confiant directement ou indirectement les missions à lui dévolues dans le cadre de ses fonctions de direction des sociétés d'économie mixte précitées, aux sociétés dont il était le gérant.
Infraction prévue par ART. 432-12 C. PENAL et réprimée par ART. 432-12 AL. 1, ART. 432-17 C. PENAL, faits commis à PLAISIR, AUBERGENVILLE du 1er avril 2001 au 31 décembre 2004. »
M. François XX...:
« De s'être à PLAISIR, AUBERGENVILLE et sur le territoire national, du 1er avril au 31 décembre 2004, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, rendu complice des faits de prise illégale d'intérêts commis par Franck D..., par aide et assistance et fourniture de moyens, en le maintenant en connaissance de cause à la tête de la société d'économie mixte dont il était le Président.
Infraction prévue par ART. 432-12 C. PENAL et réprimée par ART. 432-12 AL. 1, ART. 432-17 C. PENAL, faits commis à PLAISIR, AUBERGENVILLE du 1er avril 2001 au 31 décembre 2004. »
M. Joël Y...:
« De s'être à PLAISIR, AUBERGENVILLE et sur le territoire national, du 1er avril au 31 décembre 2004, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, rendu complice des faits de prise illégale d'intérêts commis par Franck D..., par aide et assistance et fourniture de moyens, en le maintenant en connaissance de cause à la tête de la société d'économie mixte dont il était le Président.
Infraction prévue par ART. 432-12 C. PENAL et réprimée par ART. 432-12 AL. 1, ART. 432-17 C. PENAL, et prévue par les articles 121-6 et 121-7 du code pénal en ce qui concerne la complicité, faits commis à PLAISIR, AUBERGENVILLE du 1er avril 2001 au 31 décembre 2004. »
Par jugement du 5 septembre 2005, le tribunal correctionnel de Versailles a déclaré M. Franck D...coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à la peine de 15 000 € d'amende.
Le tribunal a en revanche déclaré M. François XX...et M. Joël Y...non coupables et les a relaxés des fins de la poursuite.
Le 15 septembre 2005, le procureur de la République a interjeté appel de la décision de relaxe de M. François XX...et M. Joël Y....
Cet appel est recevable.
Le ministère public requiert l'infirmation des relaxes de M. XX...et de M. Y.... Il demande que la cour déclare les prévenus coupables, l'un et l'autre, de complicité de prise illégale d'intérêts et qu'ils soient condamnés à la peine de 2 000 € chacun.
Le représentant du ministère public souligne en premier lieu qu'il est définitivement acquis que M. D...était en situation de prise illégale d'intérêts, l'intéressé n'ayant pas interjeté appel du jugement l'ayant déclaré coupable du délit poursuivi.
Il fait ensuite valoir que les deux maires poursuivis ont, certes, hérité d'une situation mise en place par leurs prédécesseurs respectifs, mais que, de par leurs fonctions respectives, ils avaient nécessairement connaissance des différentes fonctions exercées par M. D.... Ils ont compris la situation dès 2001 et ne pouvaient ignorer les incompatibilités et les conflits d'intérêts en résultant.
Ils ne pouvaient non plus ignorer que les SEM qu'ils présidaient étaient des " coquilles vides " et que le schéma des liens qui existaient entre ces dernières et les SARL contrôlées par M. D...était d'une inhabituelle complexité en la matière.
Il considère que le fait d'avoir sciemment laissé perdurer cette situation illégale jusqu'à la fin de l'année 2004 caractérise la complicité des prévenus qui disposaient du pouvoir d'y mettre fin en saisissant à cette fin les conseil d'administration des SEM concernées, qu'ils présidaient.
De plus, en tant que maires, M. XX...et M. Y...étaient tenus par l'article 40 du Code de procédure pénale de dénoncer au procureur de la République les faits délictueux dont ils avaient connaissance dans ou à l'occasion de leurs fonctions électives.
M. XX...demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Il fait valoir qu'il n'a jamais apporté aide et assistance à M. D...dans la commission du délit de prise illégale d'intérêts dont celui- ci a été déclaré coupable. Bien au contraire, il a, dès que possible, mis en œ uvre les mesures qu'il était en pouvoir de prendre afin de mettre fin à la situation.
Ce n'est pas lui qui a mis en place le " système G..." mais son prédécesseur et ce, à une époque où il n'était que conseiller municipal d'opposition, ayant été élu maire en 2001 après un changement de majorité municipale.
Il n'a mis fin aux fonctions de M. D...qu'en 2004, car il aurait été auparavant très difficile de procéder à sa révocation compte tenu des participations que ce dernier détenait dans la SEM et des tâches qui devaient être à l'époque être accomplies dans l'urgence.
M. Y...demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Il fait plaider que la notion de complicité suppose l'accomplissement d'un acte positif qui, en l'espèce, fait défaut.
Il soutient par ailleurs qu'il ne peut lui être imputé aucun acte antérieur ou concomitant à l'acte principal, alors qu'il s'agit d'un élément nécessaire pour que soit constituée la complicité.
En effet, M. D...exerçait les fonctions de directeur de la SEM DE PLAISIR depuis 1995, alors que M. Y...a été élu maire de Plaisir en mars 2001. Le contrat de M. D...a alors été renouvelé en 2001, étant précisé que l'intéressé était particulièrement compétent et était alors unanimement considéré comme " l'homme de l'art ".
Par la suite, il s'est avéré que la révocation du directeur de la SEM aurait été particulièrement coûteuse.
De plus, selon lui, l'élément intentionnel n'est pas constitué. En effet, les comptes de la SEM ont été soumis à un commissaire aux comptes qui n'a relevé aucune anomalie et au contrôle de la légalité de la préfecture des Yvelines qui n'a formulé aucune remarque particulière.
M. Y...relève que la Chambre régionale des comptes avait remis des observations définitives sur les comptes de la ville de Plaisir en novembre 2000 et n'avait alors émis aucune observation révélant l'existence d'un situation de prise illégale d'intérêts.
Il souligne qu'il n'a jamais eu l'intention de s'associer aux irrégularités commises par M. D...et qu'il a entrepris, dès que cela a été possible, de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin.
C'est ainsi qu'il a proposé en 2001 de supprimer tous les " satellites " et de monter une SEM unique mais il n'a alors pas été suivi par M. XX.... Il a également demandé en 2002 la dissolution de la SARL " TERRITOIRES EN YVELINES " et a supprimé les SCI liées à la SEM.
MOTIFS DE LA COUR
Sur l'élément matériel.
La cour constate que M. XX...et M. Y..., en laissant perdurer la situation délictueuse dans laquelle M. G...se trouvait après leur accession aux responsabilités municipales et alors que celles- ci leur donnaient le pouvoir et le devoir, ès qualités de président du conseil d'administration des SEM concernés, d'y mettre fin, ont objectivement fourni à l'auteur principal du délit de prise et conservation illégale d'intérêts les moyens de commettre l'infraction.
De plus, ils étaient tenus par l'article 40 du Code de procédure pénale de dénoncer les faits au procureur de la République.
La cour considère en conséquence que l'élément matériel de la complicité poursuivie est établie à l'encontre des deux prévenus.
Sur l'élément intentionnel.
L'élément intentionnel de la complicité implique une participation volontaire et consciente de l'aide apportée à la commission des faits délictueux.
La cour constate en premier lieu que le dispositif délictueux dénoncé par la Chambre régionale des comptes d'Île de France a été mis en place et mis en œ uvre par M. D...sous l'égide des prédécesseurs respectifs de M. XX...et de M. Y...et ce, à une époque durant laquelle ces derniers étaient opposants municipaux et n'étaient pas associés à l'exécutif des villes dont ils allaient devenir maire en 2001.
La cour relève en second lieu qu'il résulte du dossier et des débats que les deux prévenus n'étaient pas des hommes politiques chevronnés et qu'il n'avaient pas, avant d'accéder aux fonctions de maire de leur commune respective, suivi une formation ou exercé des responsabilités professionnelles les dotant d'une culture administrative et juridique les préparant à diriger une municipalité et d'intégrer le risque pénal y afférent.
M. XX...et M. Y...n'ont pas non plus bénéficié de l'assistance d'une infrastructure administrative lourde comme il en existe dans les grandes agglomérations, laquelle aurait pu pallier les carences de leur noviciat politique et administratif.
De plus, l'attention des prévenus n'avaient pas été alertée par les organes de contrôle des SEM et des communes concernées sur l'irrégularité des activités de M. D....
La cour n'estime pas que l'ignorance des lois est un fait justificatif mais, outre ce qui précède, elle estime que doit être pris en considération le contexte difficile de la situation dans laquelle ces élus se sont trouvés après leur prise de fonction et notamment la complexité des situations et des contraintes techniques et financières auxquelles ils ont été confrontés.
Elle considère en définitive que le fait que le " système D..." ait perduré après l'accession aux responsabilités municipales de M. XX...et de M. Y...et le retard pris à y mettre fin ne suffisent pas à établir que les prévenus ont consciemment et délibérément apporté aide et assistance à M. D...dans la commission du délit de prise illégale d'intérêts dont il a été déclaré coupable par les premiers juges.
La cour confirmera en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé les prévenus.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré,
Statuant publiquement et contradictoirement,
EN LA FORME :
DÉCLARE recevable l'appel du ministère public,
AU FOND :
CONFIRMANT le jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 5 septembre 2005,
RELAXE François XX...et Joël Y...des fins de la poursuite,
Et ont signé le présent arrêt, Monsieur Jean- Michel LIMOUJOUX, Président et Mademoiselle Gwénaëlle KLING, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.