COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51C
1ère chambre 2ème section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 21 NOVEMBRE 2006
R.G. No 05/06091
AFFAIRE :
Henri X...
C/
Léone Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2005 par le Tribunal d'Instance de POISSY
No chambre :
No Section :
No RG : 904/04
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP GAS
Me Claire RICARD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE SIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Henri X...
né le 25 Février 1958 à MONTMORENCY (95160)
de nationalité FRANCAISE
...
78121 CRESPIERES
représenté par la SCP GAS - N du dossier 20050702
assisté de Me Emmanuel Z... (avocat au barreau de VERSAILLES)
APPELANT
****************
Madame Léone Y...
...
92400 COURBEVOIE
représentée par Me Claire RICARD - N du dossier 250616
assisté de Me Pascal A... (avocat au barreau de PARIS)
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Octobre 2006 devant la cour composée de :
Monsieur Charles LONNE, président,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,
Mme Annie DABOSVILLE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha B... ET PROCEDURE,
Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 28 juillet 2005, Monsieur Henri X... a interjeté appel d'un jugement rendu le 31 mai 2005 par le Tribunal d'instance de POISSY qui a:
-condamné Madame Léone Y... à lui payer la somme globale et forfaitaire de 10.350€ à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance qu'il a subi de puis le 3 avril 2004,
-prononcé la nullité du congé pour vendre qui lui a été notifié le 30 mars 2004,
-l'a débouté de sa demande en réintégration dirigée à l'encontre de Madame Y...,
-l'a débouté de sa demande en validation de l'offre de vente en date du 26 mai 2004 et de sa demande relative à la désignation de la Chambre Départementale des Notaires des Yvelines,
-dit que le bail signé le 10 septembre 1989, se poursuit entre Madame Y... propriétaire et lui-même locataire,
-débouté Madame Léone Y... de sa demande en expulsion,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-condamné Madame Y... aux dépens.
Aux termes de ses conclusions en date du 21 septembre 2006, il demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de:
-condamner Madame Y... à lui payer la somme de 22.870€ en réparation du préjudice qu'elle lui a causé en le privant depuis le 3 avril 2004 de jouir de la chose louée,
-constater les voies de fait commises par Madame Y...,
-ordonner la restitution à son profit des biens loués sous astreinte d'un montant de 7.622€ par jour de retard, ladite astreinte devant courir dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à savoir:
.la cave voûtée inaccessible jouxtant sa courette,
.la partie du jardin située dans le prolongement de ladite cave à l'arrière, d'une surface de 153,90m²,
-condamner Madame Y... à lui payer la somme de 9.150€ en réparation du préjudice subi en raison de voies de fait dont elle est responsable,
-dire valide l'acceptation de l'offre de vente en date du 26 mai 2004 à ce jour définitive, le crédit ayant été accordé dans le délai légal,
-désigner en conséquence la Chambre Départementale des Notaires des Yvelines avec faculté de délégation auprès de tel notaire qu'il lui plaira de nommer, qui aura pour mission de passer par acte authentique la vente du bien immobilier sis ... au prix convenu,
-condamner Madame Y... à lui payer la somme de 2.000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant le Tribunal et celle de 2.000€ au titre des mêmes frais exposés devant la cour,
-condamner Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel.
Il expose en substance que depuis le 10 septembre 1989 et selon bail écrit, il est locataire d'une petite maison située à CRESPIERES dont Madame Y... est propriétaire comme ayant droit de son époux décédé, que le 1er mars 2004 un chantier a débuté sur la propriété voisine, qu'il a reçu le 31 mars 2004 un congé pour vendre, que le 3 avril 2004 il a constaté en rentrant chez lui qu'à la suite des travaux voisins, son appentis avait été détruit, qu'une partie de la courette s'était effondrée et que le muret et la clôture séparant les deux fonds avaient disparu. Il a ainsi appris que Madame Y... avait procédé à la division de son fonds en trois lots dont le lot B vendu à Monsieur C... à l'origine des travaux. Il précise avoir notifié à Madame Y... le 26 mai 2004 son acceptation de l'offre de vente pour le prix de 45.735€ pour l'ensemble de l'immeuble loué tel que lors de son entrée dans les lieux et souhaite que la vente soit régularisée.
Aux termes de ses conclusions en date du 19 septembre 2006, Madame Y... demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de:
-dire que le congé pour vente du 30 mars 2004 était valide et en conséquence infirmer le jugement de ce chef,
-dire que l'acceptation de l'offre sous conditions formée par Monsieur X... le 26 mai 2004 était nulle,
En conséquence,
-voir prononcer l'expulsion de Monsieur X... et de tout occupant de son chef sous un mois du prononcé de l'arrêt qui sera rendu,
-condamner Monsieur X... à lui verser la somme mensuelle de 210,65€ (correspondant au montant du loyer indexé à partir du mois d'août 2006) à titre d'indemnité d'occupation à compter de la date du prononcé de l'arrêt à intervenir et jusqu'à son départ effectif,
Subsidiairement,
-dire que Madame Y... et Monsieur X... au travers de l'offre de vente du 30 mars 2004 et de son acceptation du 26 mai 2004 ne se sont pas accordés sur la chose pouvant faire l'objet d'une vente et confirmer le jugement sur le surplus,
-En conséquence dire et juger que le congé délivré le 30 mars 2004 ne valait pas offre de vente et le déclarer nul et de nul effet,
En toutes hypothèses,
-dire que Madame Y... n'a pas personnellement commis de voies de fait à l'encontre de Monsieur X... et en conséquence confirmer le jugement entrepris de ce chef,
-débouter en conséquence Monsieur X... de toutes ses demandes formées notamment au titre de la réparation d'un prétendu préjudice de jouissance et de prétendues voies de fait,
-le débouter de l'ensemble de ses autres demandes s'agissant notamment de sa demande de restitution de la cave voûtée et d'une partie inaccessible du jardin sous astreinte,
-le condamner aux entiers dépens y compris les frais exposés dans le cadre de la procédure de référé et d'expertise judiciaire.
Elle soutient pour l'essentiel que MonsieurNIEWADMOSKY n'a pas protesté lors du début des travaux sur la parcelle voisine et que c'est seulement dans son exploit introductif d'instance qu'il a soutenu pour la première fois que le bail qui lui avait été consenti portait également sur une cave contiguë à l'appentis démoli et sur un terrain situé à l'arrière de cette cave, ce qu'elle dément formellement notamment au regard de la modicité du loyer ( 187,05€). Elle fait observer qu'elle n'est pas elle-même responsable des voies de fait et du trouble de jouissance puisque les travaux ont été réalisés par un voisin, que de toute façon pour l'évaluation du préjudice il conviendrait de tenir compte de la surface louée effectivement supprimée. Enfin, en ce qui concerne le congé pour vendre, elle rappelle que l'acceptation de Monsieur X... était conditionnelle et qu'en tout état de cause , il n'y a jamais eu accord des parties sur la chose c'est à dire sur la consistance du bien immobilier.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Considérant qu'il y a lieu de rejeter des débats la note en délibéré adressée à la Cour par Monsieur X... en date du 18 octobre 2006 qui n'a pas été demandée par le Président en application des dispositions de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur l'objet du bail:
Considérant que dans le bail sous seing privé en date du 10 septembre 1989, les lieux loués sont ainsi décrits: "une maison occupée précédemment par Melle Brigitte D... .... Il ( Monsieur X...) connaît parfaitement la maison ( extérieur, intérieur, dépendances et jardin qui devra être normalement entretenu);
Considérant que Monsieur X... verse une attestation de Mademoiselle D... qui précise qu'elle était locataire de Monsieur Y... dans les années 80 et qu'elle avait la jouissance "j'avais la jouissance d'une petite maison en bordure de rue, du terrain situé en amont ainsi que d'un local qui me permettait d'accéder au terrain et à une petite cave";
Considérant que désigné en tant qu'expert par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 20 octobre 2004 pour rechercher l'assiette du terrain objet du bail, Monsieur E..., après avoir entendu notamment des voisins, les anciennes locataires Mesdames F... et D..., le géomètre chargé de la division, confirme que Monsieur X... avait bien accès par un appentis qui jouxtait la cave voûtée au jardin arrière dont il partageait la jouissance avec le locataire de la partie voisine ( celle vendue depuis) sans délimitation bien précise;
Considérant qu'il ne peut donc être contesté que le bail portait donc sur:
-une petite maison donnant sur rue,
-une cour à l'arrière,
-des dépendances ( pluriel utilisé dans le bail) soit un local (ou appentis dans le rapport d'expertise)qui permettait d'accéder à une cave voûtée,
-un jardin nécessairement celui situé à l'arrière de la cave eu égard à la configuration des lieux, aucun autre jardin ne pouvant faire l'objet de la location;
Sur le trouble de jouissance et les voies de fait:
Considérant qu'il ressort d'un procès-verbal de constat du 6 avril 2004 que suite aux travaux sur la propriété voisine, un trou a été creusé de 1,20m de profondeur empiétant sur la cour arrière de la maison louée à Monsieur X..., que l'accès à la cave situé à l'arrière de la propriété n'est plus possible, les ouvriers ayant creusé au ras de l'entrée de la cave et que pour accéder au jardin situé à l'arrière de la propriété, situé après la cave, Monsieur X... doit enjamber le toit de la cave, toit plat qui se situe à 1,60 voire 1,70mètre de hauteur par rapport au sol naturel;
Considérant que Monsieur E... confirme dans son rapport déposé en février 2005, alors que les travaux sur la propriété voisine étaient bien avancés, (page 5) qu'un garage ayant été construit jouxtant une cave voûtée, cette construction rend inaccessible pour Monsieur X... le jardin arrière, passage qui se faisait auparavant par un appentis qui a été démoli (page 11); qu'il précise que seule la démolition de la cave voûtée qui surplombe de 1,40m la courette avec une mise à niveau, permettrait l'accès au jardin;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment le plan de division et il n'est pas réellement contesté par Madame Y... que cette dernière a vendu le lot B à Monsieur C... lequel comprend une partie de la courette louée à Monsieur X... ainsi que le local permettant d'accéder à la cave enterrée et une partie du jardin situé à l'arrière de ladite cave;
Considérant que Monsieur G... a obtenu le 11 octobre 2002 le permis de construire mais que la déclaration d'ouverture de chantier est en date du 1er mars 2004, les travaux n'ayant commencé que fin mars 2004 de sorte que jusqu'à cette date, Monsieur X... ne conteste pas avoir joui sans problème de l'ensemble des biens objet du bail;
Considérant qu'il est donc établi ainsi que l'a relevé le premier juge qu'en procédant à la division parcellaire de son terrain en 2001 et en vendant courant 2001 le lot B à Monsieur C... lequel comprenait une partie des biens loués à Monsieur X..., Madame H... a violé ses obligations de propriétaire et notamment les dispositions des articles 1719 à 1723 du code civil puisqu'elle était tenue de ne pas modifier la consistance du bail et d'en assurer une jouissance constante et paisible à son locataire; que non seulement Monsieur X... est privé de la jouissance d'une partie de la petite cour et de l'appentis puisque ces éléments ont été cédés à Monsieur C... mais encore, de part la nouvelle configuration des lieux, il ne peut plus jouir de la cave voûtée et du jardin qui se situe à l'arrière, sauf à détruire ladite cave ainsi que l'a souligné l'expert;
Considérant cependant que Monsieur X... ne peut fonder ses demandes à la fois sur le terrain de ses rapports contractuels avec sa propriétaire et sur celui de la voie de fait;
Qu'en effet, Monsieur X... est titulaire d'un bail de sorte que dans ses rapports avec Madame Y..., l'inexécution ou la violation de la convention ne peut donner lieu à l'action possessoire et il ne peut agir, s'il se plaint de la méconnaissance des engagements contractuels que par l'action personnelle née du contrat intervenu qui n'entre pas dans la compétence du juge du possessoire;
Considérant que Monsieur X... doit donc être déclaré irrecevable en sa demande à l'encontre de Madame Y... fondée sur la voie de fait alors qu'il est parfaitement recevable et fondé ainsi qu'il a été exposé précédemment du fait de son trouble de jouissance en tant que locataire;
Considérant que selon les calculs de l'expert, Monsieur X... qui disposait à l'origine d'une superficie globale de 489,84m², ne jouit plus, déduction faite de la partie qui a été vendue à Monsieur C... et de la partie qui ne lui est plus accessible que d'une surface de 168,10m², sans même prendre en compte le problème de la cave; que son préjudice de jouissance est certain et relativement important, les lieux dont il jouit désormais étant sans commune mesure avec ce qui était l'objet du bail originaire et ce, même si le montant du loyer reste modeste puisque l'espace dont il bénéficie, mis à part la maison elle-même se réduit à une petite courette encastrée entre différentes constructions à l'arrière de la maison; que Monsieur X... est donc bien fondé à demander réparation de son préjudice de jouissance lequel ne pourra être estimé, comme la demande en réintégration, que lorsqu'il aura été statué sur la validité du congé et la levée d'option de Monsieur X...;
Sur la validité du congé:
Considérant que le premier juge a pertinemment rappelé que le congé pour vendre en date du 30 mars 2004, intervenu plus de trois ans après la division parcellaire de 2001 ne pouvait concerner pour Madame Y... que le lot A et ne correspondait donc pas à l'assiette du bail consenti en 1989;
Or considérant que conformément aux dispositions de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, l'offre comprise dans le congé pour vendre ne peut porter que sur les locaux loués de sorte que n'est pas valable l'offre de vente ne portant que sur une partie des lieux loués; que tel est bien le cas du congé pour vente de l'espèce outre le fait que le congé était particulièrement imprécis, eu égard aux circonstances de l'espèce; qu'en conséquence, il ya lieu de déclarer nul et de nul effet le congé délivré à Monsieur X... le 30 mars 2004;
Qu'il s'évince de ce qui précède que d'une part Monsieur X... est toujours locataire de Madame Y... qui doit donc être déboutée de sa demande d'expulsion de son locataire et de fixation d'une indemnité d'occupation, et d'autre part que Monsieur X... doit être débouté de sa demande en validation de son offre de vente du 26 mai 2004 et de sa demande tendant à voir ordonner la régularisation de la vente devant notaire;
Sur les dommages et intérêts pour trouble de jouissance:
Considérant que le préjudice de jouissance de Monsieur X... perdure depuis le 4 avril 2004 et jusqu'à ce jour, qu'il avait été évalué par le premier juge à la somme de 10.350€; que compte tenu du loyer qui s'élève à la somme de 187,05€, le trouble de jouissance peut être estimé à 100€ par mois soit à ce jour la somme de 100€ x 32 mois (novembre 2006 inclus) = 3.200€;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de réintégration de Monsieur X... puisque d'une part , la petite partie de la courette dont il a été privé et la partie comprenant le petit appentis ont été vendus à Monsieur C... et que d'autre part la cave voûtée et le jardin à l'arrière qui sont toujours la propriété de Madame Y... et dont il est toujours locataire lui sont désormais inaccessibles, seul le jardin pouvant à nouveau l'être moyennant la destruction de la cave et le nivellement du terrain ce qui ne correspond pas à la demande de Monsieur X...;
Considérant qu'il ya lieu par contre de faire droit dans son intégralité à la demande de Monsieur X... fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ce dernier ayant du agir en justice pour faire valoir ses droits les plus élémentaires en tant que locataire;
Que chaque partie conservera ses dépens d'appel, Madame Y... devant prendre à sa charges les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et de référé;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement;
Rejette des débats la note en délibéré de Monsieur X... en date du 18 octobre 2006,
Infirme le jugement entrepris sur le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur X... au titre de son préjudice de jouissance, et sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus sauf à préciser que la demande de dommages et intérêts à l'encontre de Madame Y... pour voie de fait est irrecevable,
Statuant à nouveau,
Condamne Madame Léone Y... à verser à Monsieur Henri X... la somme de 3.200€ à titre de dommages et intérêts pour son trouble de jouissance au mois de novembre 2006 inclus,
Condamne Madame Léone Y... à verser à Monsieur X... la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur X... de sa demande en restitution sous astreinte de la cave voûtée et du jardin situé à l'arrière de ladite cave,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en appel,
Dit que chaque partie conservera ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
Signé par Monsieur Charles LONNE, président et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,