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09/11/2006 | FRANCE | N°05/01163

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0016, 09 novembre 2006, 05/01163


No
du 09 NOVEMBRE 2006
9ème CHAMBRE
RG : 05 / 01163
X...Ludovic Y.../ BF

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,
en présence du ministère public,
Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE
Après arrêt de la Cour de Cassation du 08 Mars 2005 ;

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX,
Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE, <

br>Monsieur BRISSET- FOUCAULT,
Bordereau No
MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur RENAUT, Avocat général,
GREFFIER : Mademois...

No
du 09 NOVEMBRE 2006
9ème CHAMBRE
RG : 05 / 01163
X...Ludovic Y.../ BF

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,
en présence du ministère public,
Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE
Après arrêt de la Cour de Cassation du 08 Mars 2005 ;

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l arrêt,
Président : Monsieur LIMOUJOUX,
Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE,
Monsieur BRISSET- FOUCAULT,
Bordereau No
MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur RENAUT, Avocat général,
GREFFIER : Mademoiselle KLING
PARTIE EN CAUSE
X...Ludovic
né le 21 Mai 1970 à ST GEORGES DE DIDONNE (17),
de Jacqies et de Z...Annie,
Chômeur, de nationalité française, célibataire,
demeurant ...
17750 ETAULES
Déjà condamné, libre,
Non comparant, représenté par Maître DUCOURNEAU, avocat substituant Maître A..., avocat au barreau de SAINTES.

PARTIE CIVILE
Société T. P. S. TELEVISION PAR SATELLITE
...LES MOULINEAUX
Représentée par Maître FRETY, avocat substituant Maître B..., avocat au barreau de PARIS

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 06 mai 2003, le Tribunal de Grande Instance de Paris :
A déclaré coupable Ludovic X...pour les faits qualifiés de :
PROMOTION PUBLICITAIRE DE MOYENS DE CAPTATION FRAUDULEUSE DE PROGRAMMES TELEDIFFUSES RESERVES A UN PUBLIC D'ABONNES, du 06 / 05 / 2001 à décembre 2001, à Royan, Paris, infraction prévue par les articles 79-2, 79-1 de la Loi 86-1067 DU 30 / 09 / 1986 et réprimée par les articles 79-2, 79-5 de la Loi 86-1067 DU 30 / 09 / 1986.
A déclaré recevables, en la forme, les constitutions de partie civile des sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, LYONNAISE COMMUNICATIONS, TELEVISION PAR SATELLITE, et statuant sur leurs demandes
Sur l'action civile :
A condamn M. Ludovic X...à payer à la société CANAL SATELLITE la somme de 1 528, 02 euros au titre du préjudice économique lié aux infractions d'acquisition et de dtention d'quipements
A débouté les sociétés CANAL SATELLITE et CANAL + de leurs demandes au titre du préjudice économique lié à l'infraction de promotion du piratage
A condamn M. Ludovic X...à payer à la société TELEVISION PAR SATELLITE (TPS) la somme de 735 euros au titre du préjudice économique lié aux infractions d'acquisition et de dtention d'quipements
A débouté la société TELEVISION PAR SATELLITE (TPS) de ses demandes au titre de la perte de gains liée à l'infraction de promotion du piratage
A dbouté la société LYONNAISE COMMUNICATIONS de ses demandes formées au titre de ses préjudices moral et matériel
A ordonné la publication dans trois organes de presse (au choix, pour l'un, des socités CANAL + et CANAL SATELLITE, pour un autre, de la société TELEVISION PAR SATELLITE (TPS), pour le dernier, de la société LYONNAISE COMMUNICATIONS) et aux frais du prévenu, dans la limite de 3 000 euros par insertion, d'un communiqu.
A condamné M. Ludovic X...à payer :
- aux sociétés CANAL SATELLITE et CANAL +, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procdure pénale
- à la société TELEVISION PAR SATELLITE, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procdure pénale
- à la société LYONNAISE COMMUNICATIONS, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procdure pénale.

LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Société LYONNAISE COMMUNICATIONS (NOOS), le 16 mai 2003,
Société T. P. S. TELEVISION PAR SATELLITE, le 16 Mai 2003.

ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS
Par arrt contradictoire en date du 14 Mai 2004, la cour d'appel de Paris (13me chambre section B) :
A reçu les appels de la Société Lyonnaise Communication et de la Société TPS, parties civiles
A confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant les actions civiles de ces parties civiles
A confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dbouté ces deux parties civiles de leurs demandes au titre des préjudices économiques
L'a rformé en ce qu'il a dbouté la Société Lyonnaise Communication de sa demande au titre du préjudice moral
A condamné M. Ludovic X...à payer à la Société Lyonnaise Communication la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral
Y ajoutant,
A débouté les parties civiles de leurs demandes au titre des frais irrépétibles élevés en cause d'appel
A condamn M. X...aux dépens des actions civiles.

POURVOI
Pourvoi a été formé par la Société Télévision par Satellite.
ARRET DE LA COUR DE CASSATION
Par arrêt en date du 8 Mars 2005, la Cour de Cassation :
A cassé et annulé l arrêt susvisé de la Cour d'Appel de PARIS en date du 14 mai 2004, en ses seules dispositions ayant rejet la demande de la Société Télévision par Satellite, en réparation de son préjudice économique causé par l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés à un public d'abonns, toutes autres dispositions étant expressément maintenues
A renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de VERSAILLES, ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil

DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Mars 2006, la Cour a renvoyé l'affaire au 05 Octobre 2006 ;
A l'audience publique du 05 Octobre 2006, Monsieur C...a constaté l'absence du prévenu qui est représenté par son conseil ;
Ont été entendus :
Monsieur BRISSET- FOUCAULT, Conseiller, en son rapport,
Maître FRETY, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître DUCOURNEAU, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, et a eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 09 NOVEMBRE 2006 conformment à l'article 462 du code de procdure pénale.

DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
En janvier 2001, une enquête a été initiée par la Brigade de Recherches du groupement de gendarmerie de Paris à la demande du parquet de Paris, suite à la découverte par le Service technique de recherche et de documentation de la Gendarmerie Nationale (STRJD), dans le cadre de son activité de surveillance du réseau Internet, d'un site diffusant des informations permettant aux personnes le consultant de fabriquer des quipements destinés à décrypter frauduleusement des émissions de télévision payante.
L'enqute a permis d'tablir que M. Ludovic X...avait créé sur le réseau Internet un site dénommé SECAVIAC qui proposait des schémas, des logiciels, des programmes et la documentation nécessaires pour fabriquer les cartes et programmateurs de cartes permettant d'accder frauduleusement aux émissions de télévision à péage diffusées par satellite ou par câble par les sociétés CANAL SATELLITE, CANAL +, T. P. S., LYONNAISE COMMUNICATIONS et NUMERICABLE. Ce site fournissait également les clés mensuelles permettant de reprogrammer les cartes d'accs à ces programmes ainsi que les codes d'accs aux films proposés à la carte par la société CANAL SATELLITE sur son service " kiosque ".
M. Ludovic X..., qui avait eu recours successivement à plusieurs fournisseurs d'hbergement sans donner son identité, a reconnu qu'il avait exploit ce site de juin à décembre 2001, époque à laquelle il l'avait dfinitivement fermé. Il a estimé, au cours de l'enqute, à quatre- vingt mille le nombre de " visiteurs " du site au jour de sa fermeture.
Il a déclaré qu'il lui tait impossible de savoir à combien de reprises des informations ou programmes proposés par son site avaient été téléchargées, étant en outre précisé que chaque visiteur avait pu se connecter à plusieurs reprises.

À l'issue de l'enqute, M. Ludovic X...a été cité à la requête du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris sous les préventions suivantes :
« d'avoir Royan, Paris, en tout cas sur le territoire national, du 06 / 05 à 12 / 2001, en tout cas depuis temps non prescrit, commandé, conçu, organisé ou diffusé une publicité faisant directement ou indirectement la promotion d'un quipement matériel ou instrument conçus en tout ou en partie, pour capter frauduleusement des programmes télédiffusés, lorsque les programmes sont réservés à un public déterminé qui y accède moyennant une rémunération versée à l'exploitant du service, en l'espce en concevant, organisant et diffusant sur les sites internet successifs " secaviac @ multimania. fr ", " secaviac @ ifrance. com " et " secaviac @ efrance. fr ", la documentation, sur les systèmes de cryptage, les plans de montage et les listes de composants pour la fabrication des cartes et des programmateurs, les fichiers permettant de décoder les chaînes cryptées, les clés mensuelles pour le décryptage des chaînes à péage, les identités des films diffusés sur le kiosque de CANAL SATELLITE, et ce, au préjudice des sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, LYONNAISE COMMUNICATIONS (NOOS), TÉLÉVISION PAR SATELLITE (T. P. S.) et NC NUMERICABLE,
Faits prévus et punis par les articles 79-2, 79-1, 79-5 de la loi 86-1067 du 30 / 09 / 1986. »
« d'avoir Royan, Paris, en tout cas sur le territoire national, courant 2001, 2002, jusqu'au 06 / 02 / 2002, depuis temps non prescrit, acquis, en vue de son utilisation d'un quipement matériel ou instrument conçu en tout ou en partie pour capter frauduleusement des programmes télédiffusés lorsque ces programmes sont réservés à un public déterminé qui y accède moyennant une rémunération versée à l'exploitant du service, en l'espce en détenant une carte dite " MOSE " soit une carte officielle Canal Satellite reprogrammée, plusieurs programmateurs artisanaux, une carte dite " SEASON " pour déchiffrer les clés mensuelles, des cartes artisanales non finalisées, de nombreux composants électroniques et le matériel électronique nécessaire à la fabrication de cartes et de programmateurs, au préjudice des sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, LYONNAISE COMMUNICATIONS (NOOS), TÉLÉVISION PAR SATELLITE (T. P. S.) et NC NUMERICABLE,
Faits prévus et punis par les articles 79-4, 79-1, 79-5 de la loi 86-1067 du 30 / 09 / 1986. »
« d'avoir Royan, Paris, en tout cas sur le territoire national, courant 2001, 2002, jusqu'au 06 / 02 / 2002, depuis temps non prescrit, dtenu, en vue de son utilisation d'un quipement matériel ou instrument conçu en tout ou en partie pour capter frauduleusement des programmes télédiffusés lorsque ces programmes sont réservés à un public déterminé qui y accède moyennant une rémunération versée à l'exploitant du service, en l'espce en détenant une carte dite " MOSE " soit une carte officielle Canal Satellite reprogrammée, plusieurs programmateurs artisanaux, une carte dite " SEASON " pour déchiffrer les clés mensuelles, des cartes artisanales non finalisées, de nombreux composants électroniques et le matériel électronique nécessaire à la fabrication de cartes et de programmateurs, au préjudice des sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, LYONNAISE COMMUNICATIONS (NOOS), TÉLÉVISION PAR SATELLITE (T. P. S.) et NC NUMERICABLE,
Faits prévus et punis par les articles 79-4, 79-1, 79-5 de la loi 86-1067 du 30 / 09 / 1986. »
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Par jugement, du tribunal correctionnel de Paris, du 6 mai 2003, M. Ludovic X...a, sur l'action publique, té déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis.
Le tribunal a, en outre, ordonn la confiscation des scellés.
Sur l'action civile, le tribunal a dclaré recevable les constitutions des sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, LYONNAISE COMMUNICATIONS, TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) et a condamné Ludovic X...à payer à CANAL SATELLITE la somme de 1 528, 02 i et à la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) la somme de 735 i au titre du préjudice économique lié aux infractions d'acquisition et de dtention d'quipements ;
Le tribunal a, en revanche, débouté les sociétés CANAL SATELLITE et CANAL + de leurs demandes respectives formées au titre du préjudice économique lié à l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés un public d'abonns.
Il a également débouté la société TPS de ses demandes formées au titre de la perte de gains liée à l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés à un public d'abonns.
Le tribunal a, de plus, débouté la société LYONNAISE COMMUNICATIONS de ses demandes formées au titre de ses préjudices moral et matériel.
Le tribunal a par ailleurs ordonné la publication dans trois journaux et aux frais du prévenu, dans la limite de 300 i par insertion du communiqué suivant :
« Par jugement en date du 06 / 05 / 2003, le tribunal correctionnel de Paris (17e chambre) a condamné Ludovic X...pour des faits de diffusion de publicité faisant la promotion d'quipements matériels conçus pour capter frauduleusement des programmes télédiffusés normalement accessibles moyennant rémunération et d'acquisition et de dtention de tels équipements et a statué sur les demandes civiles formées par les sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, T. P. S. et LYONNAISE COMMUNICATIONS ».
Au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale, le tribunal correctionnel de Paris a en outre condamné M. Ludovic X...à payer aux sociétés CANAL +, CANAL SATELLITE, T. P. S. et LYONNAISE COMMUNICATIONS la somme de 1 000 i chacune.

Le 16 mai 2003, la société LYONNAISE COMMUNICATIONS et la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) ont interjeté appel de ce jugement.
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Par arrêt du 14 mai 2004, la cour d'appel de Paris a confirm le jugement du tribunal correctionnel de Paris en ce qu'il avait dbouté la société LYONNAISE COMMUNICATIONS et la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) de leurs demandes au titre des préjudices économiques.
La cour de Paris a en revanche réformé le jugement entrepris en ce qu'il avait dbouté la société LYONNAISE COMMUNICATIONS de sa demande au titre du préjudice moral et a condamné M. Ludovic X...à payer à cette société la somme de 500 i à ce titre.
Elle a par ailleurs débouté les parties civiles de leurs demandes au titre des frais non répétibles engagés en cause d'appel.
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La socité TÉLÉVISION PAR SATELLITE a formé un pourvoi contre l arrêt de la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 8 mars 2005, la Cour de Cassation a cassé l arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mai en ses seules dispositions ayant rejet la demande de la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE en réparation de son préjudice économique causé par l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés à un public d'abonns et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.
La Cour de Cassation, aprs avoir énoncé au visa des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et de l'article 1382 du Code civil, qu'il " appart enait aux juridictions du fond de rparer dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ", a estimé qu'" en se dterminant pour rejeter la demande de la société TPS par des motifs fondés sur le caractère hypothétique du mode de calcul proposé par la société demanderesse pour évaluer le montant de son préjudice économique, alors que l'affirmation de l'existence d'un tel prjudice résultait de ses propres constatations et qu'il lui appartenait, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprciation, d'en rechercher l'tendue pour le réparer dans son intégralité, la cour d'appel avait mconnu les textes susvisés et le principe ci- dessus rappelé. "

Devant la cour de céans, la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE demande à la cour, par voie de conclusions, « d'infirmer le jugement dféré en ce qu'il l'a dboutée (...) de ses demandes au titre du préjudice économique lié à la perte de gain et, statuant à nouveau, de condamner M. X...à lui payer les sommes de :
-600 000 i à titre de dommages- intérêts pour la perte de gain représentée par l'utilisation frauduleuse de l'ensemble des programmes TPS par une population d'au moins 4 000 internautes durant six mois,
- la somme supplmentaire de 5 000 i au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale. »
Dans ses écritures, la société TPS rappelle l'ampleur du phnomène de piratage des télévisions à péage, phénomène démultiplié par Internet. Elle souligne que ces fraudes ont nécessité la mise en place d'importantes contre- mesures qui n'ont pas empché leur généralisation, qu'elle qualifie d'exponentielle.
Elle considre ce type de fraude comme constituant " un véritable fléau économique " et indique que, de 2001 à 2003, elle a dû investir la somme de 1 594 700 i pour développer des mesures techniques destinées à lutter contre le piratage.
Elle expose que les auteurs de ce type d'acte participent " un véritable système de prédation économique " car ces actes provoquent chacun une " perte substantielle de clientèle ". Les abonnements constituent en effet " les ressources principales des bouquets satellites ". De plus, ils affaiblissent l'image de marque des chanes à péage puisque leurs programmes paraissent ainsi accessibles à toutes personnes disposant d'un " minimum de connaissances lectronique ", d'une connexion Internet et de l'quipement nécessaire à la fabrication des cartes dès lors que les modes d'emploi sont mis en ligne.
La socité TPS souligne que M. X..., qui se présente comme un simple passionné d'informatique, a investi des sommes importantes pour disposer d'un matriel performant, que 80 000 personnes se sont connectées à son site en moins de six mois, chaque visiteur pouvant potentiellement reproduire des cartes et des programmateurs de cartes et les revendre. Les personnes se livrant à ce commerce frauduleux pouvaient en outre assurer à leur " clientèle ", grâce au site de M. X..., la mise à jour des clefs mensuelles.
Elle soutient qu'elle est fonde à solliciter de M. X...la réparation du préjudice direct et certain fondé sur le coût des programmes visionnés par les visiteurs de son site mais non payés par TPS. À cet égard, elle estime, au minimum, à 5 % des 80 000 visiteurs du site le nombre de personnes qui y ont puisé les informations indispensables à une fraude effective de tous les programmes T. P. S., compte- tenu du caractère particulièrement pédagogique du site de M. X....
Dés lors, 4 000 personnes étaient à même de visionner, sans payer d'abonnement, l'ensemble du bouquet TPS.
La socité TPS estime le coût maximal de l'abonnement permettant l'accs à ses programmes à environ 220 i par mois compte tenu des différents abonnements et options proposés au public. La durée de vie du site SECAVIAC ayant été de six mois, son manque à gagner s'tablit, selon elle à 220 i x 4 000 x 6 = 5 280 000 i.
Elle fait valoir que, si l'on objecte que ces 4 000 personnes n'auraient pu dpenser 220 i par mois, elles étaient au moins à même de payer le montant de l'offre minimale de TPS, soit 25 i par mois et que, ds lors, son manque à gagner ne peut être inférieur à 25 i x 4 000 x 6 = 600 000 i.
La société TPS soutient qu'elle a subi un prjudice direct et certain en conséquence des faits et cite de la jurisprudence à l'appui de son argumentation.
Elle tire de pices provenant d'une autre procdure ce qu'elle estime constituer la preuve de ce que les informations diffuses par M. Ludovic X...ont été effectivement utilisées.
Elle affirme que le calcul des dommages et intérêts qu'elle sollicite est justifi et fait valoir que l'on ne peut que pratiquer selon une mthode forfaitaire pour estimer le montant du dommage subi pour ce type de délit puisqu'il est impossible de " dterminer concrètement " les agissements frauduleux concernés qui restent cachés. Elle soutient que les personnes qui " visitent " ce type de site Internet ne " surfent " pas et que ne le font que des personnes qui cherchent à fabriquer et à recharger des cartes pirates pour ensuite les revendre sur le marché informel qui existe dans les lycées, les universités et les entreprises ainsi que, sur une grande échelle, dans les pays du Maghreb.
Dans ces conditions, le taux de 5 % retenu est fondé et a d'ailleurs té retenu par d'autres juridictions l'occasion d'affaires similaires.
La partie civile ajoute que la rparation de ce type de préjudice répond à un droit légitime expressément rappelé par la Cour de Cassation et que le mode de calcul qu'il propose est conforme une directive européenne relative à la protection de la propriété intellectuelle.
M. Ludovic X..., représenté par son conseil, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de rejeter la demande de la partie civile présentée au titre du préjudice économique.
Il demande subsidiairement à la cour de dire que le préjudice allégué ne peut résider que dans une perte de chance d'obtenir des abonnements et d'valuer la réparation à sa juste mesure en fonction des éléments concrets rapportés par la partie civile.
Il demande en outre à la cour de condamner la société TPS à lui verser la somme de 3 000 i " au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale, et de la condamner aux entiers dépens ".
Il fait valoir que " la constatation de l'infraction n'implique pas reconnaissance d'un prjudice direct et certain " et que l'accs du public visé par le texte appliqué en l'espce " s'entend de celui des clients de la chane captée ou cryptée au service qu'ils paient et non de l'accs gratuit des fraudeurs à ce service réservé ". Selon lui, l'argumentation de la socité TPS " procède d'une confusion volontaire entre dfinition de la victime de l'infraction et dfinition du préjudice résultant des agissements illicites ".

M. X...relève que la partie civile ne produit aucun document qui permettrait d'avancer que son chiffre d'affaires a baiss au cours de la période concernée par les poursuites ou, du moins, a moins progressé.
Il considère en outre que, de l'analyse des dcisions citées par la partie civile, il ne résulte en rien que les juridictions les ayant rendues ont entendu indemniser un manque à gagner qui serait en lien direct avec l'infraction.
Il rappelle qu'il n'a peru aucune rémunération de personnes qui aurait souhaité utiliser les procédés qu'il diffusait.

M. X...conteste galement ce qu'il qualifie de " postulat erron de TPS ".
Il estime que le chiffre de 80 000 visiteurs du site est largement exagéré car il peut comprendre des personnes qui s'y serait connectes par hasard sans nécessairement consulter l'ensemble des informations qu'il contenait. De plus, il n'est nullement tabli, contrairement à ce que soutient la partie civile, que 5 % de ces " internautes " aient disposé de la capacité technique nécessaire pour mettre en ‘ uvre les shmas et les logiciels proposés, puis pour fabriquer les cartes devant être utilisées pour procéder au décryptage. Il relève que la société LYONNAISE COMMUNICATIONS évaluait en première instance cette proportion à 1 %.

Il conteste en outre le fait que les 4 000 personnes qui aurait, selon la société TPS, capté illicitement les émissions diffusées par cet opérateur, auraient nécessairement souscrit un abonnement payant durant six mois. En effet, rien n'tabli que le public disposant des moyens de payer un abonnement préférerait recourir au procédé, certes économique, mais techniquement difficile à mettre en ‘ uvre, que permettaient les procdés incriminés.
Il ajoute que le manque à gagner qui pourrait avoir éventuellement résulté des agissements dénoncés, par hypothèse mis en ‘ uvre par de nombreuses personnes, ne pourrait lui tre intégralement imputé.

M. X...indique subsidiairement que le préjudice économique subi par la société TPS ne pourrait être constitué que par une perte de chance dont l'valuation devra être établie par des éléments concrets et qui ne pourrait qu'tre minime.

MOTIFS DE LA COUR
Sur le principe de la responsabilité civile de M. X....
La cour considère que le fait de porter à la connaissance du public, par un moyen de diffusion de masse, les moyens techniques permettant de capter gratuitement et frauduleusement les programmes émis par des chaînes de télévision à péage cause nécessairement aux exploitants de ces chaînes un dommage direct et personnel au sens de l'article 2 du Code de procdure pénale. En effet de tels faits ont nécessairement pour résultat direct d'inciter une partie du public se " désabonner " ou à s'abstenir de s'abonner.
M. X...a d'ailleurs implicitement reconnu, lorsqu'il a té entendu par les gendarmes, que son activité permettait effectivement à des personnes de capter frauduleusement des programmes de télévision payante lorsqu'il a dclaré aux enquêteurs qu'il recevait de nombreux courriers lectroniques qui lui " étaient adressés pour visiblement pirater les chaînes à péage ".
La cour estime en conséquence que M. X..., en se rendant coupable du délit de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d'abonns a participé directement et personnellement à la réalisation du préjudice causé à l'oprateur de télévision TPS. Le fait que des tiers non identifiés dans le cadre de la procédure soumise à la cour aient contribué à la réalisation du dommage en se livrant à l'activit constituant à confectionner les dispositifs de captation frauduleuse, en les distribuant et en les utilisant n'est en rien contraire la mise en cause de la responsabilité civile de M. X..., s'agissant d'un ensemble de comportements dlictueux qui forment un tout indivisible susceptible d'ouvrir la victime un droit à réparation dont chaque acteur pourrait être tenu solidairement avec les autres.
La cour relève par ailleurs qu'il n'est pas contest que les ressources des diffuseurs de programmes payants de télévision sont très largement constituées des redevances payées par les abonnés, dont le nombre ne pourrait que décroître dans des proportions mettant en péril leur viabilité économique si les personnes susceptibles d'tre intéressées par les programmes diffusés pouvaient capter ces derniers gratuitement en recourant à des procédés du type dont M. X...s'est rendu l'actif proslyte. La documentation produite par la partie civile comporte, sur ce point, des informations que la cour estime pertinentes.
La cour déduit de ce qui précède que ce type de fraude porte nécessairement atteinte à la valeur des dispositifs de cryptage utilisés par les parties civiles et ce alors que ces dispositifs constituent, pour les sociétés concernées, un élément d'actif important puisque leurs recettes dpendent en grande partie de l'impossibilit de " casser " ce cryptage ou du moins du niveau de difficulté des procédés à mettre en ‘ uvre pour y parvenir.
En outre, ces pratiques imposent aux socités concernées d'engager des frais importants pour lutter contre la fraude dont elles sont victimes. cet égard, la partie civile produit une attestation de son commissaire aux comptes selon laquelle les dépenses engagées entre le 31 décembre 2001 et le 31 décembre 2004 par TPS dans ce domaine se sont élevés à la somme de 1 594 700 i.
La cour déduit également des éléments qui lui sont soumis que l'atteinte la fiabilité des dispositifs de cryptage utilisés par un opérateur de télévision payante qui résulte de l'agression dont il est l'objet, est de nature semer le doute sur la viabilité de l'activit économique concernée. Une telle atteinte est en effet susceptible, non seulement de dissuader une partie du public à s'abonner mais galement de nuire à crédibilité de la société exploitant le service au regard de son actionnariat, des marchés financiers, de ses partenaires financiers et commerciaux et de son personnel.
La cour relève par ailleurs que l'hypothse selon laquelle le condamné n'aurait retir aucun profit financier des délits commis est, à la supposer établie, sans incidence sur son obligation de réparer les dommages causés par l'infraction dont il s'est rendu coupable.
Sur l'valuation du préjudice
La cour considère que les calculs de la partie civile pour évaluer son préjudice reposent sur des hypothèses qui ne sont étayées par aucun élément concret tiré du dossier soumis à la cour, non plus que des pièces produites et versées par elle aux débats. Il n'est en effet pas possible de dterminer combien, parmi les 80 000 personnes ayant visité le site de M. X..., ont par la suite réalisé et éventuellement commercialisé le dispositif frauduleux de captation des programmes concerné et combien, parmi les détenteurs et utilisateurs du dispositif, auraient souscrit à un abonnement TPS payant s'il n'avaient pas té en mesure d'utiliser le procdé de M. X....
S'agissant d'léments non démontrés, non vérifiés et non vérifiables, la cour écartera le mode d'valuation proposé par la partie civile pour chiffrer le dommage qui lui a été causé par M. X....
Compte tenu des éléments dont elle dispose, la cour évalue à 16 000 i la somme à allouer à la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) en réparation du préjudice économique causé à cette dernière par l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés à un public d'abonns, dont M. Ludovic X...a été déclaré coupable par les dispositions pénales du jugement entrepris.
La cour estime en outre équitable de condamner M. Ludovic X...à verser à la partie civile, au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale, la somme de 1 000 i pour les frais non répétibles engagés devant elle.
La cour déclarera irrecevable la demande de M. X...formée au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale dont elle rappelle qu'en tout tat de cause, il ouvre un droit à la partie civile et non au prévenu.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré,
Vu l arrêt de la Cour de Cassation du 8 mars 2005,
Statuant publiquement et contradictoirement,

EN LA FORME :
DÉCLARE recevable l'appel de la socité TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) formé contre le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 6 mai 2003,
AU FOND :
INFIRMANT le jugement entrepris,
CONDAMNE Ludovic X...à verser à la société TÉLÉVISION PAR SATELLITE (TPS) la somme de SEIZE MILLE EUROS (16 000 €) en réparation du préjudice économique causé à cette dernière par l'infraction de promotion publicitaire de moyens de captation frauduleuse de programmes tlédiffusés réservés à un public d'abonns dont il a été déclaré coupable,
CONDAMNE Ludovic X...à verser à la partie civile, au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale, la somme de MILLE EUROS (1 000 €) pour les frais non répétibles engagés devant la cour,
DÉCLARE irrecevable la demande de Ludovic X...formée au titre de l'article 475-1 du Code de procdure pénale.
Et ont signé le présent arrêt, Monsieur Jean- Michel LIMOUJOUX, Président et Mademoiselle Gwénaëlle KLING, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0016
Numéro d'arrêt : 05/01163
Date de la décision : 09/11/2006

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - / JDF

Le prévenu, dès lors qu'il est reconnu coupable du délit de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d'abonnés, prévu et réprimé par les articles 79 et s. de la loi nº 86-1067 du 30 septembre 1986, engage sa responsabilité civile à l'égard de la société de diffusion, partie civile, en raison du préjudice personnel et direct qu'il lui cause au sens de l'article 2 du code de procédure pénale, les faits poursuivis ayant nécessairement pour résultat d'inciter une partie du public à se "désabonner" ou à s'abstenir de s'abonner, de réduire le montant des redevances constitu- ant ses ressources, de porter atteinte à la valeur de ses dispositifs de crypt- age, représentant un élément d'actif important, ses recettes dépendant en partie de l'efficacité de ce dernier, de la contraindre à des frais élevés de lutte contre la fraude, l'atteinte ainsi portée à la fiabilité du cryptage pouvant, de plus, nuire à sa crédibilité face à ses actionnaires, ses partenaires financiers et son personnel, peu important que des tiers non identifiés aient concouru à la réalisation du dommage et que le prévenu n'en ait retiré aucun profit


Références :

Article 2 du code de procédure pénale et articles 79 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mai 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-11-09;05.01163 ?
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