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09/11/2006 | FRANCE | N°03/01619

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 novembre 2006, 03/01619


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80CH.L./C.R.F. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 09 NOVEMBRE 2006 R.G. No 05/04913 AFFAIR :Patrice X... C/S.A. ADHIPRESS en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 08 Septembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section : EncadrementNo RG : 03/01619Expédition exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrê

t suivant dans l'affaire entre : Monsieur Patrice X...
... comparant en personne, assis...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80CH.L./C.R.F. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 09 NOVEMBRE 2006 R.G. No 05/04913 AFFAIR :Patrice X... C/S.A. ADHIPRESS en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 08 Septembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section : EncadrementNo RG : 03/01619Expédition exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Patrice X...
... comparant en personne, assisté de Me Georges DEMIDOFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 458 APPELANT S.A. ADHIPRESS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis : 51 avenue Raymond Aron BP 118 92164 ANTONY représentée par Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 0236 INTIMÉE Composition de la cour :En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Jeanne MININI, président,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT,FAITS ET PROCÉDURE,

M. X... a été embauché par la société ADHIPRESS selon contrat à durée indéterminée du 26 septembre 1983 en qualité de directeur administratif.

Par avenant du 7 décembre 1998 il est devenu directeur des opérations catégorie cadre de la convention collective du commerce en gros.

Sa rémunération mensuelle était de 6 401,84 ç.

Au cours de l'année 2003, la société ADHIPRESS a été victime de détournements de fonds commis par l'une de ses salariées, Mme Y..., assistante comptable, qui démissionnait le 24 avril 2003.

Convoqué le 2 septembre à un entretien préalable fixé au 9 septembre 2003 M. X... a été licencié pour faute grave le 15 septembre suivant pour avoir, par sa négligence ou son imprudence, permis à la comptable d'effectuer ces détournements.

Plus précisément trois motifs étaient invoqués :- la mise en place d'un logiciel de virement sans contrôle de son utilisation,- signature de dix sept chèques encaissés par Mme Y...,- signature d'un virement à l'ordre de Mme Y....

Par jugement du 8 septembre 2005 le conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT a débouté M. X... de ses demandes tendant être indemnisé d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience du 6 octobre 2006 par lesquelles M. X... conclut à l'infirmation du jugement.

Il fait valoir liminairement que les faits invoqués au soutien du licenciement, nécessairement exécutés par Mme Y... avant sa démission du 24 avril 2003 étaient prescrits le 2 septembre 2003 ; que l'employeur qui doit prouver sa connaissance des faits postérieure à leur accomplissement n'apporte pas de renseignements sur les dates des résultats de l'enquête interne ayant différé cette

connaissance.

S'agissant du grief relatif à la mise en place du logiciel SAGE sans contrôle de son utilisation, M. X... réplique qu'il ne l'a pas choisi et n'avait pas à se former pour surveiller son utilisation par Mme Y... qui devait rapporter à M. Z..., président, ou à l'expert comptable - non licencié quant à lui ; que ce logiciel était adapté et qu'en toute hypothèse, n'est pas établi le lien entre son utilisation et les détournements.

Il ajoute n'avoir pas signé de chèques sans indication du bénéficiaire dont le nom a sans doute été modifié par Mme Y... ; qu'en tout cas le mode opératoire suivi par celle-ci était ignoré lors du dépôt de la plainte pénale concomitante à son licenciement et qu'il doit profiter du doute conformément à l'article L 122-14-3 ; qu'enfin il n'a jamais vu l'ordre de virement dont la signature lui est reprochée.

M. X... demande donc à la cour de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société ADHIPRESS à lui verser les sommes de :- 3 200,92 ç au titre du salaire afférent à la mise à pied et 320,10 ç au titre des congés payés y afférents,- 19 205,52 ç au titre du préavis et 1 920,55 ç au titre des congés payés y afférents,- 57 956,25 ç au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,- 230 466,24 ç à titre de dommages-intérêts,- 5 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,enfin d'ordonner la remise des documents sociaux conformes.

La société ADHIPRESS réplique qu'elle n'a su que M. X... avait signé des chèques et des virements détournés qu'au retour des demandes de photocopies faites aux banques en juillet et août 2003; moins de deux mois avant la procédure de licenciement ; que le bon de commande du logiciel SAGE a été signé par M. X... ; que, responsable de l'informatique, M. X... a refusé d'être formé pour ce nouveau

logiciel et n'a pu faire fonctionner un système de blocage empêchant la modification d'un virement ; qu'en sa qualité de directeur administratif, il devait contrôler le travail de Mme Y....

Elle ajoute que les chèques avaient été signés "en blanc" sans modification du bénéficiaire puisqu'aucune rature n'apparaissait.

S'agissant enfin de l'ordre de virement établi à l'ordre de Mme Y..., l'intimée souligne que M. X... aurait du vérifier la nature et le bien fondé de tout ordre de paiement signé par lui, d'autant qu'il émanait d'un salarié en congé de maternité.

La société ADHIPRESS demande donc à la cour de confirmer le jugement entrepris, à défaut de réduire le montant des dommages-intérêts à l'équivalent de six mois de salaire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 06 octobre 2006.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Considérant que selon l'article L 122-14-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre qui le notifie ; que ce ou ces motifs doivent être précis et matériellement vérifiables ; qu'à défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse peu important les motifs ultérieurs allégués par l'employeur ;

Considérant que l'article L 122-14-3 du même code subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et enfin suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;

Considérant enfin que si un doute subsiste, il doit profiter au salarié (article L 122-14-3) ;a) Sur la prescription

Considérant qu'aux termes de l'article L 122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance de celui-ci que dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure ;

Considérant qu'en l'espèce, M. X... a été convoqué en entretien préalable par lettre du 2 septembre 2003 remise en mains propres ; qu'il a été licencié pour faute grave se rapportant à des détournements effectués par Mme Y... - comptable - avant sa démission produite du 24 avril 2003 ; qu'il convient cependant de se référer à la date à laquelle la société a pu se convaincre de la "participation" de M. X... aux détournements ; que, s'agissant des dix sept chèques détournés, la connaissance du rôle de M. X... ne pouvait être antérieure aux demandes faites aux banques de délivrance de copies desdits chèques établissant leur signature par M. X... ; qu'ensuite, s'agissant des détournements de virements, aucun élément du dossier ne permet de fixer leur découverte avant le 2 juillet 2003 ; qu'à supposer que la société ait eu cette connaissance antérieure, ces faits - connexes des détournements de chèques - pouvaient être ajoutés à ces derniers, la prescription ne visant que des faits qui "à eux seuls" donnent lieu à poursuite ; qu'ainsi ce moyen doit être rejeté ;b) Sur la cause réelle et sérieuse

Considérant que le troisième grief imputé au salarié est d'avoir signé un ordre de virement de 5 977,61 ç au profit de Mme Y... ; que M. X... n'a pas reconnu cette signature ; que la société intimée ne produit pas l'ordre de virement litigieux ; qu'à défaut de preuve, ce grief ne peut être retenu ;

Considérant s'agissant des chèques détournés, que M. X... a reconnu la signature de plusieurs d'entre eux ; que cependant sa négligence fautive ne pourrait résulter que d'une apposition de signatures sur des chèques établis sans ordre - "en blanc" ; qu'aucun élément du dossier, y compris de la procédure pénale - ne permet de retenir ce mode opératoire ; que la seule production des photocopies de ces chèques ne permet pas d'exclure une modification du nom du bénéficiaire après signature ; que le doute qui existe doit bénéficier au salarié ; que ce grief ne peut être retenu ;

Considérant enfin, s'agissant des virements détournés, que l'employeur reproche à M. X... d'avoir commandé un logiciel de banque SAGE permettant d'effectuer des virements automatiques sans prendre la mesure des conséquences d'une utilisation détournée, sans vérifier que les transactions étaient sécurisées, sans recevoir de formation lui permettant de contrôler l'utilisation de ce logiciel par la comptable, Mme Y... ; que cependant, la seule signature par M. X... - délégataire de signature - du bon de commande de ce logiciel ne démontre pas qu'il l'ait choisi ; qu'à supposer que tel ait été le cas, la société reconnaît son utilité ; que preuve n'est pas rapportée que la mise en place d'une procédure de sécurisation prévue aurait empêché l'usage détourné de ce logiciel ; que ni la "responsabilité de l'informatique" ni "la gestion administrative du personnel" prévues à l'article 6 du contrat de travail de M. X... n'incluaient une surveillance du travail de la comptable, Mme Y..., placée sous l'autorité de M. Z... (article 6 du contrat de travail de cette salariée) ; qu'enfin aucun élément du dossier ne permet de relier - de manière certaine et exclusive - l'usage du logiciel aux détournements effectués ; que ce grief ne peut être retenu ;

Considérant que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et

sérieuse ; que l'appelant doit aussi recevoir paiement du salaire correspondant à sa mise à pied soit 3 200,92 ç, les congés payés y afférents (320,10 ç), l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois prévue à l'article 16.2 du contrat et les congés payés y afférents (19 205,52 ç et 1 920,05 ç) et une indemnité conventionnelle de licenciement calculée en application de la convention collective cadres du commerce de gros soit 57 956,25 ç ;

Considérant que M. X... a été licencié à 52 ans après vingt ans d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'il n'a pas retrouvé de travail et est aujourd'hui "en fin de droits" ; que la société devra lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 100 000 ç ;

Considérant qu'en application de l'article L 122-14-4 du code du travail la société devra rembourser à l'ASSEDIC de l'Ouest Francilien l'équivalent de six mois d'indemnité de chômage versées à M. X... ;

Considérant que vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la société ADHIPRESS devra verser à M. X... la somme de 2 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT le 8 septembre 2005 et statuant à nouveau :

Dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamne la société ADHIPRESS à payer à M. X... les sommes de :- 3 200,92 ç au titre du salaire de la mise à pied,- 320,10 ç au titre des congés payés y afférents,- 19 205,52 ç au titre de l'indemnité de préavis et 1 920,05 ç au titre des congés payés y afférents,- 57 956,25 ç au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,- 100 000 ç au titre des dommages-intérêts pour

licenciement sans cause réelle et sérieuse,- 2 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Dit que l'intérêt légal courra à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour ce qui concerne les créances salariales et à compter de ce jour pour les créances indemnitaires ;

Condamne la société ADHIPRESS à rembourser à l'ASSEDIC de l'Ouest Francilien (antenne de GUYANCOURT 1 rue Clément Ader Parc Ariane IV espace 19 78286 GUYANCOURT CEDEX) l'équivalent de six mois d'indemnité chômage et ordonne la notification de la présente décision à cet organisme ;

Condamne la société ADHIPRESS à remettre à M. X... les documents sociaux (certificats de travail et attestation ASSEDIC) conformes au présent arrêt dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

Condamne la société ADHIPRESS aux dépens et aux frais d'exécution de la décision.

Arrêt prononcé par Mme Jeanne MININI, président, et signé par Mme Jeanne MININI, président et par Mme Christiane PINOT, greffier présent lors du prononcé.

Le GREFFIER,

Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 03/01619
Date de la décision : 09/11/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-11-09;03.01619 ?
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