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26/10/2006 | FRANCE | N°348

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0012, 26 octobre 2006, 348


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2J.F.F./P.G. ARRET No Code nac : 55B contradictoire DU 26 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/04828 AFFAIRE :S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LA PRUDENCE CREOLE C/S.A. HESNAULT. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Avril 2005 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES No Chambre : 4 No Section : No RG : 2004F00012 jonction avec No 2004F1562 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JUPIN etamp; ALGRIN SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
r>LE VINGT-SIX OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES a rendu ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2J.F.F./P.G. ARRET No Code nac : 55B contradictoire DU 26 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/04828 AFFAIRE :S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LA PRUDENCE CREOLE C/S.A. HESNAULT. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Avril 2005 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES No Chambre : 4 No Section : No RG : 2004F00012 jonction avec No 2004F1562 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JUPIN etamp; ALGRIN SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT-SIX OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LA PRUDENCE CREOLE ayant son siège ... ILE DE LA REUNION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués - N du dossier 21574 Rep/assistant : Me Pascale Y... BERNARD, avocat au barreau de PARIS (E.221).APPELANTE.S.A. HESNAULT (et SAS selon extrait Kbis) ayant son siège ... LES GATINES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - N du dossier 05001099 Rep/assistant : Me Marie-Noùlle C... substituant Me Z..., avocat au barreau du

HAVRE. Monsieur A... DU NAVIRE M/S LA BOHEME ... Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY (SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY, Registre du Commerce de GENEVE) ayant son siège ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentés par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N du dossier 20050911Rep/assistant : Me B... Bernard, avocat au barreau du HAVRE. INTIMES Composition de la cour :En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Septembre 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport.Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller Greffier, lors des débats : Madame Marie D...,

FAITS ET PROCEDURE :

Dans le courant du mois d'octobre 2000, la Société RAVATE DISTRIBUTION, dont le siège social est à LA REUNION, a passé à la Société INTERSPORT une commande de 201 articles de sport.

La Société HESNAULT, en sa qualité de commissionnaire de transport, a été chargée d'assurer la livraison de la marchandise commandée ; elle a confié le transport maritime à la Société MEDITERRANEAN SHIPPING

COMPAGNY (M.S.C.), laquelle a établi un connaissement en date du 11 novembre 2000.

Le container a été embarqué au port de MARSEILLE, sur le navire "La Bohême", à destination du port de LA POINTE DES GALETS sur l'Ile de la Réunion ; la marchandise a été déchargée par la Société SOMACOM, acconier, le 30 novembre 2000.

Le 06 décembre 2000, la Société REUNION TRANSIT, transitaire pour le compte de la Société RAVASPORT, a constaté que le plomb présent sur le container était différent du plomb porté sur le connaissement.

Le 14 décembre 2000, l'expert maritime X... a dressé un procès-verbal confirmant que le container litigieux était porteur d'un plomb no 746240, au lieu du plomb no 0102 678 mentionné sur le connaissement.

La compagnie d'assurances LA PRUDENCE CREOLE, assureur de la Société RAVATE DISTRIBUTION, a, au mois de mai 2001, réglé à cette dernière une indemnité de 10.821,32 ç, représentant la contre-valeur de la marchandise manquante.

S'estimant subrogée dans les droits de son assurée, la Société PRUDENCE CREOLE s'est adressée à la Société HESNAULT, afin que cette dernière lui rembourse le montant correspondant à l'indemnité susvisée.

Consécutivement au refus du commissionnaire de transport de prendre en charge cette indemnité, la Société LA PRUDENCE CREOLE a, par acte du 27 novembre 2003, assigné la Société HESNAULT en paiement de la somme principale de 10.821,32 ç, augmentée des intérêts légaux et d'une indemnité de procédure.

Par acte du 17 décembre 2003, la Société HESNAULT a assigné la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY et Monsieur A... du Navire M/S "La Bohême" en intervention forcée et garantie.

Par jugement du 1er avril 2005, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a dit que l'action engagée par la Société LA PRUDENCE CREOLE à l'encontre de la Société HESNAULT est éteinte en raison de la prescription, déclaré sans objet l'action en garantie de cette dernière à l'encontre de la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY, et condamné LA PRUDENCE CREOLE à payer aux Sociétés HESNAULT et MSC, chacune, la somme de 1.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Compagnie d'assurances LA PRUDENCE CREOLE a interjeté appel de cette décision.

Elle fait valoir que la Société EUROMAR, qui était son mandataire, a demandé plusieurs reports de prescription de trois mois qui lui ont été accordés par la Société GROUPAMA, assureur de la Société HESNAULT, et ce jusqu'au 28 novembre 2003.

Elle relève qu'à l'examen des pouvoirs donnés à la Société EUROMAR et à la Société GROUPAMA, tant la Société LA PRUDENCE CREOLE que la Société HESNAULT ont donné à leurs mandataires respectifs un pouvoir général d'instruire le sinistre relatif aux pertes et dommages soufferts par l'envoi litigieux.

Elle en déduit que la validité des reports de prescription accordés par la Société GROUPAMA au nom et pour le compte de la Société HESNAULT à la Société EUROMAR ne saurait être sérieusement remise en cause.

Elle indique bénéficier, en tant qu'assureur de la marchandise, de la subrogation légale de l'article L 172-29 du Code des Assurances, et ce à due concurrence des sommes effectivement réglées par elle à son assuré en exécution de ses obligations contractuelles.

Elle soutient que la Société MSC avait elle-même chargé la Société SOMACOM, en sa qualité d'acconier, d'effectuer la manutention de la marchandise litigieuse au port de la Réunion.

Elle conteste que la remise de la marchandise entre les mains de la Société SOMACOM ait opéré livraison, alors qu'en application de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, seule la remise de la marchandise à la Société REUNION TRANSIT, consignataire de la cargaison désigné sur le connaissement, valait effectivement livraison, et alors que cette société a émis des réserves pour le compte du destinataire dès le 06 décembre 2000, date à laquelle la marchandise lui a été remise.

Elle allègue qu'en toute hypothèse, le transporteur maritime ne peut se prévaloir de la présomption de livraison conforme, puisque la Société SOMACOM a pris des réserves claires et précises contre le bord le 30 novembre 2000, soit le jour même du débarquement à quai des marchandises.

Elle précise que les réserves prises par l'acconier contre le bord au moment du déchargement à quai, et l'absence de réserves de la part du transporteur maritime lors du chargement du navire, mettent suffisamment en évidence que les dommages sont survenus au cours du transport maritime.

Elle souligne que, quelle que soit la méthode de calcul retenue (le nombre de colis ou le poids brut des marchandises perdues ou endommagées), la limitation de responsabilité opposée par la Société MSC est supérieure au montant de la réclamation formulée dans le cadre de la présente instance.

Par voie de conséquence, elle demande à la Cour de réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise, de dire l'action de la Société LA PRUDENCE CREOLE recevable et bien fondée, et de condamner la Société HESNAULT à lui payer la somme principale de 10.821,32 ç, avec intérêts de droit à compter du 27 novembre 2003, date de

l'exploit introductif d'instance.

Elle réclame en outre les sommes de 2.000 ç à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société HESNAULT soulève à titre principal l'irrecevabilité de l'action de la Compagnie LA PRUDENCE CREOLE, pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.

Elle fait valoir que, dans la mesure où cette dernière n'a communiqué ni la police d'assurance, ni l'avis d'aliment se rapportant au conteneur litigieux, il est impossible de vérifier si le règlement qui a été effectué l'a bien été au titre des obligations légales de la compagnie d'assurances en vertu de la police souscrite ou, au contraire, s'il résulte d'un geste commercial.

A titre subsidiaire, elle conclut au débouté de la Compagnie LA PRUDENCE CREOLE de ses prétentions.

Elle se prévaut de la clause de livraison au sous palan du navire, figurant sur le connaissement, et directement opposable tant au chargeur qu'au destinataire et donc à l'assureur subrogé dans les droits de celui-ci.

Elle invoque le défaut de réserves prises à l'encontre de la Compagnie MSC dans le délai de trois jours francs suivant le déchargement du conteneur du navire, pour en déduire que le transporteur maritime bénéficie, en vertu de l'article 57 du décret du 31 décembre 1966, d'une présomption de livraison conforme.

Elle relève que la société appelante ne rapporte pas la double preuve que les pertes auraient eu lieu lors du transport maritime, et que

ces pertes seraient imputables au transporteur maritime.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la Cour de dire que la Compagnie MSC devra la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en principal, intérêts, dommages-intérêts et frais.

Elle réclame aux autres parties la somme de 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY et Monsieur A... DU NAVIRE M/S LA BOHÊME sollicitent à titre principal la confirmation du jugement entrepris.

Ils exposent que le mandat produit aux débats, consenti par la Société HESNAULT à son assureur, GROUPAMA TRANSPORTS, ne donne pas pouvoir à ce dernier d'accepter des reports de prescription, dans la mesure où de tels reports n'étaient nécessaires et utiles qu'à la compagnie d'assurances PRUDENCE CREOLE, et non à la Société HESNAULT.

Ils approuvent donc les premiers juges d'avoir retenu que la société appelante n'apporte pas la preuve que la Société HESNAULT aurait consenti aux reports de prescription prévus par l'article 32 de la loi du 18 juin 1966.

Subsidiairement, ils concluent à l'irrecevabilité de l'action de la compagnie d'assurances PRUDENCE CREOLE pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.

Ils constatent que cette dernière s'est contentée de produire aux débats une proposition d'assurance ainsi que des avenants de renouvellement, ce qui ne met pas la Cour en mesure de vérifier qu'elle était contrainte de verser l'indemnité litigieuse, puisque notamment ne sont mentionnés ni les risques garantis ni les risques exclus.

Ils observent que la quittance subrogative versée aux débats, antérieure au versement de l'indemnité, est rédigée de telle sorte qu'elle laisse supposer que le paiement de l'indemnité est déjà intervenu.

Ils en déduisent que la société appelante ne peut se prévaloir d'aucune subrogation légale ou conventionnelle.

Encore plus subsidiairement, ils demandent à la Cour de débouter la compagnie d'assurances PRUDENCE CREOLE de ses prétentions.

Ils font valoir que les conditions générales du connaissement émis par elle définissent la livraison au destinataire sous palan, de telle sorte que c'est la date du 30 novembre 2000, et non celle du 06 décembre 2000, qui doit être retenue comme date de livraison.

Ils relèvent qu'en toute hypothèse, compte tenu de la clause de livraison sous palan, la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY n'a pu donner mandat à la Société SOMACOM que jusqu'au dépôt de la marchandise sur le quai.

Ils observent que le transporteur maritime ne saurait donc être tenu pour responsable des dommages qui ont pu intervenir entre le dépôt des marchandises sur le quai et leur remise effective au mandataire de la Société RAVASPORT.

Ils soulignent que le listing des réserves établies le 30 novembre 2000 est sans portée juridique, dès lors que ces réserves sont insuffisamment précises et motivées.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, l'indemnité réclamée par la partie appelante excède les limites d'indemnisation fixées par l'article 28 de la loi du 18 juin 1966.

Ils concluent à la condamnation in solidum des parties succombantes à verser à la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY la somme de 3.000

ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 juin 2006.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Considérant qu'il est constant que la Société EUROMAR, mandataire de la Société LA PRUDENCE CREOLE, a demandé plusieurs reports de prescription d'une durée de trois mois, qui lui ont été accordés par la Société GROUPAMA, assureur de la Société HESNAULT, et ce jusqu'au 28 novembre 2003 ;

Considérant que la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, en faisant valoir que la Société GROUPAMA n'avait reçu aucun mandat expres de son assurée en vue d'accorder de tels reports de prescription en son nom ;

Mais considérant que son allégation se trouve contredite par le pouvoir établi le 19 octobre 2001 par la Société HESNAULT, en vertu duquel cette dernière a confié à GROUPAMA TRANSPORTS le soin de :

"poursuivre en nos lieu et place auprès de qui de droit toutes réclamations relatives aux pertes et dommages soufferts par l'envoi ci-après : Un TC MSCU 109298.6..., à cet effet, traiter, transiger, introduire toutes actions judiciaires..., et généralement faire tout ce qui sera utile et nécessaire..., l'avouer et le ratifier" ;

Considérant qu'il s'infère des termes très généraux de cet écrit que la Société GROUPAMA TRANSPORTS avait reçu de la Société HESNAULT le pouvoir le plus étendu afin d'instruire le sinistre relatif aux pertes et dommages soufferts par l'envoi TC MSCU 109298.6, objet de ce litige ;

Considérant qu'au demeurant, si tel n'avait pas été le cas, la Société HESNAULT n'aurait pas manqué de contester la régularité des reports de prescription consentis par son assureur à la Société EUROMAR, ce qu'elle s'est gardée de faire dans le cadre de la présente procédure ;

Considérant qu'il y a donc lieu de valider ces reports de prescription, de constater que la Société HESNAULT a été assignée par acte du 27 novembre 2003, donc avant l'expiration du délai de prescription, et, en infirmant le jugement entrepris, de déclarer recevable l'action de la Société LA PRUDENCE CREOLE à l'encontre du commissionnaire de transport.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir :

Considérant qu'aux termes de l'article L 121-12 du Code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur";

Considérant que, conformément à cette disposition, l'assureur ne bénéficie de la subrogation légale que sous réserve que les sommes aient été réglées par lui en exécution de ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'en l'occurrence est versé aux débats un document aux termes duquel il est mentionné que : "la présente police a pour objet de garantir pour la période du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994 les importations maritimes et aériennes des marchandises diverses effectuées par les Etablissements RAVATE pour le compte de qui il appartiendra" ;

Considérant que cette police détermine la nature des risques assurés

(selon qu'il s'agit de "risques ordinaires" ou de "risques de guerre"), et précise les garanties auxquelles ils sont susceptibles de donner lieu, ainsi que les conditions tarifaires applicables ;

Considérant qu'un tel écrit, bien que comportant un tampon "proposition d'assurance", revêt un caractère contractuel certain, puisqu'il est revêtu de la signature de l'assurée, la Société RAVATE DISTRIBUTION, et a régulièrement fait l'objet d'avenants annuels de renouvellement ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est en exécution de la police d'assurance souscrite par son assurée à compter du 1er juillet 1993, toujours en cours de validité à la date du sinistre, que la Société LA PRUDENCE CREOLE a versé à cette dernière l'indemnité d'assurance à laquelle elle pouvait prétendre en réparation du dommage subi ;

Considérant qu'au surplus, il est acquis aux débats que la société appelante a, suivant courrier en date du 21 mai 2001, adressé à la Société RAVATE DISTRIBUTION un chèque global de 82.271,19 F (12.542,16 ç), incluant le sinistre litigieux pour un montant égal à 70.983,19 F (10.821,32 ç), ledit chèque ayant été effectivement encaissé par l'assurée ;

Considérant qu'au regard de ces éléments, mettant en évidence que l'indemnité a été payée par l'assureur en exécution d'une obligation découlant du contrat d'assurance, il convient de dire que la Société LA PRUDENCE CREOLE est légalement subrogée dans les droits de son assurée, et de la déclarer recevable à agir à l'encontre de la Société HESNAULT, commissionnaire de transport.

Sur la responsabilité du transporteur maritime :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, applicable au présent litige s'agissant d'un transport effectué entre

deux ports relevant de l'Etat Français, le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne rapporte la preuve d'une des causes exonératoires prévues par le texte susvisé ;

Considérant qu'il résulte de l'article 57 du décret du 31 décembre 1966 que, s'il s'agit de pertes ou dommages non apparents, le réceptionnaire doit notifier des réserves écrites au transporteur ou à son représentant au plus tard dans les trois jours de la livraison, faute de quoi les marchandises sont présumées, sauf preuve contraire, avoir été reçues par lui telles qu'elles sont décrites au connaissement ;

Considérant qu'en l'occurrence, il est acquis aux débats que le connaissement émis le 11 novembre 2000 par la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY (MSC) comporte une clause no 7 ainsi libellée dans sa traduction française :"Le navire peut débuter le déchargement immédiatement à son arrivée, sans en informer préalablement le destinataire... Un tel déchargement constitue la livraison en bonne et due forme en application de ce connaissement" ;

Considérant qu'il est admis que la clause, par laquelle le chargeur et le transporteur maritime conviennent du moment de la livraison par une clause de livraison sous palan figurant sur le connaissement, est parfaitement valable et opposable au destinataire, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci ait spécialement manifesté sa volonté de l'accepter ;

Considérant que la Société MSC, se prévalant de cette clause de livraison sous palan, expose que, le navire "La Bohême" étant arrivé au port de la POINTE DES GALETS le 30 novembre 2000, c'est à cette date que la livraison est intervenue, et non à celle du 06 décembre 2000, date de la remise de la marchandise au représentant du

destinataire ;

Considérant qu'elle en déduit qu'à défaut de réserves valables émises dans les trois jours, elle doit bénéficier de la présomption de livraison conforme édictée par l'article 57 du décret du 31 décembre 1966 ;

Mais considérant qu'il est admis que, nonobstant la clause sous palan, la responsabilité du transporteur demeure engagée lorsque les intermédiaires qui réceptionnent la marchandise agissent pour son compte ;

Or considérant que, d'une part, dans une télécopie du 08 juillet 2004, la Société SOMACOM, qui a procédé au déchargement en tant qu'acconier, atteste, sans être contredite par des documents probants, "être intervenue pour le compte de la Société MSC au déchargement des containers du navire et ce jusqu'à la livraison au réceptionnaire" ;

Considérant que, d'autre part, il ne s'infère nullement des éléments de la cause que la Société MSC aurait informé l'acconier qu'il prenait livraison de la marchandise pour le compte du destinataire ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est pour le compte du transporteur maritime que la Société SOMACOM est réputée avoir procédé aux opérations de mise à bord et de débarquement des marchandises telles que prévues par l'article 50 de la loi du 18 juin 1966 ;

Considérant que, dès lors, la Société MSC n'est pas fondée à soutenir que la remise des colis litigieux le 30 novembre 2000 entre les mains de la Société SOMACOM aurait opéré livraison, et l'aurait déchargée de ses obligations à défaut de réserves valables notifiées dans le délai de trois jours ;

Considérant qu'en toute hypothèse, la clause de livraison sous palan n'a pas non plus pour effet d'établir une présomption de livraison conforme dès le déchargement ;

Or considérant qu'en l'espèce, il résulte d'un document établi contradictoirement entre le "Chief Officer" (Second Capitaine) et l'acconier que celui-ci a émis des réserves dès le 30 novembre 2000, soit au moment du déchargement des marchandises à quai ;

Considérant qu'il s'infère de ces réserves, au demeurant suffisamment claires et précises, que le container a été débarqué à quai "non plombé", qu'il était "enfoncé", et qu'il a dû être replombé sous palan après déchargement avec un nouveau plomb portant le numéro 746240 ;

Considérant que, dans la mesure où, au regard de ce qui précède, la Société MSC n'est pas fondée à se prévaloir de la présomption de réception conforme édictée par l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, il lui incombe de rapporter la preuve que le dommage ne lui est pas imputable ;

Or considérant que le transporteur maritime ne verse aux débats aucun document de nature à mettre en évidence que le dommage survenu à la marchandise aurait eu pour origine l'un ou l'autre des cas exonératoires de responsabilité légalement prévus ;

Considérant qu'en particulier, il ne justifie pas avoir, avant d'embarquer la marchandise sur le navire "La Bohême", émis des réserves ayant trait à l'absence de plombage du container, ce qui permet de présumer que les marchandises présentées lors du chargement étaient conformes ;

Considérant que, pour sa part, l'expert maritime X... a, aux termes de son certificat d'avaries établi le 14 décembre 2000, confirmé que : "un plomb MSC no 746240 est présent sur la porte droite au lieu du

plomb no 0102678 mentionné sur le connaissement" ;

Considérant qu'il a déduit de ses constatations que les manquements étaient dûs à un vol perpétré avant le débarquement du container à la Réunion, donc nécessairement pendant le transport maritime, sans que ses conclusions aient été apparemment contestées par la Société MSC, laquelle était pourtant représentée lors de cette expertise contradictoire ;

Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu de déclarer la Société MSC responsable, sur le fondement de l'article 27 susvisé, du dommage subi par la marchandise, et de déclarer recevable et bien fondée l'action diligentée par la Société LA PRUDENCE CREOLE, subrogée dans les droits de son assurée, à l'encontre de la Société HESNAULT, en sa qualité de commissionnaire, tenu de répondre de ses substitués auxquels elle a eu recours pour l'exécution du transport litigieux.

Sur l'application des limitations de responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 18 juin 1966, la responsabilité du transporteur est limitée, pour les pertes ou dommages subis par les marchandises, aux montant fixés au a) du paragraphe 5 de l'article 4 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, modifiée par le Protocole signé le 21 décembre 1979 ;

Considérant qu'il résulte de l'article 4 paragraphe 5 a) de cette Convention que :"A moins que la nature et la valeur des marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsables des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666,67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut de marchandises

perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable" ;

Considérant qu'en application de l'article 5 d), il est prévu que l'unité de compte ci-dessus mentionnée est le Droit de tirage spécial tel que défini par le Fonds Monétaire International ;

Considérant qu'il s'infère des écritures des parties qu'au 30 novembre 2000, date de la constatation du dommage, le Droit de tirage spécial (DTS) était égal à 1,47624 euros ;

Considérant que, dans la mesure où le connaissement dont s'agit fait état du transport de 201 colis, le plafond d'indemnisation se rapportant au présent litige s'élève à la somme de : 666,67 x 1,47624 x 201 = 197.817,15 ç ;

Considérant que, pour s'opposer aux prétentions de la Société LA PRUDENCE CREOLE, la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY relève que le nombre de colis ne correspond ni au nombre d'unités de matériel transporté (617 unités facturées), ni aux factures relatives aux marchandises transportées (six factures) ;

Considérant qu'elle en déduit qu'il est impossible de déterminer le nombre de colis disparus, et partant, de vérifier si le préjudice dont il est demandé réparation entre bien dans la limite de l'obligation d'indemnisation à la charge du transporteur maritime ;

Mais considérant qu'aux termes de son certificat d'avaries établi le 14 décembre 2000, l'expert X... a constaté à l'ouverture du container l'existence d'un creux supérieur à 15 m3 représentant plus de la moitié du volume de ce container ;

Considérant que le pointage auquel l'expert a procédé a mis en évidence un total de 571 articles manquants sur les 617 articles de sport commandés par la Société RAVATE DISTRIBUTION et effectivement facturées à cette dernière par la Société INTERSPORT ;

Considérant qu'au regard de ces renseignements chiffrés, la société

appelante est fondée à conclure que la quasi-totalité des 201 colis transportés a été volée ;

Considérant qu'à titre surabondant, le commissaire d'avaries a constaté que le creux visible à l'ouverture du container est supérieur à 50 % du volume, de telle sorte que les manquants ont porté sur un minimum d'une centaine de colis;

Considérant qu'il en résulte que la limitation de responsabilité à laquelle la Société SMC se trouve soumise est, en toute hypothèse, supérieure au montant de la réclamation formée par la Société LA PRUDENCE CREOLE ;

Considérant qu'il y a donc lieu de condamner la Société HESNAULT, commissionnaire de transport, à verser à la société appelante la somme principale de 10.821,32 ç, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2003, date de l'assignation introductive d'instance.

Sur la demande de garantie et sur les demandes annexes :

Considérant qu'il est constant que la Société HESNAULT n'est intervenue qu'en qualité de commissionnaire de transport pour la phase maritime, sans qu'ait été démontrée, ni même alléguée à son encontre une faute personnelle en relation avec les manquants constatés à destination ;

Considérant qu'il y a donc lieu de la déclarer bien fondée à agir contre le transporteur maritime qu'elle s'est substituée pour l'acheminement litigieux, et, par voie de conséquence, de condamner la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY à la relever et garantir de toutes les condamnations en principal, intérêts, indemnité de procédure et frais prononcées à son encontre et au profit de la

Société LA PRUDENCE CREOLE ;

Considérant que, dans la mesure où la résistance opposée par la Société HESNAULT ne revêt aucun caractère abusif, il convient de débouter la société appelante de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de cette dernière;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société LA PRUDENCE CREOLE une indemnité de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que chacun des intimés conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par lui dans le cadre de la présente instance ;

Considérant qu'il convient de condamner la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY aux entiers dépens de première instance et d'appel.PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par la Société LA PRUDENCE CREOLE, le dit bien fondé ;

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

Déclare l'action de la compagnie d'assurances LA PRUDENCE CREOLE recevable et bien fondée ;

Condamne la Société HESNAULT à payer à la Société LA PRUDENCE CREOLE la somme principale de 10.821,32 ç, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2003 ;

Condamne la Société HESNAULT à payer à la Société LA PRUDENCE CREOLE la somme de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Déboute la Société LA PRUDENCE CREOLE de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute les Sociétés HESNAULT et MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY de leur demande d'indemnité de procédure ;

Condamne la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY à garantir la Société HESNAULT de toutes les condamnations en principal, intérêts, indemnité de procédure et frais prononcées à l'encontre de cette dernière et au profit de la Société LA PRUDENCE CREOLE ;

Condamne la Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPAGNY aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'assignation en garantie, et autorise d'une part la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, d'autre part la SCP DEBRAY-CHEMIN, Sociétés d'Avoués, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0012
Numéro d'arrêt : 348
Date de la décision : 26/10/2006

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie

Dans le cas d'un transport régi par les dispositions combinées de la loi n 66-420 du 18 juin 1966 et du décret n 66-1078 du 31 décembre 1966, le transporteur est présumé responsable, hormis les cas légaux d'exonération, des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison. Il est admis, nonobstant l'existence d'une clause sous palan au connaissement, que la responsabilité du transporteur demeure engagée lorsque les intermédiaires qui réceptionnent la marchandise agissent pour son compte. Dès lors qu'il est démontré que l'acconier, qui de plus a clairement mentionné au déchargement que le conteneur débarqué était endommagé, n'était pas plombé, et avait dû être re-plombé sous palan, est intervenu pour le compte du transporteur maritime, ce dernier ne peut soutenir que la livraison a été réalisée au jour de la remise de la marchandise à l'acconier, ni prétendre, alors que de plus il ne justifie pas avoir émis de réserves à l'embarquement, être déchargé des conséquences du vol de la marchandise du fait de l'absence de réserves émises par le réceptionnaire dans le délai de trois jours fixé par l'article 57 du décret du 31 décembre 1966. Il s'ensuit qu'il relèvera et garantira le commissionnaire de toutes les condamnations prononcées au bénéfice de l'assureur du destinataire


Références :

article 27 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966
article 57 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : MME LAPORTE, présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-10-26;348 ?
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