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18/10/2006 | FRANCE | N°05/1582

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 octobre 2006, 05/1582


E.D.COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 87D 14ème chambre ARRET No contradictoire DU 18 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/09447 AFFAIRE :Société FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT C/S.A.S. RENAULT AGRICULTURE Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 06 Décembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : No Section : No RG : 05/1582 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP BOMMART MINAULT.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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E.D.COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 87D 14ème chambre ARRET No contradictoire DU 18 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/09447 AFFAIRE :Société FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT C/S.A.S. RENAULT AGRICULTURE Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 06 Décembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : No Section : No RG : 05/1582 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP BOMMART MINAULT.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX-HUIT OCTOBRE DEUX MILLE SIX,

La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Société FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT ... représentée par Me Claire RICARD - du dossier 250844 assistée de Me Marie-Laure X... (avocat au barreau de CAEN) APPELANTE. S.A.S. RENAULT AGRICULTURE ... représentée par la SCP BOMMART MINAULT - N du dossier 32668 assistée de Me Béatrice Y... (avocat au

barreau de PARIS) INTIMEE ;

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Septembre 2006 devant la cour composée de :

Monsieur Thierry FRANK, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Mme Ingrid ANDRICH, Conseiller, qui en ont délibéré,Greffier, lors de débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI.

FAITS ET PROCEDURE,

La société RENAULT AGRICULTURE et les organisations syndicales ont négocié, en application de la loi du 13 juin 1998, un accord de réduction du temps de travail.

Un accord portant à la fois sur l'emploi, la formation et le temps de travail a été signé le 31 juillet 1999 entre la société et les organisations syndicales CFE-CGC et CFDT.

Cet accord comporte un chapitre 4 qui prévoit, sous le titre :

"développement des compétences et réduction du temps de travail" :

Afin d'élargir les possibilités d'accès à la formation, le présent accord crée pour chaque salarié un droit individuel à la formation dont une partie s'exerce hors du temps de travail effectif. Le droit individuel à la formation complète les formations au poste de travail qui continuent d'être dispensées pendant le temps de travail effectif.

Il prévoit la création d'un compte-épargne formation et précise :

- que les ETAM ont un droit individuel à la formation d'une durée de 35 heures, les ouvriers de 25 heures et les cadres de 6 jours, ce crédit étant déterminé sur une base annuelle et capitalisé d'une année sur l'autre.

- au paragraphe utilisation, que chaque salarié est acteur du développement de ses compétences et bénéficie d'un droit à la formation pris en charge dans le cadre du compte épargne.

La direction de la société RENAULT AGRICULTURE a informé et consulté le comité central d'entreprise sur la mise en place d'un projet ALLIANCE, impliquant une formation au progiciel SAP, qu'elle a imputé pour certains modules sur le compte-épargne formation de chaque salarié.

Invoquant le fait que cette formation imposée ne pouvait être débitée autoritairement du compte-épargne, la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT a fait assigner la société RENAULT AGRICULTURE en référé pour qu'il lui soit fait, sous astreinte, interdiction de débiter le compte-épargne formation des salariés au titre de la formation SAP et qu'il lui soit ordonné de créditer les comptes-épargne formation qui auraient déjà été débités.

Par une ordonnance en date du 6 décembre 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de VERSAILLES a renvoyé les parties à se pourvoir au principal, mais déclaré la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE C.G.T. irrecevable à agir.

Le premier juge a noté que la FEDERATION fondait son action sur les dispositions de l'article L 411-11 du code du travail. Il estimait que l'action de la FEDERATION qui ne concerne pas l'intérêt collectif de la profession, devait être déclarée irrecevable.

Il a retenu que si le non respect d'un accord d'entreprise, concernant par nature une collectivité limitée de salariés, peut, dans certains cas, affecter l'intérêt collectif de la profession, il n'en était ainsi que lorsque le préjudice causé par le non respect des dispositions invoquées excédait le cadre de cette collectivité

pour atteindre l'ensemble de la profession, un tel effet ne se concevant que pour des dispositions concernant des principes d'ordre public, ce qui n'était pas le cas des dispositions du compte- épargne temps en cause.

La FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT a relevé appel de cette décision, sollicité son infirmation et repris ses demandes telles que présentées devant le premier juge, sollicitant une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Elle soutient que le syndicat se comporte comme un agent public qui agit dans l'intérêt du service public ou de la légalité et que le seul critère est l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession défendue par le syndicat.

Elle indique avoir vocation à défendre l'intérêt collectif des travailleurs de la métallurgie dont font partie les salariés de la société RENAULT AGRICULTURE.

La société anonyme RENAULT AGRICULTURE a conclu à la confirmation de la décision en reprenant les motifs du premier juge.MOTIFS DE L'ARRÊT Sur la recevabilité à agir de la fédération CGT :

Considérant d'une part qu'il est constant que l'accord du 31 juillet 1999 est circonscrit à l'entreprise RENAULT AGRICULTURE et que la FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS DE LA MÉTALLURGIE CGT qui n'en est pas signataire, a vocation à défendre les intérêts des salariés de la société RENAULT AGRICULTURE dont l'activité relève de la branche de la métallurgie ;

Considérant d'autre part que les syndicats ont le monopole de la négociation collective dans l'entreprise et qu'un accord d'entreprise constitue une norme collective, applicable à tous les salariés, que tout syndicat non signataire peut combattre dans l'intérêt collectif de la profession ;

Considérant enfin que le non-respect, par l'entreprise qui en est signataire, d'un accord qu'elle a négocié, porte atteinte à l'intérêt collectif de stabilité réglementaire de la profession ;

Que l'action, non pas en annulation de l'accord, mais en application de ses dispositions par l'employeur, peut être exercée par un syndicat en vertu de l'article L 411-11 du Code du Travail ;

Que dès lors, la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT, qui se prévaut d'une violation des dispositions de l'accord du 31 juillet 1999, est recevable à saisir le juge des référés ;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point ;Sur l'existence d'un trouble illicite et les mesures sollicitées :

Considérant que la FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT fait valoir que l'accord du 31 juillet 1999 qui a instauré le compte- épargne formation au bénéfice des salariés de RENAULT AGRICULTURE et leur a reconnu un droit individuel à la formation ne concerne que la formation destinée au développement des capacités du salarié, que le temps qui y est passé n'est pas compté comme temps de travail effectif et que le trouble illicite, qu'il convient de faire cesser, résulte de l'affectation du temps passé à la formation SAP sur ce compte-épargne ;

Considérant que l'employeur a l'obligation d'adapter le salarié à l'évolution de son emploi et que l'accord d'entreprise du 31 juillet 1999 prévoit expressément en son article 4 que : " Le droit individuel à la formation complète les formations au poste de travail qui continuent d'être dispensées pendant le temps de travail effectif ";

Considérant qu'il est indéniable que la mise en oeuvre du projet "ALLIANCE", décidée par l'entreprise, qui correspond, après fusion avec la société CLAAS, à la mise en place d'un progiciel SAP,

présentée au comité central d'entreprise du 21 décembre 2004 comme "une petite révolution pour l'entreprise", implique un important plan de formation des salariés et que cette formation est à l'initiative du seul employeur ;

Considérant que la société employeur oppose que la formation SAP n'est pas imposée aux salariés et qu'elle entre dans le cadre de l'accord du 31 juillet 1999 qui n'exclut pas :

- le suivi, accepté, d'une formation proposée par l'employeur,

- les formations suivies partiellement en dehors des horaires de travail,

- les formations qui répondent à la fois à un objectif d'adaptation à l'évolution de l'emploi et à l'acquisition de nouvelles compétences, prévues également par l'accord de branche signé le 20 juillet 2004 qui définit, conformément à la loi du 4 mai 2004, les priorités des actions de formation réunissant les deux catégories de formation en retenant comme prioritaires : l'élargissement et l'acquisition d'une qualification, l'élargissement du champ professionnel d'activité et également l'adaptation aux évolutions de l'emploi, aux mutations industrielles et à l'évolution du système de production et des technologies ;

Considérant néanmoins, d'une part, qu'une distinction entre ces deux catégories de formation, au vu également de l'article L 932-1, I et II du Code du Travail qui dispose que le temps passé par le salarié à une formation pour assurer son adaptation au poste de travail est un temps de travail effectif et que la formation est mise en oeuvre

pendant le temps de travail qui, par principe, ne doit pas être dépassé, alors que selon les dispositions de l'article L 932-1, III du même Code, les actions de développement des compétences peuvent se dérouler en dehors du temps de travail, reste pertinente, au regard de l'accord du 31 juillet 1999, négocié dans le cadre d'une réduction du temps de travail, par lequel la société employeur s'est obligée à reconnaître, organiser et assumer pour partie la charge d'une formation autre que celle d'adaptation à l'emploi qui incombe et incombait déjà à tout employeur ;

Considérant d'autre part que si la société employeur indique qu'elle a pris simplement acte du refus d'un salarié de participer à la formation SAP (en raison de l'imputation de celle-ci à son crédit-épargne formation), elle ne produit aucun élément tangible sur le sort des salariés qui n'auront pas acquis une compétence leur permettant de travailler avec l'outil SAP dont les fonctions permettront, selon le texte même de sa présentation au comité central d'entreprise "de personnaliser les menus, les écrans, les états et tous les documents sortants, intégreront les outils de communication c'est-à-dire les liens avec la messagerie, les périphériques externes et toutes les fonctionnalités pour gérer une entreprise" ;

Que, par ailleurs, l'absence de préjudice causé aux salariés, en raison d'un usage au sein de la société selon lequel l'insuffisance de temps de formation épargné sur le compte créé par l'accord de 1999 ne fait pas obstacle au suivi d'une nouvelle formation, ne suffit pas à justifier l'imputation de la formation dénoncée comme indispensable à l'entreprise qui a décidé de mettre en oeuvre le projet ALLIANCE ;

Considérant, enfin, que l'adaptation à un nouvel outil informatique, comme dans le cas d'espèce, a nécessairement pour effet l'acquisition de nouvelles compétences et cette acquisition ne peut à elle seule induire que la formation initiée par l'employeur, relève de la

catégorie des actions de développement des capacités du salarié ;

Que s'il n'appartient pas au juge des référés de déterminer si la formation SAP relève de l'une ou l'autre des formations professionnelles, l'existence même d'un différent sur ce point qu'il appartiendra au juge du fond de trancher, justifie qu'il soit fait défense à l'employeur sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, de faire peser sur le compte-épargne formation des salariés, le temps passé à cette formation ;

Considérant qu'en l'absence de demande des salariés dont le compte-épargne a été débité de la formation suivie au titre SAP, il n'y a pas lieu d'ordonner à la société RENAULT AGRICULTURE de créditer ces comptes ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, il y a lieu de condamner la société RENAULT AGRICULTURE à lui verser 1000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;PAR CES MOTIFS,

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau :

Déclare la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT recevable en ses demandes ;

Fait défense à la société RENAULT AGRICULTURE, sous astreinte de 100 euros (cent euros) par infraction constatée, d'imputer au compte épargne formation des salariés créé par l'accord du 31 juillet 1999, le temps passé au titre de la formation SAP ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

Condamne la Société RENAULT AGRICULTURE à verser à la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT, 1000 ç (mille euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la société RENAULT AGRICULTURE aux dépens, autorisation étant donnée à la Maître RICARD, avoué, de les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé et signé par Monsieur Thierry FRANK, président et par Madame Marie-Pierre LOMELLINI, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 05/1582
Date de la décision : 18/10/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-10-18;05.1582 ?
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