COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 11ème chambre ARRET No contradictoire DU 17 OCTOBRE 2006 R.G. No 06/01686 AFFAIRE :
Christophe X... C/ S.A. HACHETTE FILIPACCHI PHOTOS, venant aux droits de la société HACHETTE PHOTOS "GAMMA G WORLD STILLS", venant elle-même aux droits de la S.A. STILLS PRESS AGENCY par fusion absorption Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 26 Avril 2001 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT No RG : 00/00512 Section : Encadrement Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Christophe X... ... 92420 VAUCRESSON Comparant en personne, assisté de Me Sandra PFLUG-NADJAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1033 APPELANT S.A. HACHETTE FILIPACCHI PHOTOS, venant aux droits de la société HACHETTE PHOTOS "GAMMA G WORLD STILLS", venant elle-même aux droits de la S.A. STILLS PRESS AGENCY par fusion absorption 13 rue d'Enghien 75010 PARIS Représentée par Me Michel RASLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 298 INTIME Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette SANT, présidente chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE vice-Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, conseillère, Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE, FAITS ET PROCÉDURE,
Engagé par la société Stills Press Agency à compter du 1er septembre 1993, en qualité de photojournaliste, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement.
Par lettre du 22 juin 1999, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 12 octobre 1999, l'inspecteur du travail a refusé à l'employeur l'autorisation sollicitée de licencier le salarié, qui était délégué du personnel.
Sur recours hiérarchique, le ministre du travail et de l'emploi, le 13 avril 2000 a annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement.
M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 4 mai 2000 au motif qu'il ne s'est pas présenté à l'agence depuis le 22 juin 1999 et ce malgré une mise en demeure du 5 juillet 1999.
Le salarié ayant formé un recours gracieux contre la décision ministérielle, la ministre du travail et de l'emploi, le 30 août 2000 a retiré sa décision du 13 avril 2000 et décidé que la décision de l'inspectrice du travail du 12 octobre 2000 demeure annulée aux motifs qu'elle ne s'était prononcée que sur le second grief et que la protection du salarié ayant expiré le 2 août il n'appartenait plus à la ministre de se prononcer sur le licenciement du salarié.
L'employeur a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette
décision devant le tribunal administratif qui, par jugement rendu le 9 mars 2005, a rejeté la requête.
Entre temps, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, saisi par le salarié de diverses demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, a condamné l'employeur à payer au salarié une prime d'ancienneté et débouté ce dernier du surplus de ses demandes par jugement rendu le 26 avril 2001. Par arrêt du 29 janvier 2003, la Cour d'appel de Versailles a notamment sursis à statuer sur les demandes relatives au licenciement dans l'attente de la décision du tribunal administratif, disposition qui n'a pas été affectée par une cassation d'autres dispositions de l'arrêt prononcée le 10 mai 2005 par la Cour de cassation.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 septembre 2006. Par conclusions déposées à cette date, le salarié demande à la Cour de -juger que son licenciement est nul faute d'avoir été autorisé par l'autorité administrative compétente, - à titre principal, de condamner la société Hachette Photos à lui payer 236.671,87 ç à titre d'indemnisation de la nullité de son licenciement, - à titre subsidiaire, de condamner la société Hachette Photos à lui payer 236.430,16 ç à titre d'indemnisation de la nullité de son licenciement, - à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Hachette Photos à lui payer à titre d'indemnisation de la nullité de son licenciement, soit 113.131,85 ç pour la période du 4 mai 2000 au 22 juin 2005, soit 112.890,14 ç pour la période du 4 mai 2000 au 30 mai 2005, - en tout état de cause, constater la rupture du contrat de travail en conséquence du refus de la société Hachette Photos de procéder à sa réintégration, ou à défaut au 30 mai 2005, - condamner la société Hachette Photos à lui payer
. une indemnité de licenciement de 74.385,72 ç,
. une indemnité de préavis de 12.397,62 ç et l'indemnité de congés
payés afférents, - rectifier l'erreur matérielle affectant l'arrêt du 29 janvier 2003 et condamner la société Hachette Photos à lui payer 17.215,38 ç à titre de rappel de congés payés, - condamner la société Hachette Photos à lui payer 8.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions établies au nom de la société Stills Press Agency déposées à l'audience, la société Hachette Fillipacchi Photos, venant aux droits de la société Stills Press Agency, demande à la Cour de - juger irrecevable la demande de réintégration formulée par le salarié le 22 juin 2005, - juger que le refus de réintégration du salarié par la société n'est pas constitutif d'une rupture de contrat de travail, - débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, - le condamner à lui payer 7.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le salarié soutient que - après le jugement du tribunal administratif, il ne subsiste plus aucune décision autorisant son licenciement, - le greffe du tribunal administratif n'ayant pas réussi à lui notifier le jugement du 9 mars 2005 en raison d'une erreur d'adresse contenue dans le jugement et en outre il a changé d'avocat, ce qui fait qu'il n'a eu connaissance du jugement qu'en se rendant au greffe de ce tribunal, - il a demandé sa réintégration par lettre du 22 juin 2005 que la société Hachette lui a refusée aux motifs que le jugement du tribunal administratif ne remettait pas en cause la validité du licenciement, - il ne demande plus sa réintégration, mais l'indemnisation, qui a un caractère forfaitaire, de la nullité de son licenciement, - c'est le jugement administratif, qui est la première décision juridictionnelle emportant droit à réintégration, qu'il faut prendre en considération pour apprécier l'indemnisation due.
La société Hachette Fillipacchi Photos soutient que - la rupture est
du fait du salarié, - elle a régulièrement refusé la demande de réintégration faite hors délai par le salarié, lequel n'apporte pas la preuve d'une erreur commise par le tribunal administratif puisqu'il appartenait au salarié de communiquer au tribunal son changement, - la rupture ne peut être constatée à ses torts, - si une rupture par la société était constatée, le salarié ne peut qu'être débouté de ses demandes. Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs conclusions écrites soutenues à l'audience ainsi qu'à leurs observations orales consignées par le greffier à l'audience.
SUR CE, LA COUR: Considérant que par lettre du 4 mai 2000, l'employeur a notifié au salarié son licenciement, après la décision d'autorisation qui lui a été donnée par la décision de la ministre de l'emploi et de la solidarité du 13 avril 2000 ; Que le 30 août 2000, la ministre de l'emploi et de la solidarité a retiré sa décision du 13 avril et décidé que " la décision de l'inspectrice du travail du 12 octobre 1999 demeure annulée ", après avoir notamment dans les motifs de sa décision indiqué que la protection du salarié a expiré le 2 août 2000 et qu'en conséquence, il n'appartient plus au ministre de se prononcer sur le licenciement " ; Que le tribunal administratif dans son jugement du 9 mars 2005, appréciant si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, après avoir énoncé que la circonstance que le salarié n'ait pas informé par écrit la société conformément aux stipulations
conventionnelles n'est pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant manqué à son obligation de loyauté et comme ayant commis une faute justifiant le licenciement, a rejeté la requête de l'employeur ; Considérant cependant qu'il résulte des écritures des parties, des débats et des pièces produites que le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre du 22 juin 1999 ; Que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d'une démission ; Que la notification par lettre du 4 mai 2000 au salarié de son licenciement est dès lors dépourvue d'effet ;
Considérant que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 22 juin 1999, pour les motifs énoncés en ces termes : " à Or, depuis plusieurs mois, ainsi que je vous l'exposais dans mon courrier du 4 juin, l'équipe rédactionnelle ne me confie plus les reportages dont j'étais jusque là chargé, sur les grands événements musicaux, le gotha, ainsi que sur les rendez-vous people. Pire, les reportages dont je fournis le projet, parce que j'ai pu acquérir certaines informations, sur des personnalités du spectacle ou du gotha sont confiés, contre toute déontologie, à d'autres qu'à moi. Etant quasiment sans activité au sein de l'agence par suite du changement de politique rédactionnelle, les prises de vues qui me sont confiées deviennent de plus en plus rares, de telle sorte que les salaires que je peux en attendre d'ici 3 à 5 mois et dans les mois suivants vont s'avérer ridicules et sans commune mesure avec les efforts que j'avais déployé jusque là dans l'agence. Compte tenu de ces faits, qui aboutissent de la part de mon employeur à littéralement " étouffer mes piges ", j'estime être en présence d'une
modification substantielle de mon contrat de travail. D'autre part, le fait de cesser de me confier des reportages à réaliser et de me priver ainsi de la rémunération qui est mon seul moyen de subsistance, pour moi-même, ma femme et mes 2 enfants, équivaut à une rupture de mon contrat de travail. Lors de l'entretien du 22 juin, vous avez voulu me démontrer que les problèmes liés au manque de production ainsi qu'à mes conditions de travail étaient dus à de fâcheux " concours de circonstances ". J'avoue ne pas comprendre puisque, d'une part, vous êtes arrivé à l'agence depuis quelques mois et vous avez été présenté comme un homme d'expérience capable et, d'autre part, vous êtes arrivé avec votre propre équipe, ce qui a conduit au licenciement et au départ de nombreux salariés et collaborateurs initialement en place. Je pense qu'il aurait été plus sincère de m'annoncer que je serai moi aussi concerné par cette restructuration. Sans doute mon mode de rémunération, en pourcentage du produit de mes ventes, a-t-il conduit au processus qui aboutit à ce que je m'attende à ne rien percevoir dans les mois qui viennent. Enfin, la conférence de rédaction du 4 juin dernier a permis à chacun de comprendre que la tendance de l'agence Stills serait désormais plus à la diffusion de photographes extérieurs qu'à la production de sujets émanant de l'agence, donc de ses propres photographes. Cette tendance, qui traduit mes rémunérations de façon avérée, constitue bien une modification substantielle du contrat de travail que les bulletins de salaire que je devrais recevoir pour les exploitations de mes photographies depuis quelques mois et dans les mois qui viennent vont venir vérifier. Je prends donc acte, tout à la fois de la rupture qui m'est imposée du fait de cette nouvelle politique de l'agence, et de la modification substantielle de mon contrat de travail qui m'a été imposée sans avoir été soumise préalablement à mon acceptation. Mon contrat de travail étant, dans un cas comme dans
l'autre, rompu, la date de réception du présent courrier avec avis de réception marquera laMon contrat de travail étant, dans un cas comme dans l'autre, rompu, la date de réception du présent courrier avec avis de réception marquera la fin de mon contrat de travail, fin qui vous est imputableà" ;
Considérant que le salarié n'apporte aucun élément de preuve des griefs énoncés dans cette lettre ;
Qu'il n'apporte pas plus d'élément de preuve concernant la baisse sensible du nombre et la variété de ses photographies depuis plusieurs mois imputable à l'employeur et de la priorité donnée à la rediffusion de photographies extérieures à l'agence qui constituerait la concurrence déloyale qu'il évoquait tout en reconnaissant que sa rémunération n'avait pas baissé dans sa lettre du 11 juillet 1999, en réponse à une lettre de l'employeur du 5 juillet 1999, contestant la rupture ;
Que dans la même lettre, s'agissant de son refus évoqué par l'employeur dans son courrier, d'effectuer des reportages, il expliquait en ce qui concerne un mariage au Lischtenstein, qu'il n'avait pas voulu prendre le risque financier de partir sur un reportage que la rédaction n'avait pas été en mesure de préparer, ce qui n'est démontré non plus par aucune pièce, il évoquait le fait, en ce qui concerne des reportages sur le mariage d'Edouard d'Angleterre et d'Eude de France et les concerts de la fête de la musique, que par magie il y avait des reportages à lui confier deux jours avant son mariage et enfin concernant le mariage de Gilbert Montagnié il indiquait que ce mariage avait lieu le 30 juin et à cette date il était libéré de ses obligations morales et que ce reportage, sachant qu'il ne faisait plus partie de la société, ne constituait pas une concurrence déloyale ;
Considérant que d'une part, la rupture résultant d'une prise d'acte
par le salarié de la rupture de son contrat de travail antérieure aux décisions administratives, les dispositions de l'article L 425-3 du Code du travail ne sont pas applicables ;
Que d'autre part, les faits imputés à l'employeur par le salarié n'étant pas établis, la rupture produit les effets d'une démission ; Que, par suite, le salarié n'est pas fondé en ses demandes et, le jugement qui l'a débouté de ses demandes relatives au licenciement se trouve justifié ;
Considérant que, compte tenu de l'arrêt du 29 janvier 2003 chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, chacune conservera à sa charge ses propres dépens ;
Que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
DIT que la prise d'acte le 22 juin 1999, par M. X..., de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts,
DÉBOUTE M. X... de l'ensemble de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail,
DIT que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Colette SANT, présidente et par Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
La PRÉSIDENTE,