COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 59B 12ème chambre section 1 MJV ARRET No CONTRADICTOIRE DU 12 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/07935 AFFAIRE :S.A. SEPHORA FRANCEC/S.A. D... REYNOLDS A... déférée à la cour :
Jugement rendu le 09 Septembre 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 3No RG : 2348F/04 Expéditions exécutoires ExpéditionsCopiesdélivrées le : à :
SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBODSCP FIEVET-LAFON REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAISLE DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. SEPHORA FRANCE, dont le siège est : ... - ZAC des Vergers - POLE 45 - 45770 SARAN, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD, avoués - N du dossier 0541891 Plaidant par Me Olivier B..., avocat au barreau de PARIS APPELANTE****************S.A. C... REYNOLDS dont le siège est : ..., agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N du dossier 251153 Plaidant par Me Laurence Y..., avocat au barreau de PARIS INTIMEE****************Composition de la cour :L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Septembre 2006 devant la cour composée de :
Madame Sylvie MANDEL, président,
Monsieur X... CHAPELLE, conseiller,
Madame Marie-José VALANTIN, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine Z...
La société D... REYNOLDS a pour activité principale la fabrication et
l'importation de produits et notamment de lingettes démaquillantes.
Elle a été retenue dans le cadre d'un appel d'offres, par la SA SEPHORA. Selon un courriel expédié par la SA SEPHORA le 6 août 2002, la SA D... REYNOLDS, devait fournir des lingettes en sachets individuels regroupés par 10. La prestation comportait la fabrication de la lotion démaquillante imprégnant la lingette, l'imprégnation des lingettes, le conditionnement (sachet et boîte) la pose de l'étiquette d'inviolabilité, l'impression du numéro de lot sur le sachet et sur la boîte, la mise en cartons et la livraison dans le lieu de stockage précisé par la SA SEPHORA.
Par ce même courriel, la SA SEPHORA a commandé 13 500 pack de 10 lingettes, à livrer dans les 11 semaines.
Le 13 août 2002, cette commande a été matérialisée par un bon de commande, puis la SA SEPHORA a signé un second bon de commande de 13 824 (boîtes).
Le 8 janvier 2003, la SA D... REYNOLDS a indiqué par mail à la société SEPHORA qu'elle ne disposait plus que de 6000 uvc (unités de ventes consommateurs) et lui a fait la proposition suivante "étant donné que notre délai de réapprovisionnement vers notre site de production est de 10 semaines, nous préconisons d'effectuer un retirage d'emballages à hauteur de 35 000 boîtes sur cette référence".
Par courriel du 14 Janvier 2003 la SA SEPHORA lui a répondu " BON POUR ACCORD POUR NOUVEAU TIRAGE DE 35 000 boîtes".
Le 15 mai 2003, la SA D... REYNOLDS a fait savoir à la SA SEPHORA qu'elle disposait d'un stock de 41 808 uvc de lingettes démaquillantes en boîtes de 10 et d'un stock de 35 000 boîtes vides.
La SA SEPHORA lui ayant répondu qu'elle n'envisageait pas de nouvelles commandes et les lingettes ayant une date de péremption au mois d'octobre 2004, la SA D... REYNOLDS a expédié une lettre
recommandée à la SA SEPHORA lui demandant de supporter le coût de la destruction des 41 808 lingettes.
La SA SEPHORA lui a fait savoir par mail du 27 février 2004 qu'elle estimait ne pas être redevable du prix des 41 808 lingettes mais tout au plus du prix des 35 000 boîtes vides et de celui d'un stock de 6808 produits finis.
Après l'envoi de deux lettres de mise en demeure en date des 2 et 16 mars 2004, comportant demande de paiement de la somme de 47 452,08 euros HT ou 47 808 euros TTC, la société D... REYNOLDS, confrontée au problème de la date limite de consommation des lingettes, a assigné la SA SEPHORA le 11 mai 2004, en paiement de la somme de 47 452,08 euros HT correspondant au prix des lingettes et de leur destruction, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 mars 2004 et en outre d'une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société SEPHORA a conclu au débouté au motif qu'elle n'avait pas commandé les lingettes et a sollicité que la société D... REYNOLDS soit condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle a fait valoir que les parties avaient toujours distingué les commandes de produits finis désignées sous le sigle "uvc" avec les commandes d'emballages désignés sous le seul terme de "boîtes" ; qu'elle n'avait pas commandé 35 000 produits finis ; qu'elle n'en avait pas l'obligation nonobstant la prévision de son fabricant d'avoir 35 000 boîtes d'emballages.
Par jugement rendu le 9 septembre 2005, le tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société SEPHORA à payer à la société D... REYNOLDS avec exécution provisoire, la somme de 56 572,69 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2004, outre la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que "le bon pour accord de nouveau tirage de 35 000 boîtes" donné par la société SEPHORA procédait du seul souci constant d'assurer la sécurité de ses approvisionnements et que si la formule "retirage d'emballages" était maladroite, il ne peut être contesté que la commune intention des parties était de reconstituer un stock de produits de lingettes démaquillantes au regard des délais de réapprovisionnement ; que la société D... REYNOLDS n'avait aucune raison de conserver sur son site de simples emballages ; qu'en outre, le mail expédié par la société SEPHORA le 16 mai 2003 à la société D... REYNOLDS montre qu'elle reconnaissait qu'il s'agissait de produits finis et non d'emballages. La SA SEPHORA a interjeté appel. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la SA D... REYNOLDS de toutes ses prétentions ; en conséquence, de la condamner à lui rembourser la somme de 56 572,69 euros qui correspond aux condamnations prononcées en première instance et en outre, à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle n'a entendu donner son accord que pour le tirage de 35 000 boîtes d'emballages ; que s'il y a eu une maladresse, elle est le fait de la société D... REYNOLDS qui a mal rédigé sa question et a ainsi engagé sa responsabilité en l'obligeant par sa rédaction défectueuse à lui payer le prix de marchandises qu'elle n'a jamais eu l'intention de lui commander ; qu'elle ne peut lui demander le prix des marchandises.
La SA D... REYNOLDS conclut à la confirmation du jugement et demande de condamner en outre la SA SEPHORA au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile.
SUR CE,
Considérant que la SA D... REYNOLDS sollicite paiement du prix de 41 808 uvc ; qu'il n'est pas contesté que la SA SEPHORA n'a pas signé de bon de commande pour une telle quantité ;
Considérant que pour fonder ses prétentions, la SA D... REYNOLDS se prévaut de courriers électroniques échangés en janvier 2003 ;
Considérant que dans le courriel qu'elle a expédié le 8 janvier 2003 à la SA SEPHORA, la SA D... REYNOLDS a préconisé "un retirage d'emballages à hauteur de 35 000 boîtes" ; que la SA SEPHORA a donné son "accord pour un nouveau tirage de 35 000 boîtes", dans son mail du 14 janvier 2003 ;
Considérant que la SA D... REYNOLDS soutient que s'agissant d'assurer le réapprovisionnement, le retirage des "boîtes" visait des produits finis et non simplement des emballages ;
Considérant qu'il existe une difficulté sur la portée de l'accord des parties résultant de ces échanges de courriers électroniques ;
Considérant que la SA D... REYNOLDS se prévaut du mail expédié à la SA SEPHORA le 14 août 2002 dans lequel elle indiquait "nous accusons réception de votre commande no 2301" "Nous tenons à vous confirmer que conformément à nos accords 35 000 boîtes de 10 sachets seront en stock à notre entrepôt de RONCQ (59) 13 à 14 semaines à compter de la remise des documents d'exécution finalisés. Dès réception de ces 35 000 boîtes, nous effectuerons la première livraison correspondant à votre commande no 2301 soit 13500 boîtes".. ;
Qu'elle invoque également le fait que le responsable de la SA SEPHORA
avait pris acte de la réception par la SA D... REYNOLDS de la commande concernant la fabrication avec emballage de 35 000 boîtes de 10 sachets ;
Que cependant, la preuve d'une telle commande de 35 000 uvc, packs ou boîtes de produits finis, non confirmée par la SA SEPHORA ne ressort d'aucun élément, que ce soit dans le cahier des charges, soutien de l'offre du marché obtenu par la SA D... REYNOLDS ou le mail du 6 août 2002 émis par la SA SEPHORA qui ne contient commande que de 13 500 "pack" ;
Considérant qu'il ressort des éléments produits que la SA SEPHORA a toujours effectué sa commande de produits finis par un "bon de commande" même si en premier lieu, il y avait eu un mail ( ex 6 août 2002) ;
Considérant qu'en l'espèce, la SA SEPHORA a donné un accord par mail sur une proposition rédigée par la SA D... REYNOLDS ;
Considérant que la mention des impératifs de réapprovisionnement de cette société, "vers son site de production" (où devait être expédié les boîtes), combinée avec l'indication de retirage d'emballages ont contribué au caractère ambigu du mail ;
Considérant que la présence d'un sous-traitant justifie la constitution d'un stock de boîtes vides et son envoi sur le site de production pour assurer le respect du délai de livraison ; que l'accord pour l'envoi de boîtes sur le site ne peut être considéré comme valant commande de boîtes pleines ; que la SA D... REYNOLDS avait elle-même dans son courriel employé les termes "retirage d'emballages" ;
Considérant en effet qu'en cas de doute, la convention doit selon l'article 1162 du code civil être interprétée contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; que la SA SEPHORA étant tenue à une obligation de paiement, l'interprétation
la plus restrictive doit être retenue ; qu'en conséquence, l'accord donné doit être limité à un accord pour un approvisionnement de boîtes vides ;
Considérant qu'en l'absence de commande prouvée, la SA SEPHORA ne peut être tenue au paiement de la somme demandée par la SA D... REYNOLDS relative à des boîtes pleines ;
Considérant que la SA D... REYNOLDS ne prouve pas davantage, que la SA SEPHORA a accepté le principe du "surstockage" et ses conséquences, quant au coût, même si les parties ont eu des échanges verbaux à ce sujet ;
Qu'en conséquence, la SA D... REYNOLDS n'est pas fondée en sa demande de paiement de 41 808 uvc ; qu'il convient d'infirmer le jugement ;
Considérant que la SA SEPHORA demande restitution des sommes versées mais que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en vertu du jugement, les sommes devant être restituées avec intérêt au taux légal à compter de la notification de l'arrêt qui vaut mise en demeure ;
Considérant que la SA D... REYNOLDS qui succombe devra régler la somme de 1 200 euros à la SA SEPHORA ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
- INFIRME le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- DÉBOUTE la SA D... REYNOLDS de sa demande de paiement.
- DIT n'y avoir lieu d'ordonner spécialement la restitution des sommes versées par la SA SEPHORA à la SA D... REYNOLDS.
- RAPPELLE que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant de plein droit restitution des sommes versées en vertu du jugement.
- CONDAMNE la SA D... REYNOLDS à régler à la SA SEPHORA la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- CONDAMNE la SA D... REYNOLDS aux dépens de première instance et d'appel avec droit pour la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GOBOD titulaire d'un office d'avoué, de recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Sylvie MANDEL, président et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,