COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET No Code nac : 50D contradictoire DU 05 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/04488 AFFAIRE : S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ... C/ S.A. GERLING KONZERN, ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 03 No Section : No RG : 2001F3479 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP FIEVET-LAFON SCP JUPIN etamp; ALGRIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 399 227 354 RCS Paris ayant son siège 4 Rue Jules Lefebvre 75009 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Société AREVA venant aux droits de la SOCIETE THERMODYN, société de participation du commissariat à l'énergie atomique, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 712 054 923 RCS Paris ayant son siège 27/29 rue le Peletier 75433 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N du dossier 250617 Rep/assistant : la SCP CABINET DELRUE-BOYER, avocats au barreau de PARIS (P.174). APPELANTES S.A. GERLING KONZERN, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 775 746 480 RCS PARIS ayant son siège 111/113 rue de Longchamps 75116 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. FLENDER GRAFFENSTADEN ayant son siège 1 rue du Vieux Moulin 67400 ILLKIRCH GRAFFENSTADEN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués - N du dossier 0021753 Rep/assistant :
Me Patrick FIZELLIER, avocat au barreau de PARIS (L.198). INTIMEES
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Juin 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La Communauté Urbaine de BORDEAUX a concédé à la Société ASTRIA un bail emphytéotique administratif portant sur la mise à disposition, au bénéfice de cette dernière, d'un terrain situé sur la commune de BEGLES (33), destiné à recevoir la construction d'un Centre Technique de valorisation des déchets ménagers.
Le Centre Technique comprend notamment un centre de tri des déchets, une usine d'incinération ainsi qu'une unité d'inertage; la Société ASTRIA, maître d'ouvrage de l'installation, a également été chargée de l'exploitation de l'unité de production de ce site de production. Le 1er septembre 1997, la Société ASTRIA a confié à la Société THERMODYN, assurée auprès de la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, ci-après désignée AXA, la réalisation de trois lots du marché de travaux du Centre Technique de l'Environnement, en particulier le lot
no 3 : Groupe Turboalternateur (GTA) et aérocondenseur.
Par convention en date du 9 octobre 1996, la Société THERMODYN a chargé la Société FLENDER GRAFFENSTADEN de procéder à la conception et à la construction du réducteur destiné à réduire la vitesse de l'arbre de sortie de la turbine à vapeur avant son accouplement à l'alternateur.
Le réducteur a été livré sur le site ASTRIA le 27 novembre 1997 ; le 14 janvier 1998, le lignage du réducteur (ndl montage) a été effectué ; le 05 novembre 1998, un incident s'est produit sur le réducteur FLENDER placé entre la turbine vapeur et l'alternateur électrique.
Par ordonnance de référé du 3 décembre 1998, le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE a désigné Monsieur Jacques X... en tant qu'expert judiciaire, avec pour mission de déterminer l'origine des désordres ayant affecté le réducteur et d'en chiffrer le coût.
Par ordonnance de référé du 22 décembre 1998, les opérations d'expertise de Monsieur X... ont été rendues communes aux Sociétés RICKMEIER et CARL GOMMAN, sous-traitants de FLENDER; par ordonnance du 17 mars 1999, elles ont été étendues à la Société ASTRIA, maître d'ouvrage, ainsi qu'à la Société JEUMONT, fournisseur de l'alternateur électrique.
Monsieur Jacques X... a déposé rapport de ses opérations le 26 octobre 2000 ; il a estimé le préjudice subi par la Société ASTRIA à la somme de 13.291.859 F (2.026.330,80 ç).
Un second incident a affecté le réducteur le 8 août 2000, nécessitant une seconde réparation.
Parallèlement aux opérations d'expertise, et préalablement au dépôt du rapport, la Société ASTRIA a, par actes des 6 et 7 juillet 2000, assigné en référé les Sociétés THERMODYN et FLENDER et son assureur
GERLING en paiement de la somme provisionnelle de 11.778.392 F (1.795.604,20 ç).
Par ordonnance du 20 juillet 2000, le juge des référés a alloué à la Société ASTRIA la somme provisionnelle de 6.262.244 F (954.672,94 ç), et a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus; cette somme a été réglée par la Compagnie AXA, assureur de THERMODYN.
Postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, la Société ASTRIA a, par actes des 17 et 20 novembre 2000, assigné les Sociétés THERMODYN, FLENDER et GERLING en paiement d'une provision complémentaire.
Par ordonnance du 13 décembre 2000, le juge des référés a alloué à la Société ASTRIA une nouvelle provision d'un montant égal à 6.237.756 F (950.939,77 ç); par arrêt du 10 octobre 2002, cette ordonnance a été infirmée par la Cour d'Appel de VERSAILLES, laquelle a dit n'y avoir lieu à référé.
Par acte du 11 octobre 2002, l'assureur AXA et son assuré THERMODYN ont assigné au fond la Société FLENDER et son assureur GERLING en vue d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de toutes sommes déjà versées au bénéfice d'ASTRIA, "ainsi que de toute condamnation future qui résulterait de la défaillance du premier réducteur ou de celle du réducteur remplacé".
Par acte du 11 décembre 2002, la Société ASTRIA a assigné au fond les Sociétés THERMODYN, FLENDER et GERLING en paiement des sommes de 12.500.000 F (1.905.612,70 ç), au titre des préjudices immatériels nés du premier sinistre, 986.333 F (150.365,50 ç), du chef des préjudices immatériels nés du sinistre du 8 août 2000, et de 6.262.244 F (954.672,94 ç), au titre des pénalités de retard.
Le 29 septembre 2003, les Sociétés ASTRIA, THERMODYN et AXA sont parvenues à un accord transactionnel, aux termes duquel il a été
convenu qu'AXA et les Sociétés THERMODYN et AREVA acceptaient de verser à ASTRIA la somme de 1.919.168,30 ç, somme déjà payée par AXA à la suite des deux procédures de référés susvisées.
Par conclusions déposées le 14 mai 2004, puis selon écritures régularisées à l'audience du 18 février 2005, la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, subrogée dans les droits de la Société THERMODYN à raison du règlement effectué, a exercé son recours en garantie à l'égard de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN et de la Compagnie GERLING KONZERN.
Par jugement du 22 avril 2005, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a : - donné acte à la Société ASTRIA de son désistement d'instance et d'action; - débouté les Sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS et AREVA, venant aux droits de la SAS THERMODYN, venant elle-même aux droits de la Société FRAMATOME, division THERMODYN, de leurs demandes à l'encontre de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN et de son assureur, la Compagnie GERLING KONZERN, au titre de l'incident du 5 novembre 1998; - dit la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS dépourvue d'intérêt à agir au titre de l'incident du 8 août 2000; - condamné solidairement les Sociétés AREVA et AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à la Société FLENDER GRAFFENSTADEN la somme de 136.920,86 ç, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2002; - condamné solidairement les Sociétés AREVA et AXA au paiement de la somme de 7.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, y compris les frais d'expertise.
Les Sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS et AREVA, venant aux droits de la Société THERMODYN, elle-même venant aux droits de la Société FRAMATOME division THERMODYN, ont interjeté appel de cette décision.
Elles font valoir que le contrat conclu entre les Sociétés THERMODYN et FLENDER GRAFFENSTADEN est un contrat de sous-traitance, et non un contrat de vente, dans la mesure où le réducteur a été construit pour les besoins spécifiques de l'usine d'incinération de la Communauté Urbaine de BORDERAUX, selon les spécifications de la Société THERMODYN, pour être intégré dans une installation et une configuration particulière du site industriel de la Société ASTRIA.
Elles constatent que c'est seulement après sept mois d'études et de discussions entre le donneur d'ordre THERMODYN et son sous-traitant FLENDER, et après que deux offres eurent été présentées par cette dernière, les 7 juillet et 8 août 1996, que THERMODYN a passé commandé du réducteur à son sous-traitant le 9 octobre 1996.
Elles observent que le réducteur TX71/3X fabriqué par la Société FLENDER pour les besoins de l'usine d'incinération de la Communauté Urbaine de BORDEAUX, devant permettre de ramener la vitesse d'une rotation d'un arbre tournant à la vitesse de 5292 tr/minutes, à une vitesse de sortie de 1500 tours/minute, a bien été développé et fabriqué pour les seuls besoins spécifiques de la chaîne "Groupe turboalternateur" conçue par la Société THERMODYN et destinée au maître d'ouvrage ASTRIA.
Elles en déduisent que le réducteur litigieux, conçu et exécuté selon cahiers des charges de la Société THERMODYN, pour les besoins spécifiques de la chaîne de production de ladite communauté urbaine, a bien été réalisé dans le cadre d'un contrat d'entreprise.
Elles soutiennent que la Société FLENDER, en sa qualité de sous-traitant de la Société THERMODYN, est, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, présumée responsable des dysfonctionnements affectant le réducteur en raison de son obligation
de résultat.
Elles indiquent que les seuls dommages ont été constatés sur le réducteur, et que les réparations entreprises à la suite du sinistre du 5 novembre 1998 n'ont porté que sur ce réducteur.
Elles précisent que la partie adverse ne pourrait s'exonérer de son obligation de résultat qu'en démontrant que la défaillance du réducteur résulte exclusivement d'une force majeure, du fait de son cocontractant ou de celui d'un tiers au contrat de sous-traitance.
Elles estiment que, dès lors que la société intimée ne rapporte pas la preuve que cette défaillance est directement liée à la survenance d'une cause étrangère, sa responsabilité se trouve engagée à l'égard de THERMODYN et de son assureur AXA, de telle sorte que les Sociétés FLENDER et GERLING doivent les indemniser à concurrence des sommes payées au maître d'ouvrage ASTRIA, soit 1.919.168,30 ç.
Elles relèvent que la responsabilité de la Société FLENDER est également engagée, sur le fondement de la clause de garantie souscrite par cette dernière aux termes de la convention du 9 octobre 1996 au profit de la Société THERMODYN, et couvrant tous vices de conception, d'études, de construction ou de fonctionnement.
Elles ajoutent que la partie adverse, qui a engagé sa responsabilité au regard de son obligation de résultat inhérente à sa qualité de sous-traitant, et en application de la clause de garantie contractuelle, doit supporter le coût de la remise en état du réducteur.
Par voie de conséquence, elles demandent à la Cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et de condamner la Société FLENDER GRAFFENSTADEN et son assureur GERLING à payer à la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, subrogée dans les droits de son
assurée, la Société THERMODYN, la somme de 1.905.612,70 ç.
Elles sollicitent également la condamnation de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN à verser à la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS la somme de 136.920 ç, indûment perçue en exécution de la décision de première instance, ainsi que toute somme réglée consécutivement à cette décision, assorties des intérêts.
A titre subsidiaire, elles suggèrent qu'avant dire droit soit désigné à nouveau Monsieur X..., ou tout autre expert qu'il plairait, afin de permettre à la Cour d'être complètement renseignée sur la nature technique des relations contractuelles ayant lié THERMODYN et FLENDER.
Elles concluent en outre à la condamnation de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN au paiement de la somme de 15.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire.
La Société FLENDER GRAFFENSTADEN et la Compagnie GERLING KONZERN sollicitent la confirmation du jugement déféré.
Elles demandent acte que l'appel initié par les Sociétés AREVA et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE est strictement limité à l'incident survenu le 5 novembre 1998 et à ses conséquences, toutes autres demandes étant réputées abandonnées.
Elles font valoir que la Société FLENDER GRAFFENSTADEN, qui avait une prestation limitée à la seule fourniture du réducteur, qui a livré un produit "qualité standard", et qui n'est à aucun moment intervenue sur le site, ne peut être qualifiée de sous-traitant.
Elles soutiennent qu'en sa qualité de simple fournisseur, ladite société ne peut être tenue pour responsable du dysfonctionnement à l'origine de l'incident survenu le 5 novembre 1998, en l'état des analyses et essais diligentés par Monsieur X..., lequel a conclu que la thèse de l'événement extérieur au réducteur est la seule hypothèse permettant d'expliquer la survenance de cet incident.
Elles déduisent des conclusions du rapport d'expertise que seules sont critiquables les modalités de mise en oeuvre de l'ensemble du groupe turbo/alternateur, à la charge exclusive de la Société THERMODYN en sa qualité d'ensemblier, aucun défaut intrinsèque n'ayant été relevé sur le réducteur fourni par la société intimée.
Elles relèvent que la clause de garantie dont se prévalent les appelantes n'a pas vocation à être mobilisée, puisque l'incident du 5 novembre 1998 est la conséquence de la défaillance de la Société THERMODYN dans la réalisation de ses propres prestations.
A titre subsidiaire, au cas où une condamnation viendrait à être prononcée à leur encontre, elles observent que les préjudices immatériels nés du premier sinistre n'ont pas excédé la somme totale de 12.234.163 F, soit 1.865.086,08 ç.
Elles ajoutent que la Société FLENDER GRAFFENSTADEN est bien fondée à être indemnisée à concurrence des travaux effectués dans le cadre de l'expertise, afin de remettre en service l'installation litigieuse, ce qui justifie la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de THERMODYN et de son assureur à hauteur de la somme de 898.142 F, soit 136.920,86 ç, outre intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2002.
Elles concluent à la condamnation in solidum des sociétés appelantes
au versement de 10.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2006.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la qualité
Sur la qualité de sous-traitant de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN :
Considérant qu'a la qualité de sous-traitant la personne à qui s'est adressé l'entrepreneur principal, si celle-ci a participé à l'exécution du marché principal en effectuant des prestations suivant les spécifications techniques qui lui ont été imposées;
Considérant qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté que la Société THERMODYN a, dès le 19 mars 1996, adressé à la Société FLENDER GRAFFENSTADEN une intention de commande, à laquelle étaient joints notamment les plans et schémas du réducteur et de l'installation turbine/réducteur/alternateur, ainsi que les spécifications particulières (ISPEG no 0001279/02) et les spécifications générales (ISPEG no 001STV/06) du réducteur à fabriquer;
Considérant qu'il est acquis aux débats qu'après examen de ces premiers documents, la Société FLENDER GRAFFENSTADEN a présenté successivement deux offres, les 8 juillet 1996 et 1er août 1996, comportant en annexe ses propres préconisations et plans;
Considérant que c'est sur la base de ces échanges d'informations techniques relatives à la configuration de l'installation devant être livrée à la Société ASTRIA que la Société THERMODYN a, le 9 octobre 1996, passé commande à la Société FLENDER GRAFFENSTADEN, selon numéro XV5214/57844, d'un réducteur type TX 71/3X devant s'intégrer dans la chaîne du groupe turboalternateur destiné au maître d'ouvrage;
Considérant que, dès lors, il apparaît que le matériel dont s'agit a été conçu et fabriqué par la société intimée, au vu des cahiers des
charges et plans fournis par l'entrepreneur principal dès le mois de mars 1996, et ce pour les besoins spécifiques de l'installation commandée par la Communauté Urbaine de BORDEAUX;
Considérant qu'aucune conséquence ne saurait être tirée de la mention sur les documents contractuels d'une fabrication "suivant plan qualité standard", laissant supposer que le réducteur litigieux serait de conception identique à celle d'autres réducteurs fabriqués par la Société FLENDER;
Considérant qu'en effet, une telle identité de conception n'affecte en rien la spécificité de la fabrication de chacune des pièces composant ce réducteur, telle qu'elle s'infère des particularités techniques imposées par la Société THERMODYN, afin de répondre aux nécessités de l'installation du groupe turboalternateur et aérocondenseur;
Considérant qu'au demeurant, il n'est ni démontré ni même allégué que le réducteur TX 71/3X, destiné à réduire la vitesse de rotation d'un arbre tournant à la vitesse de 5292 tours/minutes pour la ramener à une vitesse de sortie de 1500 tours/minutes, pourrait être intégré sans difficulté particulière à une installation autre que celle destinée au maître d'ouvrage ASTRIA;
Considérant qu'au surplus, il est sans incidence sur le présent litige que la Société FLENDER ne soit pas personnellement intervenue sur le chantier, dans la mesure où il est constant que le matériel livré a été conçu et fabriqué pour répondre aux exigences particulières d'un marché déterminé;
Considérant qu'il s'ensuit que, loin d'être assimilable à un matériel standard, fabriqué en série, et susceptible d'être utilisé pour tout
type d'opération similaire, le réducteur dont s'agit a constitué un produit autonome destiné à répondre aux besoins particuliers de l'usine d'incinération de la Communauté Urbaine de BORDEAUX, selon les spécifications de la Société THERMODYN;
Considérant que, dès lors, il convient, sans s'arrêter à la qualification de "fourniture" résultant des documents contractuels, de dire que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la commande passée par la Société THERMODYN auprès de la Société FLENDER GRAFFENSTADEN ne peut s'analyser en un simple contrat de vente, et doit être qualifiée de contrat de sous-traitance.
Sur la responsabilité du sous-traitant :
Considérant que le sous-traitant est, conformément aux dispositions de l'article 1147 du Code civil, contractuellement tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat d'effectuer un ouvrage exempt de vices;
Considérant qu'en vertu de cette obligation de résultat, il est responsable des malfaçons dues aux défectuosités du matériel livré par lui, à moins qu'il ne justifie d'une cause étrangère qui ne puisse lui être imputée;
Considérant qu'en l'occurrence, il est constant que l'incident survenu le 5 novembre 1998 s'est produit uniquement au niveau du réducteur qui a été installé entre la turbine et l'alternateur, et dont la Société FLENDER GRAFFENSTADEN avait été chargée de la conception et de la construction en vue de son intégration au groupe turboalternateur;
Considérant que, dès lors, pèse sur le sous-traitant FLENDER une présomption de responsabilité dont celui-ci ne peut s'affranchir qu'à la condition de rapporter la preuve d'un événement extérieur, tel que la force majeure, le fait du cocontractant ou celui d'un tiers;
Considérant qu'aux termes de son rapport d'expertise, Monsieur X... a mis en évidence qu'il existait entre les parties un consensus sur l'origine de l'incident qui s'est produit le 5 novembre 1998, et qui est consécutif à la rupture pendant quelques dizaines de secondes du film d'huile d'une épaisseur de 10 m séparant la butée de la roue, ce qui a provoqué le contact des deux surfaces métalliques avec endommagement de la surface la moins dure (la roue) et usure superficielle de celle-ci;
Considérant que l'expert judiciaire a relevé qu'il y a en revanche désaccord entre elles quant à l'origine de la rupture du film d'huile, laquelle, selon la Société AREVA, résulterait d'une portée insuffisante entre le collet et la roue, tandis que, pour sa part, la Société FLENDER GRAFFENSTADEN invoque une cause extérieure, liée à la forte compression de l'accouplement flexible, ayant exercé sur l'arbre turbine une poussée axiale réduisant les efforts sur la butée;
Considérant qu'il a émis l'avis qu' :"aucune des deux thèses avancées ne donne totalement satisfaction, compte tenu que le phénomène a été fugitif, qu'aucun enregistrement en continu n'est venu étayer les diverses thèses, et que certains paramètres notés par le monteur, qui effectuait les essais, peuvent être partiellement contestés";
Considérant qu'il a : "cependant considéré que la thèse de l'événement extérieur au réducteur était la seule qui permettait d'expliquer l'origine de la poussée axiale ayant provoqué la rupture du film" (page 179);
Considérant qu'à cet égard, il a souligné que : "des deux hypothèses avancées par les deux parties, c'est celle qui est fondée sur le problème du glissement du palier avant, des difficultés rencontrées par le monteur et des anomalies signalées par ce dernier dans son rapport d'essais... qui est à prendre en compte" (page 131);
Considérant qu'il a estimé que : "ce problème au niveau du palier avant a eu pour conséquence l'absence de dilatation apparente pendant un certain temps, puis la constatation de l'avancement par saccade en une seule fois de 0,42 mm" (page 130);
Mais considérant que Monsieur X... a reconnu qu'il s'agit là d'un simple indice qui doit être envisagé avec une certaine circonspection, en l'absence d'enregistrement continu de la dilatation, et alors que : "rien ne démontre que ces 42 centimètres de mm de dilatation se sont manifestés brusquement, et que, si la dilatation a été brutale, on ne comprend pas pourquoi la butée de la turbine n'a pas été atteinte" (pages 130-131);
Considérant qu'il a également admis que : "l'événement extérieur au réducteur lui-même avancé par la Société FLENDER GRAFFENSTADEN n'a pas plus été démontré" (page 130), et que, "compte tenu que la cause de l'incident ne peut pas être réellement démontrée, mais plutôt supposée, imputer les responsabilités à l'une ou l'autre des deux parties ne paraît pas aisé" (page 133);
Considérant que, tout en s'interrogeant sur les modalités de mise en place des différents éléments (turbine, réducteur et alternateur) dans l'ensemble du turboalternateur, il n'a pas pour autant conclu que cette mise en place, dont la Société THERMODYN, en sa qualité d'ensemblier, avait la charge, aurait été défectueuse;
Considérant que, dès lors, en l'état de l'analyse et de l'appréciation de l'expert judiciaire, lesquelles reposent pour l'essentiel sur une hypothèse non corroborée par des déductions scientifiques certaines quant à l'origine et à l'imputabilité du sinistre, il apparaît que l'incident qui s'est produit le 5 novembre 1998 au niveau du réducteur conçu et fourni par le sous-traitant a
une cause demeurée inconnue;
Considérant qu'au surplus, la circonstance que la Société AREVA et sa compagnie d'assurances n'aient pas démontré l'existence d'un défaut ou d'un vice ayant affecté les prestations réalisées par la société intimée ne peut suffire à exonérer cette dernière de l'obligation contractuelle de résultat dont elle était tenue envers l'entrepreneur principal;
Considérant que, dans la mesure où la Société FLENDER et son assureur ne rapportent pas la preuve irréfutable d'une cause étrangère au sens de l'article 1147 du Code civil, seule de nature à affranchir le sous-traitant de la présomption de responsabilité pesant sur lui, il convient, en infirmant le jugement déféré, d'accueillir la réclamation de la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, subrogée dans les droits de son assurée THERMODYN, à concurrence des conséquences dommageables de ce sinistre pour la Société ASTRIA, maître d'ouvrage; Considérant qu'il résulte du protocole d'accord transactionnel conclu le 23 septembre 2003 entre les sociétés appelantes et la Société ASTRIA que cette dernière a perçu de la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS, en réparation du préjudice subi à la suite de l'incident survenu le 5 novembre 1998, la somme globale, forfaitaire et définitive de 1.919.168,30 ç, et a déclaré renoncer à toutes ses autres demandes initialement formulées par elle dans le cadre de la présente instance;
Considérant que, toutefois, de l'analyse économique et comptable à laquelle l'expert judiciaire a procédé afin de déterminer les répercussions commerciales de ce sinistre pour le maître d'ouvrage, il ressort que la perte de production en électricité liée Ã
l'indisponibilité de l'installation imputable au seul réducteur s'est élevée à la somme de 12.234.163 F, soit 1.865.086,10 ç;
Considérant que, dès lors que cette analyse n'est pas contestée par les parties, il convient de condamner in solidum la Société FLENDER GRAFFENSTADEN et son assureur GERLING KONZERN à payer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS, subrogée dans les droits de la Société THERMODYN, aux droits de laquelle se trouve la Société AREVA, la somme principale de 1.865.086,10 ç, et de débouter ces dernières du surplus de leur réclamation de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la Société FLENDER et sur les demandes annexes:
Considérant que la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a donné acte à la Société ASTRIA de son désistement d'instance et d'action, et en ce qu'elle a déclaré la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS irrecevable à agir au titre de l'incident survenu le 8 août 2000;
Considérant que la Société FLENDER GRAFFENSTADEN a sollicité devant le Tribunal le remboursement de la somme de 136.920,86 ç, représentant le montant des dépenses exposées par elle dans le cadre de l'expertise afin de remettre en service l'installation;
Mais considérant qu'il vient d'être mis en évidence que la société intimée avait engagé sa responsabilité contractuelle envers l'entrepreneur principal, en sa qualité de sous-traitant chargé de la conception et de la construction du réducteur destiné à être intégré au groupe turboalternateur;
Considérant qu'il s'ensuit qu'elle doit supporter le coût de la remise en état du réducteur dont elle est responsable de la fabrication, et qui est à l'origine de l'incident survenu le 5 novembre 1998;
Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant également de ce chef le jugement déféré, de débouter la Société FLENDER GRAFFENSTADEN de sa demande reconventionnelle, et d'ordonner à celle-ci de restituer à la Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ladite somme de 136.920 ç, indûment perçue au titre de la décision de première instance revêtue de l'exécution provisoire, assortie des intérêts au taux légal commençant à courir à compter de la signification du présent arrêt;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS une indemnité égale à 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que les sociétés intimées conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont engagés dans le cadre de la présente instance;
Considérant que, dès lors, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les Sociétés AREVA et AXA au paiement d'une indemnité de procédure;
Considérant que les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, doivent être mis entièrement à la charge des Sociétés FLENDER GRAFFENSTADEN et GERLING KONZERN. PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par les Sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS et AREVA, le dit bien fondé ;
Infirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a donné acte à la Société ASTRIA de son désistement d'instance et d'action, et en ce qu'il a déclaré la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS irrecevable à agir relativement à l'incident survenu le 8 août 2000 ;
Statuant à nouveau en ses autres dispositions :
Condamne in solidum la Société FLENDER GRAFFENSTADEN et son assureur,
la Société GERLING KONZERN, à payer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS, subrogée dans les droits de la Société THERMODYN, aux droits de laquelle se trouve la Société AREVA, la somme de 1.865.086,10 ç, en réparation du préjudice subi par la Société ASTRIA, maître d'ouvrage;
Condamne la Société FLENDER GRAFFENSTADEN à restituer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS la somme de 136.920 ç, indûment perçue en exécution de la décision de première instance, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt;
Condamne la Société FLENDER GRAFFENSTADEN à payer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS la somme de 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Déboute l'une et l'autre parties de leurs autres et plus amples demandes;
Condamne in solidum les Sociétés FLENDER GRAFFENSTADEN et GERLING KONZERN aux entiers dépens de première instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, et d'appel, et autorise la SCP FIEVET-LAFON, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,