COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 11ème chambre ARRÊT No contradictoire DU 03 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/02834 AFFAIRE : Frédéric Armand Marcel X... C/ S.A. SOFREGAZ Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Avril 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE Section : Encadrement No RG :
02/04172 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Frédéric Armand Marcel X...
... 76000 ROUEN Comparant en personne, assisté de Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN APPELANT [****************] S.A. SOFREGAZ 62 rue de Courcelles 75008 PARIS Représentée par Me Bertrand DELCOURT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 23 substitué par Me Julie COUTIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0812 INTIMÉE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette Y..., présidente chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette Y..., présidente,
Madame Christine FAVEREAU, conseillère,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente, Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE, FAITS ET PROCÉDURE,
Vu le jugement rendu le 1er avril 2005, par lequel le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté M. X... de sa demande, dirigée
contre son ancien employeur la société Sofregaz, en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a débouté ainsi que la société Sofregaz de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'appel régulièrement formé par le salarié par lettre expédiée le 12 mai 2005 du jugement qui lui a été notifié le 16 avril 2005 ;
Vu les conclusions, reçues le 8 juin 2006, au nom de l'appelant sollicitant l'infirmation du jugement et la condamnation de l'employeur à lui payer 27.668 ç à titre de dommages et intérêts et 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions, reçues le 19 juin 2006, au nom de l'intimée sollicitant la confirmation, au besoin par substitution de motifs, du jugement et la condamnation du salarié à lui payer 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Le salarié soutient que - devenu chef de service instrumentation au mois d'octobre 2000, il a appris par une note à diffusion générale du 28 mai 2002 qu'il allait être remplacé à son poste, - il a reçu le 5 juillet une mission temporaire, ponctuelle et extérieure sans commune mesure avec le poste de chef de service, - il s'agit d'un déclassement constituant une modification du contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée sans son accord, même si elle était prononcée à titre disciplinaire, - la rupture par l'employeur qu'il a constaté par lettre du 10 octobre s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur fait valoir que - M. X... rencontrait des difficultés relationnelles récurrentes avec le personnel placé sous sa subordination, - son comportement ne s'améliorant pas, il a été reçu le 27 mai 2002 par MM. Z... et A... qui lui ont fait part de la
décision de la société de lui retirer les responsabilités inhérentes au poste de chef de service en lui précisant que cette décision ferait l'objet d'une note à diffusion générale le lendemain, - la décision de le remplacer au poste de chef de service ne revêt pas un caractère disciplinaire mais relève du pouvoir d'organisation et de direction de l'employeur, - il a tiré les conséquences de l'inadéquation entre le comportement de M. X... et les fonctions qui lui étaient confiées, - M. X... a été affecté à un projet d'importance, sans modification de sa rémunération.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs conclusions soutenues à l'audience.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le salarié a envoyé le 10 octobre 2002 à l'employeur une lettre datée du 10 septembre 2002, ainsi rédigée : Par note à diffusion générale du 28 mai 2002, Monsieur Massimo A... annonçait mon remplacement sans aucune explication. Par courrier du 13 juin
2002 suivant, Mlle Anne-Marie B... me démettait expressément de mes fonctions sous forme d'une sanction disciplinaire sans avoir recueilli mon sentiment. Cette sanction était tout à fait injustifiée puisque j'avais toujours assumé ma tache de chef de service de façon satisfaisante. Par suite, après quelques atermoiements, M. Michel De Z... m'informait par note interne du 25 juin 2002 mon détachement chez Bouygues Offshore sans aucune explication sur le contenu de cette mission, mission confirmée par lettre de mission de Mme Françoise Peugnet le 5 juillet 2002. Il s'avère que ces nouvelles fonctions n'ont rien de commun avec le travail que j'avais pu accomplir jusqu'alors. Il s'agit d'un déclassement particulièrement injuste. Dans cette mesure, je suis amené à vous indiquer que je mets un terme à nos relations de travail. En appliquant le préavis légal, mon contrat de travail se terminera le 9 janvier 2003. J'estime en tout état de cause, compte tenu de ce qui précède, ne pas porter la responsabilité de cette ruptureà ;
Qu'en réponse, par lettre du 10 septembre 2002, précisant qu'il ne pouvait souscrire à la relation par le salarié des conditions dans lesquelles il lui a été notifié un changement de ses attributions, l'employeur a pris acte de la volonté claire et non équivoque de l'intéressé de prendre l'initiative de la rupture de son contrat de travail et le dispensait d'exécuter son préavis d'une durée de trois mois ; Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d'une démission ; Considérant que le salarié ait été informé de la décision de l'employeur de le démettre de ses fonctions par la note de service diffusée le 28 mai 2002 ou par M. A..., directeur réalisation, ainsi que ce dernier l'atteste,
au cours d'un entretien le 27 mai 2002, auquel il a convoqué M. X..., aux termes de la lettre du 13 juin 2002 confirmant au salarié la décision de le démettre de ses fonctions de chef de service Instrumentation, cette décision était exclusivement motivée par une incapacité de M. X... à diriger le service Instrumentation se traduisant, par exemple et sans que cela soit exhaustif, par un climat de tension excessive chez les collaborateurs allant jusqu'à la démission de l'un d'entre eux récemment, et des relations de travail sur un mode conflictuel avec les chefs de projets ; Que cette lettre rappelle au salarié qu'à plusieurs reprises, lors de son entretien de fin d'année ou lors de réunions déclenchées par lui et à cause de lui, il lui avait été demandé très clairement de corriger sa façon de diriger, de faire un effort particulier sur ses écrits et propos, d'augmenter la communication et le relationnel avec son équipe en faisant preuve d'autorité et non d'autoritarisme et indique qu'un tel comportement est incompatible avec une fonction de management ; Que ces motifs étant confirmés par l'attestation de M. A... et les débats, l'employeur évoquant même un harcèlement moral de M. X... dont se plaignaient certains salariés, la décision de retirer à ce dernier ses fonctions de chef de service Instrumentation ayant pour cause un comportement fautif, avait une nature disciplinaire ; Qu'il appartenait dès lors à l'employeur, s'il estimait devoir prendre une telle mesure, d'engager une procédure disciplinaire ; Que la lettre du 13 juin 2002, en conséquence des motifs sus-énoncés notifiait au salarié qu'il reprenait un emploi d'ingénieur instrumentation et rendrait compte, dans l'immédiat, au Chef du Service Ingénierie - M. Michel DE Z... - de qui il recevrait ses instructions, puis par lettre du 5 juillet 2002 une mission a été confiée au salarié en qualité d'ingénieur instrumentation-systèmes sur le projet Hazira du 8 juillet au 31 octobre 2002, durée pouvant éventuellement être
prolongée en fonction de l'avancement du projet ; Que outre la période du 29 mai au 5 juillet pendant laquelle le salarié n'a eu aucune affectation précise, la mission, au demeurant temporaire, qui lui a été confiée à partir du 8 juillet 2002, si elle concernait un projet important pour l'entreprise, elle ne comportait pas le même niveau de responsabilité que celle de chef de service et elle ne correspondait pas au même niveau hiérarchique ; Que dès lors, et peu important le maintien au salarié de sa rémunération antérieure, M. X... est bien fondé à se prévaloir de l'existence d'une modification de son contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée sans son accord ;
Que par suite, la prise d'acte par M. X... de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la circonstance que le salarié n'ait pas répondu à la lettre du 13 juin 2002, voire qu'il ait commencé à travailler à la mission qui lui a été confiée sur le projet Hazira étant indifférente ;
Que le jugement sera en conséquence infirmé ;
Que compte tenu de son ancienneté supérieure à deux ans dans l'entreprise occupant plus de 11 salariés, de son âge, eu égard au salaire figurant sur les bulletins de paie produits et le salarié ne produisant aucun élément concernant sa situation postérieure au licenciement, le préjudice subi sera évalué, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, à la somme précisée au dispositif de la présente décision ; Que l'employeur, en vertu du même texte, devra rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage qui ont pu être servies à M. X... dans la limite de 3 mois d'indemnités ; Considérant que succombant l'employeur supportera les dépens ; Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 1.200 ç la demande de M. X... fondée sur l'article 700 du nouveau Code de
procédure civile ; PAR CES MOTIFS :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DIT que la prise d'acte par M. X... de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Sofregaz à payer à M. X... 25.350 ç ( VINGT CINQ MILLE TROIS CENT CINQUANTE EURO ) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
LA CONDAMNE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage qui ont pu être servies à M. X... dans la limite de 3 mois d'indemnités,
LA CONDAMNE aux dépens,
LA CONDAMNE à verser à M. X... 1.200 ç ( MILLE DEUX CENTS EURO ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette Y..., présidente, et signé par Madame Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé. Le GREFFIER,
La PRÉSIDENTE,