COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 63B 1ère chambre 1ère section ARRET No PAR DEFAUT DU 21 SEPTEMBRE 2006 R.G. No 05/07659 AFFAIRE :
Claude X... C/ Jean-Charles Y... ... Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 04 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 1 No Section : No RG : 03/10333 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP BOMMART SCP LISSARRAGUE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Claude X... né le 11 Décembre 1936 à CLICHY ... - 44500 LA BAULE Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 05/07869 (Fond) représenté par la SCP BOMMART MINAULT Avoués - N du dossier 00032339 rep/assistant : Me GONET (avocat au barreau de SAINT NAZAIRE) APPELANT [****************] Maître Jean-Charles Y...
... - 75008 PARIS Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 05/07869 (Fond) représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Avoués - N du dossier 0542067 rep/assistant : Me TESSLER (avocat au barreau de PARIS) INTIME S.C.P. Y... - D'HAUTHUILLE - ROY Société civile professionnelle d'avocat ci-devant 17 rue Vernet et actuellement sans domicile ni résidence ni lieu de travail connus (assignée par PV 659 le 1er décembre 2005 à la requête de Monsieur Claude Z...) INTIMEE DEFAILLANTE [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Juin 2006 devant la cour composée de :
Madame Francine BARDY, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier,
lors des débats : Madame Sylvie RENOULT.
Monsieur Claude X... a acquis par acte en date du 8 décembre 1989 la totalité du capital de la société VETORAL dont les consorts A... étaient détenteurs au prix de 5,5 millions de francs sous la double condition suspensive de l'obtention des prêts nécessaires au paiement du prix et de l'acquisition par la société VETORAL d'un portefeuille d'AMM (autorisations de mise sur le marché) des produits libres de la gamme Grand Piqueur auprès de la sarl PHARCODIS dont le capital était détenu par les consorts A..., au prix de 4 millions de francs. Maître Y... a établi l'acte de cession du 8 décembre 1989. Il a établi pour le compte de la société VETORAL l'acte de cession des AMM par la société PHARCODIS portant sur l'acquisition de 8 AMM, 12 projets de AMM et la gamme Grand Piqueur pour le prix de 4 millions de francs, monsieur X... se portant caution à hauteur de la somme de 2,4 millions de francs. Monsieur X... contestant le prix de cessions des actions VETORAL et la valorisation des AMM acquis de la société PHARCODIS, un protocole d'accord a été signé entre monsieur X... d'une part et les consorts A... d'autre part, convenant que le prix de cession des actions était ramené à la somme de 3,5 millions de francs et la garantie étant limitée au passif fiscal et social. Le 16 octobre 1991 le tribunal de commerce de Bagnères de Bigorre a ouvert le redressement judiciaire de la société VETORAL et par jugement en date du 18 octobre 1993 monsieur X... a été condamné à combler le passif à hauteur respective de 1533726 francs, montant ramené à 1,5 millions par la cour d'appel qui a mis à la charge des consorts A... une somme de 1,5 millions. Monsieur X... a fait assigner les consorts A... devant le tribunal de grande instance de Toulouse en restitution du prix payé pour les actions et réparations des préjudices subis. Il a été débouté par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Toulouse. Monsieur X... a
alors fait assigner son ancien conseil maître Y... et la scp Y...-D'AUTHUILLE-ROY devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir reconnue la responsabilité de son conseil sur le fondement de l'article 1147 du code civil en se prévalant des fautes commises dans la rédaction des actes de cession du 8 décembre 1989, 13 février 1990 et en l'incitant à signer une transaction que les consorts A... lui ont opposée devant la cour d'appel de Toulouse . Par le jugement déféré prononcé le 4 octobre 2005 le tribunal de grande instance a déclaré irrecevable l'action contre la scp Y... D'HAUTHUILLE-ROY inexistante, et l'a débouté de ses demandes comme mal fondées, le condamnant à payer à maître Y... la somme de 2000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures en date du 27 avril 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, monsieur X... conclut à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de condamner conjointement et solidairement maître Y... à titre personnel et ès qualités de membre de la scp et la scp Y...-D'HAUTHUILLE ûROY à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts outre les intérêts et capitalisation ainsi qu'une indemnité de 4000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les entiers dépens. Aux termes de ses dernières écritures en date du 30 mars 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, maître Y... conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action recevable du chef de l'acte de cession du 13 février 1990 passé entre les sociétés VETORAL et PHARCODIS auquel monsieur X... n'était pas partie et prie la cour de déclarer l'action de ce chef irrecevable et en tout état prescrite et subsidiairement à confirmation du jugement en toutes ses dispositions et de condamner monsieur X... à lui payer la somme de 30.000 ç de dommages et intérêts pour procédure abusive
et celle de 15.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La scp Y... D'HATHUILLE ROY a été assignée dans les formes de l'article 689 du nouveau code de procédure civile, l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée par l'huissier ayant été retourné signé. SUR CE I : Considérant que le jugement doit être confirmé pour avoir déclaré l'action engagée contre "la scp Y... D'HAUTHUILLE ROY" irrecevable au motif d'inexistence de la personne morale, monsieur X... n'apportant en cause d'appel aucune preuve de l'existence de cette personne morale, démentie par maître Y... qui réitère ses explications selon lesquelles la dite société est une société civile de moyens non concernée par la profession d'avocat et dont la responsabilité ne peut être recherchée ; II : Considérant que maître Y... soulève l'irrecevabilité de l'action engagée du chef de l'acte de cession signée le 13 février 1990 entre la société VETORAL dont les mandataires judiciaires n'agissent pas aux côtés de monsieur X... et la société PHARCODIS et auquel monsieur X... n'était pas partie et fait valoir que sa responsabilité ne pourrait être recherchée que sur le terrain de l'article 1382 du code civil et qu'il est alors fondé à opposer la prescription d'une telle action en application de l'article 2270-1 du code civil ; Considérant d'une part que monsieur X... est recevable à agir en réparation d'un préjudice personnel qui est distinct de celui de la société VETORAL qu'il n'a pas qualité à représenter, que d'autre part, monsieur X... est fondé à agir, y compris de ce chef d'acte, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dès lors, ainsi que l'a décidé le tribunal, que l'acte de cession du 8 décembre 1989 a été passé sous la condition suspensive de la cession des AMM à la société VETORAL par la société PHARCODIS, cession formalisée par l'acte du 13 février 1990 aux termes duquel monsieur X... s'est porté caution
de la société VETORAL, que ces actes dont maître Y... est le rédacteur, forment une opération globale pour laquelle la responsabilité de maître Y... en sa qualité de conseil de monsieur X... peut être recherchée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, que l'action est recevable , III : Considérant que monsieur X... invoque plusieurs fautes à l'encontre de son ancien conseil ; Considérant en préalable que l'obligation de conseil est absolue et ne souffre aucune limitation du fait de la présence d'autres conseils ou des compétences présumées du client, qu'en outre l'invocation par monsieur X... de décisions de justice intervenues dans le cadre d'autres instances dont l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse le déboutant de son action contre les consorts A..., est sans portée sur la preuve qui lui incombe des fautes imputées à maître Y... ; Considérant que monsieur X... lui fait le reproche, s'agissant de l'acte du 8 février 1989, de ne pas avoir vérifié si les AMM étaient bien la propriété de la société VETORAL, de ne pas avoir examiné les actifs incorporels de cette société, pas plus que la composition des AMM en constituant l'actif par une vérification élémentaire auprès du laboratoire national vétérinaire de FOUGERES, ce qui aurait mis en évidence le fait que la société n'en détenait que trois, de ne pas avoir interrogé le syndic de la liquidation judiciaire des laboratoires GAUCHER ce qui aurait mis en évidence l'existence d'un litige relatif au contrat de location gérance, de ne pas avoir interrogé le conseil des cédants sur ce point , lui reprochant de s'être contenté d'un vague document non probant à vocation de promotion commerciale sans procéder aux vérifications les plus élémentaires en tant que juriste, rappelant que l'obligation de conseil n'est pas limitée par les compétences du client ou la présence d'autres intervenants ; Considérant que l'avocat rédacteur d'acte est tenu de s'assurer de la validité et de
l'efficacité de l'acte qu'il dresse et est tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client quant aux conséquences juridiques de l'acte, étant relevé que les cédants étaient assistés de leur propre conseil ; Que monsieur X... ne prouve pas l'intervention de maître Y... au stade des négociations menées préalablement à la signature de l'acte de cession, pas plus qu'il ne prouve que maître Y... serait à l'initiative de ce projet, maître Y... affirmant sans que la preuve contraire lui soit opposée, que monsieur X... s'est engagé seul dans cette opération de cession dont la société BGC avait été chargée par les cédants, les consorts A... ; Que monsieur X... ne peut en conséquence reprocher à maître Y... de ne pas l'avoir informé sur les conditions financières de cette opération qu'il a négociée sans l'intervention de l'intimée et sur la base du rapport de la société BGC ; Que l'avocat, rédacteur d'acte, n'a pas d'obligation de conseil quant à l'opportunité de l'opération, que son devoir de conseil se limite à un concours juridique et qu'en l'espèce maître Y... justifie avoir rempli ses obligations, l'acte étant exempte de vices et prévoyait que le cédant confère au cessionnaire une garantie de passif laquelle a été établie aux mieux des intérêts de monsieur X... et nécessairement sur la base du dernier bilan de la société et d'une situation comptable dressée pour les besoins de l'acquisition arrêtée au 30 septembre 1989, permettant à monsieur X... qui se plaint du prix excessif payé d'obtenir une correction du prix sans limitation ; Qu'ainsi le reproche fait à maître Y... de ne pas avoir, en définitive, vérifié la fiabilité et la sincérité des documents sociaux et comptables est infondé, tout comme celui de l'absence de vérification des actifs inscrits au bilan, une telle investigation excédant les limites du champ d'intervention de maître Y... , aucune preuve qu'une telle mission lui ait été donnée n'étant rapportée et ne
résultant pas de l'existence de relations professionnelles antérieures et de missions accomplies dans le cadre d'autres affaires, ainsi que les limites de l'étendue de son devoir de conseil ; Qu'enfin monsieur X... qui avait parfaitement connaissance de l'existence du contrat de location gérance signée entre la société VETORAL et les laboratoires GAUCHER en 1983, l'acte de garantie mentionnant précisément l'existence d'un litige entre la société VETORAL et les mandataires de la société GAUCHER quant à son exécution et au paiement des redevances, ne peut valablement reprocher à maître Y... en charge de la rédaction de l'acte de cession des actions de la société VETORAL, de ne pas avoir vérifié la composition exacte du portefeuille d'AMM inscrits au bilan dont celles objets de la location gérance, étant relevé que l'existence d'un litige relatif au paiement des redevances suffisait à renseigner sur la propriété des AMM GAUCHER lesquelles ne pouvaient figurer au bilan, de telle sorte que le reproche de non vérification et non communication est vain ; Considérant que monsieur B... fait reproche à maître Y... de ne pas lui avoir communiqué des informations sur les AMM objets de l'acte en date du 13 février 1990 passé entre la société VETORAL et la société PHARCODIS, exposant qu'il a découvert que sur les 20 AMM acquises, 12 étaient en projet, 8 avaient été accordées, deux refusées et que sur les 12 en projet,4 ne pouvaient aboutir, qu'il estime que les diligences de maître Y... auraient dû être autres, que la cession de l'intégralité de l'actif étant assimilée à la cession d'un fonds de commerce, son avocat aurait dû exiger la communication des bilans, pour connaître leur valeur exacte, leur origine, ajoutant que ces informations auraient eu des conséquences sur l'étendue de son engagement de caution ; Que toutefois la preuve que la cession aurait porté sur la totalité des actifs de la société PHACORIS reste à démontrer ; Que le
prix de cession des AMM était fixé dans l'acte du 8 décembre 1989 après négociation entre les parties à cet acte, auxquelles maître Y... n'a pas participé, de telle sorte que l'allégation, au demeurant non prouvée d'un prix excessif, aucune des décisions de justice intervenues n'en faisant la remarque, certaines mentionnant au contraire que ce prix correspondait aux attentes de ces produits au jour de la cession, est dénuée de sérieux, étant relevé que monsieur X... ne saurait se prévaloir du prix offert par la société TVM dans le cadre de la procédure collective de la société VETORAL en vue de l'établissement d'un plan de cession en 1992 ; Que maître Y... n'avait pas plus l'obligation de vérifier la composition des AMM, qu'en outre maître Y... démontre que monsieur X... qui avait toute latitude d'agir pour faire annuler cette cession, a fait le choix personnel d'une stratégie plus protectrice de ses intérêts dans la cession des actions de la société VETORAL en obtenant une réduction du prix de cession ramené à 3,5 millions, de telle sorte que la supposée faute n'a pu causer le préjudice allégué ; Considérant que monsieur X... fait également reproche à maître Y... de ne pas l'avoir bien conseillé dans la transaction du 28 décembre 1990, puis dans le cadre de négociations menées en 1991 avec la société GIFRER en vue d'une éventuelle cession d'actions pour obtenir un apport de trésorerie à la suite de ses découvertes, maître Y... ayant privilégié les solutions ne mettant pas en évidence ses carences passées au détriment des intérêts de son client qui commandaient d'engager une action judiciaire ; Que pour contredire l'affirmation de maître Y... qu'il n'est pas le rédacteur de la transaction signée le 28 décembre 1990, l'appelant invoque les courriers du 25 juin 1990, du 22 octobre 1990 et du 24 octobre 1990 ; Qu'il en ressort seulement le fait que maître Y... a participé à l'élaboration d'un projet de protocole
qu'il a rédigé et transmis à monsieur X..., que la transaction signée le 28 décembre 1990 dont la preuve que la mouture finale a été transmise à maître Y...is à monsieur X..., que la transaction signée le 28 décembre 1990 dont la preuve que la mouture finale a été transmise à maître Y... n'est pas rapportée, est largement inspirée du projet sous réserve des modifications apportées par les parties relativement aux modalités de paiement et à la limitation de la garantie de passif au passif fiscal et social, qu'en outre maître Y... avait adressé à monsieur X... le 11 mai 1990 une consultation juridique sur les différentes possibilités juridictionnelles en vue de remettre en cause la cession , que monsieur X... a fait le choix d'une démarche amiable en vue d'obtenir une réduction du prix des cessions, que maître Y... a préparé un projet d'accord dans les conditions évoquées ci-dessus et duquel ne ressortent pas les manquements au devoir de conseil allégués ; Que d'agissant des négociations avec la société GIFRER, il est établi que la proposition de cette société a été soumise à maître Y... qui l'a qualifiée de très intéressante, que maître Y... ne peut dès lors se voir imputer le fait que la société GIFRER n'y ait pas donné suite, qu'il n'est pas plus démontré que maître Y... aurait dissuadé son client d'agir judiciairement dans le seul but d'éluder ses fautes et leurs conséquences, les fautes alléguées n'étant pas établies au surplus ; Considérant que monsieur X... qui ne prouve pas les fautes de son conseil lequel rapporte la preuve de ce qu'il a rempli ses obligations puisque les opérations de cession et garantie de passif qu'il a formalisées dans les actes du 8 décembre 1989 et du 13 février 1990 ont été parfaitement réalisées, doit être débouté de son appel ; Considérant que monsieur X... n'a fait qu'exercer les voies légales de recours et se méprendre sur l'étendue de ses droits, que la demande en paiement de
dommages et intérêts formée par maître Y... sera écartée ; Que succombant dans ses prétentions, il doit être condamné à indemniser maître Y... des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer et supporter la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant en audience publique par défaut et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y AJOUTANT, CONDAMNE monsieur X... à payer à maître Y... la somme de 5000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE monsieur X... aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la scp LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués. . - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame Francine BARDY, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,