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13/09/2006 | FRANCE | N°05/02288

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0016, 13 septembre 2006, 05/02288


No

du 13 SEPTEMBRE 2006

9ème CHAMBRE

RG : 05/02288

X... Patrice Y.../BF

SOCIETE XTS TELECOM

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,

en présence du ministère public,

Nature de l'arrêt :

CONTRADICTOIRE

Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Nanterre - 15ème Chambre, du 03 juin 2005.

COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats, du délibéré et au pron

oncé de l'arrêt,

Président : Monsieur LIMOUJOUX,

Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE,

Monsieur BRISSET-FOUCAULT,

Bordereau No

MI...

No

du 13 SEPTEMBRE 2006

9ème CHAMBRE

RG : 05/02288

X... Patrice Y.../BF

SOCIETE XTS TELECOM

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, par Monsieur LIMOUJOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,

en présence du ministère public,

Nature de l'arrêt :

CONTRADICTOIRE

Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Nanterre - 15ème Chambre, du 03 juin 2005.

COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,

Président : Monsieur LIMOUJOUX,

Conseillers : Mademoiselle DELAFOLLIE,

Monsieur BRISSET-FOUCAULT,

Bordereau No

MINISTÈRE PUBLIC : Madame BRASIER DE THUY, Substitut général,

GREFFIER : Mademoiselle KLING

PARTIES EN CAUSE

X... Patrice

né le 03 Mars 1953 à LEOPOLVILLE (CONGO)

Filiation ignorée

Dirigeant d'entreprise, de nationalité française, situation familiale inconnue

Demeurant : ...

62400 BETHUNE

Jamais condamné, libre,

Comparant, assisté de Maître A..., avocat au barreau de PARIS

Société XTS TELECOM - ANCIENNEMENT XTS NETWORK

N de SIREN : 420-848-806

... - Cour Ventose - 92150 SURESNES

Représentée par M. BONO, Président du Directoire, assisté de Maître A..., avocat au barreau de PARIS,

PARTIE CIVILE

Société OUTREMER TELECOM - ANCIENNEMENT DÉNOMMEE INFORMATIQUE TELEMATIQUE I et T

Chez Maître NETTER-ADLER Maroussia - 53, Avenue de Breteuil - 75007 PARIS

Représentée par Maître NETTER-ADLER et Maître B..., avocats au barreau de PARIS

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Par jugement contradictoire en date du 03 juin 2005, le Tribunal correctionnel de Nanterre :

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

A relaxé X... Patrice des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :

FOURNITURE AU PUBLIC DE SERVICE DE COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES SANS DECLARATION, de août 1999 au 10/04/2000, à Boulogne-Billancourt, dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et dans la région Ile de France,

infraction prévue par les articles L.39 2 , L.33-1 du Code des postes et télécommunications et réprimée par les articles L.39, L.39-6 du Code des postes et télécommunications.

A relaxé la Société XTS TELECOM - ANCIENNEMENT XTS des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :

FOURNITURE AU PUBLIC DE SERVICE DE COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES SANS DECLARATION, de août 1999 au 10/04/2000, à Boulogne-Billancourt, dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et dans la région Ile de France,

infraction prévue par les articles L.39 2 , L.33-1 du Code des postes et télécommunications et réprimée par les articles L.39, L.39-6 du Code des postes et télécommunications.

SUR L'ACTION CIVILE :

A déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la société OUTREMER TELECOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TELEMATIQUE I et T)

A rejeté quant au fond la constitution de partie civile de la société OUTREMER TELECOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TELEMATIQUE I et T), en raison de la relaxe intervenue.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Société OUTREMER TELECOM - ANCIENNEMENT DÉNOMMEE INFORMATIQUE TELEMATIQUE I . T, le 09 Juin 2005,

M. le procureur de la République, le 14 Juin 2005.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Juin 2006, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus qui comparaissent assistés de leur conseil ;

Ont été entendus :

Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Conseiller, en son rapport,

Monsieur LIMOUJOUX, Président en son interrogatoire,

Monsieur X..., en ses explications,

Monsieur BONO, en ses observations,

Maître NETTER-ADLER, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,

Maître B..., avocat, en sa plaidoirie,

Madame BRASIER DE THUY, substitut général, en ses réquisitions,

Maître A..., avocat, en ses plaidoirie et conclusions,

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 13 SEPTEMBRE 2006 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.

DÉCISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET LA PROCÉDURE

Sur les faits, il y a lieu de se rapporter à l'exposé qui figure au jugement et que la cour adopte.

À l'issue de l'information, Patrice X... et la société XTS TÉLÉCOM (anciennement appelée XTS NETWORK) ont, par ordonnance du magistrat instructeur du 27 mai 2003, été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour avoir :

«à Boulogne-Billancourt, dans le département de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et dans la région Île-de-France, en tout cas sur le territoire national entre août 1999 et le 10 avril 2000 et depuis temps non prescrit, fourni au public un service téléphonique sans l'autorisation du ministre chargé des télécommunications,

faits prévus et réprimés par les articles L. 39 et L. 34-1 du Code des postes et télécommunications ».

Par jugement du 3 juin 2005, le tribunal correctionnel de Nanterre a relaxé Patrice X... et la société XTS TÉLÉCOM (anciennement appelée XTS NETWORK).

Sur l'action civile, le tribunal a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TÉLÉMATIQUE IetT) et a débouté celle-ci de ses demandes en raison de la relaxe intervenue.

Pour motiver sa décision, le tribunal a considéré d'une part que l'infraction poursuivie ne pouvait être imputée à une personne morale en l'absence de texte spécifique en la matière et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que le service fourni par la société XTS NETWORK consistait en un transfert de voix direct assimilable à une communication téléphonique et en conséquence soumis à autorisation.

*****

Le 9 juin 2005, la partie civile a interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, suivi le 14 juin 2006 par le ministère public.

En début d'audience, la cour indique qu'elle soumet d'office au débat contradictoire la question de l'application dans le temps des dispositions pénales visées par la prévention, étant observé que les articles L. 39 et L. 34-1 du Code des postes et télécommunications sont devenus les articles L. 39 et L. 34-1 du Code des postes et des communications électroniques et que la rédaction de ces textes résulte de la Loi nº 2004-669 du 9 juillet 2004, qui en a substantiellement modifié la teneur. Il résulte notamment des modifications intervenues qu'à présent l'exploitation d'un service téléphonique doit faire l'objet d'une déclaration et non plus d'une autorisation et que c'est le défaut de déclaration qui est puni par la loi actuelle.

La cour indique qu'elle soumet également d'office au débat la question de la possibilité de mettre en cause la responsabilité pénale de la personne morale pour l'infraction poursuivie et celle de la recevabilité de la société OUTREMER TÉLÉCOM à se constituer partie civile.

La société OUTREMER TÉLÉCOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TÉLÉMATIQUE I etT) demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable sa constitution de partie civile et de l'infirmer en ce qu'il a relaxé les prévenus et l'a déboutée de ses demandes.

Elle demande que la cour déclare Patrice X... et la société XTS NETWORK coupables des faits qui leur étaient reprochés, qu'elle déclare sa constitution de partie civile recevable, qu'elle condamne les prévenus à lui payer la somme de 150 000 € en réparation de son préjudice moral et qu'elle lui donne acte de ce qu'elle sollicitera devant la juridiction civile déjà saisie des "dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de la concurrence déloyale exercée."

La partie civile demande en outre que les prévenus soient condamnés à lui verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Dans ses conclusions, la société OUTREMER TÉLÉCOM soutient que "la loi du 9 juillet 2004 n'a nullement abrogé les dispositions relatives aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie mais a simplement procédé à une refonte du texte".

En conséquence, selon elle, l'élément légal du délit poursuivi subsiste, contrairement à ce qu'affirment les prévenus.

Sur l'élément matériel, la partie civile cite l'article L. 32 (2o) du Code des postes et des communications électroniques qui définit la fourniture d'un service téléphonique comme étant "l'exploitation commerciale pour le public du transfert direct par voix en temps réel, entre utilisateurs fixes ou mobiles au départ et à destination de réseaux ouverts au public commutés entre utilisateurs fixes et mobiles".

Elle soutient que la société XTS NETWORK effectuait du transfert direct de voix et qu'elle aurait dû obtenir une autorisation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) pour exercer son activité. Pour étayer cette argumentation, elle cite un courrier de cette autorité administrative indépendante qui se trouve au dossier ainsi que le texte figurant sur des plaquettes publicitaires éditées par la prévenue.

La partie civile soutient par ailleurs qu'une personne morale peut être poursuivie pour le délit visé à la prévention.

Elle fait valoir à ce propos que "les personnes morales sont expressément visées par les dispositions légales et réglementaires du Code des postes et télécommunications applicables en l'espèce", dont l'article L. 32-15 précise qu'"on entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communication électronique ouvert au public ou fournissant au public un service de communication électronique".

La société XTS NETWORK étant un opérateur, les dispositions pénales des articles L. 33-1 et L. 39 doivent, selon la société OUTREMER TÉLÉCOM, lui être appliquées.

La société OUTREMER TÉLÉCOM affirme de plus qu'elle est recevable à se constituer partie civile. En effet, contrairement à ce que soutiennent les prévenus, l'action en concurrence déloyale intentée par elle devant le tribunal de commerce (et actuellement pendante devant une chambre commerciale de la cour d'appel de Versailles) a un fondement différent, oppose des parties différentes, et a un objet et des causes différentes.

Elle fait en outre valoir que le préjudice dont elle demande réparation devant la juridiction correctionnelle est un préjudice moral découlant directement de l'infraction poursuivie, distinct de celui dont elle se prévaut dans le cadre de son action en concurrence déloyale.

La société OUTREMER TÉLÉCOM affirme à l'appui de sa demande en réparation du préjudice moral dont elle se prévaut qu'"il n'est pas discutable qu'elle aurait effectué les prestations qu'a illégalement fournies XTS TÉLÉCOM puisqu'elle était la seule société présente sur le marché hormis FRANCE-TÉLÉCOM et qu' en outre, il est incontestable que lorsqu'il est mis fin à un monopole d'État, le 1er challenger bénéficie d'une position stratégique dans l'esprit du public".

Ainsi, soutient-elle, "la société OUTREMER TÉLÉCOM avait différé son lancement et ses opérations commerciales le temps nécessaire à l'obtention des autorisations requises pour se conformer à la loi et la société XTS, en ne respectant pas les règles édictées par la réglementation et en se plaçant «hors la loi» a privé OUTREMER TÉLÉCOM de cet avantage stratégique ce qui lui a indéniablement causé un préjudice moral considérable."

À l'audience, la partie civile soutient que sa constitution de partie civile est recevable en raison du préjudice important et personnel subi en conséquence directe des faits reprochés aux prévenus et ce, quand bien même l'infraction poursuivie s'analyserait en un exercice illégal d'une activité économique réglementée. Elle cite une jurisprudence ayant admis un particulier à se constituer partie civile du chef d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable.

Le ministère public requiert de la cour qu'elle entre en voie de relaxe, l'élément légal de l'infraction ayant disparu du fait de l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2004 qui a abrogé le texte sur lequel est fondée la poursuite.

Selon le représentant du ministère public, l'opérateur de téléphonie est actuellement soumis à un régime de déclaration et non plus, comme c'était le cas à l'époque des faits, d'autorisation pour exercer son activité. Le délit prévu et réprimé par l'article L. 39 du Code des postes et des télécommunications en vigueur au moment des faits n'existe plus et celui de défaut de déclaration actuellement prévu n'existait pas encore.

Le ministère public soutient par ailleurs que le délit poursuivi n'était pas imputable à la personne morale, faute de spécification dans la loi de l'époque et que la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM était, même à l'époque, irrecevable, en l'absence d'un dommage certain, direct et personnel qui aurait été causé à cette société par les faits, à supposer ceux-ci établis.

Patrice X... et la société XTS TÉLÉCOM (anciennement appelée XTS NETWORK) demandent à la cour de "dire irrecevable la société OUTREMER TÉLÉCOM en son appel et action civile", de les relaxer et de débouter la partie civile de ses demandes.

Ils soutiennent que les modifications des règles régissant les activités en matière de télécommunications introduites par la loi du 9 juillet 2004 qui a remplacé le Code des postes et télécommunications par le Code des postes et des communications électroniques ont eu pour effet de substituer un régime déclaratif au régime d'autorisation des services de télécommunications autres que le service téléphonique.

Selon les prévenus, les articles L. 34-1 et L. 39 du Code des postes et télécommunications qui sont visés par la prévention ont été abrogés et remplacés par d'autres dispositions qui visent l'absence de déclaration et non d'autorisation. La déclaration actuellement obligatoire n'était pas prévue à l'époque par les textes et son absence ne peut donc être l'objet de poursuites pénales.

L'élément légal de l'infraction ayant disparu, les prévenus ne peuvent donc qu'être relaxés.

Les prévenus soutiennent par ailleurs que, les faits étant antérieurs au 31 décembre 2005, l'infraction poursuivie ne pouvait être imputée à la société XTS NETWORK, le texte ne prévoyant pas la mise en cause de la responsabilité pénale des personne morale pour l'infraction poursuivie.

Ils affirment en outre que, compte tenu des spécificités techniques du service offert, ce dernier ne nécessitait pas à l'époque des faits, l'autorisation dont le défaut était réprimé par l'ancien article L. 39 précité.

Patrice X... et la société XTS TÉLÉCOM (anciennement appelée XTS NETWORK) soutiennent par ailleurs que la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM est irrecevable en application de l'article 5 du Code de procédure pénale du fait que cette dernière a saisi, antérieurement à son action devant la juridiction répressive, le tribunal de commerce de Nanterre sur le même fondement. De plus, selon les prévenus, le préjudice allégué ne répond pas au conditions posées par l'article 2 du Code de procédure pénale.

MOTIFS DE LA COUR.

Sur l'action publique

La prévention vise les articles L. 39 et L. 34-1 du Code des postes et des télécommunications qui, à l'époque des faits, disposaient :

ancien article L. 39 :

« Est puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 500 000 francs le fait :

1º D'établir ou de faire établir un réseau ouvert au public, sans l'autorisation prévue à l'article L. 33-1 ou de le maintenir en violation d'une décision de suspension ou de retrait de cette autorisation ;

2º De fournir ou de faire fournir au public le service téléphonique sans l'autorisation prévue par l'article L. 34-1 ou en violation d'une décision de suspension ou de retrait de cette autorisation.»

ancien article L. 34-1 :

« La fourniture du service téléphonique au public est autorisée par le ministre chargé des télécommunications.

Cette autorisation ne peut être refusée que dans la mesure requise par la sauvegarde de l'ordre public ou les besoins de la défense ou de la sécurité publique, ou lorsque le demandeur n'a pas la capacité technique ou financière de faire face durablement aux obligations résultant des conditions d'exercice de son activité, ou a fait l'objet d'une des sanctions mentionnées aux articles L. 36-11, L. 39, L. 39-1, L. 39-2 et L. 39-4.

L'autorisation est soumise à l'application des règles contenues dans un cahier des charges et portant sur les points mentionnés au I de l'article L. 33-1, à l'exception des e) et h).

Lorsque la fourniture du service suppose l'établissement d'un réseau ouvert au public, l'autorisation délivrée en application de l'article L. 33-1 autorise la fourniture du service.»

La cour constate que ces textes ont été modifiés et que le Code des postes et des télécommunications est devenu le Code des postes et des communications électroniques.

Ainsi, l'article L. 39 du Code des postes et des communications électroniques dispose, dans sa rédaction actuelle résultant de la Loi nº 2004-669 du 9 juillet 2004 :

« Est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 75 000 euros le fait :

1º D'établir ou de faire établir un réseau ouvert au public, sans que la déclaration prévue à l'article L. 33-1 ait été faite, ou de le maintenir en violation d'une décision de suspension ou de retrait du droit d'établir un tel réseau ;

2º De fournir ou de faire fournir au public ou de commercialiser un service de communications électroniques, sans que la déclaration prévue à l'article L. 33-1 ait été faite, ou de le maintenir en violation d'une décision de suspension ou de retrait du droit de fournir un tel service.»

L'article L. 34 du même code, tel que résultant de la Loi nº 2006-64 du 23 janvier 2006, est rédigé comme suit en son § I :

« I. - Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des II, III, IV et V.

Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article.»

La cour constate que ce texte et les paragraphes qui suivent ne concernent en rien les règles et formalités auxquels doivent se conformer les personnes souhaitant fournir au public un service téléphonique.

La cour relève en outre que le premier alinéa de l'article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques, auquel l'article L. 39 précité renvoie, dispose, dans sa rédaction actuellement en vigueur (qui résulte de la Loi nº 2004-669 du 9 juillet 2004 et de la Loi nº 2005-516 du 20 mai 2005) :

« L'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.»

Il se déduit de ce qui précède qu'au régime d'autorisation en vigueur au moment des faits qui sont soumis à la cour, a succédé un régime de déclaration et que le délit consistant à "fournir ou de faire fournir au public le service téléphonique sans l'autorisation prévue par l'article L. 34-1" du Code des postes et des télécommunications n'existe plus.

Il ne peut donc plus, en application du principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce (et a fortiori abrogée) être reproché aux prévenus d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article L. 39 du Code des postes et des télécommunications, s'agissant de dispositions pénales à présent abrogées.

Il ne saurait pas plus, et ce, en application du principe de la non rétroactivité de la loi pénale, être reproché aux prévenus d'avoir fourni un service de communications électroniques sans déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes puisque le régime de déclaration actuellement prévu par l'article L. 33 du Code des postes et des communications électroniques n'existait pas au moment des faits. En outre, les faits visés par la prévention dont est saisie la cour sont de nature différente de ceux visé par le nouveau texte.

La cour constate en conséquence que l'élément légal de la poursuite n'existe plus et, substituant ses motifs à ceux des premiers juges, confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la relaxe de Patrice X... et celle de la société XTS TÉLÉCOM (anciennement XTS NETWORK), personne morale à laquelle en outre l'ancienne incrimination pénale ne pouvait en tout état de cause s'appliquer.

La cour relève en effet que le Code des postes et des télécommunications ne prévoyait pas que l'infraction poursuivie puisse faire l'objet de poursuites pénales dirigées contre une personne morale, alors qu'à l'époque des faits, en application de l'article 121-1 du Code pénal, la personne morale n'était d'une manière générale pénalement responsable que "dans les cas prévus par la loi ou le règlement."

La définition donnée par l'article L. 35 de ce code à la notion d'"opérateur", qui peut être aussi bien une personne morale qu'une personne physique n'implique nullement, contrairement à ce que soutient la société OUTREMER TÉLÉCOM, que les dispositions pénales de ce code s'appliquent aux personne morale comme aux personnes physiques, étant rappelé qu'en matière pénale, les textes doivent être interprétés de manière restrictive.

Sur l'action civile.

La juridiction pénale demeure compétente pour statuer sur l'action civile lorsqu'elle a été saisie, en même temps que l'action publique, antérieurement à l'abrogation de la loi pénale.

Dans le cas d'espèce la cour constate que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui a saisi le tribunal correctionnel de Nanterre a été rendue le 27 mai 2003 et que les textes qui ont fait disparaître les qualifications retenues par la poursuite du droit pénal étaient encore en vigueur à cette date.

La cour doit en conséquence statuer sur l'action civile exercée par la société OUTREMER TÉLÉCOM, dont elle doit examiner la recevabilité au regard des textes en vigueur à l'époque des faits.

La cour relève en premier lieu que, le délit visé ne pouvant, au moment des faits, donner lieu à poursuites pénales contre une personne morale, la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM était, en tout état de cause et dès l'origine, irrecevable à l'encontre de la société XTS NETWORK. L'action civile ne peut en effet être exercée devant les juridictions répressives sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale contre une personne à laquelle aucune faute pénale n'est juridiquement susceptible d'être imputée.

S'agissant de la constitution de partie civile dirigée contre Patrice X..., la cour rappelle que le droit d'exercer l'action civile devant la juridiction répressive est un droit exceptionnel ouvert par l'article 2 du Code de procédure pénale à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction.

Dans le cas soumis à la cour, il était reproché à Patrice X... une infraction à la réglementation alors en vigueur des activités de services de télécommunications, en exploitant un service de téléphonie sans autorisation.

Or la pénalisation par le législateur du non respect de ce type de réglementation technique et économique a pour objet la protection de l'intérêt général tel qu'apprécié par le législateur au regard des normes et des contraintes technologiques et économiques de l'époque et non celle des intérêts particuliers de concurrents qui se prévaudraient, pour fonder leur action devant la juridiction correctionnelle, de la concurrence subie par eux en conséquence de l'activité illégale reprochée au prévenu et / ou du préjudice moral qu'ils estimeraient avoir subi du fait de cette activité illégale.

De la même manière, les dispositions pénales qui sanctionnent l'exercice illégal de certaines professions réglementées (par exemple l'exercice illégal de la médecine, celui de la profession d'avocats, celui de la profession d'experts-comptable, celui d'agent immobilier etc...) ouvrent la possibilité de se constituer partie civile, non pas aux concurrents de la personne poursuivie agissant individuellement (ce qui permettrait à tous les médecins, tous les avocats, à tous les experts-comptables à tous les agents immobiliers du pays de se constituer partie civile à l'occasion de ce type de poursuites), mais, d'une part, aux organismes habilités à défendre les intérêts généraux des professions concernées (notamment les ordres ou les syndicats professionnels) et, d'autre part, aux personnes qui auraient directement souffert de l'infraction. Tel pourrait être le cas, par exemple, de clients qui auraient fait appel aux services d'une personne dont ils ignoraient qu'elle n'était pas habilitée à exercer la profession concernée et qui allégueraient avoir subi un préjudice matériel et / ou moral directement causé par le caractère illégal de l'activité dénoncée.

Le caractère général de l'intérêt protégé par le régime d'autorisation alors en vigueur était d'ailleurs clairement exprimé par le texte de l'ancien article L. 34-1 visé par la prévention puisque l'autorisation sollicitée ne pouvait "être refusée que dans la mesure requise par la sauvegarde de l'ordre public ou les besoins de la défense ou de la sécurité publique, ou lorsque le demandeur n'a vait pas la capacité technique ou financière de faire face durablement aux obligations résultant des conditions d'exercice de son activité, ou a vait fait l'objet d'une des sanctions mentionnées aux articles L. 36-11, L. 39, L. 39-1, L. 39-2 et L. 39-4."

En l'espèce, la société OUTREMER TÉLÉCOM se prévaut dans ses écritures d'un préjudice moral qu'elle n'explicite pas et dont elle ne dit en rien en quoi il aurait été la conséquence directe et personnelle des faits qu'elle reproche à Patrice X... ni en quoi il différerait des conséquences de la concurrence déloyale qu'elle allègue par ailleurs pour fonder une action devant la juridiction commerciale contre la société XTS TÉLÉCOM. Ce chef de préjudice, dont la partie civile admet elle-même qu'il n'entre pas dans le champs de la poursuite pénale dont la cour est saisie, ne serait d'ailleurs pas de la compétence de la juridiction pénale.

Infirmant le jugement entrepris, la cour déclarera en conséquence irrecevable la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TÉLÉMATIQUE I et T) dirigée contre Patrice X... et contre la société XTS TÉLÉCOM (anciennement XTS NETWORK).

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré,

Statuant publiquement et contradictoirement,

EN LA FORME :

DÉCLARE recevables les appels de la société OUTREMER TÉLÉCOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TÉLÉMATIQUE I etT) et du ministère public,

AU FOND :

Sur l'action publique,

CONFIRMANT le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 3 juin 2005 mais par des motifs substitués,

RELAXE Patrice X... et la société XTS TÉLÉCOM (anciennement XTS NETWORK) des fins de la poursuite,

Sur l'action civile,

INFIRMANT le jugement entrepris,

DÉCLARE irrecevable la constitution de partie civile de la société OUTREMER TÉLÉCOM (anciennement dénommée INFORMATIQUE TÉLÉMATIQUE IetT)

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et Mademoiselle Gwénaëlle KLING, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0016
Numéro d'arrêt : 05/02288
Date de la décision : 13/09/2006

Analyses

ACTION CIVILE - Recevabilité - / JDF

En application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. Toutefois, la répression de l'infraction au code des postes et des télécommunications, en vigueur à l'époque à laquelle elle a été commise, ayant pour objet la protection de l'ordre public et de l'intérêt général économique, et non celle des intérêts particuliers des opérateurs du secteur de la téléphonie, est irrecevable la constitution de partie civile d'une personne morale se prévalant du dommage et/ou du préjudice moral qu'elle aurait subis du fait de la concurrence déloyale engendrée par l'activité illégale du prévenu


Références :

Article 39 du code de postes et des communications électroniques et article 2 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Nanterre, 03 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-09-13;05.02288 ?
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