COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80C 11ème chambre ARRET No contradictoire DU 12 SEPTEMBRE 2006 R.G. No 05/02376 AFFAIRE : Dahbia X... C/ S.A. NEVISOL Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mars 2005 par le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY Section : Commerce No RG : 03/00535 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame Dahbia X... ... 93430 VILLETANEUSE Comparante en personne, assistée de Me Agnès GUEDJ, avocat au barreau de PONTOISE, vestiaire : 117 APPELANTE S.A. NEVISOL 12 rue des Alouettes 95600 EAUBONNE Représentée par Me Marie-Hélène TOULME-VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : M 197, en présence de Mme BOULFROY (DRH) en vertu d'un pouvoir général INTIMÉE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente et Madame Christine FAVEREAU, conseillère, chargées d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Christine FAVEREAU, conseillère,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente, Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT, FAITS ET PROCÉDURE, Dahbia X... a été engagée par la société NEVISOL le 26 juin 1995 en qualité d'agent entretien. Le 8 juillet 2003, la salariée a donné sa démission
invoquant un comportement abusif de l'employeur. Elle a saisi le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY lequel par jugement en date du 14 mars 2005 a considéré que sa démission était sans équivoque, l'a déboutée de sa demande de requalification de la démission en licenciement ainsi que de ses autres demandes. Par déclaration en date du 25 mars 2005, Dahbia X... a régulièrement interjeté appel de cette décision. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier, soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour de : infirmer le jugement entrepris, condamner la société NEVISOL au paiement des sommes suivantes : 15.005,10 ç à titre de rappel d'heures supplémentaires, 1500,51 ç à titre de congés payés afférents, 287 ç à titre de préavis, 16.000 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1.500 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle soutient notamment que : elle était dans l'obligation d'effectuer des heures supplémentaires pour exécuter normalement le travail qui lui était demandé, l'employeur a exercé des pressions afin qu'elle démissionne, notamment en lui imposant de nouveaux horaires de travail, du fait des pressions et de la modification de son contrat de travail, sa démission doit être requalifiée en licenciement, la société NEVISOL ne peut se prévaloir des dispositions légales et conventionnelles en matière de transfert du contrat de travail. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier, soutenues oralement à l'audience, la société NEVISOL demande à la cour de : confirmer le jugement entrepris, condamner Dahbia X... au paiement de la somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Elle soutient notamment que : sur les heures supplémentaires, elle rapporte la preuve que lorsque celles-ci ont été effectuées, Dahbia X... en a été réglée, elle avait expressément interdit à Dahbia
AGGAR d'effectuer des heures supplémentaires sans son accord, sur la démission, le contrat de travail prévoyait expressément la possibilité de modifier les horaires, à compter du 1er juin 2003, le client LE CALIBRE a cessé de faire appel à la société NEVISOL pour l'entretien de ses locaux, le contrat de travail de Dahbia X... a donc été transféré à la société LE CALIBRE pour partie des horaires, Dahbia X... a refusé le transfert du contrat de travail après avoir travaillé deux jours au sein de la société LE CALIBRE. Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. SUR CE, LA COUR, Sur les heures supplémentaires Considérant que s'il résulte de l'article L.212-1-1 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande ; Qu'en l'espèce, Dahbia X... réclame le paiement d'heures supplémentaires à compter de mai 1998 jusqu'en mai 2003, estimant qu'elle effectuait des horaires plus importants que ceux qui étaient fixés par l'employeur ; Qu'elle produit ainsi un décompte d'heures supplémentaires sur la base d'un horaire hebdomadaire de 41 heures 45 (au lieu de 35 heures) et calcule le rappel d'heure supplémentaires sur la base de 32,5 semaines en 1998, 52 semaines de 1999 à 2002, et 23 semaines en 2003 ; Que cependant, il est établi par les pièces produites (bulletins de salaire, notes de Dahbia X..., échange de courriers) qu'outre les périodes de congés où elle ne pouvait effectuer d'heures supplémentaires, la salariée n'a tenu compte ni de
ses arrêts maladie, ni des heures complémentaires puis supplémentaires qui lui ont été réglées et ce, notamment en fonction de ses notes écrites adressées à l'employeur certains mois, aux termes desquelles elles réclamait des heures supplémentaires qui lui étaient effectivement réglées ; Qu'il est par ailleurs établi que tant les avenants au contrat de travail, que les plannings établis par l'employeur, les relevés d'heures signés par Dahbia X... permettant l'établissement des bulletins de paie, faisaient état d'un horaire précis qu'elle était tenue de respecter ; Que l'employeur à plusieurs reprises (lettres des 5 juillet, 11 septembre et 8 octobre 2002) a expressément rappelé à la salariée qu'elle devait respecter les plannings et qu'il lui était interdit d'effectuer des heures supplémentaires ; Qu'il résulte cependant d'une attestation de la déléguée du personnel Maria Y... que malgré ses rappels à l'ordre, ainsi que ceux de la direction lors d'un entretien, sur l'interdiction qui lui était faite d'effectuer des heures supplémentaires, Dahbia X... ne respectait pas les horaires fixés, travaillant en dehors de ces horaires mais n'étant pas présente lors des contrôles que la déléguée en tant qu'agent de maîtrise effectuait à des heures où Dahbia X... aurait dû se trouver sur son lieu de travail ; Qu'un courrier de janvier 2003 de Dahbia X... confirme le non respect par celle-ci des directives de l'employeur, la salariée réclamant à nouveau le paiement d'heures effectuées aux lieu et place d'une collègue à la demande de celle-ci mais sans accord préalable de l'employeur ; Que les courriers de résidents des trois copropriétaires qui ne sont pas sous forme d'attestations conformes aux dispositions du nouveau Code de procédure civile, n'offrent pas les garanties suffisantes pour être retenues ; qu'en effet, sauf à contrôler quotidiennement les faits et gestes de Dahbia X..., ces résidents ne peuvent affirmer que Dahbia X... effectuait très
précisément 11 heures 25 hebdomadaires pour l'une (Irène FOYART, résidence du 24 avenue de la République) 11 heures hebdomadaires pour l'autre (conseil syndical du 40/42 avenue de la République), horaires différents du planning que la salariée était censée respecter ; Que Dahbia X... affirme également qu'elle était contrainte de passer le dimanche soir pour sortir les containers des trois résidences au motif que le service de ramassage des ordures ménagères passait le lundi matin à 6 heures 30, tout en réclamant des heures supplémentaires les autres jours de la semaine et notamment le lundi à compter de 6 heures 30 ; Qu'il résulte de plusieurs courriers d'un résident du 44/46 avenue de la République à EPINAY sur Seine (BIBAS) confirmés par une lettre du syndic de cette copropriété de février 2003 et par Dahbia X... elle-même dans son courrier de janvier 2003 adressé à l'employeur, qu'à compter du début de l'année 2003, le résident était contraint de sortir lui-même les containers non seulement le dimanche mais également le samedi, tâche qui, selon lui, était effectuée par Dahbia X... auparavant ; Que pour la période antérieure à janvier 2003, si le planning de Dahbia X... prévoyait la sortie et la rentrée des containers du lundi au samedi et non le dimanche, il est cependant établi que cette tâche selon les contrats de prestations produits devait être effectuée par la société NEVISOL soit le dimanche soir soit le lundi matin avant 6 heures 30 ; Que l'employeur qui ne prétend pas qu'une autre personne que Dahbia X... était chargée de cette tâche, ne peut sérieusement contester que la salariée sortait les containers soit le dimanche soir soit le lundi matin avant 6 heures 30 alors même qu'elle n'était censée commencer son travail qu'à 8 heures selon son planning ; Qu'en conséquence sur la période du 23 mai 1998 (selon l'avenant du 24 mai 2000, la résidence du 24 avenue de la république était déjà cliente de la société NEVISOL contrairement à ce qu'affirme celle-ci) au 31
décembre 2002, il convient de déterminer les heures supplémentaires effectuées par Dahbia X... pour la sortie des containers le dimanche soir ou le lundi matin, en tenant compte des heures complémentaires et supplémentaires déjà réglées, des relevés d'heures mensuels lorsqu'ils ont été approuvés par la salariée, des périodes de congés et des périodes d'arrêt maladie ; Que le décompte s'établit de la façon suivante : 1998 : 2 heures x 7,67 ç (6,14 ç x 125%) = 15,35 ç 1999 : 4 heures x 8,12 ç (6,50 ç x 125%) = 32,50 ç 2000 :12 heures x 8,37 ç (6,70 ç x 125%) = 100,44 ç 2001 : 39 heures x 8,95 ç (7,16 ç x 125%) =349,05 ç 2002 : 18 heures x 9,13 ç (7,31 ç x 125 %) =
164,47 ç soit un total de 661,81 ç ; Qu'il convient en conséquence de condamner l'employeur au paiement de cette somme ainsi qu'à celle de 66,18 ç à titre de congés payés afférents ; Que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ; Que Dahbia X... sera déboutée du surplus de ses demandes ; Sur la rupture Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d'une démission ; Qu'en l'espèce, Dahbia X... a démissionné par lettre du 8 juillet 2003 au motif d'un comportement abusif de l'employeur ; Que ce courrier fait suite à deux courriers de la salariée en date du 19 juin 2003 aux termes desquels elle informait l'employeur de son refus de signer l'avenant au contrat de travail modifiant le nombre d'heures de travail (22 heures 50 au lieu de 35 heures par semaine), contestait les dates de congés qui lui étaient imposées, réclamait le paiement des heures supplémentaires effectuées ; Que la modification du temps de travail résulte en l'espèce de la perte du client LE CALIBRE lequel à compter du 1er juin 2003 aurait selon l'employeur décidé de reprendre lui-même l'entretien de ses locaux et pour ce
faire proposer de conserver la salariée à son service ; Que la société NEVISOL se prévaut de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail et de l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de nettoyage ; Considérant cependant que l'annexe 7 ne s'applique que lorsqu'une entreprise de nettoyage perd un marché au profit d'une autre entreprise de nettoyage et non lorsque qu'un client décide d'assurer lui-même le nettoyage de ces locaux ; Qu'à défaut de telles dispositions conventionnelles particulières régissant certaines activités (nettoyage, gardiennage) l'article L.122-12 alinéa 2 n'est pas applicable dans le cas de la seule perte de marché par suite de la reprise d'une activité confiée à une entreprise extérieure sauf à démontrer que la reprise d'un marché en gestion directe s'accompagne du transfert d'une entité économique, savoir d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; Qu'en l'espèce, le transfert d'une entité économique n'est pas démontré puisque en dehors de la salariée, aucun autre personnel et aucun élément corporel ou incorporel n'était concerné ; Qu'en conséquence, l'application volontaire des dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 par la société NEVISOL et la société LE CALIBRE exigeait l'accord de la salariée concernée par le transfert ; Que Dahbia X... a refusé le transfert de son contrat de travail à la société LE CALIBRE, puis le temps partiel proposé par la société NEVISOL ayant pour conséquence une baisse significative de sa rémunération, laquelle constitue une modification de son contrat de travail que l'employeur ne pouvait lui imposer ; Qu'il convient cependant de constater qu'à compter de juin 2003, Dahbia X... n'a été rémunérée qu'à hauteur de 97,43 heures mensuels au lieu de 151 heures 67 ; Que sa démission eu égard à un manquement grave de l'employeur a les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; Que compte
tenu de l'ancienneté de la salariée, de son âge, de son aptitude à retrouver un emploi et des circonstances de la rupture, il convient de lui allouer à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse la somme de 8.000 ç en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail ; Que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ; Que la salariée sera déboutée du surplus de sa demande ; Sur le solde du préavis Considérant que, sauf dispositions conventionnelles contraires, lorsque le salarié ne peut exécuter son préavis en raison de sa maladie, l'employeur n'est pas tenu de reporter le point de départ du délai congé afin de permettre au salarié de l'exécuter ; que de même, au cours de préavis, la maladie n'a pas pour effet de reporter la date de cessation du contrat ; Qu'en l'espèce, Dahbia X... qui devait exécuter son préavis du 8 juillet au 8 septembre 2003 a été en arrêt maladie du 1er au 8 septembre 2003 ; Que l'employeur n'était pas tenu de reporter d'une semaine la fin de sa période de préavis ; Que Dahbia X... sera en conséquence déboutée de sa demande de solde de préavis ; Sur les frais irrépétibles et les dépens Considérant que l'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;Que l'employeur sera condamné au paiement d'une somme de 1.000 ç à ce titre ; Qu'il sera en outre condamné aux dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, DÉCLARE recevable l'appel interjeté par Dahbia X..., CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY en date du 14 mars 2005 sur le solde du préavis, INFIRME pour le surplus, Statuant à nouveau, CONDAMNE la société NEVISOL à payer à Dahbia X... les sommes suivantes : 661,81 ç ( SIX CENT SOIXANTE ET UN EURO ET QUATRE VINGT UN CENTIMES ) à titre d'heures supplémentaires, 66,18 ç ( SOIXANTE SIX EURO ET DIX HUIT CENTIMES ) à titre de congés payés afférents, et
ce avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2003 date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, 8.000 ç (nciliation, 8.000 ç ( HUIT MILLE EURO ) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, DÉBOUTE Dahbia X... du surplus de ses demandes, ORDONNE à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les allocations chômage qui ont pu être versées à Dahbia X... dans la limite de deux mois, REJETTE les prétentions de la société NEVISOL contraires au présent arrêt, CONDAMNE la société NEVISOL à payer à Dahbia X... la somme de 1.000 ç ( MILLE EURO ) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, CONDAMNE la société NEVISOL aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
La PRÉSIDENTE,