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29/06/2006 | FRANCE | N°2003/08125

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2006, 2003/08125


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 91D 1ère chambre 1ère section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 29 JUIN 2006 R.G. No 05/04494 AFFAIRE : LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES X... C/ Rosa Y... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 01 Juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 1 No Section : No RG : 2003/08125 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE SCP JUPIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l

'affaire entre : Monsieur LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES X.....

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 91D 1ère chambre 1ère section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 29 JUIN 2006 R.G. No 05/04494 AFFAIRE : LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES X... C/ Rosa Y... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 01 Juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 1 No Section : No RG : 2003/08125 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE SCP JUPIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES X...
... par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Avoués - N du dossier 0541398 APPELANT [****************] Madame Rosa Y... née le 01 Janvier 1957 à COUTIN MONTALEGRE (Portugal) 10, rue de Saint Germain - 78230 LE PECQ représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN Avoués - N du dossier 0021620 rep/assistant : Me Patrick DELPEYROUX (avocat au barreau de PARIS) INTIMEE [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mai 2006 devant la cour composée de :

Madame Francine BARDY, président,

Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,

Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Par acte authentique du 4 juillet 1995, Fernand Z..., alors âgé de 90 ans, a vendu aux époux Y... une maison d'habitation sise 10 rue de Saint-Germain au PECQ (78), le vendeur se réservant le droit d'usage et d'habitation sa vie durant.

Cette vente a été consentie pour un prix de 1500000 F. ( 228673,53 ç ) converti en une obligation pour l'acquéreur de "recevoir dans l'immeuble vendu, loger, chauffer, éclairer , nourrir à sa table avec lui et comme lui, entretenir, vêtir, blanchir, raccommoder et soigner tant en santé qu'en maladie le vendeur, en un mot à lui fournir tout ce qui est nécessaire à l'existence en ayant pour lui les meilleurs soins et bon égards comme aussi en cas de maladie à lui faire donner tous les soins médicaux et chirurgicaux nécessaires et à lui faire administrer tous le médicaments prescrits, l'acquéreur ne devant toutefois avoir à sa charge, en ce qui concerne les frais médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques que le fraction de ces frais non remboursés au vendeur par la caisse de sécurité sociale à laquelle il est affilié, le tout à partir de ce jour jusqu'au jour de son décès", étant en outre précisé que "l'acquéreur s'oblige à demeurer la nuit dans l'immeuble vendu de façon que Monsieur Z... ne soit jamais seul. au cas où l'acquéreur viendrait à s'absenter plus de vingt quatre heures, il devra à ses frais trouver une personne de compagnie devant le remplacer auprès du vendeur pendant toute la durée de son absence aux mêmes conditions que prévu plus haut. Le vendeur pourra exiger, aux frais de l'acquéreur, une visite médicale à domicile une fois par mois. Si de circonstance d'ordre matériel, moral ou psychologique rendaient difficiles à l'acquéreur l'exécution en nature de prestations ci-dessus prévues, ce dernier pourra demander au Tribunal compétent l'autorisation de remplacer les prestations par le versement d'une rente viagère dont le montant sera fixé à dire d'expert, qui permettra au vendeur d'engager une personne pouvant assurer lesdites prestations , toutefois le vendeur ne pourra être privé contre son gré du droit d'usage et d'habitation qu'il s'est réservé".

Monsieur Y... est décédé en juin 1996.

Estimant que la vente du 4 juillet 1995 présente un caractère fictif, les parties ayant souhaité éluder les droits de donation au taux de 60% prévu par l'article 777 du Code Général des Impôts, l'administration fiscale a notifié le 25 novembre 1999 un redressement, fixant le montant des droits, pénalités et intérêts de retard à acquitter à la somme de 1964250 F. ( 299447,98 ç ).

Après plusieurs échanges de courrier, Madame Y... saisissait par lettre du 8 février 2000 le comité consultatif pour la répression des abus de droit, lequel, par un avis du 6 décembre 2002, a conclu à la requalification en donation de la vente en raison notamment de l'âge et de l'état de santé du vendeur, de la situation financière de Monsieur Z... qui ne l'obligeait pas à vendre le bien immobilier et de la forte disproportion entre le coût des services rendus et la valeur de la maison, la vente ayant été convertie en une obligation de soins et d'entretien qui n'a été que partiellement exécutée.

Le rappel des droits était mis en recouvrement à concurrence de la somme de 220.746ç le 24 décembre 2002.

Par réclamation du 27 janvier 2003, Madame Y... en demandait la décharge et, en l'absence de réponse, par acte du 4 septembre 2003, a fait assigner le Directeur des Services fiscaux des X... devant le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES.

Par jugement du 1er juin 2005, le Tribunal a : - dit que la procédure de déqualification de la vente conclue le 4 juillet 1995 en donation déguisée n'est pas fondée, - prononcé la décharge des impositions mises à la charge de Madame Y... par avis de mise en recouvrement du 24 décembre 2002, - condamné le Directeur des Services fiscaux des X... à payer à Madame Y... la somme de 1.500ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamné le Directeur des Services fiscaux des X... aux dépens.

Appelante, l'administration des Impôts, aux termes de ses dernières

écritures signifiées le 7 mars 2006 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, conclut à l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour de : - débouter Madame Y... de toutes ses demandes, - dans l'hypothèse où le jugement serait confirmé, dire que l'administration ne saurait être condamnée au titre des frais irrépétibles dès lors que le comité consultatif pour la répression de abus de droit a approuvé la mise en oeuvre de l'article L 64 du livre des procédures fiscales, - condamner Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 5 avril 2006 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, Madame Y... conclut à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour de condamner le Directeur des Services Fiscaux des X... à lui payer la somme de 2.500ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Considérant que l'administration, qui use des pouvoirs qu'elle tient de l'article L 64 du livre des procédures fiscales pour requalifier un acte, a la charge de la preuve du caractère fictif de l'acte litigieux ou à défaut, qu'il n'a pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qui auraient dû normalement être supportées ;

qu'en l'espèce, l'administration doit donc établir que le contrat de vente est fictif ou qu'il avait pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle, à savoir une donation dont les droits sont de 60%, s'agissant d'une donation au profit d'un tiers ;

Considérant, certes, que pour apprécier le poids des présomptions invoquées par l'administration afin de restituer au contrat son

véritable caractère, il convient, non de se borner à examiner isolément chacune de celles-ci, mais de rechercher si l'existence de la fraude se déduit de l'ensemble des dites présomptions et d'apprécier la finalité de l'opération ;

Considérant que les présomptions invoquées par l'administration sont relatives à l'acte de vente (âge et état de santé du cédant, liens d'affection existant entre les parties à l'acte, intention libérale du cédant, absence d'intérêt financier pour le cédant) et à l'acte lui-même (existence d'une contre-partie à la vente, impossibilité pour les acquéreurs d'honorer les engagements prévus à l'acte, absence de solidarité à l'acte entre Monsieur et Madame Y...) ;

que pour les apprécier, il convient de se placer à la date de passation de l'acte ;

Considérant qu'à la date de l'acte, le 4 juillet 1995, le vendeur, dont l'épouse était décédée l'année précédente, et qui n'avait aucun descendant, était âgé de 90 ans et voulait manifestement rester à son domicile et ne pas aller en maison de retraite, ainsi qu'il résulte des clauses de l'acte contesté et ainsi que le confirme Monsieur A..., clerc de notaire, dans la lettre adressée à Madame Y... le 3 décembre 1998 ;

que si Monsieur A... a pu écrire que l'état de Monsieur Z... nécessitait des soins de jour et de nuit et que l'examen de ses relevés bancaires fait état de remboursements mensuels de la caisse primaire d'assurance-maladie, l'administration ne rapporte pas pour autant la preuve, qui lui incombe, de l'absence d'aléa qui résulterait de l'imminence du décès du vendeur, étant observé qu'elle ne justifie pas de ce qu'au moment de la passation de l'acte, le vendeur aurait été atteint d'une maladie grave devant entraîner le décès dans un délai très rapproché ;

qu'en effet, celui-ci pouvait parfaitement être atteint d'une maladie

invalidante justifiant des soins réguliers pris en charge par la CPAM sans pour autant que cette maladie entraîne une mort rapide ;

qu'il sera observé que le vendeur est décédé deux ans et demi après la vente litigieuse et que l'administration ne justifie pas ni même ne prétend qu'il serait décédé de suites d'une maladie qui aurait déjà attaqué son organisme lors de la passation de l'acte ;

qu'il s'ensuit que le jour de la vente, le décès du vendeur était bien un événement incertain quant à sa date et qu'il existait donc un aléa nonobstant l'âge du vendeur, 90 ans, eu égard à l'espérance de vie d'une personne faisant l'objet d'un suivi médical régulier ;

Considérant qu'il résulte de la lettre de Monsieur B..., clerc de notaire, que les époux Y... ont été présentés par lui en novembre 1994 à Monsieur Z... qui venait de perdre son épouse et cherchait une solution pour ne pas aller en maison de retraite et que c'est lui qui a proposé la formule de vente critiquée par l'administration, laquelle permettait à Monsieur Z... de continuer à habiter sa maison en ayant l'assurance de ne jamais être seul, même pendant l'été ;

que ce n'est donc pas en raison de liens amicaux pouvant exister entre les parties que Monsieur Z... a vendu sa maison aux époux Y... huit mois après avoir fait leur connaissance, mais bel et bien pour lui permettre de rester chez lui dans des conditions de sécurité satisfaisante en bénéficiant d'une assistance nécessaire eu égard à son âge et son état de santé, peu important pour la qualification du contrat litigieux que des liens affectifs soient nés par la suite de l'exécution par les époux Y... de leur obligation de soins et d'assistance, et soient à l'origine de l'intention libérale dont a fait preuve Monsieur Z... en 1997 à l'égard de Madame Y..., qui a perdu son époux en 1996, en lui consentant une donation de la nue-propriété de ses meubles, en la désignant bénéficiaire de deux

contrats d'assurance-vie et en l'instituant sa légataire universelle le 18 juillet 1997 ;

Considérant que l'absence d'intention libérale au jour de la passation de l'acte résulte de l'économie même du contrat puisque le prix de vente de l'immeuble a été converti en une obligation de soins particulièrement lourde puisqu'elle comprend l'obligation de demeurer la nuit et le jour dans l'immeuble de façon que le vendeur ne soit jamais seul et qu'il est expressément prévu qu'au cas où l'acquéreur viendrait à s'absenter plus de vingt quatre heures, il devra trouver à ses frais une personne de compagnie devant le remplacer auprès du vendeur toute la durée de son absence et que si des circonstances d'ordre matériel, moral ou psychologique rendaient difficiles à l'acquéreur l'exécution en nature des prestations prévues, ce dernier pourra demander au Tribunal l'autorisation de remplacer les prestations par le versement d'une rente viagère dont le montant sera fixé à dire d'expert qui permettra au vendeur d'engager une personne pouvant assurer les dites prestations ;

Considérant que c'est sans en rapporter la preuve que l'administration soutient que la vente litigieuse n'était pas motivée par la recherche d'un intérêt financier, étant observé que l'administration ne démontre pas que les revenus de Monsieur Z... lui auraient permis de supporter les salaires et les charges sociales des trois employées de maison nécessaires pour lui permettre la présence à son domicile d'une personne 24 heures sur 24, 365 jours par an tout en étant en conformité avec la législation sociale, étant également observé que Monsieur Z... est parfaitement libre de vouloir être assisté en permanence d'une personne de compagnie, même dans l'hypothèse où cette assistance ne serait pas justifiée par son état de santé dés lors qu'il est en mesure d'en assumer la charge financière, même si c'est par la vente de sa maison dont il a

toutefois conservé le droit d'usage jusqu'à sa mort ;

qu'il résulte de l'avis d'imposition de Monsieur Z... sur les revenus de 1995 qu'il a perçu pour cette année la somme de 51740 F. ( 7887,71 ç ) au titre des pensions et retraites, celle de 73391 F. ( 11188,39 ç ) au titre des revenus mobiliers, son revenu imposable étant de 101980 F. ( 15546,75 ç ), ce qui ne lui permettait manifestement pas de faire face à ses besoins alimentaires, à ses obligations fiscales, à l'entretien de sa maison tout en assumant en plus les frais engendrés par l'assistance d'une personne nuit et jour, toute l'année ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que la prise en charge financière de Monsieur Z... par les époux Y... était accessoire, leur obligation principale, qui justifiait à l'évidence la passation du contrat, consistant en la présence de l'un ou de l'autre de façon permanente aux côtés de Monsieur Z..., obligation dont l'administration ne justifie pas qu'elle n'aurait pas été remplie bien que Madame Y... n'ait loué sa résidence principale qu'après le décès de son époux en 1996, les époux Y... ayant parfaitement pu se relayer auprès de Monsieur Z... tout en conservant la jouissance de leur résidence principale ;

Considérant que l'administration ne rapporte pas la preuve que l'obligation de soins à laquelle se sont engagés les époux Y..., 24 heures sur 24, douze mois sur douze, représenterait un coût financier qui serait inférieur au revenu de l'immeuble abandonné par le cédant, heures sur 24, douze mois sur douze, représenterait un coût financier qui serait inférieur au revenu de l'immeuble abandonné par le cédant, étant observé que les libéralités dont a pu faire preuve Monsieur Z... à partir de 1997 à l'égard des époux Y... ne peuvent être prises en considération pour apprécier la valeur financière des services rendus par les époux Y... en exécution du contrat litigieux

;

Considérant qu'il est donc suffisamment établi que l'acte litigieux a procuré à Monsieur Z... une contrepartie excluant toute intention libérale, à savoir la présence constante, à ses côtés, jusqu'à la fin de sa vie, d'une personne pour assurer son ménage, ses repas, les soins imposés par son état de santé, et satisfaire à tous ses besoins;

que c'est donc à juste titre que le premier juge, dont la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, a dit que la procédure de déqualification de la vente en donation déguisée n'est pas fondée, a prononcé la décharge des impositions mises à la charge de Madame Y... et a condamné l'administration à indemniser Madame Y... des frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à supporter à concurrence de la somme de 1.500ç ;

Considérant que l'administration fiscale succombe en son appel et doit être condamnée à payer à l'intimée contrainte d'exposer à nouveau des frais irrépétibles, une indemnité de 1.500 ç ; PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

CONDAMNE Monsieur le Directeur des Services Fiscaux des X... à payer à Madame Y... la somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur le Directeur des Services Fiscaux des X... aux entiers dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile . - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de

procédure civile. - signé par Madame Francine BARDY C... et par Madame Sylvie RENOULT greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,

Le C...,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2003/08125
Date de la décision : 29/06/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-06-29;2003.08125 ?
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