COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 91A 1ère chambre 1ère section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 29 JUIN 2006 R.G. No 05/04906 AFFAIRE :
Alain X... ... C/ Mr le DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES YVELINES Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 1 No Section : No RG : 10293/03 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me TREYNET SCP LISSARRAGUE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Alain X... né le 13 Août 1935 à DONVILLE LES BAINS (50) 59 Route des Cabanes - 06140 TOURRETTES SUR LOUP Madame Sylvie X... épouse Y... née le 21 Février 1961 à BOIS COLOMBES (92) Mialet - 30140 AUBIGNAC Madame Florence X... épouse Z... née le 01 Mai 1963 à BOIS COLOMBES (92) 13 Routes de Mantes - 78580 MAULE représentés par Me Jean-Michel TREYNET - N du dossier 17361 rep/assistant : Me OHANA de la SCP DREYFUS (avocat au barreau de BELFORT) APPELANTS [****************] Monsieur le DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES YVELINES élisant domicile en ses bureaux 52 avenue de St Cloud - 78011 VERSAILLES représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Avoués - N du dossier 0541539 INTIME [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mai 2006 devant la cour composée de :
Madame Francine BARDY, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Madame A... marie DUPUIS est décédée le 31 janvier 1995 laissant pour
recueillir sa succession son époux Alain X... marié selon contrat de mariage du 9 avril 1960 sous le régime de la séparation de biens et ses deux filles Sylvie Y... et Florence Z...
Monsieur X... a consenti par acte en date du 24 juillet 1989 donation "à son épouse survivante de plus de trois semaines, de la toute propriété des biens et droits mobiliers composant la succession dans la limite de la quotité disponible permise par la loi."
En outre les époux X... ont aux termes d'un acte du 22 septembre 1989 fait donation-partage à leurs deux filles de la nue-propriété de 514 actions de la sci "Art de Vivre Expansion" et 30 parts de la sci "Les Falaises" ainsi, aux termes d'un acte du 5 octobre 1992 , que de la nue-propriété de 340 parts de la sci Faras, les donateurs se réservant l'usufruit avec réversion de cet usufruit sur la tête du survivant en cas de prédécès de l'un d'eux.
A la suite du contrôle de la déclaration de succession, le service de la fiscalité immobilière de Saint-Germain Sud a réintégré à la quote-part de Alain X... le montant des reversions d'usufruit lui revenant dans les donations-partages et rejeté des dettes en passif de succession par lettre de notification de redressement en date du 18 novembre 1998.
Leur réclamation étant restée sans réponse, les consorts X... ont saisi le tribunal de grande instance de Versailles de la contestation de la décision de rejet implicite et par le jugement déféré prononcé contradictoirement le 1er juin 2005, le tribunal de grande instance a débouté les consorts X... de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.
Appelants, les consorts X... concluent aux termes de leurs dernières écritures en date du 2 mars 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement et prient la cour, statuant à nouveau, de leur accorder la décharge totale des impositions mises
en recouvrement le 11 octobre 2000 et de condamner l'intimé à leur payer la somme de 3.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Intimée, l'administration des impôts représentée par le directeur des services fiscaux des Yvelines conclut aux termes de leurs dernières écritures en date du 4 avril 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement et la condamnation des appelants aux dépens. SUR CE
Considérant qu'invoquant les dispositions de l'article 751 du code général des impôts et celles de l'article 617 du code civil , les consorts X... soutiennent que l'usufruit viager que s'était réservée madame X... dans l'acte de donation partage s'est éteint à son décès, que cette extinction ne constitue pas une opération sur laquelle des droits seraient exigibles, que la réversion résultant des dispositions de l'acte de donation, la réversion d'usufruit a constitué de la part de madame X... une donation à terme de biens présents, le droit d'usufruit du bénéficiaire de la réversion lui ayant été définitivement acquis dès le jour de l'acte et seul l'exercice de ce droit d'usufruit étant différé au décès du donateur, qu'il s'ensuit que les parts en litige ne pouvaient appartenir à la succession de madame X..., ni en toute propriété ni en usufruit puisque cet usufruit s'est éteint à son décès sans que cette opération soit taxable, qu'ils se prévalent d'un arrêt rendu le 6 novembre 2002 par la Cour de Cassation, duquel il ressortirait que le donateur consent dans un même acte deux donations entre vifs, l'une de la nue propriété ayant un effet immédiat, l'autre de l'usufruit dont l'exercice est reporté au décès du donateur, ajoutant que l'administration fiscale considère désormais dans son instruction du 17 novembre 2005 que la clause de réversibilité d'usufruit est une mutation entre vifs dont le donataire a un droit actuel dès le jour
de l'acte même si l'exercice en est différé ;
Considérant que l'administration fiscale soutient que la réversion d'usufruit contenue dans l'acte de donation-partage est une donation sous condition suspensive du décès du donateur et de la survivance du bénéficiaire, que c'est la réalisation de la condition soit le prédécès du premier usufruitier qui rend exigibles les droits de mutation sur la clause d'usufruit successif insérée dans l'acte et que la solution adoptée par la 3ème chambre civile ne saurait s'appliquer et que celle dégagée par la chambre commerciale est seule pertinente, qu'en outre ni le contrat de mariage ni l'acte de donation entre époux ne règlent le sort de la réserve d'usufruit au profit des donateurs en cas de donation-partage aux enfants, que l'usufruit réservé dans les actes de donation-partage ne peut être assimilé ni à un nouvel usufruit viager consenti par les donataires au survivant des donateurs ni à une convention de mariage modifiant implicitement les clauses du contrat de mariage passé le 9 avril 1960 ou les stipulations de la donation entre époux du 24 juillet 1989 ;
Considérant que la clause de réversion d'usufruit contenue dans l'acte de donation-partage du 22 septembre 1989 et celui du 5 octobre 1992 aux termes desquels monsieur et madame X... ont fait donation à leurs filles de la nue-propriété des actions et parts sociales des sociétés "Art de Vivre Expansion" sci "Les Falaises" et sci Faras,et se sont réservés l'usufruit leur vie durant avec réversion de l'usufruit sur la tête du dernier survivant, s'analyse en une donation à terme de biens présents, l'usufruit à caractère viager étant intransmissible pour s'éteindre au décès de son bénéficiaire conformément à l'article 617 du code civil, et le droit du bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l'acte , seul l'exercice de ce droit étant différé au jour du décès du donateur ;
Qu'il s'ensuit que l'extinction de l'usufruit viager que madame X... s'était réservé sa vie durant ne constitue pas une opération par laquelle les droits de mutation par décès sont exigibles, les dispositions de l'article 676 du code général des impôts n'ayant pas vocation à s'appliquer, étant acquis que les parts des sociétés en cause ayant fait l'objet de donations consenties régulièrement plus de trois mois avant le décès de madame X..., ces mêmes parts ne sont pas réputées faire partie de la succession de madame X... ;
Considérant qu'il convient de réformer le jugement entrepris et d'ordonner la décharge des impositions mises en recouvrement le 11 octobre 2000 ;
Considérant qu'eu égard aux situations respectives des parties, aucun motif tiré de l'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que l'administration fiscale qui succombe dans ses prétentions doit supporter la charge des entiers dépens ; PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT À NOUVEAU,
ORDONNE la décharge totale des impositions mises en recouvrement le 11 octobre 2000,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE le directeur des services fiscaux des Yvelines aux dépens de première instance et d'appel, autorisation de recouvrement direct étant accordé pour ceux d'appel à maître TREYNET conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions
prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame Francine BARDY, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,