COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80BH.L./E.W. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 29 JUIN 2006 R.G. No 05/03201 AFFAIRE :
Gérard X... C/ S.A.S. AMCO en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE Section :
Encadrement No RG : 04/01839 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Gérard X... 24 rue du Chanoine Monsanglant 93220 GAGNY représenté par Me Olivier MEYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 52 APPELANT [****************] S.A.S. AMCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis : 9 rue Louis Rameau 95870 BEZONS représentée par Me Monique OLIVIER FAYON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 474 INTIMÉE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Emmanuelle Y..., vice-président placé chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Madame Jeanne MININI, président,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,
Madame Emmanuelle Y..., vice-président placé, Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT, FAITS ET PROCÉDURE,
M. X... a été engagé par la société AMCO à compter du 20 novembre
1972 en qualité de magasinier. En 1992, il a été promu au poste de responsable logistique. Au dernier état des relations contractuelles, il occupait le poste de responsable logistique de la branche industrie de l'entreprise et de responsable des services généraux, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2625 euros.
Par lettre du 28 novembre 2003, il a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement qui lui a été notifiée le 11 décembre 2003, pour motif économique.
Contestant la validité de la rupture, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de se voir allouer une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour non respect de la procédure, des dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 28 avril 2005, le Conseil de Prud'hommes a jugé que le licenciement de M. X... procédait d'un motif économique justifié et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
M. X... a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 2 juin 2006, il demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de constater que la société AMCO a manqué à son obligation d'information du comité d'entreprise, de reclassement, n'a pas respecté la procédure de licenciement collectif pour motif économique et la priorité de réembauchage,
- de dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- de condamner la société AMCO à lui verser les sommes suivantes : 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse, 2625 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à la procédure, 5250 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage, 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- d'assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt légal.
Il fait valoir que la société AMCO a manqué à son obligation de reclassement telle que définie à l'article L 321-1 du Code du travail en se contentant de rechercher un reclassement dans des postes équivalents, sans rechercher parmi les postes de niveau inférieur ; qu'il appartenait en outre à la société, conformément à l'article 6 de la convention collective du caoutchouc, de s'adresser à son organisation professionnelle, au regard de l'activité constante de la branche industrie ; qu'au surplus, la société a procédé à des recrutements externes alors que le processus de licenciement était en cours.
M. X... expose ensuite qu'en vertu de l'article L 321-4 du Code du travail, relatif à l'information du comité d'entreprise en matière de licenciement collectif pour motif économique, la société AMCO aurait dû communiquer au comité d'entreprise des informations précises et détaillées lui permettant de se prononcer de façon éclairée sur les mesures de licenciement projetées ; qu'en annexe de la convocation du CE, la société AMCO s'est contentée de quelques lignes manifestement insuffisantes, affirmant sans autres précisions que les mesures "à intervenir dès les premiers jours de décembre 2003" concernaient 3 salariés du collège cadre et agent de maîtrise sans préciser la catégorie professionnelle exacte des salariés concernés et les dates de l'envoi des convocations et jours consacrés aux entretiens préalables.
Il indique enfin qu'il a averti la société AMCO dès le 18 janvier
2004, de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauchage ; que peu de temps après son licenciement, un salarié occupant le poste de responsable qualité a démissionné et a été remplacé au mois de juin 2004, dans le cadre d'un recrutement extérieur, alors que lui même, salarié de l'entreprise depuis 32 ans a démontré sa polyvalence et aurait pu occuper ces fonction ;
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 2 juin 2006, la société AMCO demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- de condamner M. X... au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle considère que les pièces versées aux débats et notamment les bilans 2002/2003 et les dénonciations des concours bancaires font apparaître la réalité du motif économique du licenciement ; que les mesures de redressement étaient indispensables ; que les dirigeants ont réduit de moitié leur salaire ; qu'un responsable hiérarchique a accepté à plusieurs reprises des modifications de son contrat de travail.
Elle soutient que l'article 6 de la convention collective ne pouvait recevoir application puisque le volume de production n'est pas resté constant et la branche industrie de la société était en perte contrairement aux affirmations du salarié ; qu'aucun poste identique à celui occupé par M. X... n'existait dans l'entreprise et qu'elle s'est trouvée contrainte d'engager un assistant de production avec des compétences très techniques dans la gestion et le pilotage de la production, le 30 octobre 2003, soit antérieurement à la procédure de licenciement en cause.
Elle indique en outre que contrairement à ce qui est prétendu, elle a bien informé lors de la réunion du 28 novembre 2003 les membres du comité d'entreprise de ses difficultés économiques et des mesures de
redressement qu'elle envisageait, énumérant les postes qu'elle entendait supprimer dont celui de responsable des services généraux ; que la réunion du 28 novembre 2003 a fait suite à une réunion du CE en date du 20 mai 2003 ; que les salariés ont donc été parfaitement et régulièrement informés de la situation de la société.
Elle précise enfin qu'elle a engagé M. Z... à compter du 21 juin 2004 en qualité de responsable qualité, avec prise en charge de la direction générale du service qualité ; que ses fonctions techniques étaient entièrement différentes de celles proposées à M. X... qui n'avait pas les compétences nécessaires pour un poste entièrement technique nécessitant une parfaite connaissance des normes qualité pour répondre aux préconisations de l'audit et remplir les conditions d'une certification de ses produits industriels ; qu'il ne saurait donc lui être reproché un manquement à la priorité de réembauchage.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci dessus.
MOTIFS, Sur le licenciement de M. X... :
Considérant qu'en vertu de l'article L 321-1 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour des motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
Considérant que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou
sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de son accord exprès, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise, ou le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;
Considérant que la lettre de licenciement est libellée comme suit :
"...diminution très importante de notre activité en 2003, de près de 30 %. Consécutivement nous supporterons des pertes d'exploitation importantes dont l'incidence sur notre trésorerie est d'ores et déjà sensible et nous impose des mesures immédiates dans le seul souci de préserver la pérennité de l'entreprise. De plus les perspectives économiques plus qu'hésitantes ou encore la baisse des commandes enregistrée depuis plus de six mois conjuguées à une forte concurrence nous imposent d'améliorer sans attendre notre compétitivité. Ceci nous a amené à prendre différentes mesures, annoncées au CE du 28 novembre, pour faire face à la situation et réduire nos charges fixes sans obérer notre capacité de production. Cette situation nous conduit à supprimer le poste de responsable des services généraux que vous occupez, les taches précédemment effectuées pouvant être réparties sur plusieurs collaborateurs..."
Considérant que la société AMCO verse aux débats les lettres de dénonciations à la société des concours bancaires de la Caisse d'Epargne et du Crédit Industriel et Commercial, datées des 8 juillet et 5 août 2004, les bilans et comptes de résultats 2002 et 2003, le compte rendu de réunion du CE en date du 24 novembre 2003, une lettre recommandée du commissaire aux comptes en date du 15 mai 2005 engageant une procédure d'alerte ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces pièces que la société a connu au cours de l'année 2003 une nette diminution de son chiffre d'affaires et un résultat d'exploitation qui s'est soldé par une perte de 1000 Kç ; qu'une série de licenciements a été mise en oeuvre
dont celui du secrétaire général de l'entreprise et des modifications de contrat de travail ont été régularisées ; que les pertes ont persisté en 2004 et 2005 engendrant une procédure d'alerte ; que les difficultés économiques sont donc avérées ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'aucun poste identique ou équivalent ne pouvait être proposé à M. X..., au sein de la société ; que le poste d'agent de maîtrise évoqué par ce dernier a été pourvu le 30 octobre 2003, soit antérieurement à la procédure de licenciement et ne correspondait pas au profil professionnel de celui ci comme requérant des compétences techniques très spécialisées ; que l'impossibilité de reclassement de M. X... est donc également établie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention collective nationale du caoutchouc, " tant que le volume de la production ou du travail dans une branche fonctionnelle de l'entreprise où l'ingénieur ou cadre exerce son activité reste constant ou s'accroît, tout congédiement pour cause de suppression d'emploi, de modification de structure ou d'organisation de cette branche ne peut être effectué sans que l'employeur ne propose ou ne procure à l'intéressé une nouvelle situation équivalente à la précédente et en rapport avec ses aptitudes.. Dans le cas où une entreprise ne pourrait pas satisfaire par elle même aux conditions ci-dessus, elle s'adressera à son organisation professionnelle qui se substituera à elle." ;
Considérant que M. X... verse aux débats des tableaux de chiffres d'affaires, non certifiés, lesquels font apparaître des pertes dans la branche industrie pour les années 2002 et 2003 ; que le salarié, procédant à une déduction des revenus issus des marchés KOROS et ROTEM, fait néanmoins ressortir une augmentation du chiffre d'affaires dans cette branche ; qu'aucune justification ni explication n'est cependant fournie sur les raisons de cette
déduction, laquelle est formellement contestée par la société qui rappelle que les clients en cause représentent 50 % du chiffre d'affaires ; que dans ces conditions, la progression du volume de commande invoquée dans la branche industrie de la société, n'étant pas suffisamment démontrée, M. X... sera débouté de sa demande au titre de l'article 6 de la convention collective ;
Considérant que le licenciement économique intervenu le 11 décembre 2003 est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef ; Sur le manquement à l'obligation d'information du comité d'entreprise :
Considérant qu'en application de l'article L 321-4 du Code du travail, l'employeur est tenu d'adresser aux représentants du personnel, avec la convocation aux réunions prévues à l'article L 321-2, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif ; il doit indiquer la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement, le nombre de travailleurs dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; le nombre de travailleurs, permanents ou non, employés dans l'établissement et le calendrier prévisionnel des licenciements ;
Considérant qu'une catégorie professionnelle se définit comme l'ensemble des salariés exerçant dans l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que cette notion vise donc nécessairement des types d'emplois ;
Considérant qu'une irrégularité affectant la procédure d'information - consultation du comité d'entreprise permet d'obtenir la suspension de la procédure si elle n'est pas terminée ou, à défaut, la réparation du préjudice subi à ce titre ;
Considérant qu'en l'espèce et en annexe à la convocation du comité
d'entreprise à la réunion exceptionnelle du 28 novembre 2003 relative aux projets de licenciements collectifs, la société AMCO a fait le communiqué suivant : "En raison des difficultés économiques entraînant une baisse sensible de notre chiffre d'affaires, elle même à l'origine de pertes er de trésorerie tendue, un certain nombre de mesures vont être prises. Parmi celles-ci, le licenciement économique de 3 salariés du collège Cadre/Agent de maîtrise sur 68 salariés, actuellement à l'effectif total. La spécificité des postes concernés ne permet pas l'application de critères pour l'ordre du licenciement qui devrait intervenir dès les premiers jours de décembre 2003 ";
Considérant qu'il ressort par ailleurs du compte rendu de la réunion qu'un bilan de la situation économique de la société a été présenté aux membres du comité d'entreprise, avec des précisions sur les mesures de redressement envisagées et le détail des postes supprimés, notamment celui de responsable des services généraux ; que ce faisant, l'obligation d'information - consultation du comité d'entreprise aimés, notamment celui de responsable des services généraux ; que ce faisant, l'obligation d'information - consultation du comité d'entreprise a été respectée ; que M. X... devra donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement confirmé ; Sur le non respect de la priorité de réembauchage :
Considérant qu'en vertu de l'article L 312-14 du Code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat, s'il manifeste le désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Dans ce cas, l'employeur l'informe de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification ;
Considérant que M. X... a averti la société AMCO, dès le 18 janvier 2004 de son souhait de bénéficier de cette priorité de réembauchage ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'un salarié occupant le poste de responsable qualité a quitté l'entreprise et qu'il a été procédé à un recrutement externe pour le remplacer au mois de juin 2004 ;
Considérant que M. X... qui avait en charge la gestion et la répartition des fournitures générales et la réalisation de différents travaux d'entretien ou de nettoyage ne disposait d'aucune expérience professionnelle dans le management de la qualité qui requiert des compétences techniques qu'une simple remise à niveau ou formation ne permettaient pas d'acquérir ; que le titulaire du poste justifiait au contraire d'une qualification et d'une expérience sur les normes qualités du ferroviaire et de l'automobile ; qu'il ne saurait, dans ces conditions être reproché à la société AMCO de ne pas avoir proposé cette fonction à M. X... qui sera donc débouté de sa demande de ce chef ; Sur les demandes annexes :
Considérant que l'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais non couverts par les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Statuant publiquement et CONTRADICTOIREMENT,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 28 avril 2005,
Déboute la société AMCO de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de M. X....
Arrêt prononcé par Mme Jeanne MININI, président, et signé par Mme Jeanne MININI, président et par Mme Christiane PINOT, greffier présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,