COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRET No Code nac : 30C contradictoire DU 15 JUIN 2006 R.G. No 05/02853 AFFAIRE : S.C.I. HERITIERS DE BOUTRAY GARCHES C/ S.A. MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES - Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 7 No Section : B No RG : 7044/04 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JUPIN & ALGRIN SCP TUSET-CHOUTEAU
E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUINZE JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.C.I. HERITIERS DE BOUTRAY GARCHES Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 329 200 653 RCS Paris ayant son siège 132 Bld Haussmann 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoués - N du dossier 21370 Rep/assistant : Me Jean-Pierre BLATTER, avocat au barreau de PARIS (P.0441). APPELANTE [****************] S.A. MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 414 147 926 RCS Nanterre ayant son siège 11 bis rue de la Porte Jaune 92380 GARCHES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués - N du dossier 20050520
Rep/assistant : Me François GENILLON, avocat au barreau de PARIS (R.196). INTIMEE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Avril 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, président chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Selon acte sous seing privé en date du 29 mars 1993, la SOCIETE CIVILE DES HERITIERS DE BOUTRAY GARCHES, ci après désignée la SCI DE BOUTRAY GARCHES a consenti à une société REGIMES ET TRAITEMENTS MEDICAUX, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES, un bail d'une durée de neuf ans portant sur un ensemble immobilier situé à GARCHES (Hauts de Seine), 2 Grande Rue, constitué d'un parc paysager clos de mur de 48.386 m où sont édifiés un château, un pavillon dit "de l'horloge", une ancienne chapelle aménagée en bureaux, une orangerie et un pavillon de gardien, à usage de maison de santé ou clinique ou pension de famille, moyennant un loyer initial de 1.200.000 francs (182.938,82 euros).
Par acte extrajudiciaire du 28 juin 2000, la SCI DE BOUTRAY GARCHES a délivré à sa locataire un congé pour le 1er janvier 2001 avec offre
de renouvellement du bail moyennant un loyer annuel porté à 2.200.000 francs (335.387,84 euros).
La société MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES n'ayant pas accepté le montant proposé pour le loyer du bail renouvelé, la SCI DE BOUTRAY GARCHES l'a assignée devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par un jugement du 23 octobre 2002, a désigné un expert en la personne de monsieur X..., lequel a déposé son rapport le 15 mars 2004.
Par un second jugement, rendu le 23 mars 2005, ce même magistrat a dit que les locaux ne pouvaient entrer dans les prévisions de l'article 28-3 du décret du 30 septembre 1953 visant les locaux dits "monovalents" et a fixé le loyer du nouveau bail à son montant plafonné par le jeu de l'indice à la somme de 200.826,99 euros.
Appelante de cette décision, la SCI DE BOUTRAY GARCHES la critique dans ses motifs retenus pour écarter le caractère monovalent des locaux en rappelant leur affectation à un usage unique de clinique psychiatrique et en soulignant que, s'ils sont adaptables pour certaines autres activités sans reconstruction ni modification majeure de leur structure, celles évoquées par la société locataire correspondent à des usages qui imposent la monovalence, sauf, selon elle, à exécuter de très importants travaux.
Se référant aux observations de l'expert, elle reproche au premier juge de n'avoir pas pris en compte les importants travaux de mise aux normes des établissements sanitaires recevant du public.
Elle soutient que les considérations sur le caractère adapté ou non de la configuration des lieux restent sans incidence sur leur qualification au regard de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 et ne doivent être pris en compte qu'au titre de la valeur locative. Elle dénie au demeurant la prétendue inadaptation des locaux à leur usage en en soulignant les avantages.
Elle ajoute qu'aux termes d'une jurisprudence constante, un ensemble immobilier est monovalent dès lors qu'il s'agit d'une exploitation indivisible. Elle se prévaut aussi du classement de la propriété, au plan d'occupation des sols, en zone "sanitaire santé".
Elle en conclut que le jugement doit être infirmé et demande à la cour de dire que le prix du bail renouvelé est soumis aux dispositions de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 et doit être fixé à la valeur locative.
Elle expose que le premier juge a omis de statuer sur le moyen essentiel qu'elle avait développé et tenant à la renonciation de la société locataire au principe du plafonnement.
Elle précise que cette dernière, dans son mémoire en défense du 11 mars 2002, sollicitait un loyer de 215.000 euros, montant supérieur au résultat du plafond de 204.572 euros.
Elle en déduit que la société MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES ne contestait pas, ainsi, que le loyer devait être fixé à la valeur locative et qu'elle a donc renoncé à l'application des règles de calcul posées par l'article L.145-34 du code de commerce.
Relativement à la détermination de la valeur locative par la méthode des recettes théoriques, elle critique le taux de fréquentation moyen de 80% retenu par l'expert et soutient qu'il doit être pris en compte pour 83,36%, comme le pourcentage sur recettes qu'elle souhaite voir porter de 10 à 12%.
Elle s'oppose à la prétention de la société locataire de voir pratiquer un abattement en considération de la circonstance que le bail est soumis à la TVA à laquelle elle-même n'est pas assujettie.
Elle discute enfin le coefficient retenu par l'expert de 15% pour tenir compte des charges exorbitantes et estime qu'il doit être retenu pour 10%.
Elle aboutit ainsi à une valeur locative, par la méthode des recettes
théoriques, de 372.189,71 euros.
Elle calcule aussi la valeur locative en fonction d'une surface pondérée en discutant les coefficients de l'expert et en retenant, au total, 2.407,73 m . Elle applique un prix de 160 euros le m par an, non seulement comme le préconise l'expert au château et au pavillon de l'horloge, mais aussi à l'orangerie. Elle retient un prix de 100 euros pour l'ancienne chapelle et chiffre la valeur locative des communs et du pavillon de gardien, aboutissant ainsi à un montant total de 352.053,60 euros et écartant tout abattement pour la prétendue grande surface de l'immeuble.
Elle demande ainsi à la cour d'infirmer le jugement, de fixer à la somme de 535.342,81 euros hors charges et hors taxes le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2002, de condamner la société MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES au paiement des intérêts calculés au taux légal sur les loyers arriérés en ordonnant leur capitalisation, subsidiairement, de fixer ce loyer à la somme annuelle de 204.578 euros si la cour devaient ne pas considérer les locaux comme monovalents.
Elle réclame enfin 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société MAISON DE SANTE DU CHATEAU DE GARCHES réplique que les locaux n'ont certainement pas été construits en vue d'une seule utilisation correspondant à l'activité actuelle puisqu'il s'agit, originellement, d'une résidence d'agrément.
Elle admet que les dispositions de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 s'appliquent aux locaux dans lesquels de très importants travaux ont été réalisés dans le but d'affectation à une seule utilisation ne permettant d'en changer qu'au prix de transformations d'un coût élevé.
Elle observe que l'expert n'a relevé que l'exécution de travaux
portant sur le clos et couvert et sur la sécurité qui ne sont nullement spécifiques et exclusifs à l'activité de clinique psychiatrique. Elle constate qu'aucun chiffre, aucune évaluation du coût de travaux de transformation en vue d'exercer une autre activité n'ont été fournis, l'expert considérant au contraire les locaux comme adaptables à d'autres activités sans reconstruction ni modifications majeures.
Elle souligne ainsi l'absence de preuve du critère uniformément retenu pour déterminer l'éventuelle monovalence s'agissant de locaux qui n'ont pas été construits en vue d'une seule utilisation.
Elle approuve en outre les considérations du premier juge sur le caractère inadapté et obsolète de cette architecture pour l'activité de soins psychiatriques, laquelle ne s'accommode plus de l'architecture pavillonnaire en zone arborée, au plan médical, sécuritaire et de gestion.
Elle conclut ainsi à la confirmation de la décision rejetant les prétentions injustifiées de l'appelante.
Elle dénie toute renonciation implicite à invoquer le plafonnement du loyer qui résulterait des termes de son mémoire du 11 mars 2002 en expliquant qu'une telle renonciation aurait fait l'objet, dans le premier jugement du 23 octobre 2002, d'une mention explicite.
Elle tient ainsi pour inopérant le moyen soulevé par la SCI DE BOUTRAY GARCHES dès lors qu'elle a toujours expressément contesté la monovalence des locaux depuis le début de la procédure.
Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement en son principe mais de prendre en compte une erreur de calcul commise et de fixer le loyer du bail renouvelé à 204.578 euros.
A titre subsidiaire, et en réponse aux observations de la SCI DE BOUTRAY GARCHES, elle demande que soit retenu un taux d'occupation de 75% qui apparaît plus réaliste. Elle approuve en revanche l'expert
d'avoir proposé un pourcentage sur les recettes de 10% ainsi qu'un coefficient de 15% en raison de charges exorbitantes et un abattement pour grandes surfaces.
Elle soutient qu'il convient de tenir compte de l'incidence de la TVA qu'elle ne récupère pas puisqu'elle ne s'y trouve pas assujettie. Elle considère que la valeur locative est ainsi ramenée à 201.625 euros hors taxes et hors charges mais sollicite cependant, dans le dispositif de ses écritures, de fixer le loyer au 1er janvier 2001 à 204.578 euros.
Elle réclame 2.000 euros en raison des frais irrépétibles qu'elle a exposés.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 06 avril 2006 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 27 avril 2006.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'aux termes des dispositions combinées des articles L.145-34 et L.145-35 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative sans que le taux de variation ne puisse excéder la variation indiciaire, à moins d'une modification notable des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité ;
Considérant que, par application de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée ;
Sur le caractère monovalent des locaux
Considérant que les locaux litigieux n'ont pas été construits en vue de l'utilisation unique en clinique psychiatrique ou maison de santé ; que les parties s'accordent à confirmer les constatations de
l'expert indiquant qu'il s'agit d'une ancienne propriété de famille ; qu'elles admettent que les constructions, réalisées dans la deuxième partie du 19ème siècle, ont été édifiées à titre de résidence d'agrément ;
Considérant que l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 trouve à s'appliquer aux locaux qui, bien que n'ayant pas été construits en vue d'une utilisation unique, revêtent un caractère monovalent dès lors qu'ils ont subi des aménagements spécifiques et que le changement de la destination ne pourrait être envisagé sans la réalisation de travaux importants ou de transformations profondes et coûteuses ;
Considérant en l'espèce que les locaux litigieux sont constitués, pour leur partie bâtie, des éléments suivants : - un bâtiment principal, dit "le château", imposante construction de la fin du 19ème siècle, élevée sur sous-sol à demi enterré d'un rez-de-chaussée surélevé, d'un étage droit, d'un second et troisième étage dans le brisis des toitures en ardoise et terrassons de zinc, développant unerez-de-chaussée surélevé, d'un étage droit, d'un second et troisième étage dans le brisis des toitures en ardoise et terrassons de zinc, développant une superficie totale brute de 1.250 m , - un pavillon, dit "de l'horloge", construction datant de la fin du 19ème siècle, élevée partiellement sur caves et surplus en terre plein d'un rez-de-chaussée et d'un étage partiel dans le bris des toitures en ardoise et terrassons de zinc, développant une superficie totale brute de 800 m , - une construction de pierre meulière et briques apparentes dénommée "l'orangerie", datant de la fin du 19ème siècle, élevée sur sous-sol d'un rez-de-chaussée surélevé, d'un étage droit et d'un second partiellement mansardé, couverte de toitures en ardoise et terrassons de zinc, développant une superficie totale brute de 352 m , - une ancienne chapelle, petite construction élevée
sur terre-plein d'un rez-de-chaussée et d'un étage droit en retrait développant 92 m , - des "communs" constitués de deux pavillons anciens réunis par une construction plus récente, élevés sur terre-plein d'un rez-de-chaussée, d'un entresol et partiellement d'un étage droit, couvertures de tuiles mécaniques et pour partie en terrasse, d'une superficie de 262 m , - une loge de gardien, non mentionnée dans l'expertise de monsieur X..., mais dont l'existence est confirmée par les explications des parties et par deux expertises amiables du cabinet VIGIE et de monsieur Y..., maison élevée d'un rez-de-chaussée et d'un étage partiel, couverte en tuiles mécaniques, développant 50 m ;
Considérant que "le château" comporte deux salons, une salle à manger, cuisines, offices, chambres froides, lingerie, buanderie, locaux techniques, vingt-et-une chambres toutes équipées de sanitaires à l'exception d'une seule, de WC, de deux bureaux, d'une salle informatique et archives, d'une salle de kinésithérapie ; qu'il est équipé d'un ascenseur ;
Considérant que le "pavillon de l'horloge" dispose d'un bureau, d'un office, d'une infirmerie, de vingt-quatre chambres équipées de sanitaires et d'une pharmacie ; que l"Orangerie" abrite la direction de l'établissement et se répartit en un salon d'attente, huit bureaux, une salle de réunion, un débarras ; que l'ancienne chapelle est divisée en une entrée, trois bureaux dont un double, un local d'archives ; que les "communs" comportent une entrée, une lingerie, une laverie repassage, une chaufferie, un grand atelier d'ergothérapie et trois pièces en étage dont une partiellement mansardée ;
Considérant que, pour soutenir le caractère monovalent des locaux, la SCI DE BOUTRAY GARCHES met en avant les travaux qui ont été réalisés, dans les bâtiments, afin de satisfaire aux normes de sécurité
incendie imposées pour tout établissement recevant du public ; que, cependant, elle n'en précise pas le coût et ne produit aux débats aucun élément de nature à en établir le montant ;
Considérant que l'expert relève, dans son rapport, que les bâtiments ont été équipés d'installations de sécurité incendie avec détection, alarme et fermeture automatique des portes, éclairage et balisage des issues, désenfumage et encloisonnement des deux cages d'escalier du château ;
Considérant que doit être approuvée la constatation de ce technicien selon laquelle ces installations techniques de sécurité sont caractéristiques des établissements recevant du public et ne se retrouvent jamais dans une propriété bourgeoise ;
Considérant toutefois que c'est de manière erronée qu'il affirme aussi qu'elles attestent du caractère monovalent de l'établissement concerné ;
Considérant en effet que la circonstance que deux des cinq constructions de l'ensemble loué aient reçu des équipements de sécurité pour les adapter à la réception du public, n'a aucunement pour conséquence d'établir que ces locaux ne peuvent être affectés à une autre utilisation ;
Considérant que tous les locaux recevant du public sont soumis à des règles nécessitant des installations de cette nature ; que la circonstance que la réglementation en vigueur est plus exigeante pour les établissements de soins n'a pas pour effet d'exclure l'utilisation des lieux pour des activités en exigeant de moins contraignantes ;
Considérant au surplus que rien ne démontre que la dépose coûteuse de ces installations de sécurité serait une condition préalable à la conversion de l'immeuble à une autre activité dont les exploitants pourraient choisir de les maintenir même si elles étaient devenues
superflues au regard de la législation applicable ;
Considérant que l'expert expose que les lieux lui paraissent adaptables à d'autres activités, sans reconstruction ni modification majeure de leur structure, sinon à supprimer ou recréer quelques cloisonnements ; qu'il ajoute que cette propriété pourrait être transformée, sans grands travaux, notamment en hôtel, lieu de séminaire, bibliothèque ou mairie ;
Considérant que la monovalence de l'immeuble ne peut se déduire, comme le suggère la SCI DE BOUTRAY GARCHES, de la circonstance que ces affectations potentielles revêtiraient, elles-mêmes, un caractère monovalent ; que la possibilité de substituer, dans les lieux loués, l'exploitation d'un hôtel ou d'une pension de famille à celle de clinique psychiatrique, sans réalisation de travaux importants et coûteux, suffit à établir que les constructions n'ont pas de caractère monovalent ;
Considérant que la SCI DE BOUTRAY GARCHES expose que "les locaux considérés ne sont pas susceptibles d'être affectés à un autre usage que celui d'établissement d'hébergement en général et sanitaire en particulier, sans travaux considérables" ; qu'elle admet ainsi implicitement mais nécessairement que les locaux peuvent être affectés à un usage différent que celui de clinique psychiatrique, l'hébergement recouvrant un ensemble large et varié de métiers ;
Considérant que la SCI DE BOUTRAY GARCHES ne produit aux débats aucun élément technique et chiffré pour définir la nature, l'importance et le coût des travaux qui seraient nécessaires pour permettre l'exercice dans les lieux loués d'une activité différente de celle de clinique psychiatrique et qu'elle qualifie pourtant de considérables ;
Considérant que l'existence de "chambres de sûreté" invoquée par la SCI DE BOUTRAY GARCHES qui n'en précise ni le nombre, ni la
configuration particulière et que l'expert n'a pas mentionnées dans son rapport, est sans portée au regard de la monovalence des locaux dès lors que la SCI DE BOUTRAY GARCHES ne fournit aucune précision sur le coût et l'importance des travaux qui seraient nécessaires pour les restituer à leur usage antérieur ;
Considérant que la clinique ne comporte ni bloc opératoire, ni salle de réanimation, ni autre équipement ou appareillage lourd et spécialisé tel que radiographie ou scanner ;
Considérant que les arguments développés par les parties et retenus par le premier juge sur le caractère prétendument inadapté des locaux à l'exploitation d'une clinique psychiatrique sont sans aucune portée sur la monovalence de l'immeuble, laquelle ne se déduit que de sa configuration physique et non pas de sa capacité à permettre une exploitation efficace et rentable de l'activité à laquelle il a été affecté ;
Considérant que la SCI DE BOUTRAY GARCHES se borne à procéder par affirmation en soutenant que les locaux ne permettent pas l'exploitation des activités qu'envisage l'expert dans son rapport, telles que bibliothèque, mairie, hôtel ou résidence pour personnes âgées ; que la circonstance que "le château" et "le pavillon de l'horloge" ont été aménagés en chambres n'a aucunement pour effet d'interdire une affectation différente, sans autre modification que celle du mobilier ;
Considérant, par ailleurs, que les constructions dites "l'orangerie", "la chapelle" et "les communs", qui développent ensemble une superficie non négligeable de 696 m ne font l'objet d'aucun aménagement spécifique à l'exercice d'une activité professionnelle déterminée ;
Considérant que la SCI DE BOUTRAY GARCHES souligne que la zone dans laquelle se situent les lieux est classée par le Plan d'Occupation
des Sol (POS) en "US - sanitaire - santé" et en déduit que ces règles d'urbanisme renvoient à une affectation monovalente ;
Considérant toutefois qu'elle ne produit pas aux débats les éléments du POS déterminant les contraintes affectées à la zone "US sanitaire santé" ; que les activités de santé couvrent un domaine très large et correspondent à des professions nombreuses et variées ; que s'y comptent notamment, la médecine avec toutes ses spécialités, la chirurgie, la kinésithérapie, la rééducation, la prothèse, la dentisterie et orthodontie, la pharmacie, les infirmières, les ambulanciers ; que ces activités peuvent être exercées par des organismes publics, des professions libérales, des sociétés civiles professionnelles, certaines par des sociétés de capitaux ; qu'elles peuvent, dans certaines conditions, être regroupées dans des locaux communs ;
Considérant que les diverses constructions litigieuses ne constituent pas un ensemble non structurellement indépendant ; qu'elles peuvent être aménagées, sans coût important, de manière à constituer des exploitations multiples concernant plusieurs clientèles, notamment par un usage différencié des quatre bâtiments ;
Considérant ainsi que la seule constatation du classement de la propriété en zone "US sanitaire santé" n'a pas pour effet de limiter l'activité pouvant être exercée dans les lieux à la seule exploitation d'une clinique psychiatrique ;
Qu'il suit de là que, les locaux ne pouvant être tenus pour monovalents, doit recevoir confirmation, par substitution de motifs, le jugement qui a écarté l'application de l'article 28-3 du décret du 30 septembre 1953 ;
Sur la prétendue renonciation de la société locataire au principe du plafonnement
Considérant que la renonciation à un droit doit être précise et
dépourvue d'équivoque ; que tel n'est pas la portée, en l'espèce, des écritures versées par la SCI DE BOUTRAY GARCHES aux débats devant le premier juge, le 11 mars 2002 ;
Considérant qu'en sollicitant de ce dernier la fixation du loyer du bail renouvelé de 215.500 euros, la SCI DE BOUTRAY GARCHES a formulé une prétention erronée au regard des règles du calcul du plafonnement ; qu'elle n'a pas, par là, nécessairement accepté un déplafonnement du loyer ; que les termes du jugement montrent que le débat devant le premier juge concernait la question de la monovalence des locaux comme la détermination de la valeur locative ;
Considérant que la qualification de l'immeuble, au regard des dispositions de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 n'étant pas tranchée, la SCI DE BOUTRAY GARCHES ne pouvait renoncer à un plafonnement qui constitue, pour la locataire un droit issu de règles d'ordre public et qui, à l'époque de la prétendue renonciation, n'était pas né ;
Sur le montant du loyer
Considérant, en conséquence de ce qui précède, que le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2001 doit être fixé en appliquant la variation indiciaire, à défaut de toute autre allégation de la société bailleresse sur une modification notable des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité ;
Considérant que l'expert a procédé au calcul indiciaire en retenant comme indice de révision celui du deuxième trimestre 2000 au motif qu'il était le dernier publié à la date du renouvellement et s'est référé, comme base, à l'indice du même trimestre de l'année civile 1999 ;
Considérant que cette méthodologie est impropre ; que le bail plafonné doit être calculé en appliquant au loyer initial de
182.938,82 euros le rapport entre les indices des 1er trimestres civils des années 1992 et 2001, soit respectivement 1006 et 1125 ;
Que le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2001 doit ainsi être arrêté à la somme annuelle hors charges et hors taxes de 204.578 euros ;
Que le jugement entrepris doit en conséquence recevoir confirmation, sauf à réviser le montant du loyer ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens d'appel ; PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, par substitution de motifs, le jugement entrepris, sauf à porter à la somme de 204.578 euros le montant en principal hors taxes et hors charges du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2001,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la SOCIETE CIVILE DES HERITIERS DE BOUTRAY GARCHES, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,