COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 F.L./P.G. ARRET No Code nac : 56B contradictoire DU 08 JUIN 2006 R.G. No 05/02277 AFFAIRE : S.A.R.L. JORDAN CO C/ S.A. TISSAGES DES HERITIERS DE GEORGES A... "HGP GAT" Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 6 No Section : No RG : 2003F03933 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER Me Jean-Pierre BINOCHE B... Y... AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE HUIT JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.R.L. JORDAN CO Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 423 387 372 RCS PARIS ayant son siège ..., agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N du dossier 20050319 Rep/assistant : Me Claude X..., avocat au barreau de NANTERRE. APPELANTE **************** S.A. TISSAGES DES HERITIERS DE GEORGES A... "HGP GAT" Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 383 860 780 RCS EPINAL ayant son siège 3 Cours du Bas 88310 CORNIMONT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué - N du dossier 287/05 Rep/assistant : Me Hubert Z..., avocat au barreau de PARIS (P.073). INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Avril 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, président chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La SARL JORDAN CO et la SA TISSAGES DES HERITIERS DE GEORGES A... -HGP GAT- ont entretenu des relations d'affaires, la première confiant à la seconde des stocks de fil aux fins de les tisser.
Après l'exécution du tissage, la société JORDAN CO confiait le nettoyage final du tissu à l'usine d'ennoblissement CROUVEZIER avant de les livrer à ses clients confectionneurs.
La société JORDAN CO n'ayant pas honoré ses factures, échelonnées du 03 juin au 12 novembre 2002, en dépit d'une mise en demeure, la société HGP GAT l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce de NANTERRE.
Par jugement rendu le 21 janvier 2005, cette juridiction a condamné la société JORDAN CO à verser à la société HGP GAT la somme de 95.548,22 euros avec intérêts d'une fois et demi le taux légal à compter du 18 avril 2003, ordonné la mise à disposition par la société HGP GAT à la société JORDAN CO du stock de fil de 1.690 kgs, alloué à la demanderesse une indemnité de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire et condamné la défenderesse aux dépens.
Appelante de cette décision, la société JORDAN CO soutient qu'un certain nombre de livraisons a été effectué avec retard et que la totalité des commandes n'a pas été exécutée tandis que le tissu livré était de mauvaise qualité ce qui la conduite à le brader.
Elle estime qu'il incombe à la société HGP GAT de démontrer ses allégations quant à la mauvaise qualité du fil utilisé ce à quoi
celle-ci ne procède pas par la production de deux télécopies.
Elle souligne que l'intimée ne s'exonère pas davantage de sa responsabilité dans le retard de livraison de la commande no 25081.
Elle fait valoir qu'en tout cas, le retard ne saurait être imputé au délai de préparation et de montage des machines ainsi que d'ennoblissement.
Elle prétend avoir subi un manque à gagner correspondant à la marge nette qu'elle aurait réalisée sur la vente de 99.900 mètres de tissu et un préjudice d'image.
Elle conteste l'application du taux d'intérêt de 1,5 fois le taux légal, selon elle, sans fondement.
Elle demande à la cour de constater qu'elle est débitrice de la somme de 95.548,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2002 envers la société HGP GAT, de condamner cette dernière à lui régler 130.211,05 euros de dommages et intérêts, d'ordonner la compensation et en conséquence, de condamner la société HGP GAT à lui verser la somme de 34.662,83 euros diminuée des intérêts au taux légal sur la somme de 95.548,22 euros à partir du 18 avril 2002 et augmenté des intérêts légaux depuis l'arrêt à intervenir.
Elle réclame, en toute hypothèse, la limitation de sa condamnation au paiement des intérêts légaux, le rejet de l'appel incident de la société HGP GAT et l'octroi d'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société HGP GAT oppose que les difficultés rencontrées dans l'exécution de ses obligations contractuelles sont exclusivement liées à la mauvaise qualité du fil de trame fourni par la société JORDAN CO.
Elle objecte qu'aucun délai n'a été précisé et se réfère à l'article 4 du contrat pour remarquer que sa responsabilité ne pourrait être engagée à ce titre.
Elle se prévaut de l'article 3 instaurant une tolérance relativement à la perte de tissu.
Elle souligne que le préjudice invoqué par l'appelante n'est pas fondé.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter 3.000 euros de dommages et intérêts pour opposition abusive à paiement et une indemnité de même montant en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Considérant que la société HGP GAT recherche le règlement de factures afférentes à neuf commandes passées par la société JORDAN CO durant la période du 11 avril au 03 septembre 2002 ;
considérant que la société JORDAN CO ne discute pas la réalisation par la société HGP GAT du tissage de 83.500 mètres de fil facturé 95.548,22 euros, mais invoque une mauvaise exécution, une inexécution partielle et des retards pour revendiquer le paiement de dommages et intérêts.
Sur les défectuosités alléguées :
Considérant que la société JORDAN CO n'est pas fondée à invoquer une mauvaise qualité du tissage en se prévalant exclusivement d'un rapport d'études établi par l'institut français du textile et de l'habillement très tardivement, le 07 mai 2003 et de manière très parcellaire puisque l'appelante n'a soumis à cet organisme qu'un seul pantalon gris à titre déchantillon qui n'est pas représentatif du travail confié à la société intimée compte tenu de la quantité de tissage effectué par ses soins ;
qu'en outre, les conditions générales de la société HGP GAT dont la société JORDAN CO ne discute pas la validité, ni leur opposabilité à son égard prescrivent en leur article 6, de procéder à toute réclamation concernant la marchandise fournie par lettre recommandée
dans les huit jours de sa réception par le destinataire et en tout état de cause, avant la commercialisation ou la transformation des marchandises ;
que ce moyen doit dès lors être écarté.
Sur les retards :
Considérant que contrairement à ce que soutient la société HGP GAT des délais de livraison ont bien été convenus puisqu'ils figurent clairement sur les confirmations de commandes dressées par ses propres soins en sorte qu'elle les a elle-même admis ;
considérant, par ailleurs, que l'intimée ne justifie aucunement que le fil transmis par la société appelante serait arrivé en usine sans bordereau de livraison, ni de la durée exacte et globale des délais incompressibles de préparation, de montage des machines de tissage et de contrôle dont elle fait état ;
Considérant que la société HGP GAT ne peut davantage arguer d'un défaut de livraison à temps du fil à tisser par la société JORDAN CO en invoquant sa télécopie du 21 mai 2002 par laquelle elle réclame 3.600 kgs de fil de trame pour pouvoir commencer le tissage dans la mesure où cette réclamation ne peut concerner que la commande no 25081 et s'avère dès lors manifestement tardive dans la mesure où elle est formulée seulement deux semaines avant la date prévue pour la première livraison ;
mais, considérant que si certaines fournitures ont été livrées avec retard, l'article 4 des conditions générales stipulent que les délais de livraisons ne sont donnés qu'à titre indicatif, et que le client ne pourra refuser la marchandise pour fourniture en dehors des délais indiqués, ni réclamer des pénalités, ou dommages et intérêts pour ce motif ;
que la demande formée de ce chef par la société JORDAN CO ne peut donc prospérer.
Sur la perte de fils :
Considérant que la société JORDAN CO a dressé dans ses écritures un tableau dont les données ne sont pas contestées par la société HGP GAT et dont il s'infère une perte de fil de 16.400 mètres ;
considérant que cette perte ne peut être imputée à la mauvaise qualité du fil fourni par la société JORDAN CO ;
considérant, en effet, que s'il est certes avéré que la société JORDAN CO ait livré début 2002 du fil de mauvaise qualité qui cassait lors du tissage ayant fait l'objet d'une télécopie du 12 février 2002 de la part de la société HGP GAT, l'appelante a décidé dès le 19 février suivant de lui livrer 1.500 kgs de fil de trame écru ainsi que 400 kgs de fil de couleur ;
Considérant, en outre, que les commandes litigieuses sont postérieures à cet échange des télécopies et à cette nouvelle livraison de fil puisqu'elles s'échelonnent du 11 avril au 03 septembre 2002 ;
considérant que la société intimée ne peut donc invoquer utilement sa propre télécopie du 23 août 2002, au demeurant non corroborée par un élément extérieur, dès lors qu'elle ne peut, en tout état de cause, concerner les commandes no 25362, 25363 et 25364 passées, le 22 mai 2002, dont les dernières livraisons étaient prévues pour le 07 juillet 2002 au plus tard, ni la commande no 25.537 du 26 juin 2002 80 % de celle-ci ayant été déjà livrée au 12 juillet, étant observé qu'en deux semaines près de 7000 mètres de fil avait été tissé, ce qui démontre que le fil était de bonne qualité ;
que la télécopie en question ne peut donc qu'avoir trait à la commande no25563 du 28 juin 2002 qui devait être livrée en quatre fois, dont deux fois 12.000 mètres entre le 08 et 19 juillet, 12.000 mètres entre les 19 et 23 août et 4.000 mètres entre les 26 et 30 août ;
qu'il n'est pas démontré que le fil ait été de mauvaise qualité dès lors que la société HGP GAT a été en mesure de livrer 20.610 mètres, le 22 août, au retour des congés avec une perte sur cette même commande de 0,2 % particulièrement minime.
Sur le préjudice de la société JORDAN CO :
Considérant qu'alors qu'il n'est pas établi une mauvaise qualité du fil relativement aux commandes litigieuses, il apparaît qu'une perte de 16.400 mètres s'est produite ;
considérant que la société JORDAN CO est en droit d'obtenir réparation du préjudice économique qui en est résulté pour elle faute d'avoir pu commercialiser le tissu qui aurait dû en provenir ;
considérant toutefois, que l'article 3 des conditions générales prévoit une tolérance de 10 % en plus ou en moins ;
que, par conséquent, seules les pertes mentionnées dans le tableau non discuté de l'appelante afférentes aux factures no 25078, 25081, 25362, 25363 et 25746 qui sont supérieures à ce taux de tolérance doivent être prises en compte ;
considérant qu'après application des 10 %, le métrage des pertes de fil s'élève à 11.602 ;
considérant que cette perte sera indemnisée sur la base de la marge de 1,50 euros par mètre qu'aurait pu réaliser la société JORDAN CO et ainsi réparée par l'octroi de 17.403 euros ;
considérant que la société JORDAN CO justifie que certains clients ont annulé des commandes passées au cours de la période en cause ;
qu'elle est donc en droit d'obtenir pour l'atteinte à son image de marque qui en est résultée 4.500 euros de dommages et intérêts ;
que la société HGP GAT sera donc condamnée au paiement de la somme globale de 21.903 euros avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, en infirmant le jugement entrepris de ce chef.
Sur les autres demandes :
Considérant que si la société JORDAN CO reconnaît être débitrice de la somme de 95.548,22 euros envers la société HGP GAT, cette dernière ne saurait
Considérant que si la société JORDAN CO reconnaît être débitrice de la somme de 95.548,22 euros envers la société HGP GAT, cette dernière ne saurait réclamer des intérêts de 1,5 fois le taux légal sans préciser le fondement de cette demande ;
que ce montant ne sera donc assorti que des intérêts au taux légal en réformant encore la décision attaquée sur ce point ;
considérant que la compensation sera ordonnée à due concurrence des créances respectives des parties ;
considérant que la société HGP GAT ne démontrant pas que l'opposition de la société JORDAN CO au paiement ait été abusive eu égard à l'issue du litige, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée ; considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non compris dans les dépens ;
que celles-ci qui succombent chacune en certaines de leurs prétentions, conserveront leurs propres dépens. PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions concernant les intérêts et le rejet de la demande indemnitaire de la SARL JORDAN CO, Et statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que la condamnation au paiement de la somme de 95.548,22 euros prononcée en faveur de la SA LES TISSAGES DES HERITIERS DE GEORGES A... -HGP GAT- est assortie des intérêts au taux légal,
Condamne cette société à verser à la SARL JORDAN CO 21.903 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter du présent arrêt,
Ordonne la compensation jusqu'à due concurrence des créances respectives des parties,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel. Arrêt prononcé par Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ,