COUR D'APPEL DE VERSAILLES SM/KP Code nac : 30E 12ème chambre section 1 ARRET No CONTRADICTOIRE DU 08 JUIN 2006 R.G. No 05/04567 AFFAIRE :
SCI JIFER C/ SARL APTIBOIS Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mai 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No Chambre : 03 No RG : 04/5132 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP KEIME- GUTTIN-JARRY SCP FIEVET-LAFON REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE HUIT JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SCI JIFER, dont le siège est situé : Zone Industrielle - 78660 ABLIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués - N du dossier 05000541 Plaidant par Me Bernard Y..., avocat au barreau de VERSAILLES APPELANTE **************** SARL APTIBOIS, dont le siège est situé : ZA Nord - Rue des Antonins - 78660 ABLIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N du dossier 250705 Plaidant par Me A... de la SCP GYP, avocat au barreau de VERSAILLES INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Avril 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MANDEL, président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie MANDEL, président,
Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,
Monsieur X... CHAPELLE, conseiller, Greffier, lors des débats :
Catherine Z...,
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 24 juillet 2003, la société APTIBOIS, preneur d'un bail portant sur un hangar à usage commercial à effet au 1er mars 2001, a informé son bailleur, la SCI JIFER, de son départ anticipé au 29 février 2004.
Après avoir contesté la validité de ce congé, la SCI JIFER a, le 20 avril 2004, fait délivrer à la société APTIBOIS un commandement de payer les loyers de mars et avril 2004.
La société APTIBOIS s'étant opposée à ce paiement, au motif que selon elle, le bail avait été résilié amiablement à la date du 29 février 2004, a, par acte du 27 mai 2004, formé opposition au commandement et assigné la SCI JIFER devant le Tribunal de Grande Instance de Versailles aux fins de voir constater la résiliation amiable du bail, déclarer nul le commandement de payer et, à titre subsidiaire, condamner la SCI JIFER à lui verser des dommages et intérêts équivalant au montant des loyers de la seconde période triennale du bail sur le fondement de l'article 1382 du code civil. En tout état de cause, elle a sollicité le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
La SCI JIFER a conclu au rejet de ces demandes et reconventionnellement, a sollicité la condamnation de la société APTIBOIS à lui payer la somme de 62 953,56 euros correspondant aux loyers dus au titre de la seconde période triennale, outre une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du NCPC.
Constatant l'irrégularité du congé donné par la société APTIBOIS qui ne respectait pas les formes imposées par l'article 145-9 du code du commerce et l'absence d'un accord aux fins de résiliation amiable du bail, le tribunal par jugement du 30 mai 2005, a prononcé la nullité du congé et débouté la société APTIBOIS de sa demande principale.
Toutefois, il a accueilli sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts après avoir retenu que la SCI JIFER avait failli à son obligation de bonne foi en n'avertissant pas sa locataire de l'irrégularité de son congé alors que la régularisation était encore possible. Le tribunal a condamné la SCI JIFER au paiement de la somme de 62 953,56 euros. Par ailleurs, le tribunal a fait droit à la demande reconventionnelle de la SCI JIFER en paiement des loyers dus jusqu'au 28 février 2007 et ordonné la compensation des sommes dues par chacune des parties ainsi que l'exécution provisoire du jugement. Il a condamné la SCI JIFER à payer à la société APTIBOIS la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du NCPC.
Par déclaration du 9 juin 2005, la SCI JIFER a interjeté appel de la décision susmentionnée, sollicitant son infirmation quant à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC et réclamant par ailleurs le paiement des intérêts à compter du 6 décembre 2004 et le bénéfice de la capitalisation des intérêts sur la somme de 62 953,56 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC et la totalité des dépens.
La SCI JIFER fait valoir, à titre préliminaire, qu'elle n'avait jamais entendu renoncer à se prévaloir de la nullité du congé délivré le 24 juillet 2003 et que la résiliation amiable invoquée par la société APTIBOIS ne pouvait résulter de la simple apposition, prétendument en octobre 2003, de panneaux à louer , alors même qu'elle avait manifesté son intention de se prévaloir de la nullité du congé en décembre 2003.
Elle conteste l'existence d'une quelconque faute de sa part, rappelant, en outre, qu'elle n'est pas une professionnelle de l'immobilier mais une SCI familiale.
La société APTIBOIS demande, quant à elle, à la cour de constater la
résiliation amiable du bail, de débouter la SCI JIFER de sa demande en paiement et de confirmer à défaut le jugement en ses autres dispositions tout en condamnant la SCI JIFER à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC, outre les dépens.
A l'appui de ses demandes, la société APTIBOIS souligne que la résiliation amiable se déduit de la recherche, par la SCI JIFER, d'un autre locataire, et du bail conclu par cette dernière avec la société AKENA.
A titre subsidiaire, elle invoque, non pas le devoir de conseil contesté par la SCI JIFER, mais une obligation de bonne foi imposant selon elle au bailleur d'avertir sa locataire de l'irrégularité du congé alors que celui-ci se trouvait encore dans les délais pour le régulariser.
SUR CE, LA COUR,
I. Sur la résiliation amiable du bail :
Considérant que la société APTIBOIS ne conteste pas que le congé qu'elle a délivré le 24 juillet 2003 par simple lettre avec accusé de réception soit nul ; que l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 (article L 145-9 du code de commerce) auquel le bail conclu par la société APTIBOIS fait expressément référence (conditions communes- faculté de congé page 5 du contrat de bail) précise que le congé donné par le preneur à l'issue d'une période triennale doit être délivré par acte extrajudiciaire ;
Considérant que la société APTIBOIS est mal fondée à soutenir que la bailleresse aurait accepté cette résiliation ;
Considérant en effet que la société APTIBOIS ne démontre pas que
précédemment ou suite à l'envoi de la lettre du 24 juillet 2003, la SCI JIFER a manifesté son accord ; que bien davantage alors que la société APTIBOIS demandait dans sa lettre du 24 juillet que la SCI JIFER lui confirme son accord dans les meilleurs délais, cette dernière ne lui a adressé aucune réponse en ce sens et le 16 décembre 2003, elle l'a informée qu'elle entendait contester la validité du congé tout en demandant à la société APTIBOIS si elle entendait renoncer ou non à son congé ;
Que la simple constatation faite par huissier le 12 janvier 2004 qu'un panneau "à louer" avait été apposé sur la clôture des locaux loués à la société APTIBOIS ne permet pas d'affirmer que la SCI JIFER avait accepté de mettre amiablement fin au bail dès lors qu'il n'est pas démontré que ce panneau a été apposé par ou à la requête de la SCI JIFER ; qu'au surplus, à cette date, la SCI JIFER avait clairement manifesté sa volonté de contester la régularité du congé et rien n'établit qu'elle aurait postérieurement au 16 décembre 2003 renoncé à se prévaloir de cette nullité et des conséquences qui en découlent quant à la possibilité de contraindre le preneur d'exécuter ses obligations ;
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société APTIBOIS de sa demande tendant à voir constater la résiliation amiable du bail consenti par la SCI JIFER à effet du 1er mars 2001 et en ce qu'il a, par voie de conséquence, condamné la société APTIBOIS à régler les loyers dus jusqu'à l'issue de la seconde période triennale, soit la somme de 62 953,56 euros ; qu'il sera fait droit au paiement des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement avec capitalisation à compter du 13 février 2006 dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
II. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :
Considérant que la société APTIBOIS est tout autant mal fondée à
soutenir que la société JIFER a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi en ne lui signalant pas l'irrégularité du congé qu'elle avait délivré ;
Qu'outre, le fait que l'arrêt de cette cour par elle, cité du 1er juillet 1999, a fait l'objet d'une cassation (arrêt du 27 juin 2001), il convient de relever que le bail signé le 2 mars 2001 précisait expressément que le congé devait être délivré dans les formes prévues à l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 et ne mentionnait pas la faculté d'une résiliation du bail à chaque échéance triennale par lettre recommandée avec avis de réception (irrégulière au regard de la législation) ;
Considérant au surplus, alors que le délai pour délivrer valablement congé expirait le 1er septembre 2003, la société APTIBOIS ne s'est pas inquiétée de ne pas avoir reçu de réponse à sa lettre du 24 juillet 2003 qui pourtant invitait la SCI JIFER à lui "confirmer son accord dans les meilleurs délais" ; que si la société APTIBOIS avait réagi avec célérité face à cette absence de réponse, elle aurait été à même de connaître la position de la SCI JIFER et de délivrer un congé dans les formes légales, plus d'un mois séparant l'envoi de sa lettre du terme du délai ;
Considérant que la SCI JIFER qui était en droit de se prévaloir de l'irrégularité du congé et de poursuivre l'exécution du bail, ne peut se voir reprocher d'avoir fait preuve de mauvaise foi et d'avoir manqué à son devoir de loyauté en attendant le 16 décembre 2003 pour contester la validité du congé ; que le seul fait que le gérant de la SCI JIFER soit également le gérant d'une autre SCI ne suffit pas à établir que la SCI JIFER soit un professionnel de l'immobilier ;
Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la SCI JIFER à payer à la société APTIBOIS la somme de 62 953,56 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du NCPC à l'une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :
- CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SCI JIFER à payer à la société APTIBOIS la somme de 62 953,56 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC,
STATUANT À NOUVEAU et y ajoutant,
- DIT que la somme de 62 953,56 euros allouée à la SCI JIFER produira intérêts au taux légal à compter du jugement,
- FAIT DROIT à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 11 février 2006 dans les conditions de l'article 1154 du code civil, - DÉBOUTE la société APTIBOIS de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- CONDAMNE la société APTIBOIS aux dépens de première instance et d'appel,
- ADMET la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Sylvie MANDEL, président et par Didier ALARY, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute. Le GREFFIER,
Le PRESIDENT, 12A - Délibéré du 08/06/2006 RG No4567/05 SCI Jifer (Scp Keime-Guttin-Jarry) c/ Sarl Aptibois (Scp Fiévet-Lafon) PAR CES MOTIFS LA COUR, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : - CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SCI JIFER à payer à la société APTIBOIS la somme de 62 953,56 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC, STATUANT À NOUVEAU et y ajoutant, - DIT que la somme de 62 953,56 euros allouée à la SCI JIFER produira intérêts au taux légal à compter du jugement, - FAIT DROIT à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 11 février 2006 dans les conditions de l'article 1154 du code civil, - DÉBOUTE la société APTIBOIS de sa demande en paiement de dommages et intérêts, - DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC, - CONDAMNE la société APTIBOIS aux dépens de première instance et d'appel, - ADMET la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués, au bénéfice de l'article 699 du NCPC. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Sylvie MANDEL, président et par Didier ALARY, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute. Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,