COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80AH.L./J.C. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 08 JUIN 2006 R.G. No 05/02868 AFFAIRE :
S.A.S. ELA MEDICAL en la personne de son représentant légal C/ Nadine X... Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 28 Février 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Industrie No RG : 04/01666 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE HUIT JUIN DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.S. ELA MEDICAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis : 98/100 rue Maurice Arnoux BP 389 92541 MONTROUGE CEDEX représentée par Me Philippe CHAPUIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 substitué par Me Lucie VINCENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020 APPELANTE ET INTIMÉE INCIDENTE [****************] Madame Nadine X... 6 Rue Camille Desmoulin 91120 PALAISEAU comparante en personne, assistée de Me Géraldine TCHEMENIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 0851 INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Madame Jeanne MININI, président,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,
Madame Emmanuelle Y..., vice-président placé, Greffier, lors des
débats : Mme Christiane PINOT, EXPOSÉ DU LITIGE,
Mme X... a été engagée par la société Ela Médical selon contrat à durée déterminée, à compter du 2 avril 1990, en qualité d'ouvrière, coefficient 170, pour un durée de 10 mois.
La relation de travail s'est poursuivie ensuite en contrat à durée indéterminée.
La société Ela Médical fabrique des stimulateurs cardiaques.
Après entretien préalable, Mme X... a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juillet 2004 aux motifs qu'elle n'aurait pas respecté les procédures de contrôle et la certification écrite d'une tâche dont elle avait la responsabilité.
La société Ela Médical employait habituellement plus de onze salariés au moment du licenciement.
Contestant son licenciement Mme X... a saisi le conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt de demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral en application de l'article 1382 du Code civil, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les intérêts de droit et la capitalisation des intérêts.
Par jugement du 28 février 2005 le conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt a : [* condamné la société Ela Médical à payer à Mme X... - 5.524 ç à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, article 1382 du Code civil, - 16.571 ç à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L.122-14-4 du Code du travail), - 700 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la demande et capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil, *] débouté Mme X... du surplus de ses demandes, [* dit que le jugement sera transmis aux ASSEDIC, *] ordonné le
remboursement aux ASSEDIC dans la limite de 6 mois.
La société Ela Médical a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour : d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt du 28 février 2005, d'ordonner le remboursement des sommes versées par la société en règlement des condamnations prononcées par le jugement, de condamner Mme X... à payer la somme de 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Mme X... demande à la cour de : * constater l'absence de faute, * constater en conséquence l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement, * constater le caractère vexatoire du licenciement et les répercussions sur son état de santé, * confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et que Mme X... avait réellement subi un préjudice moral qui mérite réparation, * le réformant, condamner La société Ela Médical à payer les sommes suivantes : - 33.141,64 ç à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 16.570,82 ç à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (9 mois), - 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec les intérêts légaux et capitalisation.
À l'audience Mme X... précise qu'un nouveau contrôle des soudures par imagerie a été mis en place par la société après son licenciement, ce qui n'est pas contesté par La société Ela Médical qui rétorque que le contrôle visuel a cependant été maintenu.
Mme X... précise également n'avoir jamais reconnu sa faute.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement
à l'audience du 3 avril 2006.
MOTIFS,
Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est rédigée ainsi : ".../... Ces motifs sont les suivants :
Vous avez été embauchée par contrat à durée déterminée le 1er avril 1990, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 15 juin 1990 et vous occupez le poste d'opératrice en salle blanche depuis votre entrée dans notre entreprise. Lors de la mise en expertise le 2 juin 2004 d'un appareil dont vous aviez la responsabilité du deuxième contrôle visuel, la fiche de traçabilité fait apparaître qu'aucune des soudures n'avait été réalisée alors que vous aviez certifié ce deuxième contrôle le 24 mai 2004 selon la procédure de fabrication en vigueur. Ce non respect des procédures et la certification écrite d'une tâche dont vous avez la responsabilité et que vous n'avez manifestement pas réalisée constituent une faute inadmissible : - en effet vous ne pouviez ignorer les règles et procédure de fabrication puisque vous avez suivi régulièrement des formations sur ce point et en particulier le 21 mars 2002 et le 30 juillet 2003, - en outre vous connaissez parfaitement la procédure du deuxième contrôle visuel et son importance majeure car il intervient dans la dernière phase de production avant fermeture de l'appareil, - par ailleurs vous avez la parfaite connaissance des consignes qui vous sont rappelées de façon quasi permanente sur l'importance fondamentale de la qualité et de la sécurité vitale de nos produits qui sont destinés à être implantés sur des patients souffrant de troubles cardio-vasculaires. À cet effet une est affichée dans l'entreprise et régulièrement rappelée à l'ensemble des collaborateurs pour sensibiliser chacun au strict respect des règles et procédures en vigueur afin de prévenir tout risque pour nos clients et, en conséquence, pour l'entreprise, son image et son futur dans ce secteur d'activité. - enfin vos
manquements professionnels nous apparaissent d'autant plus inacceptables que vous avez fait l'objet, par courrier du 14 novembre 2003, d'une mise en garde pour non respect de la même procédure de contrôle visuel. Force est de constater que vous persistez à ignorer les procédures de fabrication et les normes de qualité en vigueur en provoquant un risque qui peut être fatal pour les patients et un risque de préjudice très élevé pour notre image de marque et pour notre entreprise. Au cours de l'entretien préalable du 24 juin 2004 vous avez reconnu les faits qui vous sont reprochés sans apporter d'explications de nature à modifier notre appréciation des faits. En conséquence nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les motifs susvisés, motifs qui constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Etc..." ;
Considérant que Mme X... conteste la réalité de la faute qui lui est reprochée ;
Considérant que la société Ela Médical produit au dossier l'original de la fiche de contrôle de l'appareil défectueux, les copies du test électrique et de l' expertise électrique réalisés sur l'appareil, les attestations de M. Z... et Mme A... ;
Considérant qu'il résulte de ces documents que l'appareil défectueux porte le numéro 344US051, qu'il a été vérifié le 24 mai 2004 par Mme X... qui a certifié avoir procédé au 2 ème contrôle visuel des soudures alors qu'en fait les soudures n'avaient pas été effectuées ; Considérant que Mme X... conteste la régularité des documents produits, qu'elle indique que l'appareil soit disant défectueux a été vendu ;
qu'elle précise avoir déposé plainte pour faux et usage auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Évry le 15 mars 2006 ;
Considérant que la fiche de contrôle de l'appareil 344US051 est produite en original ;
qu'elle ne comporte aucune surcharge ni rature ni rajout permettant de mettre en doute son authenticité ;
que les attestations de Mme A... et M. Z... sont régulières ;
que l'appareil lui même est versé au dossier ce qui établit qu'il n'a pas été commercialisé,
que la plainte pour faux et usage déposée auprès du Procureur de la République d'Évry est une plainte simple sans constitution de partie civile, aucun sursis à statuer n'étant sollicité ;
Considérant qu'il résulte du compte rendu d'entretien préalable à licenciement rédigé par Mme B..., représentante du personnel de la société Ela Médical, que Mme X... a reconnu "effectivement avoir pu oublier de contrôler un appareil sur la quantité journalière demandée" ;
qu'il est écrit dans la conclusion de ce compte rendu que "l'erreur, certes reconnue, ne peut être qualifiée de faute professionnelle dans un contexte organisationnel et industriel en cours de modification et de renforcement " ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la faute reprochée à Mme X... est établie ;
Considérant que Mme X... avait reçu le 14 novembre 2003 une mise en garde de son employeur au motif qu'elle n'avait pas fait contrôler ses soudures par une de ses collègues, contrairement à la procédure spécifiée, que la salariée conteste cette mise en garde mais sans apporter d'élément sérieux à l'appui de sa contestation alors que la fiche de contrôle est là encore produite en original et permet de vérifier que le 16 octobre un premier contrôle visuel des soudures réalisées par Mme X... n'a pas été suivi d'un deuxième contrôle attesté par une de ses collègues ;
Considérant que Mme X... soutient en tout état de cause que, comme l'a admis le conseil de prud'hommes , son licenciement n'est pas proportionné à la faible gravité de la faute commise dans les conditions de travail qui lui sont imposées par son employeur, dans une "salle blanche", bruyante à cause de la climatisation, sous microscope, avec un rythme de travail soutenu ;
qu'en l'espèce les soudures auraient dû être réalisées par une intérimaire qui n'a pas été sanctionnée ;
qu'elle ajoute que les
qu'en l'espèce les soudures auraient dû être réalisées par une intérimaire qui n'a pas été sanctionnée ;
qu'elle ajoute que les erreurs sont fréquentes ce qui explique la multiplication des contrôles ;
qu'une autre salariée qui a commis une erreur (Mme C..., salariée protégée) n'a pas été licenciée, le Ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement ayant refusé l'autorisation ;
qu'elle prétend que son licenciement serait en fait le résultat de la volonté de l'employeur de faire un exemple et sanctionnerait son absentéisme pour motifs médicaux ;
Considérant que Mme X... produit plusieurs attestations (Mme D..., Mme E... du Jour, M. F..., M. G...) qui vantent ses qualités professionnelles,
que M. G..., qui était son supérieur hiérarchique en tant que responsable de production, avait précisé en octobre 2003 que Mme X... avait toutes les qualités nécessaires à son travail et le souci du client et qu'elle est consciencieuse .
qu'il importe peu qu'il ait cru bon de préciser que cette attestation avait été établie pour aider Mme X... à s'inscrire dans une école d'infirmières, les qualités vantées par Mr G...
... ;
Considérant que Mme X... avait, en mars 2004, perçu une prime exceptionnelle "salle blanche " de 150 ç, prime récompensant la résorption fin février 2004 d'un retard important de 850 appareils ; Considérant qu'il découle des faits eux mêmes que l'absence de soudure a bien été repérée au cours d'une des multiples opérations de contrôle qui ont bien joué leur rôle ;
que l'appareil n'a pas été commercialisé dans son état défectueux ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que Mme X..., qui avait une ancienneté de près de 15 ans, avait fait l'objet, pendant toute cette durée de travail, que d'une simple mise en garde en novembre 2003 ;
qu'elle venait de recevoir une prime pour un effort important ;
que ses qualités professionnelles étaient reconnues par son supérieur hiérarchique lui même ;
qu'en conséquence le licenciement prononcé le 2 juillet 2004 est effectivement sans proportion avec la faute commise et doit être analysé comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes devant être confirmé sur ce point ;
Considérant que Mme X... a été licenciée par une société employant habituellement plus de dix salariés, qu'elle avait une ancienneté de plus de deux ans lors du licenciement ;
qu'elle est en droit d'obtenir en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, soit en l'espèce la somme de 11.047,26 ç ; Considérant que Mme X... a été licenciée à l'âge de 38 ans, avec une ancienneté de 14 ans et trois mois ;
qu'elle indique ne pas avoir retrouvé de travail ;
que la cour a les éléments suffisants pour lui accorder à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 22.000 ç, le jugement du conseil de prud'hommes devant être réformé en conséquence ;
Considérant que Mme X... sollicite des dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires et brutales de son licenciement ; qu'elle expose ainsi avoir été convoquée à l'entretien préalable alors qu'elle était dans l'incapacité de se déplacer, venant d'être opérée ;
qu'elle a été licenciée en réalité en raison de son état de santé ;
que ce licenciement nuit à sa réputation professionnelle ;
qu'elle souffre depuis de maux de tête ;
qu'elle a même fait un malaise et subi une fausse couche après l'audience de jugement devant le conseil de prud'hommes ;
Considérant que Mme X... n'établit pas la réalité des circonstances particulièrement brutales et vexatoires ayant entouré son licenciement ;
qu'elle n'a pas demandé le report de son entretien préalable ;
qu'il n'est établi par aucune pièce du dossier qu'elle a été licenciée pour raison de santé et que sa fausse couche serait due à son licenciement ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour préjudice moral en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce, que la capitalisation des intérêts doit être ordonnée conformément à l'article 1154 du Code civil ;
Considérant qu'en application de l'article L.122-14-4 du Code du
travail il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié à concurrence de 6 mois ;
Considérant qu'il est équitable de condamner la société Ela Médical à payer à Mme X... la somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en plus de la somme déjà accordée par les premiers juges sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt du 28 février 2005 en ce qu'il a dit le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse ;
Réforme le jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société Ela Médical à payer à Mme X... la somme de 22.000 ç à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Ela Médical à payer à Mme X... la somme de 5.524 ç à titre de préjudice moral ;
Statuant à nouveau de ce chef, déboute Mme X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Confirme pour le surplus le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt ;
Y ajoutant,
Condamne la société Ela Médical à payer à Mme X... la somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure
civile ;
Condamne la société Ela Médical aux dépens.
Arrêt prononcé par Mme Jeanne MININI, président, et signé par Mme Jeanne MININI, président et par Mme Christiane PINOT, greffier présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,