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01/06/2006 | FRANCE | N°05/01038

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 juin 2006, 05/01038


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2



F.L./P.G.

ARRET No Code nac : 2B



contradictoire



DU 01 JUIN 2006



R.G. No 05/01038



AFFAIRE :



Société FORIS AG







C/

S.A VEOLIA PROPRETE anciennement dénommée S.A ONYX anciennement sté CGEA ONYX









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 7

No Section :
r>No RG : 2004F01469-2004F2608



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Jean-Pierre BINOCHE

SCP JULLIEN LECHARNY ROL-FERTIERE.D.



















REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

F.L./P.G.

ARRET No Code nac : 2B

contradictoire

DU 01 JUIN 2006

R.G. No 05/01038

AFFAIRE :

Société FORIS AG

C/

S.A VEOLIA PROPRETE anciennement dénommée S.A ONYX anciennement sté CGEA ONYX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 7

No Section :

No RG : 2004F01469-2004F2608

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Jean-Pierre BINOCHE

SCP JULLIEN LECHARNY ROL-FERTIERE.D.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE SIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FORIS AG société de droit allemand, Traduction libre de l'extrait K-Bis Numéro de la sté HRB 13175 registre du commerce B du Amtsgericht de Bonn (Tribunal de 1ère instance) ayant son siège Kurt Schumacher Strasse 18-20-D, 53113 BONN (ALLEMAGNE), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué - N du dossier 82/05

Rep/assistant : la SCP HERTSLET - WOLFER - BISSINGER ET HEINTZ, avocats au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

S.A VEOLIA PROPRETE anciennement dénommée S.A ONYX anciennement sté CGEA ONYX Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 572 221 034 RCS Nanterre ayant son siège 163/169 avenue Georges Clémenceau 92000 NANTERRE, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL-FERTIER, avoués - N du dossier 20050240

Rep/assistant : Me Alexandre BAILLY, avocat au barreau de PARIS (D.1610).

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mars 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, président chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

FAITS ET PROCEDURE :

Le 12 avril 2001, la société de droit australien JANCOM INTERNATIONAL DEVELOPMENT PROJECTS PTY Ltd, spécialisée dans le traitement des déchets, a initié une procédure d'arbitrage, sous l'égide de la chambre de commerce internationale de LA HAYE, à l'encontre de la SA ONYX en paiement de 100 millions USD de dommages et intérêts à la suite de l'échec d'un projet de construction et d'exploitation d'une usine d'incinération de déchets aux Philippines.

Le 03 mars 2001, la société JANCOM avait conclu avec la société de droit allemand FORIS AG, au titre de cette procédure d'arbitrage, un contrat intitulé "contract offer to secure the financing of litigation costs in exchange for an interest in the proceeds", constituant une convention destinée à assurer le financement des frais de contentieux en contrepartie d'une part sur les bénéfices du procès.

Par sentence en date du 02 octobre 2003, la cour internationale d'arbitrage a rejeté l'intégralité des prétentions de la société JANCOM et l'a condamnée à payer à la société ONYX la somme de 1.164.215 USD au titre des frais de justice ainsi qu'à prendre à sa charge 80 % des frais d'arbitrage en lui remboursant la somme de 123.390 USD.

Se prévalant des dispositions de l'article 3-3 du contrat de financement de procès stipulant une possibilité de paiement direct au créancier, à sa requête sous certaines conditions, la société JANCOM a demandé à la société FORIS de régler à la société ONYX la somme globale de 1.287.605 USD (1.035.032,09 euros) dont elle était redevable à son égard.

La société FORIS ayant estimé, par lettre du 11 novembre 2003, ne pas devoir supporter ces frais, la société ONYX l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce de NANTERRE.

Par jugement rendu le 25 janvier 2005, cette juridiction a débouté la société FORIS de son exception de nullité de l'assignation, s'est déclarée compétente matériellement et territorialement, a rejeté toutes les autres demandes de la société FORIS, l'a condamnée à verser à la société ONYX la somme de 1.035.032,09 euros, ordonné l'exécution provisoire sous condition de la fourniture d'une caution bancaire d'égal montant et une indemnité de 10.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société FORIS a relevé appel de cette décision et obtenu, par ordonnance du 13 mai 2005 du Premier Président de la cour, l'arrêt de l'exécution provisoire à concurrence de moitié.

Elle indique être spécialisée dans le financement de procédures contentieuses, activité dont elle a été le précurseur en ALLEMAGNE en 1998, puis qu'elle a instaurée en AUTRICHE et en SUISSE.

Elle expose le mécanisme du contrat de financement de procès en précisant que celui en cause a été souscrit dans les limites pour elle d'un plafond de 350.000 USD de frais de procès et pour JANCOM, en cas de gain du procès, dans celle de 12 millions USD, étant observé qu'elle s'est réservée, selon avenant des 02 février et 03 mars 2001, si le plafond s'avérait insuffisant pour mener la procédure à son terme et en cas de refus ou de défaillance de la société JANCOM, d'honorer les dépenses nécessaires à sa poursuite, soit, de résilier le contrat, soit, de régler elle-même ces frais à charge pour la société JANCOM, en cas d'issue positive du litige, de la faire bénéficier, d'une part supplémentaire du gain obtenu.

Elle invoque, en premier lieu, l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de NANTERRE en se référant à l'application du règlement CE no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 dont l'article 3 exclut celle des articles 14 et 15 du code civil français et spécialement son article 2 de principe en impliquant qu'elle ne puisse être attraite que devant le tribunal de son siège social le Landgericht de BONN.

Elle allègue la compétence des juridictions allemandes en vertu de l'article 5-1 du règlement en faisant état de l'inapplicabilité de l'article 5.1b le contrat de financement de procès n'étant pas un contrat de fourniture de services au sens de ce texte puisque le financement par elle fourni n'est associé à aucune prestation accessoire sans que l'article 50 du traité CE ne puisse apporter une définition utile pour qualifier ce contrat sui generis, régi par le droit allemand et spécifique aux pays de culture juridique germanique.

Elle souligne que ce contrat est considéré en droit allemand comme un contrat de société.

Elle soutient que c'est l'obligation prétendue de paiement qui constitue celle servant de base à la demande.

Elle estime que la loi applicable à cette obligation, selon l'article 3-1 de la convention de ROME du 19 juin 1980 est la loi allemande à laquelle le contrat est soumis, en vertu de son article 11-4, en relevant que la loi applicable au contrat lui-même l'est aussi à ses effets.

Elle fait grief au tribunal de s'être fondé sur la deuxième phrase de l'article 4-1 et sur l'article 10-2 de la convention de Rome pour retenir, à tort, selon elle, la loi française alors que les articles 3-1 et 3-3 relatifs prétendument à une stipulation pour autrui ne sont pas séparables du reste du contrat et qu'il ne s'agit pas d'une exécution, selon l'article 10-2 de cette convention, tandis que de surcroît, l'exécution de l'obligation a eu lieu en Allemagne.

Elle remarque que la prestation caractéristique du contrat de financement de procès étant elle fournie par la partie qui finance le procès, peut donc être déterminée en sorte que l'article 4 § 5 de la convention de ROME n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Elle ajoute que le lieu d'exécution de l'obligation de paiement en droit allemand est le domicile du débiteur conformément aux § 270 et 269 du "Bürgerliches geetzbuch", code civil allemand, et donc à son siège initialement à Berlin puis à Bonn ;

Elle fait valoir que même si la cour devait considérer que le contrat de financement de procès constitue une fourniture de services au sens de l'article 5-1b du règlement, elle devrait néanmoins déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes formées par la société ONYX puisque le lieu de son exécution serait alors situé à son siège social.

La société FORIS se prévaut de l'article 11-4 du contrat de financement prévoyant la conclusion d'une clause d'arbitrage par acte séparé, intervenue le 03 mars 2001, pour estimer que l'action de la société ONYX qui se prétend bénéficiaire de droits au titre du contrat de financement à son encontre, doit être engagée exclusivement devant le tribunal arbitral, en soulignant qu'en droit allemand lorsqu'il y a prétendument une stipulation pour autrui le tiers n'acquiert de droit direct envers le promettant qu'à concurrence des limites de ce droit.

Subsidiairement au fond, elle soutient que la société ONYX ne dispose d'aucune action à l'encontre de la société FORIS sur le fondement d'une stipulation pour autrui et qu'en toute hypothèse, l'obligation initiale lui incombant est éteinte puisqu'elle a été entièrement exécutée.

Elle dénie toute stipulation pour autrui en faveur de la société ONYX dans le contrat litigieux en analysant les modalités de ses obligations prévues à l'article 3 et l'interprétation en droit allemand des § 328 et 329 du code civil allemand.

Elle précise que la doctrine et la jurisprudence allemandes estiment que cette convention ne crée aucun droit au profit du tiers bénéficiaire.

Elle remarque que si la stipulation pour autrui devait être admise, elle pourrait opposer à la société ONYX les mêmes exceptions que celles envers son partenaire contractuel, la société JANCOM, conformément au § 334 du code civil allemand et donc la limite de 350.000 USD stipulée au contrat en invoquant l'inexactitude de la traduction jurée établie par l'intimée notamment sur ce point aboutissant à une dénaturation et la nouvelle dressée à sa requête.

Elle souligne qu'ayant réglé un montant total de 506.000 USD, elle a largement exécuté son obligation éteinte en application du § 362 du code civil allemand.

Elle reproche aux premiers juges d'avoir procédé, à cet égard, à une interprétation erronée tant sur l'existence du plafond en question que sur la renonciation à ce plafond en raison de son dépassement délibéré.

Elle indique, à titre infiniment subsidiaire, si le droit français devait être applicable, qu'aucun droit direct de la société ONYX à son encontre, n'a pris naissance en se référant à l'article 1122 du code civil français.

La société FORIS AG demande, en conséquence, à la cour de déclarer le tribunal de commerce de NANTERRE incompétent ratione loci, seul le Landgericht de Bonn Kammer für Handelssachery étant compétent pour connaitre de l'action de la société ONYX et ratione materiae au regard de la clause compromissoire figurant au contrat de financement de procès et de la convention d'arbitrage, en la renvoyant à mieux se pourvoir et en la condamnant à lui rembourser la somme de 522.446,61 euros versée par l'effet de l'exécution provisoire partielle.

Elle sollicite l'entier débouté de la société ONYX et la même restitution, subsidiairement, en l'absence de stipulation pour autrui au profit de celle-ci, ni d'aucun droit direct à son encontre, infiniment subsidiairement, en raison de l'exécution intégrale de ses obligations et encore plus subsidiairement, à défaut d'aucun droit direct envers elle en application du droit français.

Elle réclame une indemnité de 100.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société ONYX, désormais dénommée VEOLIA PROPRETE, oppose que la clause du contrat ayant lié les sociétés JANCOM et FORIS prévoyant que tout contentieux relatif audit copntrat devait être soumis à la juridiction arbitrale, ne saurait être applicable aux relations entre la société FORIS et elle-même qui est bénéficiaire d'une stipulation pour autrui sans être partie à cette convention.

Elle objecte qu'en toute hypothèse, les juridictions étatiques françaises sont territorialement compétentes en vertu des dispositions de l'article 5-1-b du règlement CE no 44/2001 du 22 décembre 2000 attribuant une compétence spéciale en matière contractuelle au tribunal du lieu d'un Etat membre où, en vertu d'un contrat de fourniture de services, les services ont été ou auraient dû être fournis, le lieu du remboursement direct en sa faveur par la société FORIS des frais de procédure auxquels la société JANCOM a été condamnée se situant à son siège social à Nanterre.

Elle relève sur ce point que l'activité de la société FORIS est indéniablement commerciale et que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est bien son domicile.

Elle souligne que les caractères aléatoires du profit tiré par la société FORIS de son activité et sui generis du contrat ne remettent pas en cause la qualification de prestation de services en affirmant que la société appelante se désigne dans son rapport annuel comme société de services exclusivement.

Elle indique que le lieu où cette obligation doit être exécutée est le domicile du créancier, soit le sien à Nanterre et dénie l'applicabilité, en la cause, de l'alinéa 3 de l'article 1247 du code civil.

Elle objecte que les dispositions de l'article 11-4 du contrat litigieux et le pays avec lequel le contrat aurait le lien le plus étroit invoqués par la société FORIS, ne peuvent justifier l'application du droit allemand, les premières ne concernant que les parties contractantes et le second, dès lors qu'en l'espèce, la prestation caractéristique est difficile à identifier, s'agissant d'un contrat complexe impliquant de revenir au principe général de rattachement à la loi avec laquelle le contrat à des liens les plus étroits qui est la loi française conformément aux articles 4-1 et 10-2 de la convention de Rome du 19 juin 1980.

Elle soutient que l'obligation de la société FORIS à son égard est indéniablement contractuelle, selon les termes des articles 3-1 et 3-3 de la convention et que celle-ci présente la nature d'une stipulation pour autrui conformément à l'article 1121 du code civil français générant un droit direct au bénéficiaire envers le promettant lui permettant d'exiger l'exécution de son obligation contractuelle.

Elle objecte que la société FORIS ne rapporte pas la preuve que son obligation était plafonnée à la somme de 350.000 USD et démontre elle-même qu'elle ne l'était pas puisqu'elle fait état d'un versement total de 554.939,11 euros supérieur de 60 % audit plafond.

Elle réfute la thèse d'une soudaine traduction jurée inexacte en affirmant qu'établie à la demande du tribunal elle a été acceptée à l'époque par les deux parties.

La société VEOLIA PROPRETE conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter une indemnité de 65.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant qu'aux fins de financer la procédure d'arbitrage engagée à l'encontre de la société ONYX, désormais dénommée VEOLIA PROPRETE, la société JANCOM a conclu, le 03 mars 2001, le contrat spécifique en cause avec la société FORIS ;

considérant qu'en vertu de l'économie de ce contrat de financement du procès "Prozessfinanzierungs vertrag", la société FORIS règle à son cocontractant, le demandeur à l'instance tout ou partie des coûts liés à la procédure que ce dernier souhaite initier ;

qu'en cas de succès, la société FORIS a droit au remboursement des sommes qu'elle a avancées ainsi qu'au versement d'un pourcentage sur le montant de la condamnation obtenue ;

que dans l'hypothèse de perte du procès et/ou d'absence de condamnation au profit du demandeur, la société FORIS ne perçoit aucune rémunération, en conserve à sa charge les frais par elle avancés et supporte, le cas échéant, dans la limite d'un plafond qui peut être convenu, les dépens de la procédure ;

considérant que le montant maximal des frais que la société FORIS accepte d'engager est calculé en fonction de la participation au gain que son partenaire contractuel est prêt à lui accorder, étant précisé que devant les juridictions allemandes celui-ci est fixé par la loi ;

considérant qu'aux termes du contrat signé le 03 mars 2001, libellé en langue anglaise, la société FORIS s'est engagée dans la limite de 350.000 USD, à procéder au paiement des frais de litige définis à l'article 3-1 : honoraires d'avocats, frais d'expertise, honoraires d'arbitres, frais administratifs, frais éventuellement dus à la partie adverse .., soit directement auprès de la société JANCOM si cette dernière justifiait s'être déjà acquittée desdits frais, soit directement auprès du professionnel ou de l'organisme créancier de la société JANCOM après approbation de cette dernière (article 3-3) ;

qu'en contrepartie, les deux sociétés ont prévu qu'en cas de succès, la société FORIS serait remboursée de ses dépenses (article 4-1) et percevrait "une participation à la réclamation" dans la limite de 12 millions USD de 30 % jusqu'à 1 million USD de 20 % entre 1 million USD et 12 millions USD (article 4-2) ;

considérant que le contrat est expressément soumis au droit allemand (article 11-4) et comporte une clause compromissoire ;

qu'il est assorti de deux annexes de même date consistant en une convention d'arbitrage et une déclaration de cession, à titre de sureté, par la société JANCOM de sa créance à l'égard de la société ONYX, à hauteur de la "claim participation" de la société FORIS soit 12 millions USD ;

qu'il a fait l'objet d'un avenant en date des 02 février et 03 mars 2001 par lequel, en cas d'insuffisance du plafond de dépenses pour mener la procédure à son terme, la société FORIS s'est réservée le droit de résilier le contrat ou d'assumer elle-même ces frais, à charge pour la société JANCOM, en cas d'issue positive du litige, de la faire bénéficier d'une part supplémentaire du gain obtenu ;

considérant que prétendant être bénéficiaire d'une stipulation pour autrui en vertu de l'article 3-3 du contrat de financement de procès, la société VEOLIA PROPRETE poursuit le paiement par la société FORIS des frais de la procédure d'arbitrage au règlement desquels la société JANCOM a été condamnée en sa faveur.

Sur la compétence d'attribution des juridictions etatiques :

Considérant que l'article 11-4 du contrat de financement stipule : "tous litiges survenant entre les parties contractantes en relation avec la validité et le contenu du présent contrat seront soumis au droit allemand. Ces litiges ne pourront être soumis à des juridictions étatiques, mais devront l'être à un tribunal arbitral. A cette fin, les parties contractantes devront conclure une clause d'arbitrage par acte séparé".

Que cette clause a été convenue entre les sociétés FORIS et JANCOM selon acte du 03 mars 2001 ;

considérant que la société VEOLIA PROPRETE n'est pas signataire du contrat litigieux, ni partie à la clause d'arbitrage figurant dans une convention dont elle n'a connu l'existence qu'après avoir été contactée par la société FORIS, le 06 août 2002, aux fins de lui proposer de rechercher une issue transactionnelle au litige et donc un an et demi après sa conclusion ;

considérant que la clause compromissoire s'avère donc inopposable à la société VEOLIA PROPRETE et que la société FORIS doit consécutivement être déboutée de son exception sur ce fondement.

Sur la compétence territoriale des juridictions françaises :

Considérant que l'application du règlement CE no 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale n'est plus discutée ;

considérant que la société FORIS invoque la compétence de principe des juridictions de l'Etat membre où est domicilié le défendeur énoncée à l'article 2 pour revendiquer la compétence du Landgericht de Bonn, chambre commerciale, tandis que la société VEOLIA PROPRETE se prévaut de la compétence spéciale dérogatoire de l'article 5-1 pour estimer le tribunal de commerce de Nanterre compétent pour connaître du présent litige ;

considérant qu'il n'est pas contesté que la demande de la société VEOLIA PROPRETE qui est fondée sur la stipulation pour autrui qui aurait été souscrite à son profit dans le contrat de financement du procès, relève de la matière contractuelle au sens de ce texte ;

considérant qu'aux termes de l'article 5-1 du règlement :

"une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre :

a - en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'bligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b - aux fins d'application de la présente disposition et sauf convention contraire le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

...

Pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où en vertu du contrat les services ont été ou auraient dû être fournis.

c - le point a) s'applique si le point b ne s'applique pas " ;

considérant que la société VEOLIA PROPRETE prétend que le contrat de financement de procès est un contrat de fourniture de services au sens de l'article 5-1 ;

considérant que le règlement no 44/2001 ne définit pas la notion de fourniture de services puisque le contrat de fourniture de services n'existe pas ;

considérant qu'il est acquis que peuvent être classés dans cette catégorie les prestations de service liées au commerce international de marchandises et les contrats d'étude, mais pour que le financement puisse être admis comme "service" il apparaît nécessaire qu'il soit lié à une prestation de nature commerciale ou industrielle ;

que le financement fourni par la société FORIS n'est associé à aucune prestation accessoire mais constitue l'objet même du contrat dont la finalité est, au demeurant, totalement particulière puisque celui-ci se rapporte à des frais de procédure ;

considérant que la société VEOLIA PROPRETE pour étayer sa thèse invoque l'article 50 du traité CE qui dispose :

"au sens du présent traité, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes" ;

Considérant, toutefois, que les "services" visés à l'article 50 ne se confondent pas avec ceux dont le lieu de la fourniture détermine la compétence en application du règlement CE no 44/2001 ;

que l'article 50 définit, à cet égard, précisément son domaine d'application le traité CE et ne concerne que la libre circulation des personnes, des services et des capitaux ;

qu'il ne peut en être déduit que le financement d'un procès est un service au sens du règlement CE 44/2001 étant, de surcroît observé, que la qualification de services au sens communautaire se rapporte à une activité déterminée telles que celles énoncées de manière non limitatives par l'article 50 susvisé qui fait état des activités de caractères industriel et commercial, des activités artisanales et des professions libérales ;

considérant que le contrat de financement de procès est sui generis et inconnu des Etats membres de l'Union Européenne à l'exception des pays de culture juridique germanique ;

or, considérant qu'en droit allemand, la doctrine et la jurisprudence s'accordent à estimer que le contrat est, en réalité, un contrat de société, les parties poursuivant ensemble un but commun qui est le gain du procès, chacune fournissant un apport différent, le financeur, les fonds nécessaires au procès et son client la valeur de sa créance et les gains étant partagés selon des modalités particulières ;

considérant, de surcroît, que le contrat de financement de procès présente une autre spécificéité en ce que la contrepartie du financement comporte un élément d'aléa essentiel, le financeur ne percevant de rémunération sous la forme d'un pourcentage de la créance recouvrée, qu'en cas de gain du procès mais rien si le procès est perdu, en sorte que le caractère aléatoire de la rémunération s'oppose à la classification du financement du procès en tant que "services" ;

considérant que la circonstance que le contrat de financement détaille en son article 3 "les services rendus par FORIS" ne suffit pas à le transformer en contrat de "fourniture de services" dès lors que tous "les services" énumérés dans ces dispositions sont des paiements de sommes d'argent ;

considérant que le contrat de financement de procès n'étant pas un contrat de fourniture de services au sens de l'article 5-1b, il importe d'appliquer l'article 5-1-a du règlement pour déterminer la compétence territoriale ;

considérant qu'il n'est pas discuté que l'obligation qui sert de base à la demande est une obligation de paiement dont la société FORIS serait redevable envers la société VEOLIA PROPRETE ;

considérant que selon la jurisprudence Tessili de la cour de justice des communautés européennes, le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée au sens de l'article 5-1 est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflits de la juridiction saisie ;

considérant que la loi applicable à la prétendue obligation de paiement de la société FORIS envers la société EOLIA PROPRETE fondée selon cette dernière sur une stipulation pour autrui souscrite dans le cadre du contrat conclu par l'appelante avec la société JANCOM, en vertu des règles françaises de conflits de lois est la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

considérant que conformément à l'article 10 de cette convention, la loi applicable au contrat régit notamment l'exécution des obligations qu'il engendre ;

que selon son article 3-1, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, ce choix devant être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ;

considérant que l'article 11-4 du contrat stipule que "tous litiges survenant entre les parties contractantes en relation avec la validité et le contenu du contrat seront soumis au droit allemand" ;

qu'il suit de là, que le contrat est soumis par une disposition expresse au droit allemand lequel a aussi vocation à régir ses effets à l'égard des tiers et notamment l'existence, la validité et les effets d'une stipulation pour autrui qui y figurerait ;

considérant que le tribunal a donc estimé, à tort, que la clause précitée de l'article 11-4 du contrat le soumettant au droit allemand concernerait seulement les parties contractantes sans pouvoir être opposable à la société VEOLIA PROPRETE en séparant, à mauvais escient, pour la recherche du droit applicable, le contrat lui-même de ses effets à l'égard des tiers ;

considérant que le lieu d'exécution de l'obligation de paiement dont la société VEOLIA PROPRETE se prétend bénéficiaire envers la société FORIS selon les dispositions des § 270 et 269 du code civil allemand est le domicile du débiteur et donc le siège de la société FORIS en Allemagne, sans que la société VEOLIA PROPRETE ne puisse utilement soutenir que l'article 3-3 du contrat de financement de procès stipulerait une clause contraire de paiement au siège du créancier ;

qu'en effet, cet article n'a pour objet que de permettre à la société FORIS, pour éviter de compliquer les flux de paiement, de régler les frais de procès à celui qui les a exposés sans que le versement ne transite nécessairement par les comptes du client ;

qu'en outre, le "créancier" cité dans l'article 3-3 peut être aussi bien l'avocat du client, le tribunal ou, en cas de perte du procès, la partie adverse, lesquels sont domiciliés dans des pays différents en sorte qu'il ne peut en être déduit que le contrat aurait fixé le territoire français comme lieu de paiement ;

qu'enfin, un paiement effectué directement au créancier n'implique pas qu'il soit exécuté à son domicile, eu égard au principe en droit allemand de la quérabilité des créances ;

considérant qu'il suit de là, que les juridictions françaises sont incompétentes pour statuer sur la demande de la société VEOLIA PROPRETE à l'encontre de la société FORIS, les juridictions allemandes l'étant tant en vertu de l'article 2, que de l'article 5-1 du règlement no 44/2001 ;

que le jugement déféré sera donc infirmé pour avoir admis le contraire et la société VEOLIA PROPRETE renvoyée à mieux se pourvoir.

Sur les autres prétentions des parties :

Considérant que la société FORIS est en droit d'obtenir le remboursement de la somme non discutée de 522.446,61 euros versée à la société VEOLIA PROPRETE par l'effet de l'exécution provisoire ;

considérant que l'équité commande de lui accorder une indemnité de 35.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

que la société VEOLIA PROPRETE qui succombe en ses demandes et supportera les dépens des deux instances n'est pas fondée en sa prétention au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées, hormis celle ayant rejeté l'exception d'incompétence d'attribution de la société de droit allemand FORIS AG,

Et statuant à nouveau,

Dit que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de la demande de la société VEOLIA PROPRETE à l'encontre de la société de droit allemand FORIS AG,

Renvoie les parties à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la SA VEOLIA PROPRETE à rembourser à la société FORIS AG la somme de 522.446,61 euros réglée par l'effet de l'exécution provisoire,

La condamne à verser à la société FORIS AG une indemnité de 35.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette sa demande au même titre,

La condamne aux dépens des deux instances et autorise Maître BINOCHE, avoué, à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 05/01038
Date de la décision : 01/06/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-06-01;05.01038 ?
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