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11/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950358

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0017, 11 mai 2006, JURITEXT000006950358


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

SM/KP Code nac : 39H 12ème chambre section 1 ARRÊT No CONTRADICTOIRE DU 11 MAI 2006 R.G. No 04/03456 AFFAIRE : S.A. MCI C/ S.A.S. ACTI PARTICIPATIONS et autres Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 06 No RG : 03/F0634 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP KEIME-GUTTIN- JARRY SCP JUPIN etamp; ALGRIN, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE ONZE MAI DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'aff

aire entre : S.A. MCI, dont le siège est situé : 2 rue Benoit Malon -...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

SM/KP Code nac : 39H 12ème chambre section 1 ARRÊT No CONTRADICTOIRE DU 11 MAI 2006 R.G. No 04/03456 AFFAIRE : S.A. MCI C/ S.A.S. ACTI PARTICIPATIONS et autres Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 06 No RG : 03/F0634 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP KEIME-GUTTIN- JARRY SCP JUPIN etamp; ALGRIN, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE ONZE MAI DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. MCI, dont le siège est situé : 2 rue Benoit Malon - 92150 SURESNES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués - N du dossier 04000208 Plaidant par Me Jean-Louis MEDUS, avocat au barreau de PARIS APPELANTE 1o) - S.A.S. ACTI PARTICIPATIONS, dont le siège est situé : 14 rue Chaptal - 92300 LEVALLOIS PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 2o) - S.A. ACTI INGENIERIE anciennement dénommée S.A. ACTI, 14 rue Chaptal - 92300 LEVALLOIS PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 3o) - Société ACTI SYSTEMS anciennement dénommée ACTI SOLUTIONS, dont le siège est situé : 14 rue Chaptal - 92300 LEVALLOIS PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 4o) - Société ACTI CONSULTING anciennement dénommée ACTI MANAGEMENT, dont le siège est situé : 14 rue Chaptal - 92300 LEVALLOIS PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués - N du dossier 20229 Plaidant par Me COSICH, avocat au barreau de PARIS INTIMÉES Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mars

2006 devant la cour composée de :

Madame Sylvie MANDEL, président,

Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,

Monsieur André CHAPELLE, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Catherine CLAUDE

La société MCI, créée par Monsieur Teman, exerce ses activités dans le domaine informatique. Monsieur Teman a cédé en avril 1998 la totalité du capital de MCI à la société américaine EMC tout en restant administrateur et en devenant directeur général. En mars 2000, le conseil d'administration de MCI a révoqué Monsieur Teman de ses fonctions de directeur général. Monsieur Teman a quitté la société MCI en avril 2000 suite à un accord.

De son côté, la société ACTI SA, aujourd'hui dénommée ACTI INGENIERIE, a été créée en 1993 suivie de la création en juin 2001 de la société ACTI PARTICIPATIONS. En juin 2001, furent également créées les sociétés ACTI SOLUTIONS aujourd'hui dénommée ACTI SYSTEMS et ACTI MANAGEMENT aujourd'hui dénommée ACTI CONSULTING.

En septembre 2001, Monsieur Teman a racheté le capital de la société ACTI SA par l'intermédiaire de la société ACTI PARTICIPATIONS dont il est l'actionnaire unique.

A l'automne 2001, EMC , actionnaire majoritaire de MCI décide de vendre ses deux filiales française et canadienne. La société ACTI PARTICIPATIONS présente une offre mais la vente se fait au profit de la société 3S INFORMATIQUE le 21 décembre 2001.

MCI estimant qu'elle faisait l'objet depuis 2000 d'actes de pillage et de concurrence déloyale de la part d'ACTI et que plusieurs de ses salariés l'avaient quittée pour aller travailler dans l'une des

sociétés du groupe ACTI, s'est fait autoriser par ordonnance en date du 12 juin 2002 à prendre copie dans les locaux des sociétés ACTI de tous documents relatifs à l'embauche de salariés de MCI par ACTI ainsi que du livre d'entrée et de sortie du personnel. Cette décision n'ayant pu être exécutée, MCI a assigné en référé les quatre sociétés ACTI aux fins de les voir condamner sous astreinte à communiquer les documents visés par l'ordonnance du 12 juin2002.

Par ordonnance du 18 juillet 2002, le président a pris acte de ce que les sociétés du groupe ACTI reconnaissaient avoir procédé à l'embauche de 29 anciens salariés de MCI et a ordonné la communication sous astreinte du montant de leurs rémunérations.

Par jugement en date du 28 janvier 2003, MCI était mise en redressement judiciaire. Un plan de continuation sur 8 ans a été adopté le 2 décembre 2003 par le tribunal de commerce de Nanterre.

C'est dans ces circonstances que par exploit en date du 23 janvier 2003, MCI a assigné les quatre sociétés du groupe ACTI en concurrence déloyale par débauchage massif de salariés et détournement de clientèle, devant le tribunal de commerce de Nanterre. Elle sollicitait la condamnation solidaire des quatre sociétés à lui payer la somme de 2 285 000 euros à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire, outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. A titre subsidiaire, elle sollicitait la désignation d'un expert.

Les sociétés ACTI concluaient au rejet des demandes et reconventionnellement, réclamaient le paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la même somme au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement en date du 6 février 2004 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté MCI

de ses demandes et les sociétés ACTI de leur demande reconventionnelle et a condamné MCI à payer à chacune des sociétés ACTI une somme de 1 250 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal a estimé que le seul fait pour ACTI d'avoir embauché entre juin 2000 et février 2002, 31 anciens salariés de MCI qui se sont déclarés libres de tout engagement, ne permet pas de caractériser une désorganisation de MCI imputable à ACTI. Le tribunal a également relevé que MCI ne rapportait pas la preuve de manoeuvres précises antérieures au départ des salariés démissionnaires ou licenciés, susceptibles de constituer des actes de débauchage; qu'elle ne justifiait pas davantage que les salariés aient bénéficié chez ACTI d'évolutions de salaires importantes. S'agissant du grief de détournement de clientèle, le tribunal relevait que dans le domaine de l'informatique, l'importance de la relation entre les ingénieurs, salariés du prestataire et le client auprès de qui ceux-ci sont détachés sur une période longue, doit être prise en compte.

MCI qui a interjeté appel de cette décision demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner solidairement les sociétés ACTI au paiement d'une somme de 12 240 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison de la marge brute détournée à MCI, la somme de 5 100 000 euros au titre de la dépréciation de son fonds de commerce et la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. Elle sollicite par ailleurs des mesures de publication.

MCI reproche aux sociétés ACTI de s'être livrées à un débauchage massif de salariés d'encadrement (plus de 75) dont 11 qui, alors qu'ils étaient liés par une clause de non concurrence valable et en vigueur, ont été embauchés par ACTI qui avait une parfaite connaissance de ces clauses. Elle ajoute que les 31 salariés

identifiés initialement, étaient tenus par une clause dite de non sollicitation de la clientèle. MCI ajoute que les sociétés ACTI ont détourné de la clientèle et notamment BRANDT, Enfin, MCI développe trois méthodes pour évaluer la perte de son chiffre d'affaires et à partir des chiffres obtenus, elle fixe sa perte de marge brute. Elle expose également que son fonds de commerce a été dévalorisé de par la perte de ce chiffre d'affaires.

Les sociétés ACTI poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté MCI de ses prétentions et forme appel incident pour le surplus. La société ACTI INGENIERIE sollicite le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et les trois autres sociétés, le versement d'une somme de 20 000 euros, outre une somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du NCPC.

Les sociétés ACTI, en réponse aux griefs formulés par MCI, font valoir que les départs de salariés de chez MCI et leur embauche au sein d'ACTI se sont échelonnés sur plus de quatre ans et que MCI s'abstient de communiquer l'évolution de ses effectifs qui ont baissé dans des proportions nettement plus importantes que les départs qu'elle critique (202 départs en 2001 et 107 en 2002 soit plus de dix fois le nombre de salariés recrutés par les sociétés ACTI). Elles ajoutent que c'est MCI qui a licencié ses responsables commerciaux et ses administratifs. En outre, les sociétés intimées émettent des réserves sur l'attestation de Monsieur X... sur laquelle MCI se fonde pour tenter de prouver des actes de débauchage. Elles ajoutent que les clauses de non concurrence opposées par MCI sont illicites en raison du défaut de contrepartie financière (décision de la cour de cassation du 10 juillet 2002). S'agissant du grief de détournement de clientèle, les sociétés intimées exposent qu'il ne suffit pas d'identifier des clients pour prouver leur détournement d'autant plus que, les entreprises concernées étaient déjà dans le portefeuille des

clients des sociétés du groupe ACTI et que les seules déclarations de Monsieur X... ne sont pas pertinentes. Enfin, elles critiquent les méthodes d'évaluation des préjudices et soutiennent que les mauvais résultats de MCI ne s'expliquent pas par la concurrence livrée dans des conditions régulières par les sociétés du groupe ACTI.

Les sociétés du groupe ACTI soulignent par ailleurs que MCI a causé un trouble au fonctionnement de leurs services en mettant en demeure ses anciens salariés de rompre leurs relations avec elles.

Le 5 mai 2006, soit deux mois après la clôture des débats, les sociétés ACTI ont communiqué copie d'un jugement rendu le 24 mars 2006 par le Tribunal de grande instance de Nanterre condamnant Monsieur X... pour vol de documents au préjudice de la société ACTI INGENIERIE et la société MCI pour recel d'un bien provenant d'un vol. SUR CE, LA COUR,

Attendu que la Cour n'ayant pas invité les parties à produire en cours de délibéré la pièce visée plus haut et les sociétés ACTI ayant déjà exprimé dans leurs conclusions leurs plus extrêmes réserves sur les documents visés dans ce jugement, il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de la clôture et la réouverture des débats ; I. SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

A. Sur le débauchage :

Considérant que pour démontrer que le groupe ACTI se serait livré à un débauchage massif du personnel d'encadrement de MCI, l'appelante se fonde essentiellement sur une attestation de Monsieur X... et sur différents tableaux ; qu'elle fait état de ce que 75 salariés a minima sont passés chez ACTI alors au surplus, que 11 d'entre eux

étaient liés par une clause de non concurrence ;

Considérant que le débauchage suppose la mise en oeuvre de manoeuvres déloyales en vue d'attirer le personnel d'un concurrent ;

Considérant qu'en l'espèce, les tableaux produits établissent que 61 personnes anciennement salariés de MCI, ont été engagées par différentes sociétés du groupe ACTI entre 2000 et 2004 soit 16 en 2000, 24 en 2001, 12 en 2002, 8 en 2003 et 1 en 2004 ; que toutefois, il demeure que dans le même temps le nombre total des départs de salariés de chez MCI s'est élevé à 202 pour 170 entrées au cours du seul exercice 2001pour un effectif total de 383 salariés et à 107 départs pour 40 entrées au cours de l'exercice 2002 pour un effectif total au 31 décembre 2002 de 316 salariés (conclusions MCI du 8 février 2005) soit un nombre de départs nettement plus important que celui des salariés recrutés par le groupe ACTI au cours des mêmes exercices ; que ces chiffres révèlent un turnover important au sein de la société MCI ; que le pourcentage de salariés entrés au service des sociétés ACTI ne représente qu'à peine plus de 10% du nombre total de salariés ayant quitté la société MCI en 2001 et 2002 ;

Qu'outre, le fait que les personnes identifiées n'ont pas toutes rejoint immédiatement le groupe ACTI , plusieurs mois séparant pour certaines d'entre elles leur départ de chez MCI de leur entrée chez ACTI , il n'est pas contesté que sur ces 61 personnes, 10 ont été licenciées par MCI au cours de l'exercice 2000, 6 au cours de l'exercice 2001, 2 au cours de l'exercice 2002 et 5 pour l'exercice 2003 ;

Que ces chiffres contredisent les allégations de la société MCI quant au caractère massif du "débauchage" qui aurait été opéré à son détriment par les sociétés ACTI ;

Considérant que l'attestation de Monsieur X... en date du 25 août 2005 ainsi que le tableau intitulé "action sur candidats MCI" et le

listing "liste des disponibilités du 6 mars 2002 au 6 avril 2002" ne peuvent être examinés qu'avec les plus extrêmes réserves ;

Que Monsieur X... a été licencié par MCI en novembre 2001 pour faute grave et qu'un litige l'oppose aujourd'hui à la société ACTI INGENIERIE devant le conseil de prud'hommes de Nanterre après sa démission le 21 mars 2005 ; que les faits qu'il relate faute d'être confortés par d'autres éléments, ne peuvent être considérés qu'avec la plus extrême prudence ; que sur ce point, Monsieur X... peut difficilement soutenir que Monsieur Teman l'aurait persuadé d'agir auprès des personnes citées en page 6 de son attestation pour qu'elles rejoignent ACTI et aurait organisé des réunions en vue de leur embauche dès lors qu'ACTI rapporte la preuve qu'au moins, cinq des personnes désignées dans l'attestation, ont été embauchées par ACTI avant que Monsieur X... n'y prenne ses fonctions le 2 mai 2002 (entrée le 28 janvier 2002 pour Y..., Z..., Mur, le 18 février pour Viero) ;

Que d'autre part, rien ne permet d'identifier l'origine et la date d'établissement du tableau intitulé "action sur candidats MCI" pas plus que son auteur ; que de même, rien ne permet d'affirmer que le document intitulé "liste des disponibilités du 6 mars 2002 au 6 avril 2002" édité le 6 mars 2002 émane d'une des sociétés ACTI dans la mesure où il ne comporte aucune en-tête et aucune mention permettant d'identifier son origine ; que de plus, il apparaît que MCI s'est procurée cette pièce par des moyens pour le moins douteux ;

Considérant que le fait que les sociétés ACTI ont admis devant le juge des référés en juillet 2002 avoir procédé à l'embauche de 29 salariés de MCI ne suffit pas à qualifier cet acte de débauchage, faute de rapporter la preuve de manoeuvres pour inciter ces personnes à rejoindre ACTI ;

Considérant en outre que la preuve n'est pas rapportée que les

sociétés ACTI auraient incité plusieurs des salariés de MCI à les rejoindre en leur proposant des rémunérations plus importantes pour un travail équivalent ;

Considérant que la société MCI ne rapporte pas davantage la preuve de manière certaine que plusieurs de ses anciens salariés auraient commencé à travailler pour le compte d'ACTI avant même leur départ de chez MCI; que le seul cas visé de manière précise concerne Monsieur A... qui a quitté la société MCI le 26 mars 2003 ; qu'aucune facture datée de janvier 2003 n'émanant de la société Brandt elle-même n'étant communiquée, la société MCI ne peut, à partir de listings portant le titre "ACTI facturation" "direction financière" qui lui auraient été communiqués par Monsieur X... et dont on ignore les conditions dans lesquelles il se les serait procurés, prétendre que Monsieur A... aurait travaillé pour le compte de ACTI avant d'être libéré de ses obligations à l'égard de MCI ;

Considérant

Considérant que le débauchage n'est donc pas démontré ;

B. Sur la violation de clauses de non-concurrence et de non sollicitation :

Considérant que la société MCI fait encore valoir que 11 de ses anciens salariés (Messieurs ou Mesdames EL ABDELLAOUI, CURTY, RAJANOTOVO, EHMIDOU, B..., DALI, C..., Z..., Y..., MUR et VIERO conclusions du 4 novembre 2005 page 20) alors qu'ils étaient liés par une clause de non concurrence valable au regard du droit positif, ont été embauchés par les sociétés ACTI en violation de cette clause alors qu'elles en avaient connaissance ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que ces 11 personnes ont été embauchées par les sociétés du groupe ACTI avant le 10 juillet 2002, date du revirement jurisprudentiel opéré par la cour de cassation en ce qui concerne les conditions de validité des clauses de non

concurrence ; que de plus, seuls les salariés pourraient se prévaloir de la nullité de la clause de non-concurrence ne comportant aucune contrepartie financière ; que le nouvel employeur ne peut l'invoquer ; (Cass.soc 2 février 2006) ; qu'il s'ensuit que la société MCI peut à bon droit se prévaloir à l'encontre des sociétés ACTI de la clause de non-concurrence insérée au contrat de chacun des salariés désignés plus haut, observation étant faite que les sociétés ACTI ne contestent pas ces embauches mais n'ont fourni aucune indication quant à la répartition de ces salariés entre chacune d'elles ;

Considérant que les sociétés ACTI ne peuvent prétendre ignorer ces clauses dès lors qu'il est démontré que Monsieur Teman, qui est à la tête du groupe ACTI, président d'ACTI PARTICIPATIONS, d'ACTI SOLUTIONS devenue ACTI SYSTEMS et d'ACTI MANAGEMENT devenue ACTI CONSULTING ainsi que d'ACTI devenue ACTI INGENIERIE avait en sa qualité de directeur général de MCI signait plusieurs des contrats susvisés ;

Qu'en conséquence, en embauchant des salariés qu'elles savaient liés par une clause de non-concurrence, pour qu'ils exercent des activités identiques à celles qui étaient les leurs au sein de la société MCI, les sociétés ACTI dont il n'est pas contesté qu'elles exercent des activités similaires à celles de la société MCI, ont commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale vis à vis de la société MCI ;

Considérant que la société MCI fait encore valoir qu'alors que la totalité des 31 salariés identifiés avant 2005 étaient tenus au terme de leur contrat, par une clause dite de non sollicitation de clientèle de MCI, plusieurs d'entre eux ont, en violation de cette clause, démarché et détourné des clients de MCI ;

Mais considérant que l'obligation de non sollicitation de la clientèle ne constituant qu'une des obligations imposées par la

clause de non concurrence, MCI ne peut s'en prévaloir qu'en ce qui concerne les salariés cités plus haut ;

Qu'elle ne rapporte pas la preuve que Messieurs ou Mesdames CONTRERAS, CANDI, A..., TREMOIS, WILLEM étaient liés par une clause de non-concurrence ; que de plus, ainsi qu'il sera démontré plus avant, aucun acte de détournement de clientèle n'est établi ;

Que si le contrat de travail communiqué établit que Monsieur D... était également lié par une clause de non concurrence d'une durée de six mois, il n'est pas démontré qu'il a été engagé dans ce délai par l'une des sociétés ACTI ;

C. Sur le détournement de clientèle :

Considérant que MCI se fondant tant sur l'attestation de Monsieur X... que sur l'évolution du chiffre d'affaires réalisé avec la société Brandt, soutient qu'ACTI a fait "main basse" sur ce client ainsi que sur plusieurs autres ;

Considérant qu'ACTI réplique qu'il n'est pas justifié de manoeuvres déloyales ;

Considérant qu'il convient de rappeler qu'une société ne dispose d'aucun droit privatif sur sa clientèle et que le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même s'il est le fait d'anciens salariés, ne devient fautif que s'il s'accompagne de procédés ou manoeuvres déloyales ; que de plus, dans le domaine informatique, les sociétés qui ont recours à des contrats d'assistance technique, ont tendance à vouloir poursuivre leurs relations avec le même assistant et ce, même s'il change d'employeur, ce qui se traduit par un turnover important comme cela a été constaté plus haut ;

Considérant en l'espèce que s'il résulte des graphismes mis au débat et non contestés par ACTI que le chiffre d'affaires réalisé par MCI avec BRANDT pour des prestations d'assistance technique est passé de 1 718 167 euros en 2001 à 764 214 en 2002 puis à 371 158 euros en

2003, il demeure que l'attestation de Monsieur X... en ce qui concerne l'identité des anciens collaborateurs de MCI qui auraient été missionnés chez Brandt, est en contradiction avec la proposition commerciale faite à cette société par ACTI ; que si Monsieur X... fait état de ce que Monsieur C... et Mesdames Z..., Y..., Mur et Willem ont été envoyés en mission par ACTI chez Brandt, la proposition de maintenance produite par ACTI et datée du 11 mai 2004 mentionne les noms de Messieurs ou Mesdames Le Roux, E..., B..., Sanhaji ; que si Monsieur E... a été salarié de MCI de mars 2001 à juin 2003, il n'est ni démontré qu'il ait été lié par une clause de non concurrence, ni qu'il ait commencé à effectuer des missions chez Brandt dès son départ de chez MCI; que Monsieur B... n'a, quant à lui, effectué qu'une simple période d'essai chez ACTI courant 2001 ; Considérant que si les contrats d'assistance technique conclus entre MCI et Brandt démontrent qu'à différents moments Mesdames ou Messieurs Y..., Mur, Monsieur Z..., Contrepas y ont effectué des missions, aucune pièce probante ne démontre que l'une ou l'autre des sociétés ACTI les aurait envoyés en mission chez ce même client, les relevés de facturation de chez ACTI obtenus par des moyens non révélés et pour le moins douteux devant être écartés ;

Considérant de plus, qu'il y a lieu de relever que les contrats d'assistance technique conclus entre Brandt et MCI et leurs avenants, produits aux débats, expiraient soit le 31 octobre 2001, soit le 31 août 2001, soit encore le 25 janvier 2002 ; qu'en conséquence, à leur échéance aucun obstacle ne s'opposait à ce que ACTI propose ses services à BRANDT ;

Considérant qu'en ce qui concerne les autres clients cités par MCI :

HOURA, BOUYGUES, ACCOR, IBM, NEUILLY GESTION, SAP, ANDRONE, aucune pièce ne démontre que les sociétés du groupe ACTI soient intervenues

auprès d'eux ou ne les aient accaparés grâce aux anciens salariés de MCI ;

Que le grief de détournement de clientèle n'est donc pas établi ;

D. Sur le préjudice :

Considérant que seul doit être indemnisé le préjudice subi par MCI du fait de l'embauche par les sociétés ACTI de Messieurs ou Mesdames EL ABDELLAOUI, CURTY, RAJANOTOVO, EHMIDOU, B..., DALI, C..., Z..., Y..., MUR et VIERO en violation de la clause de non concurrence qui les liait à MCI ;

Considérant que le préjudice ne peut s'analyser en la perte du chiffre d'affaires ;

Que le dommage subi par MCI correspond à la marge qu'elle aurait dégagée sur l'assistance technique réalisée auprès de diverses sociétés par ces 11 salariés pendant six mois, durée de la clause de non concurrence ; que compte tenu des éléments figurant au dossier et notamment des rémunérations versées à ces salariés, du coût des prestations facturées aux entreprises pour l'assistance technique, le préjudice subi par MCI sera exactement réparé par le versement d'une somme de 180 000 euros ;

Que contrairement à ce que soutient ACTI, il existe un lien de causalité entre le dommage subi et la faute commise ; que si ACTI n'avait pas embauché ces 11 salariés, MCI n'aurait pas subi de perte de marge ;

Considérant que les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait droit aux mesures de publication sollicitées ;

II. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

Considérant que les sociétés ACTI font grief à MCI d'avoir envoyé des lettres de mise en demeure à ses anciens salariés pour qu'ils rompent leurs relations contractuelles avec les sociétés du groupe ACTI ;

Mais considérant qu'il a été ci-dessus démontré que plusieurs des

salariés embauchés par les sociétés ACTI étaient liés à MCI par une clause de non concurrence ; qu'en conséquence, ACTI ne saurait faire grief à MCI d'avoir rappelé à ces salariés leurs obligations ;

Considérant que si des mises en demeure ont également été adressées à d'autres salariés ainsi qu'à Monsieur TEMAN, président d' ACTI, les intimées ne démontrent pas que ces lettres ont eu pour effet de désorganiser leurs services ; qu'il n'est pas établi que suite à ces lettres, certains des salariés auraient quitté une des sociétés du groupe ACTI ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés intimées de leur demande en paiement de dommages et intérêts ;

III. SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE :

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC à l'une ou l'autre des parties ;

Qu'en revanche, il y a lieu de condamner les sociétés ACTI aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

- CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les différentes sociétés ACTI de leur demande en paiement de dommages et intérêts,

- LE RÉFORMANT pour le surplus et statuant à nouveau,

- DIT que les sociétés ACTI PARTICIPATIONS, ACTI SA devenue ACTI INGENIERIE, ACTI SOLUTIONS devenue ACTI SYSTEMS et ACTI MANAGEMENT devenue ACTI CONSULTING ont commis des actes de concurrence déloyale

en embauchant 11 salariés de la société MCI alors qu'ils étaient tenus par une clause de non concurrence,

- LES CONDAMNE in solidum à payer à la société MCI la somme de 180 000 euros (cent quatre-vingt mille euros),

- DÉBOUTE la société MCI du surplus de ses demandes,

- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC.

- CONDAMNE in solidum les sociétés ACTI PARTICIPATIONS, ACTI SYSTEMS, ACTI CONSULTING et ACTI INGENIERIE aux dépens de première instance et d'appel,

- ADMET la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués au bénéfice de l'article 699 du NCPC.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Sylvie MANDEL, président et par Catherine CLAUDE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute. Le GREFFIER,

Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0017
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950358
Date de la décision : 11/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-05-11;juritext000006950358 ?
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