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06/04/2006 | FRANCE | N°03/01103

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 avril 2006, 03/01103


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80C 15ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 06 AVRIL 2006 R.G. No 04/04568 AFFAIRE : Sadak X... C/ S.A.R.L. QUICK PROCESS VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ETS Y... Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE Section : Commerce No RG :

03/01103 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SIX AVRIL DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Sadak

X...
... 95170 DEUIL LA BARRE comparant en personne, assisté de Me...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80C 15ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 06 AVRIL 2006 R.G. No 04/04568 AFFAIRE : Sadak X... C/ S.A.R.L. QUICK PROCESS VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ETS Y... Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE Section : Commerce No RG :

03/01103 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SIX AVRIL DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Sadak X...
... 95170 DEUIL LA BARRE comparant en personne, assisté de Me Françoise OCHS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P76 APPELANT [****************] S.A.R.L. QUICK PROCESS VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ETS Y...
... 93100 MONTREUIL représentée par Me Loubna GHOUALMI, avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire : PN249 INTIME [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gérard POIROTTE, conseiller faisant fonction de président chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :

Monsieur Gérard POIROTTE, conseiller faisant fonction de président,

Monsieur François MALLET, conseiller,

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, conseiller, Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur Sadak X... a été engagé par Monsieur Mustapha Y...,

exerçant une activité de transport routier de marchandises, en qualité de chauffeur, par contrat de travail écrit à durée indéterminée et à temps partiel du 16 novembre 2000. Au mois de janvier 2003, ce contrat de travail a été transféré à la société Quick Process par application des dispositions de l'article L.122-12 du Code du travail.

Par lettre du 1er février 2004, Monsieur X..., qui se trouvait en congé maladie depuis le 9 janvier 2003, a informé son employeur de sa démission.

La société Quick Process employait habituellement moins de onze personnes, n'était pas dotée d'institutions représentatives du personnel et appliquait la convention collective nationale des transports routiers. Monsieur X... percevait en dernier lieu un salaire mensuel de 1 057,79 ç pour 139 heures de travail auquel s'ajoutait une prime exceptionnelle.

Monsieur X... avait, dès le 26 mars 2003, saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, section commerce, pour obtenir, dans le dernier état de ses demandes, paiement d'un rappel de salaire sur heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé et d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Quick Process s'est opposée à ces demandes et a sollicité l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 16 septembre 2004, le conseil de prud'hommes a :

- Débouté Monsieur X... de toutes ses demandes ;

- Débouté la société Quick Process de sa demande reconventionnelle.

Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à

l'audience et soutenues oralement, il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement ;

- Condamner la société Quick Process à lui payer les sommes suivantes :

Rappel d'heures supplémentaires : 26 224,76 ç

Indemnité pour travail dissimulé : 8 104,86 ç

Article 700 du nouveau Code de procédure civile : 3 000 ç.

Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à l'audience et soutenues oralement, la société Quick Process demande à la cour de :

- Débouter Monsieur X... ;

- Condamner Monsieur X... à lui payer les sommes suivantes :

Dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire : 4 000 ç ;

Amende civile pour abus de procédure : 1 000 ç ;

Article 700 du nouveau Code de procédure civile : 1 500 ç.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience. DÉCISION :

Le contrat de travail conclu entre les parties le 16 novembre 2000 prévoyait que le salarié percevrait un "salaire brut de 5 840,78 Francs / mois pour un horaire de 139 h / mois soit une durée hebdomadaire de 32 h / semaine" sans mentionner ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ni les limites dans lesquelles pouvaient être effectuées des heures complémentaires.

Il résulte de l'article L 212-1-1 du Code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures de travail effectuées et dès lors que le salarié fournit préalablement les éléments de nature à étayer sa demande, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'en conséquence le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci que l'employeur est tenu de lui fournir.

Monsieur X..., qui indique qu'il avait été convenu verbalement qu'il travaillerait l'après-midi de 13 heures 45 ou 14 heures jusqu'à 18 heures 30 ou 19 heures voire même 21 heures en fonction de la charge de travail, soutient avoir, en réalité, travaillé chaque jour de la semaine le matin de 7 heures 30 ou 7 heures 45 à 12 heures ou 12 heures 30 et l'après-midi de 14 heures à 18 heures 30 ou 19 heures et produit essentiellement, à l'appui de ses prétentions, des

attestations établies des clients. L'un d'eux, établi à Villeneuve la Garenne, indique qu'il enlevait des marchandises le matin et l'après-midi entre 16 heures et 18 heures ; un second précise qu'il procédait, entre fin 2002 et début 2003, à des livraisons le matin et à des enlèvements l'après-midi ; un troisième, implanté à La Plaine Saint Denis, relate qu'il passait dans ses locaux avant 11 heures pour retirer des colis ; un quatrième, implanté à Nanterre, indique qu'il effectuait deux passages quotidiens aux alentours de 11 heures et de 17 heures et, parfois, un troisième passage vers 14 heures 30 ; un cinquième enfin affirme qu'il procédait à des livraisons le matin et à des enlèvements l'après-midi. Monsieur X... produit également des documents afférents à la tournée effectuée le 7 janvier 2003. Il soutient encore que les primes exceptionnelles qui lui étaient régulièrement versées étaient destinées à compenser le dépassement de la durée du travail.

La société Quick Process, qui conteste l'existence d'heures complémentaires et supplémentaires, indique pour sa part que, comme il avait été convenu lors de son engagement, Monsieur X... travaillait le matin de 8 heures 30 à 11 heures 30 et l'après-midi de 14 heures à 17 heures. Elle produit trois attestations établies par des salariés de l'entreprise qui affirment, le premier, que le matin Monsieur X... prenait son service à 8 heures 30 et le terminait avant 11 heures 30 ; le second qu'il travaillait le matin de 8 heures 30 à 11 heures 30 et l'après-midi à partir de 14 heures ; le troisième qu'il rentrait tous les jours au plus tard à 17 heures et le vendredi vers 16 heures 30. La société Quick Process verse également aux débats des bordereaux de livraison édités au mois de janvier 2003 qui portent sur certaines des tournées effectuées par le salarié au cours du deuxième semestre 2002 et le journal de bord rempli par Monsieur X... lui-même au cours de l'année 2002 qui

mentionne l'itinéraire des deux tournées quotidiennes et le kilométrage affiché par le compteur du véhicule le matin et le soir mais ne comporte aucune indication relative à la durée du temps de travail. Elle soutient que la prime exceptionnelle qu'elle versait à ses salariés était fondée sur divers critères tels que leur assiduité, l'entretien des véhicules, les relations avec la clientèle.

Il résulte de l'examen des bulletins de paie que Monsieur X..., qui travaillait du lundi au vendredi inclus, a toujours été rémunéré sur la base de 139 heures par mois complet d'activité. Au mois de décembre 2002 lui ont en outre été payées 4 heures "supplémentaires" avec majoration de 25 %.

Les heures de passage de Monsieur X... chez les clients telles que rapportées de manière imprécise par les attestations qu'il produit ne sont pas en elles-même incompatibles avec l'horaire de travail mentionné par l'employeur. Le fait que la première livraison de la journée du 7 janvier 2003 ait été effectuée à 8 heures 50 à Suresnes, comme l'établit la mention apposée par le client sur le bon de livraison, démontre toutefois qu'il avait commencé sa journée de travail avant 8 heures 30, compte tenu, d'une part, que les locaux de la société Express 92, donneur d'ordre de la société Quick Process et d'où partaient les tournées qu'il effectuait, étaient situés à Nanterre et, d'autre part, qu'il devait charger les colis qu'il transportait à bord de son véhicule avant les livraisons. Certains des rares bordereaux de livraison produits par l'employeur présentent des anomalies. Ils mentionnent en effet pour les journées des 6 août et 10 septembre 2002 plusieurs livraisons effectuées à 10 heures en des lieux différents. D'autres portent des heures de livraison incompatibles, quant aux horaires de travail du salarié, avec les

indications fournies par la société Quick Process et celles résultant des attestations qu'elle produit : 11 heures 25 puis 12 heures à Levallois-Perret, 12 heures 15 à Asnières pour la journée du 12 novembre 2002 ; 11 heures 20 puis 11 heures 25 à Gennevilliers et 12 heures à Levallois-Perret pour la journée du 10 décembre 2002 ; 12 heures à Colombes pour la journée du 12 décembre 2002.

Il apparaît, au vu de l'ensemble des éléments fournis par les parties et compte tenu notamment de l'absence de justification suffisante et crédible par l'employeur des horaires de travail réellement effectués par le salarié, que la durée du travail de Monsieur X..., sans être aussi importante que celle dont il fait état, était supérieure à celle figurant sur son contrat de travail. La cour est en mesure d'évaluer cette durée à 39 heures par semaine.

Compte tenu des effectifs de l'entreprise, la durée légale du travail était fixée à 39 heures jusqu'au 31 décembre 2001 et à 35 heures à compter de cette date. Pour la première de ces périodes, Monsieur X... a donc effectué 7 heures complémentaires par semaine et, pour la seconde, et jusqu'à son départ en congé maladie, 3 heures complémentaires et 4 heures supplémentaires ouvrant droit à une bonification de 10 %.

Ainsi, et en tenant compte des salaires horaires successifs, des absences et déduction faite des heures supplémentaires effectivement payées au mois de décembre 2002, il convient d'infirmer le jugement et de condamner la société Quick Process à payer à Monsieur X... la somme de 4 805,85 ç à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2003, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Les bulletins de paie délivrés à Monsieur X... durant la période antérieure au 1er janvier 2003 mentionnaient un nombre d'heures de

travail inférieur à celui réellement effectué ce qui, compte tenu de l'importance et de la durée de l'irrégularité constatée, traduit une volonté délibérée de dissimuler l'emploi du salarié. Toutefois, ces bulletins de paie ont été établis par Monsieur Y... et non par la société Quick Process laquelle ne saurait être tenue pour responsable d'un travail dissimulé commis par le précédent employeur, la créance indemnitaire qui en résulte échappant au principe édicté par le premier alinéa de l'article L.122-12-1 du Code du travail.

Pour le mois de janvier 2003, le bulletin de paie qu'a délivré la société Quick Process mentionnait un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Cette société avait pour gérant Monsieur Y..., précédent employeur de Monsieur X.... Cette circonstance établit, à la charge du nouvel employeur, la volonté de dissimuler l'emploi de Monsieur X... au sens des dispositions de l'article L.324-10 du Code du travail, une telle dissimulation intentionnelle ouvrant droit, au profit du salarié, à l'application de la sanction prévue par l'article L.324-11-1 du même Code. Il convient, dès lors, d'infirmer le jugement et de condamner la société Quick Processà payer à Monsieur X..., à titre d'indemnité pour travail dissimulé, la somme de 7 789,63 ç, représentant six mois de salaire calculés sur la base de l'horaire de travail réellement effectué, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La solution apportée au présent litige démontre que l'action en justice engagée par Monsieur X... n'a pas revêtu un caractère abusif. Il y a lieu, en conséquence, de la débouter de sa demande de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement,

Et, statuant à nouveau,

Condamne la société Quick Process à payer à Monsieur Sadak X... les sommes suivantes :

- A titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires : 4 805,85 ç, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2003 ;

- A titre d'indemnité pour travail dissimulé : 7 789,63 ç, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Déboute la société Quick Process de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Et, vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Déboute la société Quick Process de sa demande relative aux frais non compris dans les dépens.

Condamne la société Quick Process à payer à Monsieur Sadak X... la somme de 2 300 ç au titre des frais non compris dans les dépens.

Condamne la société Quick Process aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par Monsieur Gérard POIROTTE, Conseiller faisant fonction de président, et signé par Monsieur Gérard POIROTTE, Conseiller faisant fonction de président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 03/01103
Date de la décision : 06/04/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-04-06;03.01103 ?
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