COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80B 6ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 04 AVRIL 2006 R.G. No 05/01097 AFFAIRE : Emmanuel X... C/ S.A. OSNY OPTIQUE en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 20 Janvier 2005 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE No Chambre : Section : Encadrement No RG : 02/00371 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Emmanuel X... 17, bis boulevard de Rochechouart 75009 PARIS Non comparante - Représenté par Me Carole DUTHEUIL-LECOUVE, avocat au barreau de PONTOISE, vestiaire : T 13 APPELANT [****************] S.A. OSNY OPTIQUE en la personne de son représentant légal Centre Commercial de l'Oseraie 95520 OSNY Comparante en la personne de M. Y...
Z... (P.D.G) - Assisté de Me Bela'd MAZNI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1654 INTIMÉE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne DOROY, conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Monsieur François BALLOUHEY, président,
Madame Fabienne DOROY, conseiller,
Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller, Greffier, lors des débats :
Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS ET PROCÉDURE,
La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par Monsieur Emmanuel X..., d'un jugement du conseil de prud'hommes de CERGY-PON- TOISE, section encadrement, en date du 20 janvier 2005 , qui dans un litige l'opposant à la SA OSNY OPTIQUE, et qui, sur la demande de Monsieur Emma-nuel X... en paiement d'heures supplémentaires et dommages et intérêts pour travail dissimulé a :
Débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné à payer à la SA OSNY OPTIQUE la somme de 100 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Emmanuel X... a été engagé par la société B OP- TIQUE, ultérieurement dénommée SA OSNY OPTIQUE, par contrat à durée indéterminée à effet du 1er avril 1996 pour remplir la fonction de directeur techni- que, étant titulaire du Brevet Professionnel d'Opticien lunetier. Sa rémunération était composée d'une partie fixe d'un montant annuel initial de 168.000 francs (soit 25.611,43 ç), et d'un intéressement de 0,50 % du chiffre d'affaire hors taxe payable en deux versements. Ce taux a été ultérieurement porté à 0,75 %.
Monsieur Emmanuel X... a démissionné par lettre du 22 septembre 2001 et a effectué son préavis de 3 mois. Par lettre du 9 janvier 2002, il a contesté son solde de tout compte, puis a saisi le conseil de prud'hommes le 31 mai 2002.
L'entreprise emploie moins de onze salariés.
La convention collective applicable est celle de l'optique, lunetterie de détail. DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Monsieur Emmanuel X... par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience, développées et modifiées oralement, demande à la Cour de :
Infirmer le jugement,
Condamner la SA OSNY OPTIQUE à lui verser les sommes suivantes :
22.163,67 ç à titre de rappel d'heures supplémentaires,
2.216,36 ç au titre des congés payés y afférents ,
8.898,77 ç à titre de dommages et intérêts pour le repos compensateur,
1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Il expose que l'intitulé de son emploi a été choisi pour être différent de celui d'un salarié licencié auparavant pour motif économique, et qu'il a travaillé seul avec Monsieur Y..., le dirigeant de l'entreprise, pendant environ 3 années. Il énonce qu'une personne a été engagée fin 1998, une autre fin 1999, et une troisième en 2000.
Il affirme qu'il lui avait été assuré qu'il pourrait suivre une formation, mais que cela n'a été possible qu'à partir de 1998, cette formation se réalisant sur son temps de repos plus un jour par mois sur le temps de travail. Il soutient que les horaires d'ouverture, de 10 h à 20 h, sont imposés par les règles de la galerie marchande où se trouve le magasin, et que sa qualification rend sa présence indis- pensable, pendant l'ouverture, personne d'autre, pas même Monsieur A...- DE, n'ayant le diplôme d'opticien requis par la réglementation. Il considère avoir donc travaillé régulièrement 9 heures par jour, 5 jours par semaine, à la seule exception des jours où la formation se passait pendant le temps de travail. C'est sur
cette base qu'il réduit à l'audience ses demandes par rapport à sa demande écrite initiale, estimant que cela ne nécessite pas d'expertise. Il note que le chiffre d'affaires de la société a beaucoup augmenté, et pas seulement du fait de l'embau- che d'autres salariés, mais de l'importance de son activité.
Il conteste avoir été un cadre dirigeant, n'ayant aucune autonomie ni au- cune responsabilité financière.
La SA OSNY OPTIQUE, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience et développées oralement, demande à la Cour de :
Débouter Monsieur Emmanuel X... de son appel, confirmer le jugement,
le Condamner à payer à la SA OSNY OPTIQUE la somme complé- mentaire de 2.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procé- dure civile,
le Condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, elle demande que la déduction des heures passées en formation des heures supplémentaires demandées soit établie par une expertise.
Elle expose que Monsieur Emmanuel X... n'a jamais formu- lé de réclamation pendant son activité dans l'entreprise, et qu'il se présente dans un journal professionnel comme ayant pris la direction d'un commerce et en ayant triplé le chiffre d'affaires. Elle soutient que le contrat de travail disposait que Monsieur Emmanuel X... n'était pas astreint à un horaire précis, et que l'article L 212-15-1 du code du travail dispose que les cadres diri-geants ne sont pas
soumis à la réglementation de la durée du travail, rappelant que Monsieur Emmanuel X... a été engagé comme directeur technique du magasin, au coefficient le plus élevé de la convention collective. Elle ajoute que dans la demande de prise en charge de sa formation, Monsieur Emmanuel X... décrit sa fonction en parlant de direction et de responsabilité technique du magasin. Elle précise que le magasin a été déplacé dans la galerie marchande en avril 1999, avec presque un doublement de surface, et une exploi- tation de "4 personnes plus le dirigeant". Elle souligne que le chiffre d'affaire a continué à augmenter après le départ de Monsieur Emmanuel X..., et que la sécurité sociale n'impose pas la présence effective et permanente d'un opticien diplômé. Elle note que Monsieur Emmanuel X..., affirmant avoir été présent de l'ouverture à la fermeture tous les jours, n'explique pas com-ment le magasin fonctionnait lorsqu'il était en congé. Elle prétend que Monsieur Y... était présent du lundi au samedi, et que les autres salariés avaient également les clefs pour ouvrir et fermer le magasin.
Elle ajoute que Monsieur Emmanuel X... était absent du magasin pour sa formation un mardi par mois sur une période de 10 mois pendant les années 1999-2000-2001, et conteste la portée des attestations produites.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur les heures supplémentaires :
Il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail, s'agissant des modalités de la preuve des heures supplémentaires, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, et dès lors que le salarié apporte préalablement des
éléments de nature à étayer sa demande, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
En l'espèce, Monsieur Emmanuel X... produit notamment le dossier de demande de formation au Fongecif, signé du dirigeant, Monsieur Y..., et portant comme horaire de 10 h à 14h et de 15 h à 20 h du mardi au samedi. Il produit également des attestations qui, à l'exception de celle, imprécise, de Monsieur B..., client qui ne pouvait être en relation avec Monsieur Emmanuel X... que de façon très épisodique, corroborent les horaires de travail habituels annoncés par Monsieur Emmanuel C...- QUE.
Ces éléments sont de nature à étayer l'existence d'heures supplémentaires.
L'article L 212-15-1 du code du travail qui dispose que les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation sur la durée du travail et ne peuvent bénéficier du paiement d'heures supplémentaires est issu de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000, et ne pourrait, si les conditions en sont réunies, s'appliquer qu'à partir de cette date.
En réalité, Monsieur Emmanuel X... disposait d'une techni- cité qui le plaçait parmi les cadres, avec un coefficient de 380 proche du haut de la classification de la convention collective, qui monte jusqu'au coefficient 400 selon le tableau des salaires minima produit par la SA OSNY OPTIQUE, mais cela ne suffit pas à en faire un cadre dirigeant, dans la mesure où Monsieur Y..., PDG de la SA OSNY OPTIQUE, était, selon ses propres dires, et les attestations qu'il produit, toujours présent dans l'entreprise qui n'a compté que
lui-même et Monsieur Emmanuel X... pendant 30 mois (et non 18) et au maximum 4 salariés, outre lui même qui se qualifie à juste titre de dirigeant, et où rien n'établit que Monsieur Emmanuel X... ait en fait disposé d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, imposé par les horaires d'ouverture de la galerie marchande, ni été habilité à prendre des décisions de façon largement autonome dans le domaine de la direction de l'entreprise. L'article paru dans "Les annonces de l'optique", dont le contenu, flatteur, n'émane pas directement de Monsieur Emmanuel C...- QUE mais de la personne qui le signe, est inopérant pour établir la réalité des con- ditions de travail et des prérogatives du salarié. Si Monsieur Emmanuel D...- BICQUE ne peut être le seul élément ayant produit la progression remarquable du chiffre d'affaires, cette discussion n'apporte pas non plus de précision sur les horaires pratiqués.
L'article 5 de son contrat, qui dispose que "compte tenu des responsabilités que requiert le poste qui est confié à Monsieur Emmanuel X..., celui-ci n'est pas astreint à un horaire précis, mais doit consacrer le temps nécessaire au bon exercice de ses fonctions" ne peut avoir pour portée la renonciation par Monsieur Emmanuel X... au paiement d'heures supplémentaires, que sa qualité de cadre ne suffisait pas à écarter avant la loi du 19 janvier 2000, dès lors qu'il ne constitue pas une convention de forfait définis- sant un horaire, et que les bulletins de paie portent mention d'une durée travaillée de 169 heures.
Il en résulte qu'à aucun moment Monsieur Emmanuel X... ne pouvait être exclu du paiement des heures supplémentaires et il appartient à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le seul élément fourni par l'employeur est celui portant sur la durée
des absences pendant la période de formation, soit un mardi par mois pendant une période de 10 mois sur 3 années.
Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur Emmanuel C...- QUE a déduit de sa demande initiale le nombre d'heures passées en formation les jours où il s'absentait pour suivre les cours, alors qu'il convenait de déduire le nombre d'heures non travaillées, soit 9 heures pour chaque mardi où il était en formation et non à son travail. L'employeur reconnaît que cela se produisait sur 10 mois de l'année, en cohérence avec le document de demande au Fongecif. Les attestations de présence du Fongecif, et le diplôme universitaire produit établis-sent que le suivi de formation s'est étalé entre septembre 1998 et juin 2001. Le salaire sur lequel Monsieur Emmanuel X... a fondé ses calculs est le minimum conventionnel, mais son salaire horaire est parfaitement défini par ses bulletins de paie, et c'est sur la base de ce salaire qu'il convient de calculer la rémunération des heures supplémentaires. En fonction de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise qui ne peut avoir pour objet de pallier la carence de l'employeur dans la production qui lui incombe des éléments justificatifs des horaires réalisés par le salarié, et dans le calcul de laeur dans la production qui lui incombe des éléments justificatifs des horaires réalisés par le salarié, et dans le calcul de la rémunération correspondante, il doit lui être accordé un rappel de rémunération au titre des heures supplémentaires de 15.166,79 ç, et les congés payés y afférents soit 1.516,67 ç. Sur le repos compensateur :
Monsieur Emmanuel X... prend pour base de sa demande d'indemnisation du repos compensateur afférent aux heures supplémentaires dépassant le contingent la définition du contingent fixé à 180 heures avant la modification introduite par le décret no 2004-1381 du 21 décembre 2004. Cepen-dant, pendant toute la période
concernée par le présent litige, le contingent était fixé à 130 h, de sorte que sa demande est inférieure à ce que la législation lui accordait, même en tenant compte de son évaluation erronée du nombre d'heures à déduire, et du salaire horaire à prendre en considération, points discutés plus haut. Il convient donc de faire droit à la demande qu'il a ramenée à l'audience à 8.898,77 ç.
Sur les dépens et les frais :
La SA OSNY OPTIQUE est partie perdante et sera condamnée aux dépens. L'équité commande de mettre à la charge de la société OSNY OPTIQUE une somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procé- dure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement, et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société OSNY OPTIQUE à payer à Monsieur Emmanuel X... les sommes de :
15.166,79 ç
(QUINZE MILLE CENT SOIXANTE SIX çUROS
SOIXANTE DIX NEUF CENTIMES)
à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
1.516,67 ç
(MILLE CINQ CENT SEIZE çUROS
SOIXANTE SEPT CENTIMES)
au titre des congés payés y afférents,
8.898,77 ç
(HUIT MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DIX HUIT çUROS SOIXANTE DIX SEPT CENTIMES)
à titre d'indemnisation des repos compensateurs,
CONDAMNE la société OSNY OPTIQUE à payer à Monsieur Emmanuel X... la somme de 1.500 ç (MILLE CINQ CENT çUROS) en ap- plication de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE la société OSNY OPTIQUE aux dépens.
Arrêt prononcé par Madame Fabienne DOROY, Conseiller, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, greffier présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,