COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET No Code nac : 55A contradictoire DU 30 MARS 2006 R.G. No 05/01535 AFFAIRE : S.A. TRANSPORTS KESSLER C/ S.A. ALLO FRET ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES No Chambre : 4ème No Section : No RG : 2003F05379 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP KEIME GUTTIN JARRY SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD SCP DEBRAY-CHEMIN
E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TRENTE MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. TRANSPORTS KESSLER ayant son siège ..., agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 4001155 Rep/assistant : Me Pascale X..., avocat au barreau de PARIS (D.1890), substituant Me BRUCE B..., avocat au barreau de STRASBOURG. APPELANTE **************** S.A. ALLO FRET ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N du dossier 0541185 Rep/assistant : Me Bernard A..., avocat au barreau de VERSAILLES. S.A.S. ATAC domiciliée au
siège de sa Direction Nationale, Centre d'Affaires, ... EN JOSAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - N du dossier 05040 Rep/assistant : Me Pierre Z..., avocat au barreau de PARIS (A.682). INTIMES **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Février 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La Société ALLO FRET, qui exerce une activité de transporteur routier, a exécuté en cette qualité différentes opérations de transport pour le compte de la Société COMPAGNIE GOURMANDE, expéditeur; ces transports, exécutés entre le 02 décembre 2002 et le 28 février 2003, ont donné lieu à l'émission de cinq factures.
La Société COMPAGNIE GOURMANDE a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire; le 31 mars 2003, la Société ALLO FRET a déclaré sa créance entre les mains de Maître DU Y... pour la somme de 8.245,46 ç.
Les marchandises enlevées par la Société ALLO FRET à RUNGIS ont été remises dans les établissements de la Société HERTA à LE MEUX (60), puis reprises par la Société TRANSPORTS KESSLER pour être acheminées jusqu'aux entrepôts de la Société ATAC à STRASBOURG.
La Société ALLO FRET a dirigé sa demande en paiement en direction de la Société TRANSPORTS KESSLER qui lui a répondu qu'elle ne se considérait pas comme le destinataire des produits, et l'a invitée à se rapprocher du "réel destinataire des marchandises qui est l'entrepôt ATAC à STRASBOURG".
C'est dans ces circonstances que la Société ALLO FRET a, par acte du 07 novembre 2003, assigné la Société ATAC et la Société TRANSPORTS KESSLER aux fins de voir condamner le débiteur qui sera désigné par le Tribunal à lui payer la somme de 8.245,46 ç, augmentée des intérêts légaux et d'une indemnité de procédure.
Par jugement du 10 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a : - rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société TRANSPORTS KESSLER ; - condamné la Société TRANSPORTS KESSLER à payer à la Société ALLO FRET la somme de 8.245,46 ç, outre les intérêts légaux à compter du 1er avril 2003 ; - condamné la Société TRANSPORTS KESSLER à payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 800 ç à la Société ALLO FRET et celle de 600 ç à la Société ATAC ; - condamné la Société TRANSPORTS KESSLER aux dépens.
La Société TRANSPORTS KESSLER a interjeté appel de cette décision.
Elle fait valoir qu'elle n'est pas le destinataire réel des marchandises, puisqu'elle n'est que le successeur de la Société ALLO FRET dans le déroulement d'une opération de transport dont le point de départ se trouve à RUNGIS et le point d'arrivée à REICHSTETT, à
proximité de STRASBOURG.
Elle indique n'être pas non plus le destinataire apparent de ces marchandises, dès lors qu'elle ne dispose d'aucun entrepôt en région parisienne, ni même d'aucune plate-forme qui aurait pu laisser penser à la Société ALLO FRET qu'elle en serait même seulement entrepositaire.
Elle soutient qu'il existe deux contrats de transport successifs,, l'un de LE MEUX (OISE) à REICHSTETT (Bas-Rhin) pour lequel elle a été rémunérée par la Société ATAC en application de l'article L 132-8 du Code de commerce, l'autre de CHILLY-MAZARIN à LE MEUX, lequel est resté impayé et dont le seul débiteur est la Société ATAC, unique destinataire des marchandises.
Elle ajoute que l'examen des copies de factures que lui a adressées son fournisseur, la Société COMPAGNIE GOURMANDE, met en évidence l'identité des produits transportés de CHILLY-MAZARIN à LE MEUX, puis de LE MEUX à REICHSTETT, et confirme donc que le destinataire final est bien la Société ATAC.
Aussi, elle demande à la Cour, en infirmant le jugement entrepris, de débouter la Société ALLO FRET de toutes ses prétentions à son encontre, et de condamner tout succombant à lui verser la somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Société ALLO FRET réplique que, contrairement à ce que prétend la Société TRANSPORTS KESSLER, cette dernière est le destinataire apparent des marchandises transportées, ainsi qu'il résulte des mentions figurant sur les lettres de voiture.
Elle observe qu'en conservant la totalité du prix du transport à son
bénéfice, la Société TRANSPORTS KESSLER obtiendrait un profit injustifié, légitimant l'action dirigée à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article 1371 du Code civil, par suite de l'appauvrissement qui en résulterait pour la Société ALLO FRET.
Elle en déduit que le transport réalisé par elle justifie un paiement par application de l'article L 132-8 du Code de commerce.
Elle réitère qu'elle a enlevé les marchandises dans les entrepôts de la Société COMPAGNIE GOURMANDE pour les mettre à la disposition de la Société TRANSPORTS KESSLER qui les a livrées à la Société ATAC, destinataire final.
Elle précise que les énonciations des documents afférents au transport dont le paiement est poursuivi établissent clairement que la marchandise a bien été acheminée à son prétendu destinataire final, la Société ATAC.
Aussi, à titre principal, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf à y ajouter la capitalisation des intérêts à compter du 10 novembre 2005.
A titre subsidiaire, au cas où la Cour estimerait que la Société TRANSPORTS KESSLER n'est pas le destinataire, elle demande à la Cour de condamner la Société ATAC à lui payer la somme de 8.245,46 ç, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2003, et avec capitalisation des intérêts.
Elle conclut au débouté des Sociétés TRANSPORTS KESSLER et ATAC de toutes leurs prétentions, et à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 1.600 ç par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Société ATAC sollicite la confirmation du jugement déféré.
Elle fait valoir que, dès lors que les marchandises qui lui ont été expédiées par la Société COMPAGNIE GOURMANDE étaient facturées franco, elle a déjà payé une première fois l'intégralité du transport commandé par cette société.
Elle précise qu'ayant dû, par application de l'article L 132-8 du Code de commerce, payer une deuxième fois à la Société TRANSPORTS KESSLER le coût de l'acheminement des mêmes marchandises entre CHILLY-MAZARIN et son entrepôt de STRASBOURG, elle ne saurait être tenue d'effectuer un troisième paiement pour le même transport.
Elle souligne que les lettres de voiture produites aux débats par la Société ALLO FRET ne comportent aucune référence à la Société ATAC, et qu'au regard du contrat de transport, a seul qualité de destinataire celui qui figure comme tel sur la lettre de voiture.
Elle en déduit qu'aucune demande de la Société ALLO FRET ne peut prospérer à son encontre, et que seule la Société TRANSPORTS KESSLER est destinataire des marchandises litigieuses et en doit le prix du transport.
Elle ajoute qu'en toute hypothèse, les énonciations des documents afférents au transport dont le paiement est poursuivi sont insuffisamment claires et précises pour établir que ces marchandises ont bien été acheminées à leur prétendu destinataire final.
Elle réclame à la Société TRANSPORTS KESSLER la somme complémentaire de 1.200 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2006.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la détermination du destinataire des marchandises :
Considérant qu'aux termes de l'article L 132-8 du Code de commerce, "la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'égard de l'expéditeur et du destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite" ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'au regard du contrat de transport, a seul qualité de destinataire celui qui figure comme tel sur la lettre de voiture ;
Or considérant qu'en l'occurrence, les lettres de voiture couvrant les opérations de transport dont la Société ALLO FRET sollicite le règlement comportent toutes la mention en qualité de destinataire des "Transports Kessler 60 LE MEUX", suivie de la signature du représentant de ces derniers, sans faire la moindre référence à la Société ATAC ;
Considérant que la mention du destinataire final "ATAC STRASBOURG" figure uniquement sur les lettres de voiture établies au nom de la Société TRANSPORTS KESSLER et se rapportant au transport réalisé par cette dernière sur l'itinéraire de LE MEUX à STRASBOURG ;
Considérant qu'en revanche, aucune lettre de voiture formant contrat au sens de l'article L 132-8 du Code de commerce n'a été établie entre la Société ATAC et la Société ALLO FRET ;
Considérant que, dès lors, celle-ci n'est pas fondée à exercer à l'encontre de la Société ATAC l'action directe en paiement de ses propres prestations, quand bien même elle aurait eu connaissance que la marchandise lui était finalement destinée ;
Considérant que la Société TRANSPORTS KESSLER ne saurait valablement
s'exonérer de cette action directe en alléguant qu'elle ne dispose d'aucun entrepôt en région parisienne et qu'elle a servi tout au plus de plate-forme logistique pour le compte de son client, la COMPAGNIE GOURMANDE ;
Considérant qu'en effet, s'agissant de deux transports successifs, ayant donné lieu à l'établissement de lettres de voiture distinctes, la société appelante a seule revêtu la qualité de destinataire des marchandises ayant donné lieu à l'opération de transport de CHILLY-MAZARIN à LE MEUX ;
Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de dire que l'unique débiteur des prestations exécutées par la Société ALLO FRET est la Société TRANSPORTS KESSLER, et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 8.245,46 ç, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2003 ;
Considérant qu'il convient, en ajoutant à la décision entreprise, d'ordonner la capitalisation des intérêts, par application de l'article 1154 du Code civil, à compter de la demande formée pour la première fois par conclusions du 10 novembre 2005.
Sur les demandes annexes :
Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des sociétés intimées, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité complémentaire de 800 ç en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elles en cause d'appel ;
Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la Société TRANSPORTS KESSLER conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société TRANSPORTS KESSLER aux dépens de première
instance ;
Considérant que cette dernière, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par la Société TRANSPORTS KESSLER, le dit mal fondé ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 10 novembre 2005, Condamne la Société TRANSPORTS KESSLER à payer à la Société ALLO FRET la somme complémentaire de 800 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la Société TRANSPORTS KESSLER à payer à la Société ATAC la somme complémentaire de 800 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la Société TRANSPORTS KESSLER aux dépens d'appel, et autorise la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD, et la SCP DEBRAY-CHEMIN, Sociétés d'Avoués, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Monsieur Denis COUPIN, conseiller et signé par Monsieur Denis COUPIN, conseiller et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ,