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17/03/2006 | FRANCE | N°03/4086

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 mars 2006, 03/4086


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 57B 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 17 MARS 2006 R. G. No 04 / 08327 AFFAIRE :

Fanny Lucienne Marie X... épouse Y... C / S. A. CABINET Z... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 1 No Section : B No RG : 03 / 4086 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP DEBRAY CHEMIN SCP FIEVET LAFONREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant d

ans l'affaire entre : Madame Fanny Lucienne Marie X... épouse Y...
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COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 57B 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 17 MARS 2006 R. G. No 04 / 08327 AFFAIRE :

Fanny Lucienne Marie X... épouse Y... C / S. A. CABINET Z... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 1 No Section : B No RG : 03 / 4086 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP DEBRAY CHEMIN SCP FIEVET LAFONREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame Fanny Lucienne Marie X... épouse Y...
... représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués-N du dossier 04949 plaidant par Me LOMBARD, avocat au barreau de PARIS APPELANTE [****************] S. A. CABINET Z...
... prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-N du dossier 241184 plaidant par Me Véronique Z..., avocat au barreau de NANTERRE INTIMEE [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Février 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. REGIMBEAU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,

Madame Marie-Claude CALOT, conseiller, Greffier, lors des débats :

Madame Marie-Claire THEODOSE,

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme Y..., propriétaire d'un appartement sis 22 bis rue du Général Leclerc à BOIS COLOMBES (92), a donné mandat à la société CABINET Z... de le mettre en location, sans gestion, par acte du 10 décembre 1997.

La locataire trouvée par la société CABINET Z..., Mme A..., s'est montrée défaillante, et une procédure d'expulsion a dû être diligentée.

Mme Y... estimant que la société CABINET Z... avait manqué à ses obligations professionnelles, s'est adressée à justice.

Mme Y... a interjeté appel du jugement rendu le 10 septembre 2004 par le tribunal de grande instance de NANTERRE, qui, sur son assignation tendant à voir pour l'essentiel, condamner la société CABINET Z... à lui payer 20. 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé sa carence à lui procurer un locataire fiable, a :

- débouté Mme Y... de toutes ses demandes,- rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la société CABINET Z...,- condamné Mme Y... à payer à la société CABINET Z... 1. 295 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens.

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Mme Y..., qui conclut à l'infirmation du jugement, prie la cour de :- condamner la société CABINET Z... à lui payer 20. 000 euros de dommages-intérêts en application de l'article 1147 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, outre 2. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- débouter la société CABINET Z... de sa demande reconventionnelle, et le condamner aux dépens.

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La société CABINET Z..., qui conclut à la confirmation partielle du jugement déféré, demande à la cour de :- vu l'article 1147 du code civil,

- le recevoir en son appel incident,- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts,- vu l'article 1382 du code civil,- condamner Mme Y... à lui payer 7. 500 euros de dommages-intérêts, 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION-SUR LA FAUTE DE LA SOCIETE CABINET Z...

Considérant que Mme Y... fait valoir que :- à la suite d'une procédure d'expulsion, Mme A... a quitté les lieux le 8 août 2002 laissant une dette de loyers et charges de plus de 15. 000 euros, que la situation de la débitrice ne lui permettra pas d'acquitter,- la société CABINET Z... avait connaissance des difficultés de Mme A..., et il ne l'en a pas informée,- le droit fondamental de la personne au logement et l'interdiction de pratiques discriminatoires à l'occasion de sa mise en oeuvre, ne sont pas exempts de limites, et n'exonèrent pas l'agence de son devoir de conseil, le bailleur devant seul apprécier si elle devait ou non accepter le candidat à la location en fonction des données réunies par son mandataire ;

Considérant que la société CABINET Z... réplique que :- elle justifie de la collecte de renseignements et pièces,- s'il est exact qu'elle avait dû poursuivre l'expulsion de Mme A... d'un autre logement pour le compte d'un autre mandant, cette action remontait à 5 ans auparavant, que la situation de cette personne s'était améliorée depuis, que ses justificatifs montraient sa solvabilité, et qu'elle avait donc surmonté ses difficultés,- tenir compte de cet élément, reviendrait à interdire aux personnes dans cette situation de trouver un logement, tout bailleur se refusant alors à louer,- durant deux ans soit les 2 / 3 de la durée du bail, les loyers ont été régulièrement payés,- elle ne peut pas être responsable de la dégradation par la suite de la situation de la locataire pour des raison médicales et financières,- le jugement d'expulsion de 2001 au profit de Mme Y..., a reconnu la bonne foi de la locataire en lui accordant des délais de payement,- le risque d'impayé est inhérent au contrat de bail, et elle n'est pas tenue des dommages qui ne pouvaient pas être prévus lors de la conclusion du bail, conformément aux dispositions de l'article 1150 du code civil, les difficultés de Mme A..., des dépenses de santé lourdes, ne pouvant pas être prévues,- Mme Y... ne rapporte pas la preuve d'un lien entre sa faute et le préjudice, conformément à l'article 1151 du code civil, le préjudice subi en l'espèce trouvant sa source dans les difficultés personnelles de Mme A..., et non dans son abstention,- le préjudice n'est pas certain, Mme Y... ne démontrant pas qu'elle n'aurait pas signé le bail si elle avait eu connaissance des précédentes difficultés de Mme A...,

Considérant que le mandataire, chargé de rechercher un locataire pour le compte de son mandat, doit, conformément aux règles générales du mandat, y apporter tous les soins d'un bon père de famille, c'est à dire sélectionner les locataires avec la plus grande prudence, en recherchant notamment mais pas seulement, des garanties de solvabilité et de sérieux ;

Qu'en l'occurrence, la société CABINET Z..., agent immobilier, a conduit Mme Y... à signer un bail avec Mme A..., qu'elle lui avait présenté, le 24 mars 1998 ;

Que dès le mois de novembre 1999, mais aussi au mois d'août 2000, Mme A... a commencé à connaître des difficultés de payement, ainsi qu'en témoignent deux demandes de report de mise à l'encaissement versées aux débats, que la société CABINET Z... ayant fait délivrer un commandement le 17 octobre 2000, a obtenu le 3 mai 2001 un jugement ordonnant l'expulsion et condamnant Mme A... à payer 51. 095, 77 francs au titre de l'arriéré, que loin de quitter les lieux Mme A... saisissait le juge de l'exécution pour obtenir des délais sans toutefois même payer le loyer courant malgré des ressources non révélées mais justifiant un impôt sur le revenu de 2. 512, 97 euros, ainsi que le relève ce magistrat dans sa décision de rejet du 11 avril 2002, la dette de loyers continuant à grossir ;

Considérant que la société CABINET Z... ne conteste pas le fait qu'il est à l'origine, en la même qualité de mandataire, mais d'un autre bailleur, de l'expulsion de Mme A... d'un autre logement, suivant jugement du tribunal d'instance de COLOMBES du 16 janvier 1996 qui mentionne que Mme A... avait déclaré ne pas avoir pu respecter deux protocoles d'accord successifs ;

Que Mme A... était donc manifestement un locataire qui entendait se maintenir dans les lieux sans payer, et contraindre dans cette situation le bailleur à une procédure d'expulsion longue et onéreuse ;

Que compte tenu des délais ordinaires d'expulsion, il y a lieu d'en déduire que la société CABINET Z... a présenté Mme A... à Mme Y... pour la location, alors que la précédente procédure s'achevait ;

Qu'il convient de juger que la proposition par le mandataire au bailleur d'un tel locataire, compte tenu de ce qu'il ne conteste pas être à l'origine de la précédente procédure et donc qu'il la connaissait, constitue une faute certaine au regard de son obligation de prudence et de sélection ;

Que ni le droit au logement, dont seul l'Etat ou ses émanations, sont débiteurs et non pas le bailleur, ni le principe de non discrimination qui ne s'étend pas à la sélection des mauvais payeurs, ne sauraient exonérer le mandataire de sa responsabilité ;

Qu'enfin dans ce contexte précis, la défaillance de Mme A... n'était pas imprévisible, même si ses ennuis de santé l'étaient ;

Qu'il sera donc retenu à la charge de la société CABINET Z... une faute certaine engageant sa responsabilité ;

- SUR LE PREJUDICE SUBI PAR Mme Y...

Considérant que la société CABINET Z... expose qu'il n'est pas garant de la solvabilité des locataires, qu'il n'était tenu que d'une obligation de moyens, que le risque d'impayé est inhérent à la location, et que Mme Y... doit donc être déboutée de sa demande en payement ;

Considérant que malgré la contestation de la société CABINET Z..., l'imprudence qu'elle a commise en présentant Mme A... pour la location, est directement à l'origine du préjudice subi par Mme Y..., qui a ainsi perdu une chance de trouver un locataire sérieux, ce qui n'était pas le cas de celle-là ;

Qu'en effet, le risque d'impayé étant inhérent à l'activité de

location, et le mandataire n'étant ni garant ni tenu d'une obligation de résultat, ainsi que le fait justement plaider la société CABINET Z..., elle ne saurait être tenue de l'intégralité du préjudice subi par Mme Y..., mais seulement au titre d'une perte de chance ;

Qu'il y a lieu de prendre en compte que le recours à un mandataire professionnel a pour but de minorer les risques d'impayés ;

Que le montant de ce préjudice soit 17. 437 euros ne faisant l'objet d'aucune contestation ;

Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer à la somme de 14. 000 euros le montant de l'indemnisation que la société CABINET Z... devra verser à Mme Y... ;-

- SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS DE LA SOCIETE CABINET Z...

Considérant

Considérant que Mme Y... prospère dans ses prétentions, que son action ne saurait donc être jugée abusive ;

Que cette demande sera donc rejetée ;

- SUR LA DEMANDE AU TITRE DES FRAIS IRREPETIBLES

Considérant que compte tenu de l'équité il y a lieu d'allouer à Mme Y... la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- SUR LES DEPENS

Considérant que la société CABINET Z... qui succombe doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations contre Mme Y... et l'a déboutée de toutes ses demandes, et statuant à nouveau,

Dit que la société CABINET Z... a commis une faute en présentant Mme A... à Mme Y... pour la location de son bien, faute qui a fait perdre à celle-ci une chance de mieux le louer,

Condamne la société CABINET Z... à payer à la société CABINET Z... la somme de 14. 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de ce fait, et 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société CABINET Z... aux dépens d'appel,

Dit que ces dépens pourront être recouvrés par la SCP DEBRAY CHEMIN, avoué de Mme Y..., pour la part la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame THEODOSE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 03/4086
Date de la décision : 17/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Jugement par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-17;03.4086 ?
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