COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 61B 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 17 MARS 2006 R.G. No 04/08435
AFFAIRE : S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE C/ Michel X... ... Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 08 Octobre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : 1 No Section : B No RG : 01/4733
Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP KEIME GUTTIN JARRY SCP BOITEAU PEDROLETTI SCP DEBRAY-CHEMINREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE 100, route de Versailles 78163 MARLY LE ROI CEDEX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 041036 plaidant par Me ROBERT, avocat au barreau de PARIS (J.031) APPELANTE [****************] 1/ Monsieur Michel X..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, Candice Maria Madeleine X... 2/ Madame Maria Béatriz MEIRELES Y... épouse X... 3/ Monsieur Stéfan Joseph X... 4/ Monsieur Mickael Fabien X... 1 bis rue des Groseilliers 95510 LARDY représentés par la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoués - N du dossier 0016153 plaidant par Me Gisèle MOR, avocat au barreau de PONTOISE INTIMES 5/ SNCF, prise en sa qualité de gestionnaire du régime obligatoire de sécurité sociale des agents de chemin de fer 17
avenue du Général Leclerc 13347 MARSEILLE CEDEX 20 6/ SNCF, prise en sa qualité d'employeur de Michel X... 34 rue du Commandant René Mouchotte 75014 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - N du dossier 041078 plaidant par Me LEPOUTRE de la SCP BIST, avocat au barreau de de sécurité sociale, et d'autre part, comme employeur de Michel X..., - déclaré la société laboratoire GLAXOSMITHKLINE entièrement responsable des conséquences dommageables des manifestations de sclérose en plaques subies par M. Michel X... dans les suites de sa vaccination contre l'hépatite B par le vaccin Engérix B dans une première série de trois injections des 18 mai, 18 juin et 23 juillet 1993, avec injection de rappel le 3 juin 1994, - fixé le préjudice corporel consécutif de Michel X... à la somme de 402.199,72 euros pour la part soumise au recours de la sécurité sociale et à 49.675 euros pour la part personnelle, - condamné en réparation la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE à payer à M. Michel
X... la somme globale de 338.332,89 euros, déduction faite de la créance de l'organisme de sécurité sociale, - l'a condamnée à payer de plus à M. Michel X... en réparation de son préjudice matériel la somme de 2.500 euros, - condamné par ailleurs, la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE à payer pour indemnisation par ricochet à Mme Maria Beatriz X..., son épouse, les sommes de 35.000 euros et 17.550 euros à Stéfan X... et Mickaùl X..., ses fils majeurs, la somme de 11.500 euros chacun et à Michel X..., ès qualités de représentant légal de sa fille mineure Candice X..., la somme de 11.500 euros, - condamné encore la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE à payer à la SCNF comme organisme gestionnaire, la somme de 113.541,83 euros, et comme employeur la somme de 4.626,47 euros, ainsi que les dépenses futures afférentes aux mêmes causes sur présentation d'états y relatifs,y relatifs, - dit que chacune de ces condamnations produira
intérêts de droit à compter du jugement avec application des dispositions de l'article 1154 du code civil au profit de la SNCF, - ordonné l'exécution provisoire au profit de M. Michel X... pour moitié des sommes allouées au titre de son préjudice corporel, - rejeté toutes demandes plus amples on Michaùl X..., et à M. Michel X... es qualités d'administrateur des biens de sa fille mineure Candice, chacun la somme de 30.489,80 euros au titre de leur préjudice moral, ô
condamner le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Les consorts X... rétorquent que : - l'histoire technique du produit telle que dressée par les experts n'est que la reproduction "copier-coller" d'autres expertises, d'auteurs différents, historique établi sur les seuls dires du fabricant qui s'est toujours refusé à produire le moindre document technique et réglementaire permettant d'évaluer la toxicité de son
produit et plus largement sa défectuosité, - il est licite de soulever l'hypothèse du rôle de la vaccination dans le déclenchement d'une réponse immunitaire indésirable du type de la SEP, - selon les experts, la SEP dont est atteint M. X... est apparue en août 1993, soit dans les deux mois de la 3ème injection du vaccin hépatite B, - la vaccination contre l'hépatite B a pu constituer un facteur aggravant de la pathologie démyélinisante préexistante, - le moyen de nullité du jugement invoqué par le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE n'avait d'autre intérêt que d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire,- le moyen de nullité du jugement invoqué par le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE n'avait d'autre intérêt que d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire, - la Cour de Cassation a admis que la responsabilité du fabricant peut être recherchée "à la lumière de la directive communautaire au visa des articles 1147 et 1382 du code civil", - le produit est défectueux au sens de la directive communautaire comme n'offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et il appartient au demandeur de prouver le
défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage et non entre la vaccination et le dommage, - seul le fabricant détient les moyens de mettre en NANTERRE INTIMEES [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Février 2006 devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,
Madame Marie-Claude CALOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claire THEODOSE
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. Michel X..., né le 28 avril 1951, cadre administratif à la Direction des opérations financières à la SNCF, après avoir reçu des rappels vaccinatoires Antitétanique en 1982 et 1992, Polio en 1988, a reçu 3 injections d'Engerix B contre l'hépatite B, les 18 mai, 18 juin et 23 juillet 1993 avec un rappel le 3 juin 1994.
Les vaccins Engerix B, distribués par la société SMITHKLINE BEECHAM
nouvellement dénommée LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, lui ont été administrés dans un centre de soins, le dossier portant la mention "Allergie Peni".
M. X..., alors sportif accompli (haute montagne, marathon) et 1er clarinettiste dans un orchestre amateur, a connu au mois d'août 1993, une intense fatigue et des pertes d'équilibre, accompagnées pendant l'automne 1993, de paresthésies de la main gauche.
Au mois de décembre 1993, les troubles se sont aggravés en atteignant les membres inférieurs et les membres supérieurs.
Le 17 décembre 1993, le Docteur Z..., médecin de la SNCF, demandait l'avis du Docteur A..., médecin de la SNCF, attaché à un Centre
contraires, - condamné la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE à payer en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile aux consorts X... la somme de 12.500 euros et à la SNCF en sa double qualité la somme de 1.524,49 euros, - condamné la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE aux entiers dépens, comprenant les frais de référé et d'expertise.
Par arrêt en date du 14 janvier 2005, le délégataire du Premier Président de la Cour d'Appel de VERSAILLES a suspendu l'exécution provisoire du jugement querellé au motif que la décision était manifestement nulle, le jugement dont s'agit ayant été signé par un magistrat n'ayant participé ni aux débats ni au délibéré. [*****]
Appelante de cette décision, la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE par conclusions signifiées le 7 février 2006 demande de : ô
infirmer le jugement entrepris, ô
et statuant à nouveau, ô
à titre liminaire, ô
prononcer la nullité dudit jugement en application des articles 456 et 458 du nouveau code de procédure civile, ô
à titre principal, ô
débouter les consorts X... ainsi que la SNCF, tant en sa qualité de gestionnaire du régime obligatoire de sécurité sociale des agents de chemin de fer qu'en sa qualité
d'employeur de M. Michel X..., de l'ensemble de leurs demandes, ô
à titre subsidiaire, ô
ordonner un complément d'expertise confié au collège expertal précédemment désigné en vue de dire si la teneur et les conclusions de leur précédent rapport d'expertise doivent être précisées, complétées ou modifiées, notamment concernant les points 4 et 5 de la mission qui leur avait été confiée, à savoir : * sur la littérature médicale parue tant en France qu'à l'étranger relative aux oeuvre des recherches ou études permettant de faire la démonstration de la toxicité ou de l'innocuité de son produit, traduisant une inégalité des armes entre le fabricant et la victime, - le lien de causalité est suffisamment établi au regard des données épidémiologiques et de pharmacovigilance qui plaident en faveur de la démonstration du potentiel iatrogène des vaccins contre l'hépatite B et des risques inacceptables liés à une campagne de vaccination élargie, - la défectuosité du produit résulte de la distorsion entre le risque connu d'effet indésirable d'une particulière gravité et les
bénéfices escomptés pour le moins très hypothétiques chez un sujet qui n'était pas exposé au virus dont il était censé se protéger, - le produit, processus technico-réglementaire, n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, ainsi qu'il résulte du rapport du Docteur B..., spécialiste en pharmacovigilance : information délibérément trompeuse (modification des rubriques effets indésirables et précautions d'emploi en novembre 1995 non mentionnées dans la notice du patient), substance administrée potentiellement toxique (notice Vidal), le développement du produit était d'emblée défectueux, le fabricant a obtenu des aménagements d'autorisations incompatibles avec l'exigence de sécurité attendue d'un tel produit, le suivi du produit après commercialisation a été systématiquement défectueux par négligence des règles les plus élémentaires de la pharmacovigilance, - selon les autorités sanitaires, on ne peut écarter un risque faible, - l'évaluation scientifique du lien de causalité a été systématiquement défectueuse, - les causes exonératoires invoqués par l'appelant sont inopérantes, rappelant que les effets répertoriés par le RCP ne sont
pas repris dans la notice patient et que la vaccination de M. X... est antérieure à l'introduction dans le RCP de la notion de sclérose en plaques et qu'aucune évaluation sérieuse n'avait été faite à l'époque sur le" de rééducation fonctionnelle, en précisant que M. X..." se plaint depuis 3 ans de paresthésies de la main gauche, au niveau dorsal, de plusieurs doigts et du 5ème doigt avec irradiation cubitale vers l'épitrochlée :
hypoesthésie du 5ème doigt et du rebord interne du 4ème doigt. Pas de signe de Tiel . Diminution de la force musculaire constatée par l'agent.
Le Docteur A..., répondait à son confrère le 21 janvier 1994, que "M. X... présente des dysesthésies dans le territoire C8/D1 depuis 2 ans, sans conditions aggravantes retrouvées à l'interrogatoire et sans aucun traumatisme.
Cliniquement, mobilité cervicale normale, examen neurologique normal, petite diminution du pouls au-dessus de l'horizontale, l'EMG est
normal. Les radios ne montrent pas de rétrécissement des trous de conjugaison. Donc probablement compression C8/D1 dans traversée thorabrachiale pour laquelle je le prends en rééducation".
Le 15 avril 1994, le Docteur A... écrivait à son confère "que l'état de M. X... ne s'est pas amélioré par la rééducation. Il me décrit par ailleurs, des épisodes d'instabilité, des accrochages de la pointe du pied et de manque de dextérité de la main gauche. Je pense qu'il faut rechercher une pathologie neurologique et je demande l'avis du Professeur LAPLANE, spécialiste de neurologie".
Dans le courrier adressé le 15 avril 1994 au Professeur LAPLANE, le Docteur A... indiquait que M. X..., sportif, est venu le consulter pour des engourdissements du membre supérieur gauche, évoluant depuis 2 ans et demi, de topographie assez imprécise, mais plutôt face interne de l'avant-bras, tous les doigts avec une prédominance pour le 4ème. Il s'y associe un manque de dextérité en particulier pour
jouer de la clarinette. Par ailleurs, le patient a noté surtout depuis septembre, des pertes d'équilibre à la marche, avec un accrochage de la pointe du pied, qui s'accentue avec rapprochements signalés entre l'apparition de la maladie dont est atteint M. X... et les vaccins contre l'hépatite B, [* sur l'existence ou non d'un lien de causalité certain entre la survenue de la pathologie dont souffre M. X... et l'administration des vaccins en cause compte tenu notamment : *] de l'évolution des recherches et des connaissances scientifiques depuis le dépôt de leur précédent rapport, [* des pièces produites aux débats, dont ils n'avaient pas connaissance lors des précédentes opérations d'expertise, *] dire si la si la teneur et les conclusions de leur précédent rapport d'expertise doivent être précisées, complétées ou modifiées concernant l'évaluation du préjudice subi par M. X..., ô
en tout état de cause, ô
condamner les consorts X... au paiement
de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE objecte que : - le jugement entrepris a été rendu au mépris des conclusions du collège d'experts judiciaires, contredit la jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation (1ère Civ. 23 septembre 2003) qui indique que le défaut du vaccin et le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la maladie ne peuvent être établis, - le jugement entrepris est contraire à l'état de la science le plus récent et a été pris en violation des règles de la charge de la preuve et des principes essentiels applicables au droit de la responsabilité du fait des produits tels que reconnus par la Cour de Cassation, - M. X... est particulièrement mal venu à critiquer le caractère nécessaire et bénéfique de la vaccination contre l'hépatite B, au regard du taux de prévalence du portage de l'antigène HBs, - le mécanisme de déclenchement de la SEP est selon les conclusions du rapport
bénéfice /risque positif", - la directive européenne ne prévoyait pas l'exonération au titre de l'état de connaissance scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation, - la seule date cohérente est celle à laquelle le médicament a été mis à disposition du consommateur, - il a été admis s'agissant de médicament, que le défaut pouvait résulter d'une défaillance dans l'obligation d'information (Cass. 5 avril 2005), - le principe de précaution prohibe toute action qui crée un risque de dommage grave et irréversible pour l'homme, - l'atteinte au principe de précaution ne saurait trouver aucune justification dans une politique de santé publique tendant à lutter contre l'hépatite B, alors qu'il est démontré que la FRANCE se situe dans une zone de faible endémie, qu'aucune évaluation sérieuse de l'épidémiologie de l'hépatite et de la portée d'une campagne telle que celle qui a conduit à la vaccination de la concluante et de plus de la moitié de la population française n'a été faite, - la causalité suffisante retenue par le tribunal résulte d'un raisonnement par présomptions de l'homme, - la défectuosité du produit doit entraîner de facto une présomption d'imputabilité, étant précisé que l'excès de risque iatrogène est une défectuosité, notamment pour un produit à visée préventive et
l'exposition même découle des défectuosités patentes de l'information, - en matière de iatrogénie médicamenteuse, la certitude n'existe pas et la preuve de la causalité repose sur le fabricant qui détient les moyens de la démonstration de la causalité, - il appartient au juge de faire preuve de créativité juridique pour rétablir l'équilibre entre les parties, - aucune des données scientifiques avancées par le fabricant n'exclut avec certitude le rôle causal de la vaccination, - exiger une démonstration certaine viderait de tout sens la directive communautaire et la loi du 5 mai 1998, - il est manifeste au regard de la chronologie, que la 4ème l'activité sportive. Il a de plus quelques difficultés à contrôler sa miction... Déséquilibre à la marche les yeux fermés. EMG du membre supérieur normal.
Le 17 mai 1994, le Professeur LAPLANE informait son confrère dans les termes suivants : "les paresthésies de M. C..., ses troubles de la marche et de l'équilibre, ses impatiences urinaires et la perte de dextérité de la main gauche sont évocateurs de SEP. Ce diagnostic semble confirmé par
l'IRM. Je fais faire à cet agent un flash de Solumedrol".
M. X... subissait un examen neuroradiologique au Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-vingts, rappelant que M. X... a des paresthésies de maladresse de la main gauche associées à une discrète gêne à la marche. Nystagmus sur l'oeil en abduction.
Le compte-rendu d'examen daté du 27 juin 1994 indiquait la présence de multiples zones d'anomalies de signal visibles sous la forme d'hypersignal en T2, hyposignal en T1 sus et sous tendoriel compatibles avec une affection inflammatoire démyélinisante du système nerveux central sans préjuger de son caractère primitif ou secondaire.
Le 29 juin suivant, M. X... était hospitalisé à la Pitié la Salpétrière pour recevoir les flashes de Solumedrol.
Le compte-rendu d'hospitalisation indique quant à l'histoire de la maladie : - 1989 : épisodes de flou visuel de l'oeil gauche apparaissant à l'effort ayant spontanément régressé au bout d'un mois
- octobre 1991 : paresthésies de la main gauche avec là encore régression spontanée en 3 mois. - 1992 : quelques paresthésies intermittentes de la main gauche - 1993 : sensation fluctuante de démarche ébrieuse - 1994 : troubles sphinctériens à type de mictions impérieuses, réapparition de paresthésies de la main gauche L'examen d'expertise judiciaire, un phénomène très complexe sur le plan physiopathologique qui ne peut se réduire à un agent causal unique, - les experts judiciaires ont précisé qu'au regard des études publiées et dont ils ont pris connaissance, la preuve d'un lien de causalité ne pouvait être faite à la mi-2000 et ont ajouté qu'au vu du très grand nombre de vaccinations réalisées (plus de 20 millions de vaccinés), on aurait dû assister à une explosion de l'incidence de la SEP, ce qui n'a nullement été le cas, - le collège expertal a conclu qu'il n'est pas possible à l'heure actuelle de conclure à un lien de causalité certain entre l'administration du vaccin Engerix B et la survenue d'une SEP, - les études publiées depuis le dépôt du rapport sont venues confirmer dans leur ensemble les conclusions des experts selon lesquelles, il n'existe aucun lien de causalité établi entre
l'administration du vaccin Engerix B et la survenue d'une SEP, - l'apparition des troubles de M. X... est antérieure à sa vaccination (premières paresthésies et engourdissements au niveau du membre supérieur gauche trois années auparavant), - aucun rôle éventuellement aggravant de la vaccination contre l'hépatite B dans la SEP n'est établi, - en l'absence de lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la SEP, le tribunal de grande instance de NANTERRE ne pouvait retenir la responsabilité du LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, - la notion de causalité suffisante ne peut être retenue, - les conditions légales de mise en cause de la responsabilité du LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE ne sont pas remplies, à défaut de caractériser l'existence d'un défaut, - M. X... est en défaut de justifier l'évaluation faite par lui du quantum du préjudice qui aurait résulté du rôle prétendument aggravant de la vaccination contre l'hépatite B, - l'admission de la preuve du lien de causalité par présomptions (art. 1353 du code civil) suppose la réunion d'une triple condition, ce qui n'est pas possible en
injection a considérablement aggravé l'état de M. D..., que son état est sans rapport avec son état antérieur et que la vaccination a été à tout le moins le facteur déclenchant ou aggravant de l'état antérieur, - la multiplicité des complications rapportées est un indicateur fort de défectuosité et du potentiel iatrogène des vaccins contre l'hépatite B, conduisant à la mention en 1995 au titre des effets indésirables et précautions d'emploi, de la SEP, - la stratégie vaccinale a été modifiée en octobre 1998 par le Secrétariat d'Etat à la Santé, - l'Etat indemnise les sujets vaccinés en raison d'une obligation professionnelle, ce qui conduit à une inégalité et une iniquité flagrante (art L 3111-9 du CSP), - les études françaises mettent en évidence une élévation du risque de survenue de maladies neurologiques après administration du vaccin contre l'hépatite B et les études étrangères ne remettent pas en cause ces conclusions (étude E... et E... et étude F...), -les statistiques de la CNAM
confirment une augmentation anormale des pathologies type auto-immunes en corrélation étroite avec la campagne de vaccination contre l'hépatite B menée en FRANCE, - l'appelant qui s'érige en expert n'est pas crédible, - l'expertise amiable du Docteur B..., conseil en pharmacovigilance et en pharmacoépidémiologie, expert auprès de la Cour d'Appel de VERSAILLES, a un caractère probant, dont l'avis fait autorité dans le domaine du médicament. [*****]
La SNCF tant en sa qualité de gestionnaire du régime obligatoire de sécurité sociale des agents de chemin de fer qu'en sa qualité d'employeur de M. Michel X..., par conclusions signifiées le 21 décembre 2005, intimée, demande de : ô
en cas d'annulation du jugement, statuer sur l'entier litige en vertu des articles 461 et 462 du nouveau code de procédure civile, ô
confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de la créance de la SNCF, ô
clinique indique : "très discret syndrome cérébelleux statique avec demi-tour instable, difficulté à marcher sur une ligne droite, pas d'élargissement net du polygone de sustentation. Discrets troubles proprioceptifs du membre supérieur gauche avec erreur à la préhension aveugle du pouce. Conclusion : probable maladie multiloculaire".
En septembre 2004, M. X... présente une atteinte motrice sévère et une perte d'autonomie notable, des difficultés mictionnelles et des difficultés au niveau de la parole justifiant une prise en charge orthophonique.
Le 7 septembre 1994, le Professeur LAPLANE indiquait que le traitement par flashes avait peut être entraîné une légère amélioration de M. X... .
Le 7 décembre 1994, l'état de M. X... selon le Professeur LAPLANE, est stationnaire, il garde des séquelles discrètes mais certaines, sous forme de paresthésies de la main gauche, de déséquilibre surtout subjectif, d'impatiences urinaires.
En mars 1995, M. X... était hospitalisé dans le service de neurologie de la Pitié la Salpétrière pour 3 flashes de Solumédrol.
Le compte rendu du 10 avril 1995 indique : "il existe une évolution
rémittente depuis 1989 et rémittente progressive depuis 1993. Le patient a couru son dernier marathon en décembre 1993.Depuis 3 mois, le patient se plaint d'une aggravation de ses troubles de l'équilibre et de la marche avec fatigabilité importante, réduction du périmètre de marche. Il existe également des mictions impérieuses et 2 épisodes d'incontinence fécale. Mention de la vaccination contre l'hépatite B. La marche est ataxique et légèrement spastique, il n'y a pas de signe de Romberg véritable mais un déséquibre après la fermeture des yeux. Syndrome pyramidal des 2 membres inférieurs. Syndrome cérebelleux cinétique du membre supérieur gauche et à un moindre degré du membre supérieur droit. Paresthésie dans le bras gauche. Nystagmus l'espèce, - la seule concomitance chronologique entre le fait imputé au défendeur et le dommage ne suffit pas à établir la causalité, - selon l'avis donné en mai 2002 par la commission nationale de pharmacovigilance, les données de pharmaco-épidémiologie ne permettent pas à ce jour à ce jour de conclure à l'existence d'un risque, - le communiqué de l'Afssaps du 14 novembre 2002 et celui de septembre 2004 rappellent que ni isolément ni dans leur ensemble, ces
études épidémiologiques ne permettent aujourd'hui de conclure à la responsabilité du vaccin, - les insinuations des intimés quant à une collusion des autorités sanitaires avec l'industrie pharmaceutique ne sont étayées par aucun élément de fait, ni de manière générale, ni plus particulièrement s'agissant du LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE et/ou du vaccin Engérix B, - les conclusions de dernières études scientifiques confirment l'absence de lien de causalité démontré entre la vaccination contre l'hépatite B et la SEP, - les résultats de la seule étude F..., dont la faiblesse et les biais ont été relevés, vont à l'encontre de toutes les études publiées depuis plusieurs années, - les experts judiciaires désignés dans d'autres affaires ont conclu à l'absence de lien causal entre le vaccin contre l'hépatite B et la SEP, - les écrits d'un médecin isolé et dépourvu d'objectivité, en l'espèce le Docteur Marc B..., sont impuissants à discréditer le travail des experts judiciaires, - les effets indésirables rapportés dans la notice du vaccin Engérix B au dictionnaire Vidal 1994 ne sont pas de nature à établir un quelconque lien de causalité entre la
pathologie et la vaccination et répondent au principe de précaution, - les indemnisations accordées par l'Etat dans des cas de vaccination obligatoire ne peuvent constituer une reconnaissance de lien de causalité entre la maladie et la vaccination, - il est impossible dans le cas de M. G... d'exclure toutes les causes pouvant être à l'origine de l'évolution de sa condamner la société GLAXOSMITHKLINE à lui payer les somme de 201.764,10 euros en sa qualité de gestionnaire du régime obligatoire de sécurité sociale des agents de chemin de fer et celle de 29.754,43 euros en sa qualité d'employeur de M. Michel X..., ô
dire que ces sommes portant intérêts à compter du jour où ces frais ont été acquittés par la SNCF et capitalisés sur le fondement de l'article 1154 du code civil, ô
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GLAXOSMITHKLINE à assurer le règlement à la SNCF, sur présentation des relevés de prestations, les dépenses futures afférentes aux mêmes causes et dire qu'il en sera de même après l'arrêt à intervenir, ô
condamner la société GLAXOSMITHKLINE au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. La SNCF fait observer que : - les études scientifiques ne permettent pas de retenir, ni d'exclure le lien de causalité entre la vaccination d'une part et l'évolution d'une SEP, - la Cour de Cassation depuis son arrêt du 5 avril 2005, exerce son contrôle sur la défectuosité du produit au regard de la gravité des effets nocifs constatés en tenant compte des circonstances, de la présentation du produit et de l'usage que le public peut raisonnablement en attendre, - la dangerosité est notamment établie lors de l'apparition simultanée de troublantes affections avec la prise du médicament ou l'injection du vaccin, comme en l'espèce, étant rappelé que la modification par la commission de pharmacovigilance du résumé des caractéristiques du produit (RCP) apparue au Vidal en 1995, laisse apparaître que toute stimulation immunitaire comporte un risque d'induire une poussée chez les patients atteints de SEP, - il ressort des observations des experts que la vaccination contre l'hépatite B a pu constituer chez M. X... un facteur
aggravant, - la théorie de horizontaux rotatoires dans le regard latéral gauche. Nous conseillons au patient d'éviter le prochain rappel dans 5 ans du VHB".
Le 17 mai 1995, le Professeur LAPLANE écrit que la SEP de M. X... est évolutive. Pour cette raison, il a été décidé de lui faire une série de flashes cortisoniques mensuels pendant 6 mois.
M. X... qui a subi de nombreuses hospitalisations et dont l'état s'est considérablement aggravé (altération de la fonction de la marche lui imposant une aide permanente ainsi qu'un fauteuil roulant), est aujourd'hui totalement dépendant de son entourage pour les gestes élémentaires de la vie courante, ainsi qu'il résulte du certificat médical établi par le Docteur Daniel H... le 28 septembre 2005 et du compte-rendu de consultation du 9 janvier 2006. M. X... sera pensionné fin avril 2006 (55 ans). [****]
Par ordonnance en date du 2 juillet 1999, le Président du tribunal de grande instance de NANTERRE ordonnait une expertise et désignait en qualité d'experts les Professeur KERNBAUM et SEIZILLES de MAZANCOURT et le Docteur I..., lesquels ont accompli leur mission le 18 février et déposé leur rapport le 30 mai 2000, dont les conclusions sont mentionnées pour partie dans les observations des parties. [*****] Le 24 novembre 2004, la SAS LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, a relevé appel du jugement contradictoire rendu le 8 octobre 2004 par le tribunal de grande instance de NANTERRE qui, statuant sur les demandes des consorts X..., en ouverture du rapport d'expertise, a : - pris acte du changement de dénomination de la société SMITHKLINE BEECHAM devenue laboratoire GLAXOSMITHKLINE, - dit la SNCF recevable en ses interventions à la procédure, d'une part, aux lieu et place de la Caisse de Prévoyance SNCF comme organisme gestionnaire
maladie, tous les facteurs déclenchants de la SEP n'étant pas connus, - il ne peut être soutenu que l'administration sanitaire reconnaisse un effet iatrogène du vaccin, - le communiqué du Secrétariat d'Etat à la Santé en octobre 1998 montre que la modification de la politique de vaccination ne trouve pas son origine dans un éventuel risque lié à la vaccination contre l'hépatite B mais dans un réévaluation des données épidémiologiques relatives à l'hépatite B, - l'augmentation des cas déclarés d'affections de longue durée (ALD) s'explique par la mise sur le marché de nouveaux traitements, - le rôle précipitant de la vaccination alléguée par M. X... sur sa SEP n'est pas établi, - le virus de l'hépatite B n'est pas retenu dans la liste des agents infectieux suspectés de jouer un rôle dans la genèse de la SEP (étude du Professeur Confavreux publiée en 2001), - les conditions de mise en jeu de la responsabilité du LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE ne sont pas réunis, au titre du fait des produits défectueux résultant de la loi du 19 mai 1998 transposant la directive européenne du 25 juillet 1985 : aucun défaut du produit n'est établi et un défaut de sécurité ne saurait être présumé, - la recherche d'un défaut dans le processus technico-réglementaire relève de la compétence des juridictions administratives et est inopérante à
caractériser un défaut du produit, - la notice du vaccin Engerix B fait mention d'un effet indésirable rapporté mais non démontré d'une SEP et constitue une information adéquate, - aucun défaut d'information et aucun défaut de sécurité du vaccin ne peut être relevé contre le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, - le rôle de la sensibilité particulière d'un patient dans l'appréciation du défaut doit être pris en considération, de même que le rapport bénéfice-risque du vaccin par la collectivité et le moment de mise en circulation du produit, - l'autorisation initiale de mise sur le marché est de 1988 et a été renouvelée régulièrement, la dernière AMM datant de décembre 2004, - l'équivalence des conditions est pertinente et la preuve par présomptions graves, précises et concordantes est admissible, - l'étude du Docteur Miguel F... et de ses collègues, menée au ROYAUME-UNI, publiée en septembre 2004, a mis en évidence un lien statistique entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une SEP, - l'apparition ou l'aggravation d'une affection neurologique grave ne peuvent être assimilées à de simples
effets secondaires, mais constitue un défaut avéré du produit qui implique la responsabilité du fabricant.
[*****]
L'instruction a été déclarée close le 9 février 2006.
Vu les conclusions de rejet des débats des consorts D... signifiées le 10 février 2006 demandant d'écarter des débats les conclusions de l'appelante du 7 février 2006.
Vu les conclusions en réponse de la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE signifiées le 13 février 2006 demandant d'écarter cette prétention du fait que ces conclusions ne comportent aucun moyen nouveau ni aucune demande nouvelle.
MOTIFS DE LA DECISION - SUR LA DEMANDE DE REJET DES DEBATS DES CONCLUSIONS TARDIVES DE LA SOCIETE LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE (GSK) Que cette demande sera écartée, dès lors que les dernières conclusions de la société GSK ne comportent aucun moyen nouveau ni aucune demande nouvelle ; - SUR LA DEMANDE DE NULLITE DU JUGEMENT ENTREPRIS
Considérant que le jugement entrepris doit être annulé en application des dispositions des articles 456 et 458 du nouveau code de procédure le suivi du vaccin Engerix B et sa pharmacovigilance ont été parfaitement assurés par le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE. [*****]
M. Michel X..., pris tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal de sa fille mineure, Candice X..., née le 29 décembre 1994, Mme Maria Beatriz MEIRELES Y... épouse X..., M. Stefan X..., M. Mickaùl X..., intimés, par conclusions signifiées le 17 janvier 2006 demandent au visa de la directive CEE du 25 juillet 1985, des articles 1147 et 1382 du code civil de : ô
confirmer le jugement déféré sur le principe de responsabilité et au titre des frais irrépétibles, ô
infirmer le jugement déféré sur l'évaluation des préjudices, ô
statuant à nouveau, ô
condamner le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE,
* au titre des préjudices économiques en sus de la créance de la SNCF : - ITT, perte de revenus : 6.200 euros, perte des activités personnelles : 15.000 euros - IPP 66 % ; 228.673,53 euros - tierce personne : 180.486,53 euros
* au titre des préjudices à caractère personnel : - pretium doloris 4/7 : 45.734,71 euros - préjudice esthétique 3/7 : 30.489,80 euros - préjudice d'agrément : 60.979,61 euros
* au titre des préjudices matériels : 2.500 euros sauf à parfaire ô
constater que l'état de M. X... s'est aggravé depuis l'expertise judiciaire, ô
avant-dire droit sur l'évaluation des conséquences de cette aggravation, ô
ordonner une expertise médicale, ô
condamner le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE à payer à Mme X... au titre de son préjudice économique la somme de 93.371,97 euros et au titre de son préjudice moral, la somme de 30.489,80 euros, ô
condamner le LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE à payer à Stefan
X..., à civile, en ce que le magistrat signataire de la décision, n'ayant présidé ni aux débats ni au délibéré, n'était pas qualifié pour ce faire ; - SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, FABRICANT DU VACCIN Engerix B
Vu les articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE no85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, alors non encore transposée en droit interne.
Considérant que les dispositions de la directive du 25 juillet 1985 ont une application directe, faute par la France de ne pas avoir pris avant le 31 juillet 1988, les mesures de droit interne prescrites ;
Que les dispositions de la directive s'appliquent bien en l'espèce aux vaccins litigieux, produits mis en circulation après le 31 juillet 1988, étant rappelé que M. X... a reçu 3 injections de vaccination contre l'hépatite B, les 18 mai,
18 juin et 23 juillet 1993 avec un rappel le 3 juin 1994 ;
Considérant que les consorts X... recherchent la responsabilité du laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham, devenu la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, fabricant du vaccin litigieux, sur le fondement de l'article 1er de la directive européenne du 25 juillet 1985, établissant une responsabilité de plein droit du producteur du chef de la défectuosité du produit, en alléguant l'imputabilité du dommage subi par Michel X..., à savoir une sclérose en plaques (SEP) décelée en mai 1994, au produit administré, le vaccin Engerix B, du fait d'un défaut ;
Considérant que la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ;
Qu'en l'espèce, l'imputabilité du dommage au vaccin étant discuté, l'existence du défaut invoqué ne peut faire l'objet d'un examen préalable ;
Considérant en l'espèce, qu'il appartient aux consorts X... pour mettre en cause la responsabilité du distributeur du vaccin, d'établir un lien de causalité direct et certain entre l'injection du vaccin et la pathologie de sclérose en plaques dont souffre Michel X... ; SUR LE LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE LA VACCINATION ET LA PATHOLOGIE DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES * Sur la preuve d'un lien de causalité direct et certain
Considérant que les modes de preuve s'agissant du lien de causalité entre un acte médical et une pathologie, résultent de la littérature médicale, des études épidémiologiques et des rapports d'expertises ; Qu'en l'espèce, la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques ne peut être établie au regard des données acquises et actuelles de la science, publiées et validées par la communauté scientifique ;
Qu'en effet, le lien de causalité ne peut être établi à ce jour, compte tenu de l'état d'avancement des recherches scientifiques en la matière, ainsi que le rapportent les experts judiciaires ;
Que par ailleurs, il est impossible d'apporter la preuve de l'absence
d'une association causale s'agissant d'une preuve négative ;
Que le réexamen des données, à la lumière des études épidémiologiques récentes, ne permet pas de conclure à l'existence d'une association entre la vaccination entre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes ;
Qu'en effet, la Commission nationale de Pharmaco-vigilance, après avoir pris connaissance du bilan actualisé des notifications spontanées d'atteintes démyélinisantes centrales et phériphériques survenues au décours d'une vaccination contre l'hépatite B, des résultats récemment publiés d'une étude cas-témoins menée chez des patients du Royaume-Uni (étude F... et coll. publiée en 2004), a conclu le 21 septembre 2004, que cette étude récemment publiée apporte des éléments en faveur de l'existence d'une association entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de SEP chez l'adulte, que la prise en compte de l'ensemble des données disponibles ne permet pas de conclure à l'existence de cette association. Cependant, un risque faible ne peut être exclu chez l'adulte et ces conclusions doivent être considérées au regard
du bénéfice attendu de la vaccination contre l'hépatite B ;
Que de même, la réunion de consensus qui s'était tenue en septembre 2003 sur la vaccination contre le virus de l'hépatite B, en partenariat ave l'Afssaps, exprimait l'idée sous forme de recommandations, que" les données à base de séries de cas et d'observations à partir du système de pharmaco-vigilance ont généré une alerte, mais que ces données n'ont cependant pas de valeur suffisante pour évaluer la causalité d'une relation, que les études épidémiologiques publiées et de qualité méthodologique fiable n'ont pas montré d'association convaincante, mais ne permettent pas d'exclure formellement une association de faible ampleur" ;
Que l'analyse faite par les experts judiciaires dans leur rapport du 30 mai 2000 rejoint celle des autorités sanitaires françaises relatée ci-dessus dans la prudence sur l'appréciation de l'imputabilité ;
Qu'en conséquence, le lien de causalité ne pouvant être subordonné à une certitude scientifique, il convient de recourir aux présomptions de l'homme, graves, précises et concordantes par l'utilisation d'un faisceau d'indices ;
* Sur l'existence de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l'article 1353 du code civil
Considérant qu'en l'absence de certitude du lien causal, le recours à la preuve du lien de causalité par présomptions au sens de l'article 1353 du code civil, est admis à la triple condition : - que le fait invoqué puisse au regard des données acquises de la science, être matériellement une cause génératrice du dommage, - qu'il soit hautement probable que ce facteur ait été à l'origine dudit dommage, - qu'il soit hautement probable que ce facteur ait été à l'origine dudit dommage, - que les autres causes possibles de ce dommage aient pu être circonscrites et exclues.
Que l'indemnisation par l'Etat de dommages liés aux vaccinations obligatoires relève de l'appréciation des juridictions administratives ou de Sécurité sociale ;
Que ce régime d'indemnisation spécifique au titre d'une responsabilité sans faute prévu par la loi (article L 3111-9 du code de la santé publique, anciennement article L10-1) à la charge de l'Etat pour la réparation d'un dommage imputable directement à une
vaccination obligatoire, ne peut faire l'objet d'un raisonnement par analogie dans le présent litige et relève d'une logique juridique qui lui est propre ;
Que toutefois, la reconnaissance par l'Etat au titre des maladies professionnelles, des maladies faisant suite à des vaccinations obligatoires, est fondée sur une probabilité d'imputabilité par le jeu de la seule concomitance des faits et peut constituer un indice de relation causale entre la maladie et la vaccination ;
Que M. X... se prévaut d'une concomitance chronologique entre la vaccination et le diagnostic de sa maladie, étant rappelé que les premiers signes neurologiques de la maladie sont apparus en août 1993, soit dans le mois qui a suivi la 3ème injection du vaccin ;
Que la SEP est énumérée dans le Vidal 1994 au titre des effets indésirables, à titre exceptionnel, du vaccin contre l'hépatite B et
peut donc être matériellement une cause génératrice du dommage ;
Que cependant, il ressort de la chronologie de la maladie de M. X..., que celui-ci présentait antérieurement aux vaccinations administrées, des troubles neurologiques (paresthésies du membre supérieur gauche), signes évocateurs d'une SEP préexistante selon les experts judiciaires , rémittente depuis 1989 selon le compte-rendu d'hospitalisation du 10 avril 1995 ;
Qu'en effet, il ressort des courriers échangés entre le Docteur A... et le Professeur LAPLANE, qui ont consigné les doléances de M. X... au cours d'entretiens, que celui-ci présente des engourdissements du membre supérieur gauche depuis 1991-1992 ;
Que toutefois, il ne peut être exclu, au regard de la chronologie évocatrice, de l'effet connu et signalé du vaccin contre l'hépatite B chez les sujets adultes, des signes cliniques présentés par M. X... et de l'exclusion d'autres causes, que l'injection du rappel (4ème injection) ait eu un rôle d'aggravation et de précipitation de la pathologie démyliénisante préexistante dont il souffrait, étant souligné que la stratégie vaccinale ne recommande plus le rappel depuis 1998, du fait d'une
suspicion de surdosage ;
Qu'il convient de rappeler que la vaccination provoque une stimulation immunitaire et que la SEP se caractérise par une perte de myéline dans le système nerveux central ;
Que l'ensemble de ces éléments s'analyse en des présomptions d'imputabilité, graves, précises et concordantes au sens de l'article 1353 du code civil ;
Qu'une imputabilité partielle sera donc reconnue au vaccin Engerix B dans la survenue du dommage subi par M. X..., mais exclusivement au titre de l'aggravation de la pathologie de SEP préexistante, du fait d'une causalité vraisemblable, la SEP étant qualifiée de progressive depuis 1993 ; SUR LE DÉFAUT DE SECURITE DU PRODUIT
Que l'article 6 de la directive du 25 juillet 1985 énonce : I - qu' "'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment : a) de la présentation du produit b) de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu c) du moment
de la mise en circulation du produit II-Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en circulation postérieurement à lui" ;
Que l'article 7 dispose que le producteur n'est pas responsable s'il prouve notamment, que compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement, que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics, que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n'a pas permis de déceler l'existence d'un défaut ;
Considérant que la directive indique dans ses considérants liminaires, que pour protéger l'intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du caractère défectueux d'un produit doit se faire en fonction non pas de l'inaptitude du produit à l'usage, mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s'attendre ;
Que le défaut du produit se définit donc comme étant l'absence de sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre dans des circonstances normalement prévisibles ;
Que contrairement à ce que soutiennent les intimés, la simple survenance d'un effet indésirable n'établit pas le vice du produit ou sa dangerosité ;
Que la responsabilité de plein droit du laboratoire GSK, fabricant du vaccin Engérix B, doit donc être appréciée objectivement et in abstracto par rapport à la présentation du produit, en particulier au regard du contenu de la notice destinée au patient jointe au conditionnement contenant les dispositions relatives aux précautions d'emploi et aux effets indésirables, au moment de l'administration des vaccins à M. X... (mi-1993 et mi-1994), eu égard aux données acquises de la science à cette époque et en tenant compte du rapport bénéfice/risque vaccinal ; * Sur le défaut de sécurité du vaccin au titre de la présentation du produit au moment de sa mise en circulation
Considérant en l'espèce, que le vaccin Engerix B a été mis sur le
marché en décembre 1989, après avoir obtenu le 30 septembre 1988 l'autorisation de mise sur le marché délivrée par les autorités sanitaires (l'agence du médicament devenu l'Afssaps en 1998) et que cette A.M.M a été systématiquement renouvelée depuis, la dernière autorisation datant de décembre 2004 ;
Que la société GSK a demandé en décembre 1993 une modification du résumé des caractéristiques du produit ( RCP )au titre des effets indésirables ;
Que le RCP a été révisé au mois d'août 1995 au titre de la rubrique "Mises en garde et précautions d'emploi" et apparaît dans le dictionnaire Vidal en 1996 ;
Que cette révision est un indice de modification dans l'appréciation des connaissances de la tolérance neurologique du produit par la communauté scientifique internationale et sur l'information apportée aux consommateurs relativement aux effets indésirables rapportés du vaccin Engerix B ;
Que l'appréciation du risque vaccinal est fonction de l'information délivrée aux consommateurs sur les risques possibles du produit
comparée aux données scientifiques disponibles au moment de sa commercialisation après obtention de l'AMM ;
Que le Vidal 1993 ne contient aucune mention de SEP au titre des effets indésirables du vaccin Engerix B et indique que la séroconversion a été démontrée par des études portant sur 6 populations (comme étant considérées à risque d'exposition au virus) ;
Que le Vidal 1994 mentionne au titre des effets indésirables, la survenue, exceptionnellement, de sclérose en plaques et reprend la mention au titre de la séroconversion au titre des propriétés du produit ;
Que la rubrique "effets indésirables" dans le dictionnaire Vidal de 1996 mentionne la survenue très rarement d'atteintes démyélisantes du système nerveux central (poussée de sclérose en plaques survenant dans les semaines suivant la vaccination sans qu'un lien certain de causalité n'ait actuellement pu être établi" (mention identique figurant sur la notice du vaccin) ;
Que le Vidal 1996 indique que le vaccin est indiqué pour
l'immunisation active contre l'infection par le virus de l'hépatite B causée par tous les sous-types connus chez les sujets de tout âge considérés à risque d'exposition au virus et décline une liste de 8 populations identifiées à risque d'infection en ajoutant policiers, pompiers, personnel des armées et toute personne exposée par son activité professionnelle ou son mode de vie au VHB, ainsi que toute personne de l'entourage des groupes cités ci-dessus et/ou en contact avec des patients ayant une hépatite H chronique ou aiguù, avec la mention : "populations désignées dans le cadre d'une politique vaccinale nationale en vue d'une généralisation de la vaccination" ; Qu'il ressort de ces constatations relatives à la présentation du produit, que M. X... ne peut soutenir à bon droit que la responsabilité de la société GSK serait engagée suite au défaut d'information sur l'absence ou l'insuffisance des effets indésirables rapportés du vaccin contre l'hépatite B, dès lors qu'à l'époque de la mise en circulation du produit qui lui a été injecté, il n'existait aucune preuve épidémiologique d'une association causale significative
entre la vaccination contre l'hépatite B et la pathologie de la SEP ; Qu'en effet, il résulte des débats devant la commission nationale de pharmaco-vigilance du 21 septembre 2004, émanation de l'Afssaps, que l'étude de F... et al. publiée dans la revue Neurology en 2004 est la 1ère et seule étude épidémiologique à avoir retrouvé une association statistiquement significative entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de SEP et que ce résultat contraste avec celui des dix autres études n'ayant pas permis de conclure à une telle association ;
Qu'à l'étude du Docteur F... de 2004 doit être ajoutée celle du Docteur David E... et du Docteur Mark E... publiée en juin 2005 mettant en évidence une élévation épidémiologique importante du risque neurologique associé à la vaccination contre l'hépatite B ;
Que ces deux publications, pour lesquelles la communauté scientifique émet des réserves, sont largement postérieures à la mise en circulation du produit et ne remet pas en cause la position des autorités sanitaires françaises ; * Sur le défaut de sécurité du
vaccin au titre de l'usage du produit qui peut en être raisonnablement attendu
Que le bénéfice attendu de la vaccination contre l'hépatite B par le grand public au sens de la directive européenne, c'est à dire l'immunisation antivirale des sujets à risque, par rapport au risque vaccinal, de dangerosité ou de nocivité du produit, est largement supérieur à la lecture de la littérature médicale versée de part et d'autre , étant rappelé que le risque d'inefficacité du produit n'entre pas dans les prévisions de la directive ;
Qu'en effet, l'hépatite B est une pathologie potentiellement grave, le nombre de porteurs chroniques du VHB susceptibles de le transmettre ou même de voir l'infection évoluer vers la cirrhose ou un cancer du foie, pouvant atteindre 300.000 dans l'hexagone selon une étude récente de l'Institut de veille sanitaire (mai 2005), alors que les complications neurologiques post-vaccinales constituent un risque faible ainsi que le rappelait l'Afssaps le 6 mars 2000 précisant qu'en l'état actuel des connaissances, "les résultats permettent d'exclure l'existence d'un risque élevé d'atteintes
démyélisantes ou d'affections auto-immunes associées à la vaccination contre l'hépatite B" ;
Que cet avis émanant de l'Afssaps ne permet pas de caractériser un décalage entre l'insuffisance de risques signalés en 1994, les risques attendus au moment de la mise en circulation du produit (absence d'étude démontrant une association statistiquement significative entre la vaccination contre l'hépatite B et le risque de survenue de SEP) et les risques réels que comporte le vaccin en l'état des connaissances à cette époque, étant rappelé que ce sont les organismes publics de police sanitaire qui sont seuls habilités à définir le risque neurologique suffisant, par l'évaluation des bénéfices et des risques des vaccins en assurant la mise en oeuvre du système national de pharmaco-vigilance ;
Qu'en revanche, le bénéfice individuel de la vaccination d'un sujet adulte est évalué en fonction des risques d'exposition au virus et du rapport bénéfice/risque mais n'entre pas dans le champ des critères d'interprétation de la directive européenne ;
Qu'il est manifeste que M. X...
n'appartenait pas à un groupe à risques, que l'indication de la vaccination contre l'hépatite B n'était pas appropriée à son cas et qu'à tout le moins, l'injection de rappel effectuée le 3 juin 1994, n'aurait pas due être conseillée, les experts judiciaires rappelant en page 20 de leur rapport que cette injection a été faite au moment où le diagnostic de la SEP était posé par un neurologue, le Professeur LAPLANE le 17 mai 1994 et au moment où était décidée une hospitalisation pour corticothérapie ( 29 juin 1994), étant souligné que son épouse bénéficiait d'une immunité contre l'hépatite B du fait de sa profession (assistante dentaire) ; * Sur le défaut de sécurité du produit, en tant que processus technico-réglementaire
Que nonobstant la modification du RCP du vaccin Engerix B au mois d'août 1995 au titre de la rubrique " Mises en garde et précautions d'emploi", ce vaccin n'a jamais cessé d'être commercialisé, cette autorisation n'ayant jamais été suspendue ou retirée par les autorités sanitaires ;
Que le renouvellement de l'A.M.M dont bénéficie systématiquement le
vaccin Engerix B laisse supposer l'intérêt thérapeutique du vaccin et la démonstration qu'il remplit les critères de qualité, sécurité et efficacité, exigés et contrôlés par l'Afssaps ;
Que la sécurité réglementaire du produit à laquelle on peut légitimement s'attendre au sens de la directive européenne, correspond à la conformité du produit aux normes ci-dessus rappelées ;
Que toute autre appréciation d'un éventuel vice au niveau du processus technico-réglementaire ou du processus de conception-fabrication ( risque iatrogène du vaccin) échappe à la compétence des juridictions civiles ;
Que le moyen de M. X... tendant à démontrer le défaut du vaccin sera donc écarté ;
Que l'on doit conclure que la société GSK, producteur du vaccin Engerix B, avait commercialisé un produit présentant la sécurité légitimement attendue du grand public au moment de sa mise en circulation ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, que les conditions de
mise en jeu de la responsabilité du LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE du fait des produits défectueux n'étant pas réunies au sens de la directive européenne, la demande des consorts X... sera rejetée ; Que par voie de conséquence, la demande de la SNCF sera écartée ;
Que les considérations tirées de l'équité justifient de mettre à la charge de la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE la moitié des frais d'expertise judiciaire et de rejeter sa demande au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
ANNULE le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de NANTERRE le 8 octobre 2004,
ET STATUANT A NOUVEAU,
ECARTE la demande de rejet des débats des conclusions tardives de la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE,
DEBOUTE les consorts X... de leurs demandes,
REJETTE toute autre demande,
DIT que la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE supportera la moitié des frais d'expertise judiciaire,
CONDAMNE les consorts X... aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise dans la proportion de la moitié, et admet la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués associés, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame THEODOSE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,