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16/03/2006 | FRANCE | N°8712/02

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2006, 8712/02


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 28Z 1ère chambre 1ère section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 16 MARS 2006 R.G. No 05/01253 AFFAIRE :

Dominique X... C/ MATRAX TRAITEMENT ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 2 No Section :

No RG : 8712/02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JUPIN SCP JULLIEN SCP LISSARRAGUE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'

affaire entre :

Madame Dominique X... née le 01 Mai 1957 à NEUILLY SUR ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 28Z 1ère chambre 1ère section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 16 MARS 2006 R.G. No 05/01253 AFFAIRE :

Dominique X... C/ MATRAX TRAITEMENT ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 2 No Section :

No RG : 8712/02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JUPIN SCP JULLIEN SCP LISSARRAGUE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Dominique X... née le 01 Mai 1957 à NEUILLY SUR SEINE (92) 11 bis rue Saint Dominique - 75007 PARIS représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN Avoués N du dossier 21211 Rep/assistant : Me Charles-Henri AUCAIGNE DE SAINTE CROIX (avocat au barreau de PARIS) APPELANTE [****************] Société MATRAX TRAITEMENT Société par actions simplifiées inscrite au RCS de VERSAILLES sous le numéro B 331 204 784 ayant son siège 7 rue de la Grosse Pierre - 78540 VERNOUILLET agissant pour son propre compte que pour le compte de MATRAX INDUSTRIES aux droits de laquelle elle vient par l'effet d'une fusion absorption en date du 6 juin 2003 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentées par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER Avoués - N du dossier 20050390 rep/assistant : Me Pierre-Alain BOUHENIC (avocat au barreau de PARIS) Monsieur Jean Claude Y... né le 04 Septembre 1939 à RABAT (Maroc) 11 bis rue Rodolphe Toepffer - 1206 GENEVE - SUISSE représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Avoués - N du dossier 0541105 rep/assistant : la SCP LATHAM et WATKINS représentée par Me Emmanuel DRAI (avocat au barreau de PARIS) INTIMES [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Février 2006 devant la cour composée de :

Madame Francine BARDY, président,

Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,

Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Monsieur Robert Z... est décédé le 17 juin 1986, laissant pour ayants droit son épouse survivante, madame Francine A..., donataire de la quotité disponible permise entre époux par acte du 11 octobre 1985, et ses trois enfants issus de son union avec madame A... : - monsieur Daniel Z..., - madame Agnès Z... épouse de monsieur Jean-Claude Y..., depuis lors divorcée et épouse de monsieur Hervé B..., - madame Dominique Z... épouse X...

A l'état du passif grevant la succession figure une somme de 5.000.000 F. (762.245,09 ç) représentant le montant de sommes cautionnées par monsieur Robert Z... pour le compte des sociétés MATRAX et AGRINOR au bénéfice de la SLPM et une somme de 2.839.085,49 F. (432.815,79 ç) correspondant à un prêt accordé à monsieur Robert Z... par la Société Générale.

Le règlement judiciaire de la société MATRAX, dont le président-directeur-général était monsieur Y..., avait été ouvert par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 24 juillet 1984.

Par jugement du 30 octobre 1984, le tribunal a autorisé la cession des actifs de la société MATRAX situés en Savoie et du fonds de commerce de fabrication de boulons sis à Vernouillet à la société Savoisienne de Cataphorèse en cours de formation.

Le règlement judiciaire de la société MATRAX a été étendu aux sociétés AGRINOR, SONORCA et Ets P. GRESLON par jugement du 20

novembre 1984.

Parallèlement était constituée la société MATRAX Industrie le 21 décembre 1984 qui a ultérieurement acquis la quasi-totalité des actions composant le capital social de la société Savoisienne de Cataphorèse, qui devait être dénommée ultérieurement MATRAX Traitement.

Les sociétés MATRAX, AGRINOR, SONORCA et Ets P. GRESLON ont été mises en liquidation judiciaire par jugement du 8 juillet 1985, la clôture pour insuffisance d'actif étant prononcée le 19 décembre 1989.

Monsieur Y... est devenu à partir des années 1987-1988 administrateur de la société Savoisienne de Cataphorèse et de la société MATRAX Industrie, puis ultérieurement président de leurs conseils d'administration.

Soutenant que monsieur Y..., la société MATRAX Industrie et la société MATRAX Traitement avaient repris l'activité du groupe MATRAX avec quasiment les mêmes actionnaires et les mêmes dirigeants par le biais de prête-noms, en fraude des droits des créanciers, et notamment de l'indivision successorale de monsieur Robert Z... qui a payé la somme de 1.195.060,80 ç au titre des diverses cautions qu'il avait données au bénéfice de la société MATRAX et de sa filiale AGRINOR, madame X... les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Versailles, par actes du 11 septembre 2002, afin de les voir condamner conjointement et solidairement à verser 1.195.060,80 ç à l'indivision, outre intérêts.

Par jugement contradictoire du 18 janvier 2005, le tribunal a déclaré irrecevable l'action intentée par madame X..., débouté monsieur Y..., la société MATRAX Industrie et la société MATRAX Traitement de leurs demandes reconventionnelles et condamné madame X... aux dépens.

Appelante, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 7 février 2006, madame X... conclut à la réformation du jugement, à la condamnation conjointe et solidaire de monsieur Y..., de la société MATRAX Industrie et de la société MATRAX Traitement à payer 1.195.060,80 ç, avec intérêts de retard à compter de la date à laquelle l'indivision s'est acquittée du paiement, à l'indivision de monsieur Robert Z...

Subsidiairement, elle sollicite leur condamnation à lui payer 398.353,60 ç, outre intérêts, représentant la part lui revenant dans la succession.

Très subsidiairement, elle sollicite une mesure d'expertise afin de rechercher dans quelles conditions les sociétés MATRAX Industrie et MATRAX Traitement ont repris l'activité des sociétés MATRAX, GRESLON, AGRINOR et SONORCA.

C... réclame 15.244, 90 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

C... fait valoir que la somme de 1.195.060,80 ç payée par l'indivision successorale au titre des cautions données par monsieur Robert Z... ont servi en fait à monsieur Y... à payer une partie des dettes de feu le groupe MATRAX.

Fondant sa demande tant sur le principe selon lequel la fraude corrompt tout que sur les articles 1167 et 1382 du code civil, elle soutient que les sociétés MATRAX Traitement et MATRAX Industrie ont été constituées en fraude des droits des créanciers de la liquidation judiciaire du groupe MATRAX, entre quasiment les mêmes actionnaires et les mêmes dirigeants, par le biais de prête-noms, pour reprendre l'intégralité de l'activité du groupe MATRAX débarrassé du passif payé notamment par la succession et reproche à monsieur Y... de s'être frauduleusement fait attribuer sans bourse délier l'activité rentable de la société MATRAX.

C... conteste que les cautions n'aient été données qu'au profit de la société AGRINOR.

C... considère avoir qualité pour agir, son action constituant un acte conservatoire au sens de l'article 815-2 du code civil.

Invoquant l'article 1220 du code civil, elle allègue que chaque indivisaire peut recouvrer les créances héréditaires dans les limites de sa part.

Monsieur Y..., aux termes de ses dernières écritures signifiées le 25 janvier 2006, conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de madame X... à payer une amende civile de 1.500 ç et à lui verser 30.000 ç à titre de dommages-intérêts et la même somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient que l'action engagée par madame X... est irrecevable, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une action conservatoire.

Il estime que l'action est prescrite.

Déniant toute fraude, il fait valoir que la caution donnée par monsieur Robert Z... a bénéficié à la société AGRINOR, dont les activités ont été cédées à une société Delachaux à laquelle il est totalement étranger et que les conditions de la reprise des activités de la société MATRAX étaient régulières et connues du tribunal de commerce.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 17 janvier 2006, la société MATRAX Traitement, agissant tant en son propre compte que pour le compte de la société MATRAX Industrie aux droits de laquelle elle se trouve par l'effet d'une fusion absorption du 6 juin 2003, conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à l'irrecevabilité de l'action, comme prescrite, et au rejet des demandes de madame X...
C... sollicite 10.000 ç à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et 10.000 ç par application de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

C... considère qu'en application de l'article 1220 du code civil, madame X... ne peut réclamer le paiement du montant total de la somme supposée réglée par l'indivision.

C... conteste que l'action constitue un acte conservatoire permettant à un indivisaire d'agir seul.

C... soutient que l'action en ce qu'elle est fondée sur l'article 1382 du code civil est prescrite.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que l'action est mal fondée, dès lors que madame X... ne prouve pas que l'indivision a effectivement réglé la somme de 1.195.060,80 ç, ne peut agir sur le terrain de l'action paulienne et qu'il n'existe aucune fraude.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 9 février 2006. SUR CE SUR LA QUALITE POUR AGIR

Que, selon l'article 815-3 du code civil, les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis nécessitent le consentement de tous les indivisaires ;

Qu'il n'est dérogé à ce principe et un indivisaire peut agir seul, ainsi qu'il résulte de l'article 815-2 , que lorsqu'il s'agit d'assurer la conservation des biens indivis ;

Qu'un acte, pour présenter un caractère conservatoire, doit être nécessaire et urgent afin de soustraire le bien indivis à un péril imminent ;

Que l'action engagée par madame X... afin de recouvrer une somme qui aurait été payée par l'indivision successorale de monsieur Robert Z... en 1987 ne peut être considérée comme ayant un caractère conservatoire ;

Qu'elle est donc irrecevable à agir en recouvrement de la somme de 1.195.060,80 ç ;

Que toutefois sa demande en ce qu'elle est limitée à la part qui lui

revient est recevable; SUR LA PRESCRIPTION

Qu'en application de l'article 2270-1 du code civil, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;

Que le dommage allégué consiste en un paiement qui serait intervenu en 1987 ;

Que l'action en ce qu'elle est fondée sur l'article 1382 du code civil est par conséquent prescrite, l'assignation introductive d'instance étant tardive comme ayant été délivrée le 11 septembre 2002 ;

Que l'action en ce qu'elle est fondée sur l'article 1167 du code civil et sur le principe "Fraus omnia corrumpit" est recevable, étant soumise à la prescription trentenaire ; AU FOND

Que madame X... estime que la reprise des actifs de la société MATRAX et de la société AGRINOR a été faite frauduleusement au détriment des créanciers au nombre desquels figurent l'indivision successorale de monsieur Robert Z... dont elle est membre ;

Que l'action paulienne suppose que le demandeur soit créancier d'une somme d'argent dont le recouvrement est compromis par un acte passé dans ce but par son débiteur ;

Que madame X... ès qualités n'est pas créancière de monsieur Y... ni des sociétés MATRAX Industrie et MATRAX Traitement ; qu'elle ne fait état d'aucun acte d'appauvrissement de la part de ces trois derniers ;

Que les conditions d'application de l'article 1167 du code civil ne sont pas réunies ;

Que le principe selon lequel la fraude corrompt tout permet de sanctionner tout agissement frauduleux aux droits des tiers ;

Que madame X... peut opposer des faits de fraude aux repreneurs dès lors qu'elle ne remet pas en cause l'autorité du jugement du 30

octobre 1984 mais sollicite seulement l'indemnisation du préjudice qu'elle subit du fait de la fraude alléguée ;

Qu'elle doit donc rapporter la preuve d'une fraude qui a eu des conséquences préjudiciables pour elle ;

Que le tribunal de commerce a été informé par le rapport du syndic que monsieur Y... allait constituer une société dont les actionnaires seraient sensiblement identiques à ceux de la société MATRAX pour reprendre l'activité de cataphorèse en Savoie ; qu'il a autorisé la cession à la société Savoisienne de cataphorèse constituée à l'initiative de monsieur Y..., non seulement de cette activité, mais aussi de la boulonnerie exploitée à Vernouillet ;

Que cette reprise s'est faite avec l'assentiment de monsieur Robert Z... puisque celui-ci, en juillet 1985, a nanti des titres en garanties d'un prêt consenti à la société MATRAX Industrie ;

Que la reprise n'est donc pas intervenue dans des circonstances frauduleuses, les changements ultérieurs de siège social et de dirigeants étant la conséquence de l'évolution et des nécessités de la vie sociale ;

Que, si elle n'avait pas eu lieu, la liquidation des biens aurait été prononcée, le syndic ayant précisé dans son rapport que la présentation d'un concordat apparaissait aléatoire compte tenu de l'importance du passif, et les cautions auraient été appelées ;

Que madame X... sera donc déboutée de ses demandes ; SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Que l'existence d'un préjudice moral n'est pas suffisamment caractérisé ;

Que monsieur Y... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Que le simple fait d'échouer en son appel ne suffit pas à constituer

un abus ouvrant droit à dommages-intérêts ; que la société MATRAX Traitement sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Qu'il n'y a pas lieu à amende civile ;

Que les conditions d'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile étaient réunies en faveur de monsieur Y... et de la société MATRAX Traitement devant le tribunal et le sont devant la Cour ;

Qu'il convient de condamner madame X... à leur payer à chacun, en indemnisation des frais exposés devant le premier juge et en cause d'appel, une somme de 4.000 ç ; PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

RÉFORME le jugement entrepris,

ET STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE madame X... recevable à agir à concurrence de sa quote-part dans l'indivision,

AU FOND, LA DÉBOUTE,

DÉBOUTE monsieur Y... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE la société MATRAX Traitement de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

CONDAMNE madame X... à payer au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à monsieur Y... et à la société MATRAX Traitement 4.000 ç chacun,

LA CONDAMNE également aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD et par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL-FERTIER, sociétés titulaires d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau

code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame Francine BARDY, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 8712/02
Date de la décision : 16/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-16;8712.02 ?
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