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02/03/2006 | FRANCE | N°5766/03

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 mars 2006, 5766/03


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRET No Code nac : 50Z contradictoire DU 02 MARS 2006 R.G. No 04/04873 AFFAIRE : Sawar X... C/ Y...
Z... ... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 04 Mai 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 7 No Section : B No RG : 5766/03 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP KEIME GUTTIN JARRY

E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DEUX MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire

entre : Monsieur Sawar X...
... par Me Claire RICARD, avoué - N du dossier...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRET No Code nac : 50Z contradictoire DU 02 MARS 2006 R.G. No 04/04873 AFFAIRE : Sawar X... C/ Y...
Z... ... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 04 Mai 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 7 No Section : B No RG : 5766/03 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP KEIME GUTTIN JARRY

E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DEUX MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Sawar X...
... par Me Claire RICARD, avoué - N du dossier 240332 Rep/assistant : Me Marcelle PLA, avocat au barreau de PARIS (J.063). APPELANT [****************] Monsieur Y...
Z... Madame A..., B...
C... épouse Z...
... par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 04000598 Rep/assistant : Me Jacques SALOMON, avocat au barreau de PARIS. INTIMES [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Janvier 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré

de la cour, composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse D...,

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur Sawar X... a consenti à monsieur Y...
Z... un bail, dérogatoire au statut des baux commerciaux, portant sur des locaux à usage de restaurant sis 31 rue Arago à PUTEAUX (Hauts de Seine), pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er juillet 1999.

Par acte du 02 juin 2001, il a donné ces mêmes locaux à bail à madame A...
C..., pour une nouvelle période identique de vingt-trois mois jusqu'au 1er mai 2003.

Le 30 avril 2003, se prévalant des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce, monsieur et madame Z... l'assignaient devant le tribunal de grande instance de NANTERRE pour voir établir un bail de neuf ans, aux clauses et conditions de l'engagement de location du 02 juin 2001 et dire, à défaut, que le jugement vaudra titre.

Par décision rendue le 04 mai 2004, cette juridiction a estimé qu'il n'appartenait pas au tribunal de faire injonction au défendeur de conclure un contrat. Retenant l'exploitation du fonds de commerce effectuée en commun par les époux Z..., nonobstant leur immatriculation successive au registre du commerce, elle a dit que le bail consenti le 02 juin 2001 par monsieur X... était soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 codifiées aux articles

L.145-1 et suivants du code de commerce et que le bail avait été consenti pour une durée de 9 ans, en application de l'article L.145-4 dudit code. Elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes sauf à allouer 1.000 euros aux époux Z... pour leurs frais irrépétibles et à condamner monsieur X... aux dépens.

Appelant de cette décision, monsieur Sawar X... rappelle les dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce qui ne permettent pas à deux baux dérogatoires successifs d'échapper au statut des baux commerciaux à la condition qu'ils aient été conclus entre les mêmes parties.

Il fait valoir qu'il a donné le local en location d'abord à monsieur Z... puis ensuite à madame C..., qui s'étaient présentés à lui comme en instance de divorce, en produisant un jugement de séparation de corps qui entraînait une séparation de biens et une liquidation de leur régime matrimonial. Il en déduit que les époux Z... ne peuvent juridiquement prétendre à une activité commune en leur qualité de conjoint.

Il souligne que chacun des époux Z... lui avait donné une adresse différente et prétend qu'il a légitimement cru que monsieur et madame Z... étaient des personnes distinctes.

Il qualifie de frauduleuses les man.uvres de ces derniers qui se sont successivement immatriculés au registre du commerce et ont entretenu ainsi sciemment l'apparence d'une séparation.

Il ajoute que seule madame A...
C... exploite le fonds, son mari n'étant pas immatriculé en tant que conjoint collaborateur.

Il demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement et de constater que madame A...
C... et son époux occupent sans droit ni titre le local commercial qu'ils devront quitter dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, réclamant de surcroît 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la

violation par les intimés de leur obligation contractuelle et de la légèreté blâmable avec laquelle ils ont abusé du droit d'ester en justice.

Subsidiairement, il sollicite que le bail prenne effet avec le premier contrat pour se terminer le 30 juin 2008 et, s'étonnant des conditions dans lesquelles madame A...
C... s'est immatriculée au registre du commerce, il demande à la cour de faire injonction aux intimés de produire la copie de l'entier dossier présenté au CENTRE DE FORMALITE DES ENTREPRISES (CFE).

Il réclame aussi 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur et madame Z... répliquent ensemble en se prévalant de nombreuses attestations de clients qui démontrent, selon eux, la réalité de l'exploitation en commun.

Ils réfutent point par point les arguments de monsieur X... pour soutenir qu'ils auraient sciemment entretenu l'apparence d'une séparation et dénient toute fraude.

Ils approuvent les motifs retenus par les premiers juges dans la décision qui doit, selon eux, recevoir confirmation, sollicitant au surplus 2.000 euros pour leurs frais irrépétibles.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 09 juin 2005 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 17 janvier 2006.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'en vertu de l'article L.145-5 du code de commerce, il ne peut être dérogé au statut des baux commerciaux qu'une seule fois à la condition que cette dérogation intervienne dans un bail d'une durée maximum de vingt-quatre mois ; que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession ou si un nouveau bail est conclu entre les mêmes parties pour le même local, le

locataire bénéficie alors du statut des baux commerciaux ;

Considérant que les locaux litigieux ont été donnés en location, par acte sous seing privé en date du 1er juillet 1999, à monsieur Y...
Z..., qui a déclaré demeurer 10 place de Strasbourg à LILLE ;

Considérant que c'est en mentionnant cette adresse que monsieur Z... a procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, intervenue le 14 septembre 1999 ;

Considérant que ce bail a pris fin à la date du 31 mai 2001 ; que monsieur X... a conclu, le 02 juin suivant, un autre contrat d'une durée de vingt-trois mois à compter du même jour, avec "Madame C...
A...
B... épouse Z..., née le 24 mai 1955 à Varsovie (Pologne), de nationalité française, vivant séparée de son époux monsieur Z...
Y...
..." ;

Considérant que, pour revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux par application des dispositions des alinéa 2 et 3 de l'article L.145-5 du code de commerce, il appartient aux époux Z... d'apporter la démonstration qu'ils remplissent les conditions exigées par ce texte ;

Considérant que monsieur Z... a signé seul le bail du 1er juillet 1999, sans faire état de sa situation matrimoniale, sans mentionner l'existence de son épouse, et a procédé à son immatriculation au registre du commerce en se déclarant marié le 28 mai 1979 à MONTREAL (Canada) sous le régime de la communauté réduite aux acquêts mais sans indiquer ni l'identité de son épouse ni une quelconque intervention de cette dernière en qualité de conjoint collaborateur ;

Considérant que monsieur Z... a procédé spontanément, après l'achèvement du bail qu'il avait signé, à sa radiation du registre du

commerce, laquelle a été inscrite à la date du 17 juillet 2000 avec effet au 30 juin 2000 ; que cette publication légale, destinée aux tiers, correspond à une manifestation claire de volonté de ne pas continuer à exploiter son commerce ;

Considérant que monsieur X... expose, sans être contredit, qu'à l'occasion de la signature du deuxième bail avec madame A...
C..., il lui a été présenté le jugement rendu le 15 novembre 1995 par le tribunal de grande instance de Nanterre prononçant la séparation de corps des époux ; que cette décision judiciaire est explicitement rappelée dans le contrat ; qu'il convient de remarquer que, dans ce jugement, monsieur Z... est déjà domicilié 10 place de Strasbourg à LILLE alors que madame A...
C... demeure 24 rue de l'Oasis à PUTEAUX ;

Considérant que ce deuxième bail ne fait aucune référence à une quelconque poursuite d'exploitation du commerce par monsieur Z... ; que madame A...
C... a procédé à son immatriculation au registre du commerce, en déclarant demeurer 2 rue Bellini à PUTEAUX, créer un fonds de commerce de restauration et sans faire aucun mention d'une quelconque qualité de conjoint collaborateur de son époux ;

Considérant qu'ainsi monsieur Z... et madame A...
C... se sont présentés, tant au bailleur qu'aux tiers, comme des exploitants successifs et distincts des locaux commerciaux ; que les attestations, produites aux débats, de clients certifiant que l'exploitation était assurée en commun par les époux Z... ont seulement pour effet d'établir la réalité de man.uvres déployées par ceux-ci pour surprendre la bonne foi du propriétaire des locaux ;

Considérant que si, comme ils le soutiennent, l'adresse de Lille était celle de leur domicile commun avant la signature du premier bail, monsieur Z... se devait de faire publier au registre du

commerce sa nouvelle adresse dès son installation sur la commune de PUTEAUX ; que si l'intention des époux Z... était d'exploiter en commun le fonds de commerce, il leur appartenait de mentionner l'existence de leur conjoint en qualité de collaborateur ;

Considérant que les époux Z... n'expliquent pas les raisons qui les ont conduits à signer deux baux successifs, sans que le conjoint soit porté comme signataire et sans faire état ni d'un domicile commun, ni de leur collaboration réciproque ; que madame A...
C... a conclu le second bail en n'indiquant pas son adresse personnelle et en mettant en avant le jugement de séparation de corps, ancien de quinze ans ; que les époux Z... exposent aujourd'hui que cette décision judiciaire est demeurée sans suite, n'a pas même été retranscrite sur le registre de l'état civil et qu'ils avaient abandonné la procédure de séparation ;

Considérant que ces circonstances traduisent l'intention des époux Z..., qui n'ont pas informé loyalement leur cocontractant de leur situation matrimoniale et personnelle ainsi que de leur volonté d'exploiter en commun le fonds, de surprendre ainsi la bonne foi du bailleur ;

Considérant en revanche que c'est sans le démontrer qu'ils affirment que monsieur X... aurait commis une fraude en alléguant le caractère fictif du second bail ; que la circonstance qu'il habite dans l'immeuble où sont situés les locaux litigieux n'est pas de nature à démontrer qu'il aurait eu nécessairement connaissance d'une exploitation conjointe des époux Z... ; que le premier bail fait état d'un dépôt de garantie de 14.000 francs (2.134,29 euros) ; que le bail signé par madame A...
C... mentionne un dépôt de garantie de 16.600 francs (2.530,65 euros) ; que le paiement de chacune de ces sommes est effectivement quittancé dans chacun des

contrats ; que ces écrits contredisent les affirmations des époux Z... sur la non-revalorisation du dépôt de garantie ;

Considérant que le bail du 1er juillet 1999 met à la charge de monsieur Z... le règlement, en sus du loyer, d'une "caution de vingt-huit mille francs pour le matériel" ; que les époux Z... ne peuvent tirer argument de la seule constatation de la non-restitution de cette somme à l'expiration du premier bail ; que le second contrat ne fait aucune référence à une telle garantie donnée pour le matériel ; que, si la créance n'a pas été soldée, le titulaire en reste monsieur Z... et non madame A...
C... ;

Que le jugement doit, en conséquence, être infirmé en toutes ses dispositions et monsieur et madame Z... déboutés de toutes leurs demandes ;

Considérant que les époux Z..., ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce, occupent les locaux litigieux sans droit ni titre depuis le 1er mai 2003 ; qu'il convient dès lors de faire droit à la demande de monsieur X... et de dire qu'ils devront les quitter dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt ; que les sommes reçues par monsieur X... depuis le 1er mai 2003 doivent être considérées comme une simple redevance d'occupation ;

Considérant que les époux Z... ont tenté de faire valoir un droit sur un fondement légal d'ordre public ; que les premiers juges les ont suivis dans leurs prétentions ; que celles-ci et la procédure de première instance et d'appel qui s'en est suivi ne présentent pas un caractère abusif et fautif susceptible d'ouvrir à monsieur X... le droit à paiement de dommages et intérêts ; que cette demande sera rejetée ;mande sera rejetée ;

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à monsieur X... la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'engager ; que monsieur et madame Z... seront condamnés à lui payer une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte aux intimés qui, succombant, doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

Déboute monsieur Y...
Z... et madame A...
C... de toutes leurs demandes,

Dit qu'ils devront quitter les lieux à usage de restaurant sis 31 rue Arago à PUTEAUX (Hauts de Seine) dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que les sommes reçues par monsieur Sawar X... depuis le 1er mai 2003 doivent être considérées comme une simple redevance d'occupation,

Déboute monsieur Sawar X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Condamne monsieur Y...
Z... et madame A...
C... à payer à monsieur Sawar X... la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de ce même texte au bénéfice de monsieur Y...
Z... et de madame A...
C...,

Condamne ces derniers aux dépens des deux instances,

Dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître RICARD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie SAUVADET, greffier en chef, présent lors du prononcé

Le GREFFIER EN CHEF,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 5766/03
Date de la décision : 02/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-02;5766.03 ?
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