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24/02/2006 | FRANCE | N°4481/99

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 février 2006, 4481/99


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 63A 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 24 FEVRIER 2006 R.G. No 04/07521 AFFAIRE : Annie X... épouse Y...
Z.../ S.A. AXA COURTAGE ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE No chambre : 3 No RG : 4481/99 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'ar

rêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Annie X... épouse Y...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 63A 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 24 FEVRIER 2006 R.G. No 04/07521 AFFAIRE : Annie X... épouse Y...
Z.../ S.A. AXA COURTAGE ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE No chambre : 3 No RG : 4481/99 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Annie X... épouse Y... 2 Place Reni 66750 ST CYPRIEN représentée par Me Claire RICARD, avoué - N du dossier 240603 plaidant par Me Sylviane MERCIER, avocat au barreau de PONTOISE APPELANTE [****************] 1/ S.A. AXA FRANCE IARD 26 rue Drouot 75009 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège 2/ Monsieur Patrick A... Groupe B... des Eguerets 84 avenue des Bruzacques 95280 JOUY LE MOUTIER représentés par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - N du dossier 04000973 plaidant par Me FANTEL, avocat au barreau de PARIS (K013) INTIMES 3/ CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE "CRAMIF" 17/19 avenue de Flandres 75954 PARIS CEDEX 19 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N du dossier 20041630 plaidant par Me FRENKIAN SAMPIC, avocat au barreau de PONTOISE (102) INTIMEE - APPEL INCIDENT 4/ CPAM DU VAL D'OISE Les Marjoberts 2 rue des Chauffours 95017 CERGY PONTOISE CEDEX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - No du dossier INTIMEE [****************] Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du devant la cour composée de :

[*****]

Le Docteur A... et la compagnie AXA FRANCE IARD, intimés et appelants incidemment, par conclusions signifiées le 18 janvier 2006, demandent de : ô

réformer la décision entreprise, ô

et statuant à nouveau, ô

débouter Mme Y... de ses demandes, ô

subsidiairement,ô

subsidiairement, ô

réduire les dommages-intérêts alloués à Mme Y... au titre de l'IPP, du pretium doloris à de plus justes proportions, ô

réformer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnisation au titre du préjudice d'agrément, ô

pour le surplus, ô

confirmer le jugement en ce qu'il a qualifié de perte de chance le préjudice invoqué par Mme Y... et a rejeté les préjudices sexuel, moral et futur invoquées par elle, ô

rejeter l'appel incident formé par Mme

Y..., ô

subsidiairement, ô

dire qu'en toute hypothèse, la demande de Mme Y... au titre des frais futurs, ne pourrait correspondre qu'au montant restant à sa charge après déduction des remboursements effectués par la CPAM et la CRAMIF, ô

dire et juger la CRAMIF irrecevable en sa fin de non-recevoir, à tout le moins mal-fondée, l'en débouter, ô

rejeter également comme non-fondé l'appel incident formé par la CRAMIF, ô

subsidiairement, ô

Madame Bernadette WALLON, président,

Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,

Madame Marie-Claude CALOT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Christine C...

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 17 mai 1995, le Docteur A..., gynécologue -accoucheur, qui devait réaliser une biopsie utérine sous anesthésie générale, a pratiqué une hystéroscopie à visée diagnostique et thérapeutique sur Mme Y..., alors âgée de 50 ans à la Clinique Sully à MAISONS-LAFITTE (78) avec résection endométriale endoscopique.

Mme Y... a présenté dans les suites de l'intervention du 17 mai 1995 pratiquée par le Docteur

A... une fistule urétérale et une sténose urétérale droite.

Mme Y..., qui était assistante maternelle, a arrêté son travail en juin 1996 (à l'age de 52 ans).

Mme Y... se voyait reconnaître un taux d'incapacité de 80 % (2ème catégorie) par la COTOREP le 7 février 1997 et la CRAMIF lui a accordé une pension d'invalidité à compter du 1er octobre 1997 en rapport "pour séquelles d'une intervention chirurgicale du 17 mai 1995."

dire que la demande de la CRAMIF est nécessairement limitée à l'assiette du préjudice soumis à recours après partage et qu'une répartition au marc l'euro devrait intervenir entre la créance de la CRAMIF et celle de la CPAM, ô

condamner Mme Y... à leur verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le Docteur A... et la compagnie AXA FRANCE IARD soutiennent que Mme Y... ne peut prétendre qu'elle n'a pas eu de la part du Docteur

A... toutes les informations nécessaires et que la preuve de sa maladresse prétendue n'est pas rapportée.

Ils font valoir que le comportement du Docteur A... en post-opératoire n'est pas critiquable.

Subsidiairement, ils soulignent que la prétendue aggravation invoquée par Mme Y... est en contradiction avec les conclusions des experts quant à la consolidation de son état et que les troubles dans les conditions d'existence sont un préjudice soumis à recours des organismes sociaux conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation (Ass.Plen. 19 déc. 2003).

[*****]

LA CRAMIF, intimée et appelante incidemment, par conclusions signifiées le 17 janvier 2006, demande de - lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel interjeté par la victime à l'encontre du jugement, étant toutefois précisé, d'une part, que celle-ci n'est ps fondée à soustraire de l'assiette

du recours le poste de préjudice correspondant au trouble ressenti dans les conditions d'existence et, d'autre part, que son préjudice A partir du 1er juillet 2004, correspondant au 60ème anniversaire de Mme Y..., une pension d'inaptitude servie par la CRAM de MONTPELLIER a été substituée à la pension d'invalidité.

Par ordonnance en date du 21 mars 1997, le Président du tribunal de grande instance de PARIS désignait en qualité d'expert le Docteur Marc D..., urologue à l'hôpital COCHIN, lequel concluait dans son rapport déposé en janvier 1998 que "le Docteur A... a tant en pré-opératoire qu'en per et post-opératoire, fait preuve d'une responsabilité médicale complète dans l'information pré-opératoire de la patiente puis dans la conduite adoptée face à cette complication urétérale afin de soigner au mieux Mme Y..., que la complication urétérale est indiscutablement secondaire à l'acte d'hystéroscopie interventionelle mais sans qu'il y ait de faute médicale imputable". Une contre-expertise était ordonnée à la demande

de Mme Y... par jugement du tribunal de grande instance de PONTOISE en date du 14 mars 2001, confiée à un collège d'expert, le Professeur Alain HAERTIG, chirurgien urologue à l'hôpital de la PITIE-SALPETRIERE et le Professeur Jean-Claude COLAN, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital FOCH.

Mme Y... était par ailleurs déboutée de sa demande de provision.

Le 5 avril 2002, le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS rendait commune, à la demande du Docteur A... et de sa compagnie d'assurance, aux Docteurs FOLDES, et BERBERIAN, urologues, la décision du 14 mars 2001.

Les experts ont déposé un rapport daté du 26 juin 2003 mettant hors de cause les deux praticiens ci-dessus mentionnés dans la survenue des complications présentées par Mme Y...

professionnel est bien réel, - la recevoir en son appel incident, - réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions, - statuant à nouveau : - vu l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, - déclarer recevable et bien fondée sa demande, - condamner par conséquent le docteur A..., in solidum avec son assureur, la compagnie AXA COURTAGE, au remboursement d'une somme de 50.661,97 euros correspondant aux arrérages de la pension d'invalidité de 2ème catégorie servie du 1er octobre 1997 au 30 juin 2004, - dire et juger que ces sommes doivent porter intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations services antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement, - dire que la CRAMIF prélèvera, par priorité et à due concurrence de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, sur le préjudice soumis à recours, le montant de sa créance définitive, soit la somme de 50.661,96 euros, outre les intérêts légaux à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement, - déclarer le docteur A... et son assureur responsables en

leur contestation de la créance de la Caisse, pour défaut d'intérêt, - en tout état de cause, les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, - condamner le docteur A... in solidum avec son assureur à lui payer une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, - condamner in solidum le docteur A... et son assureur aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La CRAMIF fait valoir que le préjudice professionnel de Mme Y... est bien réel, pour lequel une pension d'invalidité lui a été attribuée et que cette analyse est partagée par le praticien conseil

[*****]

Le 20 octobre 2004, Mme Annie X... épouse Y..., a relevé appel du jugement rendu le 29 septembre 2004 par le tribunal de grande instance de PONTOISE qui statuant sur sa demande en réparation de ses préjudices, fondée sur l'article 1147 du code civil, sur l'article L 710-2 du code de la Santé Publique, le code de déontologie médicale, en ouverture du rapport d'expertise du 26 juin 2003, a : - donné acte à la CPAM du VAL D'OISE et à la CRAMIF de leur intervention, - dit que le Docteur A... est responsable d'une perte de chance pour Mme X... d'avoir pu refuser l'hystéroscopie opératoire et d'éviter l'évolution vers une fistule urétérale, - condamné in solidum le Docteur A... et la compagnie AXA COURTAGE à réparer ces pertes de chance, - dit qu'au titre de la part de son préjudice soumis à recours des organismes sociaux, déduction faite de la créance de la CPAM du VAL D'OISE, il ne revient aucune indemnité à Mme X..., - condamné le Docteur A... in solidum avec la compagnie AXA COURTAGE à payer à Mme Y... la somme de 29.612 euros au titre de la part de son préjudice non soumis au recours des organismes sociaux, - condamné le Docteur A... in solidum avec la compagnie AXA

COURTAGE à rembourser à la CPAM du VAL D'OISE la somme de 60.462,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2004 sur la somme de 54.614,47 euros à compter du 1er juin 2004 sur la somme de 5.848,10 euros ainsi, au fur et à mesure de leur versement et sur présentation des justificatifs, que le montant des frais futurs dans la limite de la somme de 37.379,84 euros, - débouté les parties de leurs autres demandes, - condamné le Docteur A... in solidum avec la compagnie AXA COURTAGE à verser, au titre des frais irrépétibles, à Mme Y..., la somme de 4.500 euros et au référent "recours contre tiers" (Docteur E...).

Elle soutient que Mme Y... n'est pas en mesure d'assurer sa fonction d'assistante maternelle puisque son état nécessite des absences répétées et que les conditions sanitaires ne sont pas satisfaisantes pour l'accueil de jeunes enfants. [*****]

LA CPAM du VAL D'OISE, intimée, par conclusions signifiées le 15 décembre 2005, demande de : ô

constater que sa créance globale s'élève à la somme de 103.614,44 euros au titre des prestations en nature et frais futurs (réactualisation de sa créance au 9 décembre 2005), ô

dire et juger qu'elle a droit au remboursement prioritaire de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, ô

dire et juger que cette somme doit porter intérêts à compter de première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement, ô

condamner in solidum le Docteur A... et son assureur à lui payer la somme globale 103.614,44 euros, outre intérêts sur cette somme à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement, ô

lui donner acte de ses réserves pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement, ô

condamner in solidum les appelants au paiement de la somme de 1.525

euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel, ô

les condamner sous la même solidarité à lui payer la somme de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

profit de la CPAM du VAL D'OISE la somme de 1.000 euros, - ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 2/3 de sommes susvisées, - condamné le Docteur A... in solidum avec la compagnie AXA COURTAGE aux dépens.

[*****]

Mme Y..., appelante, par conclusions signifiées le 18 janvier 2005, au visa des articles 11147 du code civil et 1142-1 du code de la santé publique, demande par infirmation partielle du jugement entrepris de : ô

constater que le Docteur A... a commis un certain nombre de fautes dans la prise en charge médicale de Mme Y..., lesquelles sont en lien direct avec le dommage, ô

déclarer le Docteur A... entièrement responsable des conséquences dommageables de ces fautes, ô

en conséquence, ô

le condamner solidairement ave sa compagnie d'assurance au paiement des sommes suivantes : [* en réparation des postes de préjudice économique, en sus des sommes allouées aux organismes sociaux, la somme de 8.858 euros, surseoir à statuer sur les préjudices futurs, d'ores et déjà condamner le Docteur A... et sa compagnie d'assurance au paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur ce poste de préjudice de 5.000 euros, *] en réparation des postes de préjudice à caractère personnel, la somme de 113.527 euros. ô

avant-dire droit sur l'évaluation des préjudices résultant de l'aggravation, ô

[*****]

L'instruction a été déclarée close le 19 janvier 2006.

MOTIFS DE LA DECISION

CONSIDERANT que le Professeur HAERTIG et le Professeur COLAU concluent leur rapport en consignant les éléments suivants : "Nous retiendrons à l'encontre exclusivement du Docteur A... : -un défaut d'information quant au geste de résection endométriale non prévu ou annoncé et d'indication indiscutable -une maladresse dans l'utilisation du résecteur en per-opératoire -une négligence dans la gestion immédiate de la complication urinaire, dans les heures qui ont suivi (U.I.V deux jours plus tard, avis urologique cinq jours plus tard) -ITT du 18 mai 1995 au 23 avril 1997 Il ne peut être affirmé que Mme Y... est en période d'invalidité temporaire totale jusqu'à ce jour. Elle pouvait reprendre ses activités professionnelles antérieures aux faits avec la sonde double J en place, en dehors de ses journées d'hospitalisation et d'ITT -la date de consolidation sera à la date de notre expertise, soit le 22 octobre 2001 -l'IPP sera tous éléments confondus à hauteur de 6 % -le pretium doloris sera de 6/7 -le préjudice esthétique sera de 1, 5/7 -pas de préjudice actuel professionnel Dans les frais futurs, il convient de prévoir le changement d'une sonde double J tous les 6

mois, cotée KC 80 à la nomenclature pour 1200 ç /an en ambulatoire avec la fourniture de la prothèse urétérale JJ" - SUR LA RESPONSABILITE DU DOCTEUR A...

CONSIDERANT qu'il ressort des dispositions de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale codifiée dans l'article L 1142-1-I du code de la santé publique, que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé s'applique aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de ordonner une expertise médicale complémentaire en vue d'évaluer l'aggravation de ses séquelles depuis sa consolidation, ô

confirmer la décision en ce qu'elle lui a accordé la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles, ô

y ajoutant, condamner le Docteur A... et sa compagnie d'assurance solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

Mme Y..., appelante, critique le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la responsabilité du

Docteur A... se réduisait à une simple perte de chance et limité en conséquence les indemnités qui lui ont été allouées en réparation de son préjudice, mais également en ce qu'il a fait une mauvaise appréciation de ces postes de préjudices.

Elle rappelle que la contre-expertise retient à l'encontre du Docteur A... un défaut d'information quant au geste de résection endométriale non prévu ou annoncé et d'indication discutable, une maladresse dans l'utilisation du résecteur en per-opératoire, une négligence dans la gestion immédiate de la complication urinaire dans les heures qui ont suivi.

Elle considère avoir subi un préjudice sexuel et un préjudice moral (abandon de son activité professionnelle incompatible avec son état, état dépressif) consécutivement à l'intervention dommageable du 17 mai 1995.

Elle fait valoir que depuis l'expertise, elle a subi de nombreuses interventions et complications (infections urinaires notamment), à l'origine d'un état de fatigue permanent particulièrement invalidant qui sont de nature à modifier l'appréciation sur la durée de l'ITT,

sur l'IPP ou les préjudices personnels.

diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogène et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée";

QU'en l'espèce, l'acte médical dont s'agit date du 17 mai 1995 ;

QUE le fait générateur étant antérieur au 5 septembre 2001, l'article 1142-1 I du code de la Santé Publique invoqué par Mme Y... n'a pas vocation à s'appliquer ;

CONSIDERANT que l'obligation pesant sur le médecin à l'égard de son patient est celle de lui donner des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ;

QUE la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature dans les termes de l'article 1147 du code civil ;

QUE l'article 35 du code de la déontologie médicale énonce que "Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état,

les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension" ;

CONSIDERANT en l'espèce qu'il n'est pas contesté que la complication urologique dont a été victime Mme Y... est en relation directe avec l'intervention pratiquée par le Docteur A... le 17 mai 1995, en l'absence d'état urologique antérieur ;

QUE Mme Y... souffre toujours des complications post-opératoires de l'intervention et a dû subir de nombreuses interventions chirurgicales itératives, étant précisé qu'elle est considérée comme "grand invalide civil" au titre de code de la famille et de l'aide sociale, étant soumise au port permanent d'une prothèse urétérale en double J (sonde), source d'infections urinaires fréquentes

nécessitant une antibiothérapie quasi-permanente et la prise pluriquotidienne d'antalgiques (précision mentionnée dans le rapport d'expertise du Docteur D...) ;

QU'il ressort du rapport d'expertise du 26 juin 2003, que si l'indication opératoire était formelle, le Docteur A... a commis des fautes génératrices du dommage subi par Mme A..., en ayant un geste maladroit à l'origine des lésions urétérales ("fausse route"), en ne recherchant pas immédiatement les risques de lésion, risque intestinal et urétéral, en ne procédant pas devant cette complication qu'il avait décelée, à un bilan complet des lésions, en ne donnant pas à celle-ci une information claire et adaptée lui permettant de donner son consentement éclairé, ce qui justifie de lui accorder une réparation pleine et entière de son préjudice ;

QU'en conséquence, le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a dit que les fautes commises par le Docteur A... étaient seulement à l'origine d'une perte de chance du fait d'une défaillance dans l'obligation d'information, pour Mme Y... d'avoir pu refuser l'hystéroscopie opératoire et d'éviter l'évolution vers la fistule urétérale qu'elle a ensuite présentée et fixé l'indemnité de

réparation à 80 % du montant de la réparation des préjudices subis par la patiente suite à l'intervention du 17 mai 1995 ;

QUE le Docteur A... doit être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de ces fautes et condamné in solidum avec sa compagnie d'assurance à indemniser Mme Y... ; - SUR L'INDEMNISATION DES PREJUDICES SUBIS PAR Mme Y...

CONSIDERANT qu'à la lecture des pièces produites, le préjudice de Mme Y... sera réparé de la façon suivante :

* Préjudice soumis au recours des organismes sociaux ô

prestations en nature versées par la CPAM du VAL D'OISE : 8.857,50 euros ô

frais médicaux restés à charge : 2.918,60 euros ô

ITT du 18 mai 1995 au 23 avril 1997 pas de perte de salaires justifiée

troubles dans les conditions d'existence : 13.800 euros ô

IPP 6 % : 5.940 euros

TOTAL (I)

: 31.516,10 euros A déduire créance sociale : 1 - de la CRAMIF :

50.661,97 euros correspondant aux arrérages de la pension d'invalidité de 2ème catégorie servie du 1er octobre 1997 au 30 juin 2004 ;

QUE le responsable et son assureur n'ont pas qualité pour contester la créance des organismes sociaux, dès lors que le lien de causalité entre le service des prestations et le dommage subi n'a pas été remis en cause par la victime ;

QU'ainsi, il convient de considérer au vu des pièces médicales produites, que la mise en invalidité de Mme Y... résulte des lésions provoquées par l'intervention chirurgicale du 17 mai 1995 ;

QU'en conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point ; 2 - de la CPAM du VAL D'OISE : 103.614,44 euros (incluant les prestations en nature et en espèces -indemnités journalières et les frais futurs pour 41.080,67 euros au titre du capital de la rente) ;

CONSIDERANT en effet que le Docteur F..., médecin-conseil de la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES, indique dans un

courrier du 5 janvier 2004 adressé à la CRAMIF que les frais futurs à prendre en compte sont : "- une ECBU mensuelle ainsi qu'un traitement désinfectant urinaire de 10 jours, les épisodes d'infection urinaire sont récurrents, - un changement de sonde double T tous les 6 mois (KC 80), lequel justifie une hospitalisation de 48 heures" ; Reste dû (A) : solde négatif Il ne revient aucune indemnité à Mme Y... au titre de la part de son préjudice soumis au recours des organismes sociaux. * Préjudice non soumis à recours ô

pretium doloris 6/7 : 30.490 euros

ô

le préjudice esthétique 1,5 : 3.800 euros

ô

le préjudice d'agrément lié à la perte de la qualité de vie de Mme Y... sera réparé par l'octroi d'une somme de 5.000 euros, suite aux désagréments subis et aux troubles dans les conditions d'existence causés par le handicap dans les actes essentiels de la vie courante depuis la consolidation, ô

préjudice sexuel : 15.000 euros.

Les lésions subies par Mme Y... la touchent au plus profond de son intimité et perturbent sa vie sexuelle et sa vie de couple du fait du port constant d'une sonde urinaire.

Les lésions subies par Mme Y... la touchent au plus profond de son intimité et perturbent sa vie sexuelle et sa vie de couple du fait du port constant d'une sonde urinaire. ô

préjudice moral : il n'y a pas lieu de prévoir d'indemnisation spécifique, ce type de préjudice ayant été indemnisé dans le cadre du pretium doloris, Total (II ) 54.290 euros A déduire provisions :

néant Reste dû (B) : 54.290 euros Total (I) + (II) = 85.806,10 euros préjudice corporel global Total (A) + (B) = 54.290 euros reliquat revenant à Mme Y... - SUR LES AUTRES DEMANDES

. aggravation des préjudices

QUE selon les relevés de la CPAM du VAL D'OISE, Mme

Y... a fait l'objet d'hospitalisations régulières entre le 17 mai 1995 et 2004 ; QUE Mme Y... justifie avoir subi cinq interventions entre 2003 et 2005 en relation avec le préjudice subi en 1995 (changement de sondes) ;

QU'elle produit un compte-rendu opératoire du 5 octobre 2005 indiquant qu'elle a dû subir une intervention pour "pyélonéphrite par obstruction de sonde JJ droite" ;

QUE Mme Y... allègue les dépenses liées à des frais futurs et demande une provision de 5.000 euros à ce titre ;

QUE cependant ni le collège expertal ni le Dr D... n'ont émis de réserves sur l'évolution de l'état de Mme Y..., les Professeur HAERTIG et le Professeur COLAU mentionnant au titre des frais futurs le changement de sonde tous les 6 mois avec fourniture de prothèse urétérale JJ ;

QUE la CPAM du VAL D'OISE a pris en compte cette dépense au titre des

ais futurs, en y incluant, après avis du médecin-conseil une hospitalisation de 48 heures et non des soins en ambulatoire comme mentionné dans le rapport d'expertise ;

QUE Mme Y... ne fournit aucune pièce de nature à modifier notablement l'évaluation des différents chefs de préjudice, tels que fixés par le collège expertal ;

QUE sa demande de complément d'expertise et d'indemnité provisionnelle sera donc rejetée ;

. frais irrépétibles

QUE le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme Y... la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

QU'il convient de lui allouer une indemnité pour les frais exposés en cause d'appel ainsi que précisé au dispositif ; - SUR LES DEMANDES DES ORGANISMES SOCIAUX

* de la CRAMIF

QU'il convient de condamner le Docteur A... in solidum avec la société AXA

FRANCE IARD au remboursement de la somme de 50.661,97 euros correspondant aux arrérages de la pension d'invalidité de 2ème catégorie servie du 1er octobre 1997 au 30 juin 2004 ;

QUE l'équité commande de lui allouer une indemnité au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

* de la CPAM du VAL D'OISE

QU'il convient de condamner le Docteur A... in solidum avec la société AXA FRANCE IARD au paiement de la somme de 103.614,44 euros correspondant aux prestations en nature, en espèces et aux frais futurs versées ou à verser au profit de Mme Y... ;

QUE l'équité commande d'allouer à la CPAM du VAL D'OISE la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel ainsi que la somme de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

VU le rapport d'expertise des Professeurs HAERTIG et COLAU,

DIT que le Docteur Patrick A... est entièrement responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée sur Mme Annie Y... le 17 mai 1995,

REJETTE la contestation du Docteur A... et de sa compagnie d'assurance relative à la créance de la CRAMIF,

FIXE le préjudice corporel global de Mme Y... à la somme de 85.806,10 euros, soit pour le préjudice soumis à recours à la somme de 31.516,10 euros et pour le préjudice personnel à la somme de 54.290 euros,

CONSTATE que la créance de la CRAMIF s'élève à la somme de 50.661,97 euros et celle de la CPAM du VAL D'OISE à la somme de 103.614,44

euros,

DIT que la CPAM du VAL D'OISE a droit au remboursement prioritaire de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime,

CONSTATE qu'il ne revient aucune indemnité complémentaire à Mme Y... au titre du préjudice soumis à recours compte-tenu de la créance des organismes sociaux,

En conséquence,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à payer à Mme Y... au titre de son préjudice personnel la somme de 54.290 euros avec intérêt au taux légal sur la somme de 29.612 euros à compter du jugement entrepris et à compter du présent arrêt pour le surplus,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à rembourser à la CRAMIF la somme de 50.661,97 euros correspondant aux arrérages de la pension d'invalidité de 2ème catégorie servie à Mme Y... du 1er octobre 1997 au 30 juin 2004,

DIT que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de la

première demande pour les prestation servies antérieurement à celles-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

DIT que la CRAMIF prélèvera par priorité et à due concurrence de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, sur le préjudice soumis à recours, le montant de sa créance définitive, soit une somme de 50.661,97 euros, outre les intérêts légaux à compter de la première demande pour les prestation servies antérieurement à celles-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à rembourser à la CPAM du VAL D'OISE la somme de 103.614,44 euros

correspondant aux prestations en nature, en espèces et aux frais futurs versées ou à verser au profit de Mme Y... au fur et à mesure du jour où ils seront exigibles, avec intérêts à compter de première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

DONNE acte à la CPAM du VAL D'OISE de ses réserves pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement,

REJETTE toute autre demande,

CONFIRME les condamnations prononcées en première instance in solidum contre le Docteur A... et sa compagnie d'assurance au profit de Mme Y... et de la CPAM du VAL D'OISE du chef de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Y ajoutant :

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à payer à Mme Y... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CRAMIF la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en

cause d'appel,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM du VAL D'OISE la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel, et celle de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE in solidum le Docteur A... et la société AXA FRANCE IARD aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire et admet Me RICARD et la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame THEODOSE, greffier présent lors du prononcé, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 4481/99
Date de la décision : 24/02/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-02-24;4481.99 ?
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