COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 15ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 23 FEVRIER 2006 R.G. No 04/03180 AFFAIRE : Roger X... C/ S.A.S. RENAULT en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Mars 2004 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section : industrie No RG : 02/01840 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Roger X... 98 Avenue Victor Hugo 92100 BOULOGNE BILLANCOURT comparant en personne, assisté de Me François KALDOR, avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire : 59 APPELANT [****************] S.A.S. RENAULT en la personne de son représentant légal 34 Quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par Me Béatrice POLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J043 INTIME [****************] Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2005, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Gérard POIROTTE, conseiller faisant fonction de président,
Monsieur François MALLET, conseiller,
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis Y...
Z..., PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. Roger X... a été embauché par la Régie Nationale des Usines RENAULT, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société RENAULT SAS. Après obtention de son CAP, il a été nommé jeune professionnel ajusteur à compter du 26 août 1949. Le 24 septembre 1951, il était ouvrier ajusteur P1. Après son service militaire qui
s'est déroulé du 15 janvier 1952 au 15 juillet 1953, il a réintégré l'entreprise RENAULT. Il est passé ajusteur outilleur P2 à compter du 14 avril 1954.Le 1er octobre 1962 il est devenu agent professionnel RENAULT.
En 1967 il a démissionné de ses fonctions au sein de RENAULT afin d'occuper des fonctions salariées au sein du syndicat CGT.
Le 1er octobre 1976, il a réintégré les usines RENAULT au poste d'ajusteur outilleur niveau III échelon 1 (P3). Il a quitté la société RENAULT le 31 décembre 1987 dans le cadre d'un dispositif de préretraite, alors qu'il était toujours ouvrier P3. Il a été admis à la retraite le 1er août 1991.
Se plaignant d'avoir eu une carrière ralentie par suite de discrimination syndicale, il a saisi le conseil des prud'homme de BOULOGNE-BILLANCOURT aux fins d'indemnisation de son préjudice. Par jugement du 26 mars 2004, cette juridiction l'a débouté de ses demandes.
Le salarié a régulièrement interjeté appel. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier et développées oralement à l'audience, le salarié demande à la cour de condamner son adversaire à lui verser les sommes suivantes : ô
75 000 ç à titre de dommages-intérêts ; ô
177 720 ç au titre du préjudice subi dans ses conditions d'existence ; ô
40 000 ç au titre de son préjudice moral.
Subsidiairement il sollicite une expertise, avec condamnation de la SAS RENAULT à lui payer une provision qui comprendra le montant des frais d'expertise et 150 000 ç à titre de provision à valoir sur son préjudice.
Enfin il demande 5 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier et développées oralement à l'audience, l'intimée demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle se propose de verser à M. Roger X... la somme de 2 0282,65 ç à titre d'indemnité transactionnelle et le rejet des prétentions de son adversaires. Subsidiairement, elle soutient la prescription de l'action en dédommagement du préjudice subi dans les conditions d'existence et déclarer infondée la demande d'indemnité au titre du préjudice moral.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. DÉCISION
Considérant que les dommages-intérêts fondés sur l'article L 412-2 alinéa 4 du Code du travail n'ont pas pour seul objet de réparer la perte de salaire résultant de la discrimination mais d'indemniser l'ensemble du préjudice subi par le salarié du fait de cette discrimination et ne sont pas soumis à la prescription de l'article L. 143-14 du Code du travail ;
Considérant que la prescription de l'article 1304 du Code civil n'a pas lieu de s'appliquer dans le présent litige qui ne comporte pas d'action en nullité ou en rescision d'une convention ;
Considérant que les offres faites par la société RENAULT au titre de l'accord de méthode ne peut s'interpréter comme un aveu de discrimination interruptif de la prescription en application de
l'article 2248 du Code civil, s'agissant seulement selon les propres termes du document d'un mode de règlement "dans le but d'éviter, le cas échéant, l'aléa judiciaire inhérent à toute procédure contentieuse", de sorte que la proposition de l'employeur en résultant ne caractérise aucune reconnaissance du bien fondé de la position du salarié ;
Considérant que la saisine de la société RENAULT en vue de l'application de l'accord de méthode n'est pas interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil ;
Considérant que M. X... a exercé des fonctions syndicales multiples depuis le début de sa carrière :
délégué du personnel en 1963, délégué syndical en 1964, secrétaire général adjoint permanent du syndicat CGT RENAULT en 1967, secrétaire général de la direction générale du syndicat CGT RENAULT le 1er février 1971, délégué au comité d'entreprise RENAULT en 1976 et secrétaire du comité central d'entreprise en 1981 ;
Considérant qu'il résulte des articles L 122-45 et L 412-2 du Code du travail, qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette discrimination d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant qu'il convient de manière liminaire d'observer que l'accord d'entreprise du 14 décembre 2001 "relatif au règlement de litiges résultant de l'évolution professionnelle de représentants du personnel " qui définit une méthode de règlement des situations passées fixant tant des critères de détermination des situation anormales que des modalités de fixation d'indemnité ne saurait
limiter le champ d'appréciation de la cour qui doit se déterminer en fonction de l'ensemble des critères de nature à déterminer une éventuelle discrimination pour couvrir la totalité du préjudice subi ;
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner une expertise aux frais avancés de la SAS RENAULT aux fins de réunir les éléments de comparaison qui permettront de déterminer s'il y a eu discrimination à raison de l'activité syndicale de M. X... dans son évolution de carrière en violation des articles L 412-2 et L 412-4 du Code du travail et ce durant la période de la vie professionnelle de M. X... non prescrite au sens de l'article 2262 du Code civil, c'est-à-dire dans les trente ans qui précèdent la convocation de l'intimée devant le conseil des prud'homme, intervenue le 7 novembre 2002 ;
Considérant que la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour allouer en l'état une provision sur le préjudice de M. X..., dont il n'est pas possible de dire avant la mesure d'instruction, s'il a fait l'objet de discrimination syndicale ; PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable les demandes de M. Roger X... en ce qu'elles concernent la période antérieure au 7 novembre 1972 et rejette pour le surplus la fin de non recevoir tirée de la prescription présentée par la société RENAULT SAS ; Avant-dire droit ordonne une expertise ; Commet pour y procéder , M. Philippe A..., 41, rue YBRI, 92576 NEUILLY-SUR-SEINE CEDEX (tél : 01-55-61-80-83) inscrit sur la liste des experts judiciaires établie par la cour d'appel de Versailles avec la mission suivante : Après avoir pris connaissance de tous documents utiles, convoqué les parties et leurs conseils, entendu les sachants, - se faire remettre toutes pièces utiles et notamment les évaluations et toutes pièce du dossier personnel de M. Roger X... ; - rechercher si la société RENAULT a été convoquée à des entretiens
de gestion sur l'évolution de sa carrière et notamment s'est vu proposer à partir de 1984 régulièrement des entretiens d'évaluation et d'orientation, en vue de lui assurer des formations ou de lui proposer des tests ou des examens nécessaires à une progression ou encore s'est vu communiquer les informations voulues, pour lui permettre une progression similaire aux salariés n'exerçant pas de responsabilité syndicales ; - rechercher si le déroulement de carrière de Roger X... traduit une progression normale en comparaison des autres salariés, placés dans un situation similaire, notamment au regard de la date de son entrée dans l'entreprise, de son âge, de son dossier professionnel, de sa formation ; - dans la négative, rechercher pour quelle raison sa progression a été anormale et rechercher si elle peut être imputée à des cause objectives ; - dans la négative encore, décrire son préjudice notamment financier et en particulier perte de salaire, perte sur le montant du FNE, perte au titre des pensions de retraite, perte sur la prime de licenciement, étant précisé que le préjudice indemnisable doit s'être réalisé après le 7 novembre1972 ; - de manière générale, faire toutes recherches et constatations permettant à la cour de statuer sur les demandes ; -Subordonne l'exécution de l'expertise au versement par la SAS RENAULT d'une consignation de 4 000 ç au greffe de la cour, dans les deux mois de la notification du présent arrêt ; Dit qu'à défaut de paiement dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et l'instance poursuivie ; Dit que lors de la première réunion d'expertise, l'expert informera les parties sur le montant prévisible de sa rémunération ; Dit qu'en tant que de besoin il sollicitera un complément de consignation auprès du magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise ; Désigne Monsieur de CHANVILLE pour suivre les opérations d'expertise ; Dit que l'expert devra le tenir informé de toute difficulté rencontrée dans l'exécution de sa mission ; Dit
que l'expert devra déposer son rapport au greffe dans les quatre mois de sa saisine ; Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou du magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise, il sera procédé d'office à leur remplacement, par simple ordonnance du président de la chambre ; Renvoie la cause et les parties à l'audience du 16 novembre 2006 à 14 heures , la notification de la présente décision valant convocation des parties à cette audience ; Déboute M. Roger X... de sa demande de provision ; Réserve les dépens.
Arrêt prononcé par Monsieur Gérard POIROTTE, Conseiller faisant fonction de président, et signé par Monsieur Gérard POIROTTE, Conseiller faisant fonction de président et par Monsieur Pierre-Louis Y..., Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT,