COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRET No Code nac : 34C contradictoire DU 19 JANVIER 2006 R.G. No 04/07359 AFFAIRE : Antoine Maurice Jean X... C/ SCI DE LA NOUE ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No Chambre : 3ème No Section : No RG : 99/10339 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU Ministère Public REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Antoine Maurice Jean X...
... par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N du dossier 0440400 Rep/assistant : Me Charles PERRETIERE, avocat au barreau de PARIS (E.920). APPELANT [****************] SCI DE LA NOUE ayant son siège 171 rue de Bezons 78420 CARRIERES/SEINE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège. Monsieur Didier Y...
... par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU, avoués - N du dossier 250528 Rep/assistant : Me Jean-Pierre TOFANI, avocat au barreau de VERSAILLES. INTIMES [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2005 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, Président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, Ministère Public : l'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaitre son avis.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Antoine X... est associé de la SCI DE LA NOUE, par suite de souscription à une augmentation du capital intervenue dans des conditions controversées entre les parties et ayant généré un contentieux parallèlement pendant devant la cour, de 29.348 parts sociales sur les 249.348 composant le capital social.
En désaccord avec des décisions prises par une assemblée des associés réunie le 14 septembre 2000, il a engagé devant le tribunal de grande instance de Versailles une action contre la SCI DE LA NOUE et monsieur Didier Y..., gérant et associé, tendant à voir prononcer la nullité de deux résolutions emportant pour la première décision de céder un actif immobilier à Carrière sur Seine pour 1.200.000 francs (182.938,82 euros) et, pour la seconde, autorisation de transférer à monsieur Y..., moyennant le prix de 950.000 francs (144.826,57 euros) la charge d'une rente viagère.
Par un jugement rendu le 1er octobre 2002, cette juridiction l'a débouté de sa demande en annulation des résolutions et l'a condamné à payer aux défendeurs 2.200 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelant de cette décision, monsieur Antoine X... rappelle le contenu du droit à l'information des associés qui constitue, selon lui, un préalable indispensable à l'adoption des décisions collectives.
Il observe que celles litigieuses n'entrent pas dans la définition de l'objet social et explique que le gérant a refusé de répondre à ses
légitimes demandes d'information.
Il en tire la conséquence que l'assemblée est nulle et conclut à l'infirmation du jugement.
Il ajoute que le droit de vote peut être annulé s'il paraît abusif et observe que monsieur Y... n'a pas pu apporter la moindre explication et justification concrète quant à la cohérence et à la pertinence de la vente d'un actif social, d'autant que le prix en est, selon lui, inférieur à la valeur.
Il considère que monsieur Y... n'a apporté aucune justification du caractère avantageux pour la société de l'opération de transfert du contrat de rente viagère à son profit pour le prix de 950.000 francs (144.826,57 euros). Il discute au surplus le montant de la contrepartie.
Il affirme qu'il y a eu confusion flagrante entre les intérêts de la société et ceux personnels de monsieur Y... et soutient que les deux résolutions litigieuses doivent être annulées pour abus de droit de vote.
Il demande la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques et la condamnation de monsieur Y... à lui payer 8.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SCI DE LA NOUE et monsieur Didier Y... répliquent ensemble en soulignant la régularité en la forme des résolutions prises qui, selon eux, entrent dans l'objet social défini par les statuts.
Ils affirment que la cession immobilière et le transfert de la rente viagère ont été décidés dans l'intérêt de la société puisque étant de nature à apporter de la trésorerie immédiate et à la décharger du service d'une rente qui la privait de toute capacité d'emprunt.
Ils concluent au rejet de la demande de publication de l'arrêt en l'absence de celle préalable de l'assignation, à la confirmation du
jugement et réclament, chacun, à monsieur X... la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Ministère Public conclut à la confirmation de la décision en approuvant les motifs retenus par les premiers juges.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 27 octobre 2005 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 22 novembre 2005.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que l'assemblée litigieuse a été convoquée par lettre recommandée en date du 30 août 2000 qui comportait l'indication de l'ordre du jour, la mention de la faculté pour tout associé de se faire représenter et à laquelle étaient joints le rapport du gérant et le texte des résolutions proposées ;
Considérant que la régularité formelle de ces convocations n'est pas discutée ; que monsieur X... soutient que son information a été insuffisante alors que le projet des résolutions et le rapport du gérant lui permettaient d'avoir une parfaite connaissance de la nature et de la portée des résolutions soumises à l'assemblée ; qu'il s'agissait, pour la première, d'autoriser la cession des locaux en façade du 13 rue des Entrepreneurs à CARRIERES SUR SEINE à un sieur Z... pour un prix de 1.200.000 francs (182.938,82 euros) ; que la seconde concernait le transfert à monsieur Y... de la charge d'une rente viagère moyennant le versement d'une indemnité de 950.000 francs (144.826,57 euros) ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient monsieur X..., ces informations se suffisaient à elles-mêmes et point n'était nécessaire, pour le gérant, de présenter un exposé des motifs ;
Considérant qu'il est établi par les termes du courrier qu'il a adressé au gérant le 08 septembre 2000, que monsieur X... avait
une complète connaissance de la configuration de l'immeuble comme des conditions contractuelles et financières de la rente viagère dont le transfert était soumis à l'approbation des associés ; que, dans ces circonstances, n'est pas fautif le défaut de réponse de la gérance aux questions posées par écrit le 02 septembre dès lors que celles-ci visaient à obtenir des précisions que monsieur X... était lui-même en mesure d'énoncer dans sa lettre du 8 du même mois ;
Considérant ainsi que le grief d'une prétendue insuffisance d'information n'est pas fondé ;
Considérant qu'une société civile est une personne morale qui dispose d'un patrimoine propre, lequel est susceptible d'évoluer dans le temps par des modifications dans la structure et la composition des actifs et des passifs ;
Considérant que la circonstance que l'objet social statutaire est l'acquisition d'immeubles et notamment celle d'un immeuble sis à BEZONS (95), 27 boulevard du général Delambre, n'avait aucunement pour effet d'interdire la vente de l'actif social que constituait une construction sise à CARRIERES SUR SEINE ; qu'en effet l'objet social est défini comme pouvant être élargi à toutes opérations quelconques s'y rattachant directement ou indirectement, à la condition que le caractère civil se la société ne soit pas modifié ; qu'au surplus l'article 16 des statuts stipule explicitement que le gérant a les pouvoirs d'acheter, de vendre, d'échanger, d'apporter en société, aux prix charges et conditions qu'il jugera convenable tous biens mobiliers ou immobiliers ;
Considérant ainsi que monsieur X... ne saurait reprocher au gérant d'avoir réuni extraordinairement une assemblée générale ordinaire pour soumettre à l'approbation de l'ensemble des associés un projet qu'il aurait pu, en raison de ses pouvoirs statutaires, réaliser sans cet accord ;
Considérant que pour soutenir la nullité des résolutions, monsieur X... se réfère à l'article 1856 du code civil en affirmant que le droit à l'information des associés est sanctionné par la nullité qui s'attache à un défaut d'information ;
Considérant toutefois que l'article cité vise l'obligation pesant sur les gérants de rendre compte, au moins une fois par an, de leur gestion ; qu'en l'espèce l'assemblée ordinaire annuelle avait été régulièrement réunie le 30 juin 2000 au cours de laquelle avaient et approuvés les comptes et le rapport de la gérance ;
Considérant que monsieur X... prétend que la vente immobilière et le transfert de la rente viagère ne sont pas intervenus dans l'intérêt général de la société mais à celui particulier du gérant ; Considérant qu'à l'appui de cette affirmation il se borne à soutenir que le prix de vente de l'immeuble n'est pas conforme à celui du marché ce que dénient la SCI DE LA NOUE et monsieur Y... ; que monsieur X... se réfère à une expertise judiciaire de monsieur LE A... laquelle n'est qu'incomplètement produite aux débats ; qu'il revendique la détermination de la valeur de l'immeuble en appliquant au loyer encaissé un taux de capitalisation de 10% ; que, si la capitalisation des loyers est l'une des méthodes habituellement utilisées à cette fin, il en existe d'autres, notamment les valeurs d'assurance, les prix pratiqués dans le voisinage pour des biens comparables et l'état du marché à la date de l'opération ;
Considérant ainsi que la démonstration de monsieur X... se révèle incomplète et, partant, manque de force probante ;
Considérant que l'évaluation à laquelle a procédé la SCI DE LA NOUE de la valeur en capital de la rente viagère versée par la SCI au titre du paiement du prix d'acquisition de l'ensemble immobilier du 27/29 boulevard du général Delambre à BEZONS se trouve confirmée par
l'acte notarié dressé le 05 février 1999 autorisant la mainlevée de la garantie hypothécaire des crédirentiers sur l'immeuble et sa substitution par une affectation hypothécaire d'un bien immobilier appartenant personnellement à monsieur Y... ; que cet acte expose en effet que la rente annuelle est de 97.296 francs (14.832,68 euros) et confirme que les parties ont évalué à 973.000 francs (148.332,89 euros) le capital nécessaire pour son service ; Considérant que monsieur X... n'établit pas dès lors que le transfert de cette rente à la charge de monsieur Y..., moyennant le règlement par la SCI de 950.000 francs (144.826,57 euros), n'aurait pas été guidé par l'intérêt social alors que la SCI bénéficiait de la mainlevée de l'affectation hypothécaire ce qui, comme elle le prétend, facilitait sa capacité d'emprunt ;
Considérant que l'article 1844-10 du code civil édicte que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative de la loi ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ; que monsieur X... ne précise pas le texte légal qui serait de nature à entraîner la nullité qu'il demande ; que la seule constatation d'un désaccord d'un associé minoritaire avec la façon dont est gérée la société et son patrimoine ne saurait justifier une quelconque nullité ;
Qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit recevoir confirmation en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la SCI DE LA NOUE et à monsieur Y... la charge des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'engager en cause d'appel ; que monsieur X... sera condamné à leur payer, à chacun une indemnité complémentaire de 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte à l'appelant qui, succombant dans l'exercice de son recours, doit être condamné aux dépens d'appel ; PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne monsieur Antoine X... à payer à chacun de la SCI DE LA NOUE et de monsieur Didier Y... une somme complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice de monsieur Antoine X...,
Condamne celui-ci aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE-BOYELDIEU, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,